II. Administration et modernisation : l’invention d’une forme de ô gouvernance ằ
II.1. La redéfinition des relations avec le monde économique
II.1.3. Différenciation fonctionnelle versus poids des réseaux
Le fonctionnement clientéliste du pouvoir et les liens concrets de dépendances mutuelles héritées de l’époque soviétique - ne serait-ce que l’approvisionnement en énergie, le transport - sont autant de facteurs qui pèsent de manière significative sur le processus général. Bien différentes peuvent être cependant les conclusions qu’on en tire : les administrations comme frein bureaucratique aux réformes, les administrations comme cherchant à être les premières à en bénéficier ou tout au moins à largement
‘partager le gâteau’ avec les acteurs privés, ou les administrations comme canal d’adaptation progressif de l’économie à un environnement concurrentiel. La réponse à cette question n’est souvent pas dans l’absolu, mais relative aux réseaux de relations dans lesquels les entreprises sont insérées. Selon que l’on est ou non du bon côté de la loyauté au pouvoir, le tracas bureaucratique peut se transformer en facilitation et inversement…
293 Entretien avec Iouri Vassilievitch Fomine, Kalouga, 22 février 1995.
294 Entretien avec Igor Zạtsev, responsable des organisations sociales et religieuses à l'administration de l'oblast, 11 octobre 1994.
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A Omsk, au milieu des années 1990, l’ancien président du comité exécutif de la ville (gorispolkom) avant la perestrọka, B. Glebov, était, de manière assez discrète, l’un des plus gros entrepreneurs de la région. Il a profité des réseaux de relations accumulés pendant la période soviétique pour créer la première structure commerciale bien avant la privatisation de 1992, Omsk torgovy dom. L. Polejaev, à l’époque responsable du comité exécutif régional (l’oblispolkom) devient président de cette structure commerciale : ô c’ộtait une nộcessitộ pour accroợtre l’autoritộ de cette sociộtộ ; les administrations de la ville et de l’oblast ộtaient toutes deux parmi les fondatrices ằ295. Un décret de Eltsine ayant interdit la participation directe des responsables administratifs dans les structures commerciales publiques, la structure se transforme en entreprise au capital 100% privé. Partie des activités de production et de commercialisation de biens industriels et agricoles, elle se diversifie vers la construction, secteur tiré par de nombreuses commandes publiques locales, les médias - la chaợne canal 11 et l’hebdomadaire ộconomique Kommerčeskie Vesti- et la formation- création d’un business college. B. Glebov cherche aussi à pérenniser son influence politique par ses fonctions de président d’une des associations professionnelles de la rộgion, l’Union des producteurs (soyouz proizvoditeleù). ô Aprốs mon dộpart de l’ispolkom [en 1990, après les élections locales], je ne me suis plus occupé directement de politique mais j’utilise les relations que j’ai gardées avec les directeurs d’entreprises, les membres de l’administration ằ. B. Glebov fait partie de ô ceux qui s’en sortent bien ằ de l’avis de tous, parmi les khoziạstvenniki qui ont compris dans quel sens il fallait aller et qui connaissent tout le monde ; il obtient des commandes et des contrats de l’administration régionale qu’il n’oublie pas de remercier en retour : début 1995, Omsk Torgovy Dom avait ainsi ô donnộ ằ à l’administration municipale des parts qu’elle détenait dans une banque. Cette position privilégiée n’empêché pas B. Glebov de formuler des critiques : ô On a participộ aux privatisations en devenant actionnaires d’un certain nombre d’entreprises. On investit, mais c’est très difficile car le système fiscal est hypertrophié et empêche le développement de la production et des investissements. Il m’est impossible de créer une entreprise aujourd’hui : on me fera un crédit à 230 ou 260% annuels. Au mieux, avec des prêts bonifiés par l’administration rộgionale, j’obtiendrai 100%... ằ
295 Entretien avec Boris Yakovlevitch Glebov, le 18 mars 1995.
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De maniốre gộnộrale, les responsables locaux le disent eux-mờmes : ô ce qui compte, c’est ce qui se traite dans les couloirs de l’administration aprốs six heures du soir ằ296. Il ne s’agit pas forcộment d’affaires illộgales ou ô mafieuses ằ mais de pouvoir s’entendre avec ceux qui ont vraiment le pouvoir, si possible avec le gouverneur lui-même.
ô Petit à petit on travaille aussi comme ỗà, ‘aprốs 18h’, c’est la ‘variante russe’, la seule manière d’arriver à quelque chose, de gagner de l’argent et en même temps de faire avancer l’économie. Il faut bien se mettre d’accord avec les dirigeants politiques puisqu’ils ont beaucoup de pouvoir de relations, c’est une politique de business comme une autre incontournable en Russie pour le moment. C’est pour cela que l’existence d’un pouvoir politique fort ne nous dérange pas. Cela sert au contraire à monter des affaires mais pour que ce business marche il faut des gens en qui on a confiance et que les gouvernements y participent . Prenez l'exemple du triangle entre Tioumen (pétrole), Kazakhstan (Charbon) et Omsk (industrie de transformation). Glebov peut arranger une affaire comme ỗa, mais pas n’importe quel nouveau russe qui n’a pas toutes ces relations nécessaires, d’autant plus que maintenant cela ne passe plus par Moscou comme avant, c’est direct entre rộgions qu’on se met d’accord ằ297. Les relations tissées de longue date entre dirigeants de différentes régions peuvent permettre de résoudre un problème, de passer un accord qui serait impossible autrement.
Et les entrepreneurs locaux auront d’autant plus de chances s’ils sont eux-mêmes d’anciens membres de l’élite locale et n’appartiennent pas à la catégorie des nouveaux Russes ayant construit rapidement leur fortune sur le commerce ou sur le rachat à bas prix d’entreprises de la région. En d’autres termes, en l’absence d’un véritable marché, de circuits d’information et d’approvisionnement transparents, mieux vaut un pouvoir fort. Même ceux des représentants de la nouvelle élite économique locale qui estiment que rien de bon ne peut venir de l’Etat que c’est à la ô nouvelle classe de propriộtaires ằ de lutter contre lui pour exister et pour faire redémarrer l’économie se voient obligés de passer eux aussi par les couloirs de l’administration298. Ainsi, ce fonctionnement parallèle serait en quelque sorte le principal et laisserait peu de chances aux structures et aux mộcanismes officiels : ô s’il se crộe officiellement des groupes financiers- industriels à Omsk il faudra qu’ils aillent traiter leur affaires avec l’administration dans la journộe ằ299.
296 Id.
297 Entretien avec V.A. Zoubakine 28 mars 1995.
298 Entretien avec O. Tchertov, directeur économique de l'entreprise Omskchina, Omsk, le 30 mars 95. O.
Tchertov a été assassiné en mars 1996.
299 Entretien avec V.A. Zoubakine 28 mars 1995.
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L’émergence de ces groupes financiers-industriels est centrale pour comprendre l’ensemble des relations de pouvoir à partir du milieu des années 1990, y compris dans la faỗon dont les administrations vont se positionner par rapport à ces nouveaux acteurs économiques, tenter de les contrôler, tandis que semble émerger du côté des acteurs économiques une autonomisation qui se traduit par une demande de règles du jeu.
L’ensemble des mécanismes complexes constitués par les entreprises nouvellement privatisées, les fonds d’investissements et les groupes financiers-industriels en gestation conduit au milieu des annộes 1990 à ộvoquer l’importance de la ô seconde ộconomie ằ300 : ce terme est utilisộ pour ne pas introduire de confusion avec
ô l’ộconomie de l’ombre ằ (tenevạa ốkonomika) dans la mesure ú cette seconde économie a une existence légale mais produit des mécanismes pervers ou destructeurs de la première économie. La base de cette seconde économie a été constituée pendant la perestrọka par les coopératives dont 80 % travaillaient dans le cadre d’une entreprise d’État : en 1990, elles vendaient 70% de leur production à l’entreprise d’État qui devient ô l’entreprise-mốre ằ et 30% à l’extộrieur. Les dirigeants des entreprises d’ẫtat résolvent ainsi leurs problèmes d’accès au marché et de prix et créent des structures écrans pour commercialiser via des intermédiaires.
Avec les privatisations, le système a perduré en prenant de l’ampleur et en se structurant autour des entreprises officiellement privatisộes de la ô premiốre ộconomie ằ. Celles-ci vendent des actions d’une part via des enchères aux fonds d’investissements et d’autre part à prix beaucoup plus bas à des filiales (ô entreprises-filles ằ) qu’elles contrụlent.
Ces structures qui forment donc la seconde économie vendent au consommateur final à des prix commerciaux beaucoup plus élevés qui génèrent des profits importants, permettant aux dirigeants de racheter leurs propres actions avec les bénéfices réalisés et ainsi de financer l’entreprise mère. Ce mécanisme est allé plus loin dans le secteur pétrolier ó les anciennes coopératives (TOO) appartenant aux entreprises ont racheté sous licence les vouchers. Dans ce secteur ó les entreprises mères étaient très fortement endettées - les dettes de trois entreprises de la région d’Omsk représentaient en 1994 20% du budget régional- le passage par ces structures a été une condition de survie économique au début des années 1990. Les dettes étaient sur le compte de
300 Qui aurait contrôlé 20% directement et indirectement jusqu'à 50% du potentiel industriel de Russie à l’issue de la première étape des privatisations. (Zoubakine, 1994 ; 1995).
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l’entreprise-mère, les bénéfices sur celui de la structure commerciale qui payait les matières premières et les salaires et faisait vivre l’entreprise dont tout le chiffre d’affaire aurait dû sinon passer au remboursement de la dette.
Dans le triangle ainsi formé entre les fonds d’investissement, les entreprises mères et les structures de la seconde économie, l’argent va dans ces dernières au lieu de produire des dividendes pour les fonds d’investissements et elles absorbent petit à petit l’entreprise- mère. A Omsk, les fonds d’investissement qui ont investi dans les entreprises Omskchina et Ioukos sont confrontés à ces problèmes, dans la mesure ó il s’agit d’entreprises importantes dont les filiales de la seconde économie se sont peu à peu développées à l’extérieur, allant jusqu’à dépasser l’entreprise mère. C’est par exemple le cas dans la région d’Omsk ó les entreprises Omskchina (pneus) et Omskbacon ou Omsktabak (agro alimentaire) ont ộtộ rachetộes par la ô structure-fille ằ de Ioukos) ; ou d’une entreprise de construction navale qui a créé son propre fonds d’investissements pour racheter ses propres actions. Il arrive que ces structures finissent par échapper au contrôle des entreprises mères et qu’il se produise alors un véritable changement de propriété.
Par ailleurs, ces mécanismes ont aussi contribué à l’impossibilité de déclarer des entreprises en faillite - via les structures commerciales, les dirigeants trouvaient toujours le moyen de renflouer au dernier moment une entreprise trop endettée - et à freiner les investissements extérieurs à l’entreprise, qui refusent d’investir lorsqu’elles découvrent ces jeux d’écritures, notamment les banques régionales qui se trouvent en général avec les lignes débitrices de l’entreprise-mère inscrite dans leur établissement.
Avec le début de la seconde phase de privatisation, la situation change dans la mesure ó les entreprises-mères vont devoir ‘payer leur dette’ aux structures qui les ont fait vivre pendant les premières années et décider d’accepter des investissements extérieurs et d’ouvrir leurs comptes.
C’est pour cela que certains considèrent que le temps est venu d’instaurer des règles du jeu : ô la lutte contre la seconde ộconomie n’est pas possible s’il n’y a pas un pouvoir fort. Nous préférons par exemple qu’il se crée une commission de défense des droits des actionnaires car nous en avons assez de l’absence de lois et du désordre, bien qu’a priori une telle commission ne nous soit pas favorable ; les fonds d’investissements se
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sont créés sur le modèle occidental. On publie nos comptes chaque trimestre on essaie d’être transparents; Bien sur, on met un peu de côté, on enfreint un peu les lois, mais dans des limites raisonnables. On s’est organisés de manière à ne pas enfreindre les règles essentielles : par exemple, on redistribue l’argent soit pour augmenter le capital soit pour distribuer des dividendes, à la différence des entreprises privatisées dont toutes les ressources disponibles vont dans les structures de la seconde économie et ne redistribuent presque rien en dividendes. On travaille sur le long termeằ301.
Tout au long de cette période, on ne peut que constater le fonctionnement de ces réseaux divers qui perdure et a très largement servi de moyen d’action aux dirigeants d’administrations et d’entreprises soviétiques reconvertis dans l’activité économique privée. On peut alors faire l’hypothèse que l’entreprise ne peut fonctionner de manière autonome que grâce à ces relations de clientèle avec les autres entreprises fournisseurs ou clients, avec les dirigeants politiques, avec les membres d’un ministère à Moscou, etc. Faut-il alors considérer qu’il n’y a pas de réelle différenciation et que les relations entre monde économique et politique sont toujours sinon fusionnelles, en tout cas très dépendantes ? Ou bien que ce qui compte aujourd’hui est la logique et le sens que les différents acteurs donnent à ces pratiques par exemple, ceux de la rationalisation, voire de la modernisation ?
A Kalouga, voici comment l’Union des entrepreneurs302, plutôt proche de l’administration, décrit les relations entre entreprises et administration dans la ville :
ô Les relations avec l’administration sont plutụt bonnes, mờme s’il y a des contradictions sur la question des prix, des impụts ằ303. L’idộe de rassembler directeurs de grosses entreprises venant d’être privatisées et nouveaux entrepreneurs, le plus souvent jeunes et responsables de toutes petites unités fait long feu. En face, le Conseil des directeurs (soviet direktorov), qui regroupe les responsables des grosses entreprises, reprộsente des intộrờts diffộrents : ô on a essayộ de les contacter mais on ne travaille pas
301 Entretien avec V. A Zoubakine, 28 mars 1995.
302 Son président est Soudarenkov, entrepreneur élu député local en mars 1994 avec B. Nadejdine lors des élections du nouveau conseil municipal. L’Union existe depuis début 1993 et est enregistrée comme
"organisation sociale". Créée pour unir petites et grosses entreprises de la ville, elle compte 43 membres en 1994, en réalité surtout les petites entreprises. Ses activités sont le conseil économique et juridique, l’aide aux entreprises dans leurs relations avec l’administration municipale et les différents départements administratifs en charge des questions économiques.
303 Entretien avec le directeur exécutif, Dolgoproudny, 25 octobre 1994
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ensemble ; Ils ont leurs problèmes spécifiques et les résolvent de manière autonome ằ304.
On peut également citer cet exemple relevé à Tagan-Rog305, d’un entrepreneur qui a quitté le poste qu’il occupait au sein du soviet suite à des désaccords politiques, mais veut continuer à ô faire quelque chose pour la ville et pas seulement du commerce ằ, suivant une logique de donnant-donnant : les acteurs économiques créent de la richesse et fournissent des biens à la ville, la ville doit aussi faire quelque chose en retour. Il s’ensuit une discussion qui porte sur l’apport réel des activités commerciales à la ville, la majorité des membres de l’administration et du soviet considérant que l’apport direct est faible en termes de ressources fiscales comme en termes d’emplois, et leur interlocuteur faisant valoir l’apport indirect en termes de nouvel attrait pour la ville de changement d’atmosphère. Dans cette discussion, qui témoigne d’une certaine difficulté pour les différents acteurs à se situer les uns par rapport aux autres, on décèle en réalité comment se fabriquent et s’appréhendent, dans le fonctionnement concret comme dans les représentations, les nouvelles relations entre administration, système politique et activité économique au niveau local. Le responsable de l’administration conclut d’ailleurs la conversation en se positionnant dans la différenciation en reconnaissant que l’entrepreneur est quelqu’un de très bien mais que ce n’est pas à lui de l’aider.
Le contrôle que continuent à exercer les administrations locales et régionales sur la vie économique peut aussi conduire à une dé-privatisation, comme l’atteste cet exemple relevé à Kalouga pour une usine de produits laitiers partiellement rachetée par des capitaux suisses : une politique de haut salaires et d’achat de nouveaux équipements modernes et cỏteux a entraỵné un endettement élevé auprès des banques, que l’entreprise a tenté de compenser par une forte hausse des prix qui a fait immédiatement chuter les ventes306. Le directeur de l’entreprise a dû demander une aide financière au maire A. Minakov, qui n’a accepté qu’à condition d’hypothéquer l’usine : si l’argent n’est pas remboursé, l’entreprise redeviendra propriété municipale.
304 ibid.
305 Séance de travail avec les membres de l’administration et du soviet mené dans le cadre de la recherche franco-russe sous la direction de L. Gordon et M. Wieviorka, Taganrog 15 mai 1993.
306 L’entreprise n’a pas de clientèle captive puisque les ex-kolkhoziens viennent vendre bien moins cher leur production en ville dans des camions citernes.
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A partir de 1995, la seconde étape des privatisations et la constitution des groupes financiers-industriels a introduit un élément nouveau dans la manière dont les acteurs locaux peuvent mener les réformes économiques, dans la mesure ó les régions peuvent de moins en moins échapper à la concentration par fusion des capitaux industriels et bancaires (cf. supra le dộbut de ce chapitre) et au ô grand jeu ằ de la redistribution de la propriété et de la répartition des ressources qui s’opèrent dans l’ensemble de la Russie.
La privatisation endogốne, caractộristique de la premiốre phase et maợtrisable par les élites administratives locales n’est plus de mise, surtout lorsque, comme à Omsk, des secteurs stratégiques comme le pétrole sont en jeu. Malgré la prudence initiale du gouverneur par rapport à ces manœuvres perỗues comme extộrieures et nộfastes, la région d’Omsk va se trouver prise dans ce jeu complexe des réseaux économiques et amenée, au travers de la constitution d’une compagnie pétrolière, Sibneft, à redéfinir les relations entre élites administratives, politiques et économiques. Nous traiterons en détail de ce cas dans la section suivante.
A Omsk, la tentative de mettre en place des politiques économiques régionales et de consolider une alliance avec les acteurs économiques les plus importants ont constitué les deux priorités de l’administration régionale depuis 1996. A la différence d’autres régions, dans lesquelles l’imbrication des sphères économiques et politiques et l’influence des intérêts moscovites se traduisent par des conflits exacerbés entre le gouverneur et le ou les dirigeants des entreprises les plus importantes307, à Omsk, le gouverneur a plutôt cherché à mettre en avant le souci du développement autonome de la région et la nécessité de se protéger d’intrusions extérieures308.
A partir de 1997, il est relayé dans cette logique par la figure montante de la région, le vice-gouverneur. Andreù Golouchko, jeune entrepreneur influent, ộlu dộputộ rộgional en novembre 1994 à 30 ans à peine309. Ayant pris de plus en plus de poids dans l’assemblée législative tout en cessant peu à peu d’être en confrontation avec l’administration régionale, il devient en 1997 vice-gouverneur, en charge de la politique
307 Ce fut le cas dans la région de Krasnoyarsk avec les géants Norilsk Nickel et KrAZ, plus récemment avec la recherche par le gouverneur Aleksandr Lebed du contrôle sur l'approvisionnement énergétique de la région.
308 Voir infra dans ce chapitre la question des enjeux pétrolier dans la région.
309 La firme Aktsia est emblématique de la première période de privatisation et du mandat municipal de Iouri Chọkhets. Voir infra chap. IV pour les débuts de la carrière politique d’A. Golouchko, qui était en 1994 en conflit ouvert avec le gouverneur.
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économique et financière et à partir de ce moment est de plus en plus souvent présenté comme le dauphin du gouverneur310. Exposé en première ligne à de multiples oppositions, en particulier de tous les acteurs qui peuvent redouter une déstabilisation de leurs positions ou de leurs rentes par des décisions trop tranchées le vice-gouverneur a été victime d’une tentative d’assassinat le 23 mars 1999 Il était depuis quelques mois président d’une commission spéciale pour le renforcement de la discipline budgétaire et fiscale qui venait d’ordonner la saisie des biens d’une brasserie et le contrôle financier d’une fabrique de vodka
Les observations qui précèdent ont permis de mettre en évidence le rôle actif des administrations dans le processus de réformes économiques, qu’elles en soient directement les actrices ou qu’elles tentent de réguler, organiser ou contrôler le processus. Mais il ne s’agit là que de l’un des aspects de ces nouvelles modalités de l’exercice du pouvoir local. Celui-ci se décline également dans un ensemble de politiques et d’actions qui visent à tenter de réformer et moderniser la gestion municipale et dont nous allons examiner quelques aspects, en poursuivant notre interrogation sur l’émergence d’une éventuelle gouvernance locale.