La crise de l’été 1998 : un test pour l’autonomie des régions

Một phần của tài liệu Acteurs locaux et régionaux face aux transformations du pouvoir en russie, 1989 1999 (Trang 283 - 286)

III. Verticale du pouvoir et auto-administration locale : le grand malentendu

III.1.4. La crise de l’été 1998 : un test pour l’autonomie des régions

Les réactions parmi les responsables régionaux à la crise financière de l’été 1998 sont également significatives. Quasi-unanimes à voir dans cette crise le résultat de politiques irresponsables menées à Moscou, les gouverneurs ont réagi en fonction de la manière dont leur région était touchée.

Au lendemain de la crise, la région d’Omsk ne s’est pas distinguée par des mesures particulièrement dures. La priorité était d’établir clairement les responsabilités du

14 holdings verticales (auxquelles s'ajoutent des groupes en province) intégrant production, raffinage et distribution. Mais c'est depuis 1995 que les compagnies financières ont pu renforcer leurs positions dans le secteur, grâce à l'opération "prêts contre actions" lancée par le gouvernement russe. Ainsi, 85% de Youkos appartiennent à Menatep, et 51% de Sibneft à la société financière Finansovaâ Neftânnaâ Kompaniâ, propriété de Boris Berezovski. Cf. Locatelli (1998).

414 Il rachète la totalité de l’entreprise lorsque B. Berezovski quitte la Russie en 2000.

415 Région situé dans l’Extrême Orient russe. R. Abramovitch a été élu député à la Douma fédérale en 1999, puis gouverneur en 2001 et confirmé dans son poste en 2005.

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gouvernement central dans la crise, ce qui permettait d’en exonérer la région. On préféra s’abstenir de toute confrontation sur les points sensibles : il n’a pas été question de monnaie de substitution, et le gouverneur n’a cessé d’insister sur la nécessité de maintenir l’ordre, la stabilité, et la verticale du pouvoir. L’administration régionale a annoncé essentiellement des mesures de renforcement de l’action et du contrôle des pouvoirs publics sur la vie ộconomique et sociale tout en ne voulant pas apparaợtre aux yeux des acteurs économiques comme trop interventionniste.

Le contrôle des activités bancaires a constitué une priorité dès les premiers jours de la crise. L’administration régionale n’a cependant pas voulu rejeter la faute sur les filiales régionales des banques moscovites et le gouverneur a tenu à préciser qu’elles n’avaient pas transféré de sommes importantes vers Moscou. En refusant de les désavouer, le gouverneur cherchait à la fois à prộserver l’avenir et à faire reconnaợtre le bien fondộ de sa stratégie vis à vis de ce secteur, qui repose sur une confiance étendue accordée à un petit nombre de banques implantées dans l’économie régionale et une grande méfiance vis à vis des tentatives d’intrusions non contrôlées. La région d’Omsk n’a d’ailleurs pas dộcidộ de la crộation d’une ô banque du gouverneur ằ, initiative prise dans d’autres régions, mais a annoncé qu’elle désignait la Promstrọbank comme la banque de référence, en quelque sorte garantie par les autorités régionales qui incitent fortement les acteurs économiques à traiter avec elle. Par ailleurs l’administration régionale a élaboré un système de recouvrement des dettes autour des créanciers et des débiteurs d’Inkombank, plus grosse filiale de la banque en province. Ce mécanisme a évité la déroute à la banque qui avait la confiance (et en partie l’argent) de l’administration, et a permis le remboursement d’un certain nombre de déposants privés, diminuant ainsi les tensions politiques et sociales envers le gouverneur. Il a ensuite été étendu avec des variantes à d’autres régions416.

Élément significatif d’une certaine distance vis à vis de la crise, la session extraordinaire de l’Assemblée législative régionale le 9 septembre 1998 s’est ouverte sur une déclaration du gouverneur qui mettait en avant les tendances positives dans le développement économique de la région, grâce notamment à la concrétisation de

416 Cf. P'yanykh gleb, "Poshla platit' guberniya (la province est allée payer)", Kommersant (weekly), March 23, 1999. A Omsk, le schéma était le suivant : Le gouverneur a ordonné aux entreprises de payer leur dettes à la banque directement aux épargnants qui, en échange cèdent aux entreprises les droits sur leurs dépôts.

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plusieurs projets mis en place par l’administration régionale : Reconversion des entreprises militaires dans la production d’équipements pour la pétrochimie, joint- venture avec Volvo, installation du gaz dans les zones rurales etc. Il renvoie la responsabilitộ à Moscou : ô nous avons agi activement et correctement. Mais les causes générales de la crise étaient là, à savoir les erreurs patentes commises par l’État dans le cours des rộformes ằ. Les autoritộs rộgionales cherchent à signifier, autant aux dirigeants économiques locaux qu’à l’opinion publique et qu’à Moscou, qu’elles ne sont pas sans ressources : ô Il ne faut pas prộsenter la situation comme sans issue. Nous avons des forces et la capacité de faire beaucoup, mais il faut agir avec retenue, fermement peut-ờtre mais dans le cadre lộgal ằ417.

La région d’Omsk est restée assez imperméable à une crise d’abord moscovite, en raison du caractère non monétaire de nombreux échanges et grâce à la présence d’un important secteur agricole et agro-alimentaire qui assure à la région non seulement la subsistance mais une monnaie d’échange en nature contre d’autres ressources ou biens industriels. Pour Omsk comme pour la plupart des autres régions, l’affaiblissement du pouvoir central est un souci supplémentaire autant qu’un avantage. La dépendance à l’égard des transferts fédéraux reste très importante car ce sont eux qui permettent le paiement des salariés du secteur public, qui sont aussi des électeurs et seront les premiers à manifester leur mécontentement.

Si Omsk a fait preuve, une fois encore d’une certaine modération dans ses réactions, D’autres régions ont pris une position beaucoup plus dure, certaines prenant la décision unilatérale et spectaculaire de fermer la frontière administrative pour protéger les marchés alimentaires ou de procéder à une émission monétaire. Destinée à réaffirmer l’unité de la région et sa capacité à faire face à l’adversité venant de l’extérieur, l’activation de cette notion de frontière avait une portée symbolique forte418. Présentées comme visant à assurer la survie des régions, ces mesures étaient aussi destinées à assurer la survie politique des gouverneurs, à un an des nouvelles élections. Très mal

417 Omskij Vestnik, 10 septembre 1998.

418 Il est vrai que les frontières territoriales sont à l’intérieur de la Russie physiquement marquées par des postes de contrôle de la police de la route, dont les barrières peuvent être fermées, sachant que les axes routiers sont peu nombreux et qu’il est donc assez facile de contrôler les entrées et sorties de camions par exemple, à tout le moins de donner fortement l’impression que le contrôle est effectif. La fréquence et l’importance de ces frontières territoriales sont plus marquées encore lorsqu’il s’agit des Républiques, notamment bien sûr dans des régions en conflit comme le Nord-Caucase.

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ressenties des autorités centrales, ces réactions ont suscité la crainte d’une nouvelle fronde des régions, qui mettrait un terme à la stabilisation du milieu des années 1990.

peut penser que ces événements ont contribué à construire à nouveau une image des régions comme menace pour le pouvoir central, une menace que V. Poutine va utiliser dès son arrivée au pouvoir en luttant contre les fiefs régionaux au nom de la restauration de l’unité de l’État.

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