III. Verticale du pouvoir et auto-administration locale : le grand malentendu
III.2. L’auto-administration locale : discours utopique et conflits de pouvoir
III.2.3. Déplacement du conflit principal à Omsk : le maire contre le gouverneur
Le centre voyant avec inquiétude le poids pris par les gouverneurs et les administrations régionales qui ont eu en main les leviers du pouvoir depuis fin 1991, il arrive assez frộquemment qu’il encourage, directement ou en sous-mains, la ô fronde des maires ằ, qui se traduit par de sérieux conflits entre pouvoir régional et pouvoir municipal.
Motivés au début des années 1990 par les divisions idéologiques et par des intérêts directement liés au partage des bénéfices de la privatisation, ces conflits portent à partir de 1995 avant tout sur les problèmes de répartition des compétences et des ressources budgétaires et fiscales, indispensables au développement économique et social de chaque entité territoriale. Avec le vote de la loi de 1997 sur les finances locales qui ccmplète celle de 1995 sur les principes généraux de l’auto-administration locale, les municipalités, notamment lorsqu’il s’agit de villes disposant de ressources importantes, se voient dotées de possibilités qu’elles n’avaient pas jusqu’alors en terme de gestion budgétaire (Young, 2004).
Ces conflits sont d’autant plus exacerbés qu’ils deviennent structurels et renvoient aux lacunes législatives, à l’absence de normes et de procédures de résolution des conflits.
L’observation de ces mêmes conflits dans d’autres régions conduit à penser qu’il s’est établi une sorte de règle en la matière : les impasses et les contradictions juridiques et économiques sont telles que des conflits importants sont pratiquement inévitables dès lors que l’une des deux entités ne domine pas exclusivement, comme si aucun équilibre entre la subordination et la guerre n’était possible. Ainsi, aux défauts d’institutionnalisation qui caractérisent les régimes politiques régionaux, s’ajoutent ceux du gouvernement local, qui trouvent leurs sources dans un défaut d’institutionnalisation
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au niveau fédéral mais qui revêtent aussi une dimension régionale propre (Slider, 2004)430.
Le problème repose sur un paradoxe qui entretient la confusion. Tout le discours sur l’auto-administration locale en Russie souligne une différence de nature entre la verticale du pouvoir, qui vient du centre pour s’arrêter au niveau de la République ou de la région, et les institutions d’auto-administration locale, qui tireraient leur légitimité d’en bas ằ, de la sociộtộ, en se situant au plus prốs d’une dộmocratie participative. La réalité du pouvoir, et l’exemple d’Omsk le montre bien, est toute autre : si les uns et les autres s’accusent d’empiéter sur leurs prérogatives respectives, c’est justement parce qu’ils entendent partager les mêmes ressources et gouverner avec les mêmes outils, le conflit portant sur la répartition entre les différents échelons.
Le conflit qui a opposé la ville d’Omsk, à l’administration régionale, avec des phases diverses et contradictoires, est devenu un élément central de la vie politique et économique de la région, mais il n’est pas facile de distinguer les prétextes des causes profondes. L’existence de telles oppositions est classique dans de nombreuses régions431, mais ce face à face a pris d’autant plus d’importance dans la région d’Omsk qu’aucune autre ville ne peut fournir de contrepoids en ressources économiques ou politiques. Non seulement la capitale régionale rassemble à elle seule plus de la moitié de la population, mais les autres centres urbains de la région ne dépassent pas 25 000 habitants432.
430 Voir aussi Leonid Smyrniaguin, “Mayors Against Governors ?”, Russian Regional Report, vol. 4, n°9, 11 mars 1999.
431 On pense en premier lieu à la région de Vladivostok ó le conflit qui tient largement aux personnalités en présence et à des caractéristiques locales très fortes est allé jusqu'aux instances judiciaires. A Kemerovo, A. Touleev a longtemps opposé sa popularité et sa position de président de l'assemblée régionale au gouverneur Mikhạl Kisliouk. L'élection d'Aman Touleev comme gouverneur en 1997 devait logiquement apaiser la situation mais la nouvelle assemblée élue en 1998 veut se faire entendre et son président Filatov ne tarde pas à entrer en conflit avec Touleev. Dans la région de Sverdlovsk, le maire de Ekaterinburg, Arkadiù Chernetsky, candidat pour l'ộlection du gouverneur prộvue en aỏt 1999,est le principal rival d'Eduard Rossel. A Novosibirsk, le gouverneur Vitali Mouka tente de transférer à la région une part plus importante de l'impôt sur le revenu, au détriment de la ville et surtout de son maire, Viktor Tolonkonski, possible rival du gouverneur en décembre 1999. Russian Regional Report, internet edition, 4 (13), 7 avril, 1999. L'édition du 1er avril rapporte des faits similaires pour la région de Tver : comme à Omsk, la ville "donneuse" nette, se plaint de ne pas recevoir de financement à hauteur de sa contribution et surtout à la hauteur des charges courantes et des programmes qu'elle est chargée par la région de financer. Les maires de l'association des villes de Sibérie et d'Extrême-Orient, réunis en novembre 1998, ont dénoncé le "totalitarisme" des gouverneurs qui ont profité des mesures d'urgence à l'occasion de la crise d'aỏt pour contrơler plus étroitement les finances municipales. Russian Regional Report, internet edition, 3 (46), 19 Novembre 1998.
432 Omsk compte de ce fait les 4/5 de la population urbaine de la région.
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Deux véritables camps sont en présence et divisent tous les acteurs de la région, à commencer par les médias qui se livrent une guerre sans merci. Cette surenchère par journalistes interposés est moins risquée que des prises de position directes du maire ou du gouverneur, qui se réservent ainsi la possibilité de négocier. D’ailleurs, lors d’une session de l’assemblée régionale, le gouverneur a coupé court à la discussion sur ce sujet en rộpliquant au maire : ô Tous les mộdias sont engagộs : la moitiộ pour la ville ; l’autre moitiộ pour la rộgion ằ433. La bataille des journaux a culminộ pendant les élections législatives régionales de mars 1998 avec, notamment, des titres virulents dans la presse municipale contre les entrepreneurs proches de l’administration rộgionale (ô la mafia d’Omsk ằ ou ô les Mavrodi d’Omsk434 ằ), et s’est encore exacerbộe avec deux événements successifs survenus en mars 1999. La tentative d’assassinat contre le vice- gouverneur a suscité dans les publications proches de l’administration régionale des accusations à peine voilées mettant en cause l’administration municipale qui aurait pu vouloir éliminer un futur candidat au poste de maire, en décembre 1999435. La confrontation a pu aussi prendre pour objet des événements totalement extérieurs à la région, ainsi le début des frappes aériennes en Yougoslavie qui a donné aux partisans des uns et des autres une nouvelle occasion de surenchère : le maire s’est associé aux communistes et au parti nationaliste de Sergueù Babourine pour condamner violemment les bombardements et appeler à soutenir la Serbie. L’administration régionale, appelant au calme et mettant en garde la population contre les débordements, s’est vue accusée par la presse municipale d’ờtre un ô suppụt de l’OTAN ằ.
Depuis 1997, les autorités municipales ont cherché à étendre leurs compétences sur les affaires de la ville, souhaitant ne laisser à l’administration régionale que le strict minimum des fonctions administratives de l’État (police, douanes, impôt…). En témoigne la bataille autour du statut de la ville en 1997. Les autorités municipales voulaient obtenir pour la ville d’Omsk le statut de ô centre administratif ằ, et prendre ainsi directement les décisions qui s’appliquent à son territoire. Faisant par exemple
433 Oreol Express n°2, 15 janvier 1998, p.5
434 Allusion à un homme d’affaires qui avait mis en place le célèbre fond d’investissement MMM au début des années 1990, une pyramide financière dont l’effondrement avait causé la ruine de très nombreux épargnants dans tout le pays.
435Omskij Vestnik 23 mars 1999, p.1 ; Kommerčeskie vesti, n°11, 1999, p. 2. Le service de presse de l'administration avait donné le ton dans son communiqué de presse : "la guerre de l'information était décidément devenue une vraie guerre".
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remarquer que la date et le déroulement des samedis travaillés (soubbotniki)436 à la fin de l’hiver sont décidés pour la ville par le gouverneur, un membre du conseil d’experts de l’administration régionale notait que le maire, V. Rochtchoupkine était dans la situation d’un maire d’un petit village, ce qui ne correspond en rien à la taille réelle de la ville, à sa population et à son poids ộconomique437 ằ. Les compộtences du maire et celles du gouverneur sont définies par leurs assemblées élues respectives qui ne travaillent pas ensemble et peuvent prendre des décisions parfaitement contradictoires sur un même sujet. Le gouverneur voulait quant à lui renforcer la position du pouvoir d’État et entendait bien que toutes les mesures contenues dans l’Oustav (statut) de la ville qui faisaient d’Omsk un centre administratif soient prises en accord avec l’Assemblée législative. Ce projet demandait une modification du statut et a donc été soumis au vote de l’assemblée régionale qui l’a accepté en première lecture. Il n’a manqué ensuite que deux voix pour atteindre la majorité des deux tiers permettant de passer outre le veto du gouverneur et d’entériner le projet438.
Les batailles qui reviennent chaque année pendant toute cette période autour du budget illustrent le problème. Après deux mois de sessions houleuses consacrées à cette question, l’assemblée législative régionale a adopté, le 23 mars 1999, par dix-neuf voix contre dix, le projet de budget pour l’année 1999. Les dépenses prévues sont de 5 218 millions de roubles pour 3 130 millions de roubles de recettes. Les critiques des opposants portaient sur des points économiques (non prise en compte de l’inflation de 1998, pas de reports des arriérés de salaires du secteur public et des allocations familiales) et politiques (subventions accordées à l’équipe de hockey et à des médias proches de l’administration régionale). Le déficit prévu était d’environ 40% et ni les amendements de l’opposition communiste, ni ceux des Partisans de l’administration municipale n’ont été retenus439. Ils reprochaient au projet de la région de contredire les priorités sociales affichées, et surtout de diminuer de beaucoup la part des dépenses consacrée aux transferts vers le budget municipal : 24% contre 33% en 1998. Le maire
436 Du mot soubbota (samedi) : les soubbotniki étaient des samedis de travail volontaire dans l'entreprise ou dans son quartier, généralement consacrés à l'entretien ou au nettoyage, particulièrement à la fin de l'hiver. En vigueur de manière obligatoire pendant la période soviétique, ils ont été maintenus ou rétablis dans un certain nombre de municipalités.
437 Entretien avec V. Driaguine, directeur du centre de recherches Gueptisentr,, 14 avril 1997.
438 A cette occasion, le conflit a traversé l'Assemblée législative avec des députés chefs d'administration des districts municipaux qui ne peuvent entrer en contradiction avec le maire bien qu'ils soient membres de l'assemblée de la région.
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avait exigé que soit reversé à la ville 50% de l’impôt sur le patrimoine et 50% des droits d’accises sur l’alcool et autres taxes commerciales. Mais une commission d’enquête de l’assemblée régionale a fait entériner par les députés régionaux le constat d’une mauvaise gestion par la ville de son budget 1998. Elle aurait eu notamment, contrairement aux affirmations de la mairie, de quoi payer les salaires des enseignants.
L’accord bilatéral de répartition des compétences entre Moscou et la région d’Omsk, signé en mai 1996, a en effet réparti la charge des salaires entre le budget fédéral, qui transfère les sommes aux autorités régionales, et le budget municipal, lui-même largement alimenté par les transferts des échelons supérieurs. Mais ceux-ci parviennent à destination substantiellement amputés.
En présentant le budget de la ville pour 1998440, le maire d’Omsk met en relation l’obligation d’économies avec les conséquences de la privatisation, qui oblige la municipalité à chercher de nouvelles ressources pour le soutien aux investissements et au développement économique, en l’absence de réforme de la législation fiscale. Il lui faut donc lever des impôts locaux, mais aussi rationaliser l’organisation des services municipaux pour économiser sur le budget441. Affichant un souci de protection de ses administrés, le maire déclare se fixer comme objectif de faire accepter par Moscou une exception qui exempterait Omsk, suivant l’exemple de Moscou, de suivre la nouvelle législation en matière de réforme des services communaux. Le maire s’efforce d’obtenir de Moscou ce privilốge qui ferait de lui ô un second Loujkov ằ avec les avantages en termes de prestige que cela comporte. Ce positionnement n’est pas sans rappeler l’obtention par l’équipe municipale précédente, en 1992, du privilège partagé par quelques villes de privatiser pour leur compte des biens d’importance fédérale (cf. supra chap. III section II). C’est aussi le signe que les efforts de la capitale de l’oblast pour se distinguer et accroợtre son poids politique face à l’administration rộgionale vont au delà des hommes qui la dirigent à une période donnée.
Le conflit sur le paiement des instituteurs et des médecins des urgences s’est envenimé jusqu’à une grève sans précédent début mars 1999. Le maire a fait appel au gouvernement central en la personne du vice-premier ministre V. Matveenko qui a
440 Večernyj Omsk, n°5, 10 janvier 1998.
441 Ainsi, la municipalité a fait réaliser des audits sur le département de l'eau et sur le département de l'urbanisme et opéré une réorganisation qui a permis d'économiser respectivement 6 et 7 milliards de (anciens) roubles.
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débloqué 100 millions de roubles en exigeant du gouverneur qu’ils soient en intégralité transmis à la municipalité pour le paiement des salaires. L’administration régionale, quant à elle, assure que la ville avait suffisamment de moyens sur son budget pour honorer ses engagements442. Pour 1999, le budget régional a provisionné et inscrit dans un document ad-hoc une somme destinée aux salaires des enseignants pour douze mois.
A la municipalité de décider qui doit payer les enseignants : si c’est elle, elle aura cette somme, mais devra la consacrer à cet usage ; si elle considère qu’elle est dans l’incapacité de le faire, alors l’administration régionale le prendra en charge mais gardera la somme…
La municipalité a aussi utilisé depuis 1997 une stratégie de pression par des tracasseries administratives (commission sanitaire, contrôle des patentes…) à l’encontre des entreprises, mais surtout par la création d’impôts locaux, possibilité figurant dans la loi fédérale sur l’auto-administration locale de 1995. Cette politique qui consiste à se procurer directement des ressources pour l’administration de la ville vise à rétablir ce que les dirigeants de la municipalité estiment être justice, puisque ces entreprises sont situées sur son territoire. Puisque c’est avec la richesse de la ville que vit la région -la contribution fiscale de la ville-centre au budget de la région est estimée jusqu’à 90%, la ville doit en avoir un bénéfice en retour. Les taxes locales sont de toute nature : taxe de séjour pour les étrangers, une taxe d’aéroport, un droit d’enregistrement pour les biens immobiliers, etc. La plus importante concerne cependant la voirie : 2% des bénéfices ont été demandés aux entreprises, ce qui aurait amené Sibneft à payer 30 milliards de (anciens) roubles depuis 1996. En riposte, de nombreux acteurs économiques ont établi leur domiciliation officielle hors des limites administratives de la municipalité. Sibneft, principal contributeur du budget via la raffinerie ONPZ, s’y résout à son tour en juillet 1998. La ville a répliqué en juillet 1998 par un arrêté qui augmentait la taxe à 60 (nouveaux) roubles par tonne de pétrole raffiné, décision contestée en justice par Sibneft443 et à laquelle l’administration régionale a répondu à son tour en cessant les transferts budgétaires au budget municipal.
442 Cf. notamment Kommerčeskie Vesti, n°9, 1999 ; Večernyj Omsk, 10 mars 1999.
443 Yuri Grekov, "Predpriâtiâ 'begut' iz goroda v oblast' (firms are rushing out of the city, in the oblast')", Nezavissimaya gazeta, October 10, 98 ; "Governor, mayor fight over tax revenue in Omsk", EWI Russian Regional Report, internet edition, 3, (44), November 5, 1998.
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A l’approche des élections de 1999, certains cherchent à miser sur les maires contre les gouverneurs dans les grandes villes ó le chef de l’exécutif municipal, bénéficie, comme le gouverneur, de la légitimité du suffrage universel et gère un territoire ó se trouve concentrée la puissance industrielle et financière. Des promesses de transferts ou subventions ne feront que rajouter un acteur au jeu des accords bilatéraux entre le centre et les sujets de la Fédération. Sur le terrain, les institutions de l’auto-administration locale, fragilisées et parfois remises en cause dans leurs principes même, ont de plus en plus de difficultés à financer des programmes imposés par les échelons supérieurs sans contreparties financières.
Le conflit s’explique aussi par une autre série de facteurs, des rivalités symboliques et personnelles entre deux personnalités issues de l’ancien système, toutes deux remarquées pour leur profil de gestionnaire mais qui n’ont ni l’une ni l’autre été des figures politiques de premier plan. Le maire, Valeri Rochtchoupkine est aussi l’ancien adjoint fidèle, installé dans sa fonction par le gouverneur, tombé en disgrâce au fur et à mesure qu’il affirmait une certaine ambition pour la conduite des affaires de sa ville.
Une experte chargée de l’auto-administration locale au sein de l’administration rộgionale l’explique ainsi : ô c’est une question de jalousie de parents face à la soudaine maturité de leur enfant (…) Tout cela est un problème de maturité civique et politique ; malheureusement, les gens en restent au niveau des relations personnelles et on n’arrive pas à renverser cet ộtat de fait ; ces relations subsisteront de toutes faỗons, mờme s’il y a des changements politiques, juridiques ou fiscaux ằ444.
Autre levier sur lequel compte le maire d’Omsk dans son combat, l’engagement au niveau fédéral pour l’auto-administration locale au sein d’associations de villes et de diffộrents comitộs. En tộmoigne une confộrence sur ô l'auto-administration locale en tant de crise ằ, organisộe à Omsk à l'initiative du maire à l’ộtộ 1998, en pleine crise financière. Un certain nombre d’experts moscovites et de représentants d’autres régions s’y sont rendus pour dénoncer la toute puissance des gouverneurs, notamment sur le plan fiscal, et leurs prétentions à établir jusqu'aux échelons les plus bas la verticale du pouvoir, et s’alarmer de l'absence d'une véritable auto-administration locale en Russie.
Les participants semblaient aussi attendre le salut d’un nouveau gouvernement fédéral
444 Entretien avec Taissa G. Zạtseva., responsable de l'auto-administration locale au sein de l'Assemblée législative, le 17 avril 1997.
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qui prendrait enfin en compte leurs demandes en instaurant un soutien financier direct aux municipalitộs qui garantirait leur autonomie face au risque de ô retour du fộodalisme ằ445. L’hebdomadaire ộconomique proche du gouverneur tourne en dộrision le contenu de la confộrence en termes choisis : ô Quand un bordel ne rapporte pas, on ne change pas les lits, on change les filles. Reste à savoir qui sont les filles : le pouvoir, le peuple, ou les hommes d'affaires ằ446.
Exemple d’une victoire politique de la région sur la ville, l’accord de coopération signé avec la mairie de Moscou, qui fournit à l’une des grosses entreprises militaires, peinant depuis plusieurs années à se reconvertir, une commande substantielle de pièces détachées pour les nouveaux modèles de voitures Moskvitch. A l’invitation du maire et de l’Association des villes de Sibérie et d’Extrême Orient (dont le maire d’Omsk est le vice-président), Iouri Loujkov était venu à Omsk début mars 1998 pour y vanter les mérites de l’auto-administration locale en général et de sa mise en œuvre par la municipalité d’Omsk en particulier. Il y avait été fortement question d’accord de coopération économique447. Mais c’est avec l’administration régionale que le maire de Moscou a finalement signé un accord le 2 avril 1998. Même si c’est au bénéfice d’une entreprise que celui-ci se conclut, la nuance est de taille et montre le rôle décisif de l’administration dans les politiques économiques, jusqu’au niveau de l’entreprise.
L’accord de coopération avec la firme automobile moscovite est aujourd’hui sur les rails et pourrait déboucher sur une aide de la firme moscovite pour installer sur le site de l’ancienne entreprise militaire Baranov, qui peine à se reconvertir depuis des années, une unité propre de construction automobile. A l’approche des élections, un soutien officieux au maire de Moscou apparaợt aussi dans des articles ộlogieux de la presse proche de l’administration régionale448.
A l’automne 1998, la région avait marqué un autre point décisif dans sa lutte pour le renforcement du pouvoir d’État dans la région en faisant passer sous sa tutelle directe,
445 S. Bogdanovski, ô Uctoõt li goroda pod naporom feodalov (les villes tiendront-elles contre la pression des feodaux ?) ằ Oreol ekspres, n°39, 1998.
446 ô Mestnomu samoupravleniỷ zakony mešảt" (les lois gờnent l’auto-administration locale) ằ, Kommerčeskie vesti, n°39, 1998.
447 V. Grannik, "Vse mery v gosti k nam (tous les maires invités chez nous)", Vremâ, March 4-10, 1998, p. 12.
448 Cf. V. Ûr'ev, "Kakoj politik nužen strane segodnâ", Omskij Vestnik, 4 mars 1999.