Les résultats des élections de 1990

Một phần của tài liệu Acteurs locaux et régionaux face aux transformations du pouvoir en russie, 1989 1999 (Trang 169 - 172)

CHAPITRE II A la recherche du politique : des mouvements informels au renouveau

II. L’émergence des mouvements démocratiques indépendants : l’état de grâce de la démocratie locale ?

II.2. Institutionnalisation locale des courants démocratiques

II.2.1. Les résultats des élections de 1990

La désignation de candidats par les collectifs de travail, spécificité propre à l’URSS inscrite dans la constitution de 1977183 va beaucoup compter dans la nomination et l’ộlection des ô professionnels ằ aux ộlections locales de 1990, de mờme que la réintroduction dans la réforme constitutionnelle de 1989 d’une procédure de nomination de candidats par des assemblées d’électeurs. Organisées par le soviet mais investies par les mouvements démocratiques, ces assemblées permettent la désignation, et dans de nombreux cas l’élection, de candidats indépendants. A Omsk, dans la perspective du scrutin, un certain nombre de regroupements se font jour pour donner un maximum de chances aux candidats de cette mouvance : front populaire fin 88, Union pour l’action commune de la perestrọka, Club d’électeurs en 89, puis le club Elections 90, créé spécialement pour présenter des listes communes aux élections des soviets locaux et régionaux de 1990.

Dans leur ensemble, les grandes villes basculent dans le camp des réformes et cette tendance est particulièrement sensible dans les villes de Moscou, Leningrad et Sverdlovsk dans l’Oural, ó les soviets tombent aux mains des candidats militants du bloc démocratique. Mais il ne faut pas oublier que la ligne de fracture passe aussi par l’intérieur du Parti, le Congrès de juillet 1990 marquant l’apogée de l’opposition entre les plates-formes rivales. On retrouve souvent une dichotomie ville/campagne à l’intộrieur d’une mờme rộgion : c’est le cas à Omsk, qui apparaợt comme une rộgion

ô hộsitante ằ entre les conservateurs et les rộformateurs, ú le secrộtaire d’obkom a ộtộ réélu mais ó la division ville/campagne est importante184 (Embree, 1991, 1077). Ce clivage est présent dans la région (cf. infra) tout au long de la période suivante, alors que la ville d’Omsk est rapidement à la fin des années 80 dominée par les courants réformateurs, venus à la fois de l’intérieur du Parti (notamment au niveau du Gorkom) et des mouvements informels.

Si les candidats de la mouvance démocrate remportent une majorité des sièges dans les villes de Moscou et Leningrad185, les candidats du Parti, malgré quelques sérieuses

183 Celle de 1936 ne permettait que l’élection de membres d’organisations sociales. cf. Danilenko (1991).

184 Voir annexe 6

185 Ils remportent pour le soviet suprême de la RSFSR 57 des 65 sièges de Moscou et 28 des 44 de Leningrad, sous la direction de G Popov et d’A. Sobtchak. La victoire est encore bien plus nette pour les candidats indépendants dans les Républiques, notamment les Pays Baltes.

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défaites, réussissent à se maintenir dans de nombreuses régions, notamment en zone rurale186 ; la présence de l’opposition dépend pour chaque région de la proportion entre zone urbaine et zone rurale, et l’on peut estimer à un tiers la minorité démocrate au sein du Soviet suprême de RSFSR187. Si l’on retrouve la division villes/campagne dans tous les votes clés qui font suite aux élections soviétiques de 1989 et russes de 1990, certains votes réformateurs sont majoritaires dans les deux cas188. Quant à l’équilibre géographique sur l’ensemble du territoire russe, en reprenant les mêmes critères189, sur les 73 régions de Russie, 25 auraient basculé du côté des réformateurs, 15 seraient encore dominées par l’appareil conservateur tandis que les 33 restantes seraient hésitantes, sans que l’on puisse dégager de frontières géographiques nettes190. Même si des plaintes furent déposées dans certaines régions, même si certains responsables locaux du Parti ont organisé le scrutin191, via les commissions électorales contrôlées par le comité exécutif régional (oblispolkom), de manière à ne pas affronter les candidats de l’opposition qui pouvaient les menacer, les élections locales de 1990 ont été dans l’ensemble véritablement démocratiques et pluralistes.

Il faut donc rechercher d’autres significations au vote de la plupart des régions et des zones rurales en faveur des élites en place : leur compétence politique, leur adaptation rapide à l’environnement concurrentiel, les ressources à leur disposition (matérielles, réseaux de relations, expérience des rouages192) bien plus importantes que pour les candidats démocrates, surtout en dehors des grandes villes, qui n’étaient pas préparés à la compétition politique (Helf & Hahn, 1992, 513).

L’exemple de Iaroslav peut témoigne de la complexité des évolutions. Les résultats des élections locales indiquent une percée très relative du front populaire local, formation associée au mouvement démocrate : 28 élus sur 166 au soviet de l’oblast, tandis que les

186 20 des 25 secrétaires d’obkom qui s’étaient présentés sont élus. Mais on peut souligner a contrario que seuls 20 des 77 s’étaient présentés…

187 350 sur 1 068 députés du soviet suprême de Russie.

188 En proportion de 200 / 63 en ville et 200 / 145 à la campagne pour l’abrogation de l’art. 6 de la Constitution, de 285 / 85 en ville contre 265 / 239 à la campagne pour la subordination du Parti à l’État.

En revanche, les représentants des zones rurales votent largement contre les réformes visant à supprimer l’emprise du Parti dans l’armée, la police ou la justice.

189 Sort du premier secrétaire d’obkom lors des élections, vote des députés de la région…

190 A la différence de la géographie politique et électorale qui se dessinera par exemple à partir de 1993.

cf. les ô trois Russies ằ, rộfractaire, attentiste et loyaliste à B. Eltsine (Mendras, 1993).

191 Un député démocrate d’Omsk indique cependant que dans cette région, les autorités avaient en 1990 procédé à un redécoupage électoral pour augmenter le nombre de circonscriptions rurales avec une faible densité d'électeurs : 126 circonscriptions urbaines et 124 rurales pour 250 sièges dans le soviet de l'oblast.

192 On dirait dans la Russie des annộes 2000 la ô ressource administrative ằ.

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candidats du Parti stricto sensu s’allient à ceux issus des administrateurs et des chefs d’entreprise pour former une confortable majorité issue de la nomenklatura et opposée aux rộformes. Le cas de la ville de Iaroslav elle-mờme est plus ambiguở car si la percộe du front populaire est encore moins importante (21 élus sur 179), le Parti également fait d’assez mauvais rộsultats : une ô troisiốme force ằ est composộe de candidats indépendants, essentiellement des professionnels, proposés comme candidats par une procédure de nomination sur leur lieu de travail. Dès la première session du soviet municipal, ils vont s’allier aux élus du front populaire local pour former une coalition démocratique largement majoritaire face à 17 élus se réclamant explicitement du Parti communiste. Cette situation s’est répétée dans un très grand nombre de villes, y compris dans les grandes mộtropoles de Moscou et Leningrad : ô Lorsque j’ai ộtộ ộlu en 1990, 90 % du soviet municipal était renouvelé. Les nouveaux élus étaient souvent issus des classes moyennes, notamment des milieux scientifiques ằ193.

La période antérieure au scrutin de 1990 a aussi permis à l’appareil, sentant venir le danger, de préparer avec habileté le scrutin pour se ménager des positions, en choisissant les lieux, les soutiens… Vitaly Tchernikov, maire réformateur de Kalouga entre 1991 et 1993 et participant actif des élections de 1990 note que les communistes se sont rabattus sur les oblasts au moment des élections de 1990. Du coup, ces soviets sont restés plutôt conservateurs laissant des places libres pour les nouveaux dans les soviets municipaux. Cette coupure rejoint la ligne de fracture au niveau fédéral puisque le Soviet suprême de Russie soutient les assemblées des villes tandis que celui d’URSS soutient les assemblées d’oblast194.

A Iaroslav un nouveau secrétaire régional nommé au début de la perestrọka est un représentant typique de la nouvelle vague de responsables régionaux, plus jeunes et choisis pour leurs compétences professionnelles, techniques ou gestionnaires, plus que pour leur carrière dans le Parti. Il avait par exemple donné raison dans un premier temps à des protestations contre l’envoi à Moscou comme délégué du Parti de l’ancien secrétaire régional du Parti pendant la période Brejnev. Puis il entre dans une stratégie de confrontation et de durcissement au fur et à mesure que se développent les

193 Entretien avec V. Maximov, député du soviet municipal de Saint-Pétersbourg et chercheur à l’institut de sociologie, St Pétersbourg, 25 avril 1993 (avant la dissolution des soviets par le président russe en octobre 1993).

194 Entretien avec Vitaly Tchernikov, ancien maire de Kalouga de 1991 à 1993 , 27 octobre 1994.

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mouvements d’opposition, front de soutien à la perestrọka195 et initiatives écologistes, qui demandent sa démission. Lors des élections fédérales de 1989, il tente de bloquer les candidats d’opposition mais ne doit lui-même sa réélection qu’à une circonscription rurale très reculée de la région ó il est le seul candidat. Lors des élections régionales de 1990, le pluralisme de la compétition électorale est réel, comme en témoignent l’organisation d’un second tour dans les deux tiers des circonscriptions, ainsi que l’émergence d’élus du bloc démocratique, mais qui sont toutefois loin d’emporter une majorité des sièges.

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