Kalouga : trois coups pour rien ?

Một phần của tài liệu Acteurs locaux et régionaux face aux transformations du pouvoir en russie, 1989 1999 (Trang 313 - 316)

CHAPITRE IV Crise de la représentation, tentatives de réinvestissement du politique-

I.1. La difficile reconstruction des assemblées locales et régionales

I.1.1. Un test du recul de la démocratie locale : les élections locales de 1994

I.1.1.2. Kalouga : trois coups pour rien ?

A Kalouga, un premier scrutin s’est déroulé le 27 mars 1994 pour élire le responsable des pouvoirs exécutifs municipal et régional : à la mairie, le maire sortant V.

Tchernikov n’a été battu que de 109 voix face à Minakov. De ce point de vue, la situation apparaỵt très différente de celle d’Omsk et de son maire Iouri Chọkhets, limogé en mars 1994 : le mandat de V. Tchernikov témoigne d’une tentative de modernisation de la gestion municipale et d’une réflexion sur les relations avec les élus.

L’ancien maire était convaincu de la nécessité de donner aux élus du soviet un rôle d’expression de demandes politiques et souhaitait clairement différencier cette fonction de celle de l’administration, dont il avait interdit aux salariés l’activité politique.

La seule institution représentative qui fonctionne à l’automne 1994 est l’assemblée législative régionale qui tente de résoudre le problème de l’organisation du pouvoir local mais ne parvient pas à adopter de statut (Oustav) pour la région. 28 des 30 sièges de l’assemblée législative régionale ont été pourvus, contre seulement 18 sur 37 pour la douma municipale, au bout de deux scrutins (mars et juin), un résultat encore très éloigné du quorum des deux tiers nécessaire. Non seulement le taux de participation a

464 Nadejdine : ô les dộputộs ne doivent pas ờtre fonctionnaires, sinon ce ne sont plus des reprộsentants du peuple, mais il faut trouver des possibilitộs d’indemnisation ằ; le maire : ô d’accord, mais si les dộputộs se mettent en disponibilitộ professionnelle pour accomplir une tõche prộcise pour la municipalitộ. ằ Chalynine : ô ce n’est pas normal dans ce cas que les fonctionnaires de l'administration municipale puissent aussi ờtre dộputộs ằ.

465. Des ộmissions sur la chaợne locale de tộlộvision en novembre et dộcembre 1994 ont notamment fait scandale.

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ộtộ trốs faible, mais bien souvent, c’est le pourcentage ộlevộ de ô vote contre tous ằ qui a invalidé l’élection466. Le désintérêt de la population pour la politique locale semble donc dépasser la moyenne. Au contexte général de la Russie, s’ajoutent les traces négatives du mandat de maire de V. Tchernikov, et une mauvaise volonté évidente de l’administration qui lui a succédé. Son responsable, Minakov se verrait très bien continuer à fonctionner sans pouvoir représentatif, considérant suffisante une douma au niveau régional, et n’hésite pas à l’affirmer ouvertement lors d’émissions de radio ou de télévision locales au beau milieu de la campagne électorale. La situation est assez paradoxale et témoigne du changement de période puisque Minakov était lui-même président du soviet municipal pendant la période Tchernikov et s’est durement opposé à l’administration pendant la période 1991-1993, ce qui expliquerait en partie son peu d’empressement, une fois passé dans le pouvoir exécutif, à avoir des élus en face de lui.

Comme le dit l’ancien maire, ô L’apathie est telle que les gens sont d’accord mờme s’ils se sentent par ailleurs concernés par les problèmes de leur ville ; mais un chef leur suffit ằ467. L’adjoint d’A. Minakov ne s’embarrasse guốre de prộcautions pour exprimer le point de vue de l’administration municipale : ô Mon point de vue personnel est qu’un pouvoir élu est nécessaire, ne serait-ce que pour contrôler ce que fait le pouvoir exécutif et pour ộviter la corruption des fonctionnaires. Mais il faut reconnaợtre que tous les députés ne souhaitent pas travailler sérieusement, certains sont là seulement pour défendre leurs intérêts, ou obtenir des commandes de l’administration dans le cas des entrepreneurs. On a essayé de réunir ceux qui étaient déjà élus [en mars et juin] mais on n’y est jamais arrivộ ằ468. Le maire de Kalouga est encore plus radical : ô dans les villes de moins de 500 000 habitants, il n’y en a pas besoin, ce seront des batailles politiques incessantes.(…). Pour le contrôle il y a le pouvoir judiciaire c’est assez, il faut des gens compétents, qui connaissent la ville et leur métier, par contre c’est absolument nécessaire que le maire soit élu par la population, la confiance du peuple est indispensable ằ469. Ces remarques confirment la dộlộgitimation du pouvoir reprộsentatif mais aussi la nécessité d’une figure populaire en la personne du maire.

466 Par ailleurs, pour être élu un candidat doit recueillir un pourcentage minimum de voix et il peut donc arriver que le vote contre tous ne permette pas au candidat arrivé en tête d’avoir suffisamment de voix.

467 Entretien avec Vitaly Tchernikov ancien maire de Kalouga de 1991 à 1993 – 27 octobre 1994.

468 Entretien avec Alexandre Sergeevitch Popov - 22 février 1995.

469 Entretien avec Analoly Ivanovitch Minakov - 23 février 1995.

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A quelques jours du scrutin complémentaire prévu pour le 30 octobre 1994, un fonctionnaire régional dit lui-même qu’il n’y a aucune information sur le vote, aucune campagne électorale et un de ses collègues résume ainsi l’indifférence qui semble gộnộralisộe : ô Comme ộlecteur, cela m’est ộgal de savoir ce qui relốve de la ville et de la région. La ville n’est pas si grande qu’il faille encore une assemblée élue ; il y a une administration qui fonctionne ; de toutes faỗons, tout le pouvoir est entre les mains du maire. Cette élection, c’est encore pour nous demander des impôts et nous prendre notre argent ằ470. Pour un politologue de la rộgion, la situation tộmoigne du retour des cadres de l’ancien système qui est en train de se généraliser en Russie. Ce ne sont pas forcément des partisans de l’idéologie communiste mais des gestionnaires, dont Minakov, le maire qui a succédé à V. Tchernikov, est un représentant typique en tant qu’ancien directeur d’usine.

Quelques années plus tard en 1997, un autre adjoint développe un discours toujours aussi nộgatif vis à vis des dộputộs : ô Ce serait mieux qu’il n’y en ait pas. Ils parlent, ils ne savent même pas de quoi, ils n’ont aucune idée. Si au moins ils faisaient quelque chose de leurs mains… Il y a des députés de toutes sortes, des communistes; des patriotes, des démocrates, des jeunes de 20 ans, un instituteur, l’autre médecin…

D’ailleurs, personne n’est venu me voir pour se mettre au courant des dossiers, et pourtant il y a une commission qui travaille sur les services communaux. Avant, il y avait Priakhan ; il avait l’expérience de l’usine de turbines, il avait de l’argent, du pouvoir ; si j’avais un problème, j’allais le voir, il le résolvait. Qu’est-ce que cela va me donner à prộsent d’aller voir un gamin de 20 ans ? ằ471.

Cette attitude est caractéristique du rejet méprisant de la part du praktik (praticien) envers les ô bavards ằ, et du dộsarroi d’un ancien homme de l’appareil qui ne peut plus faire fonctionner les anciennes filières de résolution des problèmes concrets. L’ancienne conception des députés comme élément d’un réseau ó l’on est sûr de qui on va trouver, de quelles seront ses compộtences, apparaợt clairement ici aux antipodes d’une conception de représentation des intérêts ou de relais des demandes sociales.

470Discussions avec différents membres de l’administration régionale de Kalouga, octobre 1994.

471 Entretien avec Vladimir Alexandrovitch Magala, adjoint du maire de Kalouga, responsable des services techniques, 9 avril 1997.

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