Délitement des partis politiques porteurs des idées de la perestrọka

Một phần của tài liệu Acteurs locaux et régionaux face aux transformations du pouvoir en russie, 1989 1999 (Trang 328 - 331)

CHAPITRE IV Crise de la représentation, tentatives de réinvestissement du politique-

I.1. La difficile reconstruction des assemblées locales et régionales

I.2.2. Délitement des partis politiques porteurs des idées de la perestrọka

Après aỏt 1991, s’ouvre une période extrêmement différente et difficile pour le système politique en formation. C’est autour de la question de l’État, de l’équilibre constitutionnel entre les différents pouvoirs, de la construction du fédéralisme que vont se jouer les principaux enjeux. C’est dans ce cadre que les partis politiques sont amenés à se positionner, alors même que les mouvements démocratiques qui ont soutenu B.

Eltsine depuis plusieurs années vont pour la plupart accepter une auto-limitation de leur champ d’action, en admettant transitoirement la prédominance d’un pouvoir exécutif fort pour que la mise en place des réformes ne soit pas freinée par des résistances des anciennes structures502.

Paradoxe, les mouvements et partis politiques démocratiques qui ont largement contribuộ à porter B. Eltsine au pouvoir et continuent de le soutenir avec les ô comitộs de soutien aux rộformes ằ, lui signent un blanc-seing, que celui-ci accepte tout en faisant le choix de ne s’associer directement à aucune formation politique. Il manque pour la stabilisation du système de partis la formation d’un parti majoritaire de soutien aux réformes et au nouveau pouvoir. En réalité, les grands principes du régime eux- mêmes ne sont pas stabilisés : les conflits internes, qui vont par exemple miner le bloc Russie démocratique portent sur ces éléments constitutifs et non sur telle ou telle politique menée par un régime qui ferait consensus. Cette observation faite pour la Russie rejoint l’hypothèse de G. Sartori : un conflit portant sur les fondamentaux d’un régime politique, l’équilibre des pouvoirs, l’identité nationale ou la construction de l’État ne peut constituer une base pour la démocratie, ce qui explique qu’en Europe, les partis politiques se soient constitués après la consolidation des États-nations et la résolution des crises de légitimité (Sartori, 1976, 16-17).

Les points de divergences portent essentiellement sur l’équilibre des pouvoirs entre exécutif et législatif, les radicaux reprochant à la direction de la formation Russie démocratique son abandon des principes démocratiques et son abdication devant un nouveau pouvoir autoritaire en train de remplacer le précédent. Sur la question du fédéralisme, autre sujet de divergence fort, plusieurs formations politiques importantes

502 C’est d’ailleurs cet argument qui sera utilisé par le pouvoir exécutif tout au long de son conflit avec le Parlement qui mène à sa dissolution sanglante d’octobre 1993.

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membres de la coalition la quittent après le congrès de novembre 1991, après que certains de ses membres ont tenté sans succès de faire accepter par le président russe la mise en place d’un traité fédéral reposant sur l’adhésion volontaire des républiques à la fédération : une grave crise s’était ouverte en novembre 1991 avec la déclaration d’indépendance de la Tchétchénie et la proclamation de l’état d’urgence par B.

Eltsine503. Un nouveau bloc se forme, à la tonalité plus nationaliste, qui met l’accent sur l’intégrité territoriale et la nécessité d’éviter toute nouvelle fragmentation de la Russie, position qui va correspondre à celle du gouvernement russe dans les années qui suivent, sous l’influence notamment du ministre des nationalités S. Chakhrạ (Weigle, 1994).

Les divergences portent aussi sur les réformes économiques et sociales mises en place : si l’ensemble des mouvements démocratiques soutient l’introduction de l’économie de marché, des désaccords apparaissent rapidement sur la manière dont sont menées les privatisations : en accordant une trop grande place aux responsables des anciennes structures de l’appareil industriel soviétique, elles lèsent les petits entrepreneurs, qui ont pourtant constitué une base sociale importante de la politique de réforme. Des formations comme Nouvelle Russie d’O. Roumiantsev demandent l’établissement de rốgles du jeu plus dộmocratiques pour ộviter les ô privatisations nomenklaturistes ằ. Le rôle des grands industriels est confortée par la place importante accordée par le président russe à A. Volski, président de l’Union des industriels et responsable d’un nouveau parti qui s’allie à la coalition de centre droit formée par le vice président A.

Routskọ et l’ancien responsable du Parti démocratique de Russie N. Travkine, et prennent une influence croissante sur les choix économiques de B.Eltsine au cours de l’année 1992. Cette configuration politique au sommet de l’État et à Moscou se fait suivant une ligne qui rassemble les partisans de la démocratie et des libertés politiques sur une option économique très libérale tandis que les partisans d’un maintien du soutien de l’État dans l’économie et les entreprises sont considérés comme les tenants du conservatisme et de l’ancien système.

Mais Russie démocratique n’a pas survécu au risque de démobilisation induite par la

ô victoire ằ de 1991 et s’est effondrộe de l’intộrieur (Flikke, 2005). Lorsque c’est la stratégie interne de survie de l’organisation qui s’est mise à primer sur les objectifs politiques, elle s’est révélée incapable d’être une force politique soit pour accompagner

503 L'indépendance est proclamée par le général Doudaev le 1er novembre 1991, et l'état d’urgence le 8.

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la politique du nouveau régime, soit pour en constituer une éventuelle opposition. Ces éléments expliqueraient l’impossibilité ultérieure de construire un système de partis classiques. Ce qui est sorti de la perestrọka ressemblait à une ô sociộtộ de mouvement ằ facilement manipulable, et sans préexistence d’une société civile qui a pu servir à générer des intérêts politiques mais n’a pas développé de mécanismes ni d’organisations solides pour représenter les intérêts de la société. Et en effet, au milieu des années 1990, le paysage politique russe était essentiellement constitué autour de la question de sécuriser la relation avec les institutions étatiques et non avec la société.

En 1995, un militant de Choix de la Russie, ancien député de 1990 à Omsk, tente de tenir un discours qui justifie positivement l’expérience passée et explique la marginalisation présente dans la nouvelle assemblée par les défauts du système, mais sans y croire tout à fait lui-même.

ô Je suis encore membre de Vybor Rossii, [Choix de la Russie] on est à peine cinquante, encore moins de membres actifs, mais on est un parti libéral normal, humain (…) J’essaie de faire du lobbying en faveur des réformes dans la région, mais l’idée même de réforme est discréditée, tout le monde pense que la situation actuelle est de la faute des démocrates alors qu’en fait les démocrates ne sont pas encore arrivés au pouvoir. En 1990 ils nous ont élus et ils y croyaient. Ensuite ils se sont aperỗus des contradictions, les conditions de vie ont empiré, les gens en ont eu assez. Les démocrates ont donné la liberté mais n’ont pas réussi à améliorer la vie des gens. La nouvelle Assemblée régionale ne m’intéresse pas : ce n’est pas un pouvoir représentatif ni légitime, c’est d’ailleurs pour ỗà que les gens ne vont pas voter. (…)504.

Aux ộlections du maire et du gouverneur à l’automne 1995 à Omsk, le ô camp dộmocrate ằ propose un candidat pour chaque poste, respectivement A. Avdeùchikov du Parti Républicain et V. Zakhartchenko, l’un des réformateurs les plus radicaux et les plus anti-communistes en 1991, nommé à la tête du Comité régional des biens, en charge donc d’une bonne partie des privatisations de la région, et opposant virulent à L.

Polejaev à qui il refusait de conserver pour la région un certain pourcentage d’actions d’entreprises (cf. . supra chapitre III). L’atonie de la campagne et le résultat extrêmement faible (1,1%) qu’obtient V. Zakhartchenko attestent l’effondrement des formations soutenant sans réserve les réformes économiques et la dissociation d’avec ceux qui ont à présent en main le pouvoir régional. La fusion des deux n’aura duré que l’espace de l’automne 1991.

504 Entretien avec Roman Ivanovitch Artsiger, 28 mars 1995.

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Ce processus est encore plus prégnant dans des villes de moindre importance, dans lesquelles les démocrates étaient moins implantés en 1991, comme à Kalouga ó les démocrates n’ont pas survécu politiquement à l’échec de V. Tchernikov à la mairie.

Certains responsables de Choix de la Russie sont aujourd'hui passés dans l’administration régionale et confondus avec le pouvoir central, cible des critiques de l’opposition. La transformation progressive du Club d’électeurs de Kalouga en témoigne : créé en novembre 1989, il avait d’abord rassemblé des citoyens actifs désireux de lutter contre les privilèges de la nomenklatura, avant de présenter des candidats aux élections de 1990 sur la base du front populaire, avec de nombreux jeunes se dộfinissant comme ô alternatifs ằ (ingộnieurs, architectes enseignants…). Visant directement l’ancien maire V. Tchernikov, le président du Club en 1995 se définit comme apolitique mais rassemble en réalité l’ensemble de l’opposition au pouvoir fédéral et à l’administration régionale ce dont témoigne son discours :

ô Certains ont utilisộ le club comme tremplin pour une carriốre politique, les autres ont ộtộ dộỗus par le tour que prenaient les rộformes et le club n'a plus ộtộ qu'une secte de quelques personnes qui fonctionnait comme un micro-parti, sur des bases idéologiques au lieu de rassembler les citoyens. (…) J'ai été élu président avec un nouveau programme et des nouveaux statuts. Maintenant nous rassemblons des partis et organisations de toutes sortes pour tout l'oblast, nous acceptons tous les partis même le LDPR505 (…). Nos adversaires actuellement, ce sont les gens de choix de la Russie. Ils vivent pour eux-mêmes, et nous nous avons un comportement de citoyens voilà ce qui nous sépare. (…) Nous sommes dans l'opposition, nous voulons employer tous les moyens de la désobéissance civile, du refus de collaboration. Par exemple, ne pas voter, refuser de laisser Deriaguine [le responsable de l’administration régionale] parler, cela fait partie de ces moyens ằ506.

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