1. Trang chủ
  2. » Ngoại Ngữ

Stratégies de survie des artisans tailleurs de douala

18 356 0

Đang tải... (xem toàn văn)

Tài liệu hạn chế xem trước, để xem đầy đủ mời bạn chọn Tải xuống

THÔNG TIN TÀI LIỆU

Thông tin cơ bản

Định dạng
Số trang 18
Dung lượng 132,82 KB

Nội dung

Face à cette réalité, les entreprises nationales, parmi les plus petites, ont pour la plu-part choisi, soit d’impulser une réor-ganisation de leurs structures et/ou de leurs activités, s

Trang 1

Stratégies de survie des

artisans-tailleurs de Douala

La libéralisation de l’activité économique en Afrique s’est traduite par une

évacua-tion pure et simple, par l’Etat, des foncévacua-tions opéraévacua-tionnelles de l’économie, et non comme un rééquilibrage de son rôle économique (Ben Hammouda, 2002) Autrement dit, en terme de stratégie de développement économique, la libéralisation, par ailleurs imposée par les institutions financières internationales, rétrécit la marge de manœuvre

de l’Etat sur le terrain économique, en le confinant dans le rôle d’un observateur, relativement impuissant, face au déploiement d’un secteur privé davantage conqué-rant

La levée des barrières1, à l’entrée des

marchés nationaux, a installé les

acteurs dans un contexte de

compéti-tion, malheureusement pas toujours

favorable aux nationaux Face à cette

réalité, les entreprises nationales,

parmi les plus petites, ont pour la

plu-part choisi, soit d’impulser une

réor-ganisation de leurs structures et/ou de

leurs activités, soit alors de fermer

Dans un cas comme dans l’autre cela

s’est traduit, le plus souvent, par des pertes d’emplois importantes Les exi-gences et l’instinct de survie, combi-nés avec l’ouverture du marché des biens primaires et de première néces-sité notamment, ont conduit des anciens employés déflatés et d’autres nationaux, provenant des campagnes parfois, et candidats à un premier emploi, à «s’investir» dans la création

de petites unités de production Aujourd’hui, les licenciements de per-sonnel, l’arrivée massive de diplômés

à la recherche du premier emploi, l’exode rural, dans un contexte de reprise économique malheureusement timide, sont autant de facteurs de déséquilibre du marché du travail qui, devant la faiblesse de la demande de

2 François-Xavier Onana, Assistant à l’ENSET,

Université de Douala, Cameroun Chercheur Associé au CREGE, Université Montesquieu, Bordeaux 4, France.

1 2

1 Dans le contexte particulier du Cameroun,

la levée de barrières à l’entrée du marché

national se traduit par des aménagements du

code des investissements, l’adoption de

me-sures d’assouplissement au plan fiscal, la

ratifi-cation du traité OHADA, qui consacre la

créa-tion d’un espace juridique unique pour les Etats

membres, avec à la clé, une harmonisation du

droit des affaires, dans un espace économique

régional de plus en plus dynamique et

com-plexe

Trang 2

travail institutionnelle2, ont fini par

faire, de l’auto-emploi, la réponse

ulti-me à la montée du chômage urbain

Les artisans (vanniers, couturiers,

for-gerons, pousseurs, piqueurs,

fabri-cants de cantines, meuniers….), les

commerçants ambulants, les bayam

sel-lam3… représentent, dans leur statut, la

diversité des acteurs générés par la

libé-ralisation de l’économie nationale

Le secteur de la petite couture, qui

représente le cadre de cette étude, n’a

pas échappé aux implications de cette

libéralisation, tout du moins pour ce

qui est du volet habillement En effet,

l’offre des produits vestimentaires est

quasiment dominée par l’entrée

massi-ve, sur le marché national, de

vête-ments de seconde main ou d’occasion,

appelés vulgairement «friperie», et par

ailleurs très compétitifs Une

compétiti-vité qui, semble-t-il, tire son essence

dans la qualité et surtout dans le prix

des produits proposés; des raisons

auxquelles on peut ajouter la baisse du

pouvoir d’achat des consommateurs,

consubstantielle à la baisse des

salaires et à la dévaluation du franc

CFA de janvier 1994 En face, il y a

des petits tailleurs artisans de diverses

nationalités, mais avec une présence

relativement importante des

ressortis-sants de l’Afrique de l’ouest (Sénégal,

notamment), et dont l’activité consiste

en la fabrication de modèles et la

confection sur mesure de vêtements

L’intérêt de ce travail, qui lui-même

s’inscrit dans la problématique de la

lutte contre la pauvreté, engagée par

le gouvernement camerounais depuis

recherche à laquelle nous nous sommes assignés à faire ressortir les stratégies de développement et de pérennisation utilisées par ces coutu-riers, dans un contexte qui ne leur

lais-se aucune chance de survie

A priori, les artisans-tailleurs font face

à de nombreuses difficultés en termes

de financement de leurs activités : accès au crédit bancaire, formation, accès aux matières premières, posi-tionnement sur le marché, précarité statutaire vis-à-vis de l’administration compte tenu de leur informalité, des attitudes managériales pas toujours en phase avec l’orthodoxie…, un ensem-ble de difficultés qui ne leur laisse aucune chance devant le développe-ment du commerce des vêtedéveloppe-ments de la friperie Pourtant, le développement des activités des tailleurs artisans est grandissant dans la ville de Douala La présence d’un nombre de plus en plus important d’ateliers de couture, malgré

le contexte de compétition, au-delà de

la confirmation de la thèse qu’elle

éta-2 Nous appelons demande de travail

institu-tionnelle, la demande de travail provenant de la

fonction publique et des entreprises des secteurs privé et public officiels.

3 Les ‘bayam sellam’ désignent cette catégo-ris de commerçants opérant dans le secteur informel, et dont l’activité consiste à acheter des produits, généralement de première nécessité, pour les revendre en l’état C’est une déclinai-son locale de to buy and to sell Il s’agit donc

de petits commerçants du secteur informel.

Trang 3

blit sur le triomphe du secteur informel

sur les entreprises modernes africaines

(privées et publiques) décadentes

(Hernandez, 1999)5, nous conduit à

nous interroger sur les causes ou les

facteurs qui justifient cette

«résistan-ce» Autrement dit, comment

procè-dent ces artisans-tailleurs pour

mainte-nir leurs activités en vie, alors que les

conditions du marché leur sont

défavo-rables ?

Des travaux consacrés à l’entreprise

informelle africaine, dans une

ap-proche globale, ont présenté les

parti-cularité de cette catégorie

d’entrepri-ses du point de vue du comportement

des principaux acteurs (les

entrepre-neurs); ainsi que leurs stratégies

mar-keting, financières et comptables,

no-tamment L’objet de cette étude est de

mettre en évidence les facteurs-clés de

succès des artisans-tailleurs dans un

contexte de libéralisation, et de les

expliquer au-delà des modèles issus

des théories traditionnelles de

l’entre-prise L’intérêt de l’étude est de mettre

en relief l’état des relations, entre deux

secteurs quasiment informels, et offrant

des produits substituables Les

artisans-tailleurs, aux activités industrielles

em-bryonnaires et les acteurs de la

fripe-rie, qui s’inscrivent au 6ème rang, en

termes d’importations nationales, après les véhicules, les pièces détachées, le fer

et la fonte, le riz, les véhicules lourds (Douanes camerounaises, 2003)

Pour arriver à cette fin, une méthodo-logie empirique quantitative et essen-tiellement descriptive, pour ce premier travail, a été mise sur pied à travers un questionnaire de 19 points, élaboré et administré par les auteurs auprès de

110 tailleurs exerçant tous au marché congo Le choix de ce marché a été motivé par son importance en terme

de négoce dans la ville de Douala, et surtout parce qu’il regroupe la quasi totalité des artisans du textile d’ori-gines diverses opérant à Douala (Ca-merounais, Nigérians, Maliens, Séné-galais, Nigériens…) Le choix des tail-leurs, quant à lui, s’est fait de manière aléatoire en raison de l’incomplétude

du fichier des artisans, disponible au niveau du service provincial du déve-loppement industriel et commercial du littoral L’enquête s’est déroulée sur une période de quatre mois (avril, mai, juin

et juillet 2003) A l’aide du logiciel SPSS, le traitement de données collec-tées s’est limité aux tris à plat

Cela dit, l’article comporte deux par-ties : la première partie est intitulée les caractéristiques de l’artisan-tailleur et propose une analyse des caractéris-tiques de cet acteur, du point de vue

de sa formation, de ses origines et de son comportement organisationnel La seconde partie, quant à elle, tente de

5 Dans une étude consacrée aux aspects

financiers et comptables de l’entreprise

infor-melle africaine, Hernandez (1997) constate

que les entreprises africaines modernes

(publiques et privées) rencontrent de grandes

difficultés alors que celles relevant du secteur

informel résistent à la crise et se multiplient,

elles constituent par ailleurs la principale source

d’emploi pour les populations locales.

Trang 4

formaliser les stratégies observées sur

le terrain, et qui expliquent le

dévelop-pement et la pérennisation de cette

activité, en dépit des contraintes de la

libéralisation et de la concurrence

Caractéristiques de

l’artisan-tailleur

Le secteur de la petite couture se

sin-gularise par des spécificités relatives

au profil de formation et d’origine des

tailleurs, à leur comportement

mana-gérial particulier, ainsi qu’à la

dimen-sion généralement réduite de leurs

uni-tés de production

Le profil d’origine et de

formation des acteurs

Les artisans-tailleurs interviewés sont

constitués de 71 hommes et de 39

femmes On peut s’étonner de la

rela-tion inversement proporrela-tionnelle entre

le nombre de femmes qui achètent les

produits issus de cette activité, et le

nombre de femmes chefs d’atelier, soit

à titre de propriétaire, de dirigeante

uniquement, ou alors en qualité de

propriétaire dirigeante La faible

représentativité des femmes dans le

métier, par rapport aux hommes, tient

beaucoup plus aux contraintes du

métier, qui exigent notamment une

pré-sence permanente du maître-tailleur

En effet, pour les clients réels et

poten-tiels, la disponibilité permanente du

tailleur constitue un facteur intangible

de confiance et d’assurance par rap-port à la qualité de l’offre C’est une aptitude qui n’est pas toujours à la por-tée des femmes, en raison de leur trop grande implication dans des activités

du ménage, et l’éducation des enfants, notamment A cette limite, en terme d’incompatibilité des tâches, il faut ajouter le poids de la tradition

africai-ne Il s’agit en général d’une tradition patriarcale, qui consacre le ménage et

le champ comme le principal espace d’expression de la femme, confinée ainsi à l’exercice des activités cham-pêtres

Cela dit, les artisans-tailleurs interro-gés se situent en majorité dans la tranche d’âge 20-40 ans (74.55%) et 41-55 ans (21.82%) Un seul artisan tailleur a moins de 20 ans On peut percevoir ici l’exigence de maturité qu’impose l’exercice de ce métier, et par conséquent, l’influence du nombre d’années d’apprentissage (5 ans en moyenne) sur l’âge du tailleur qui entre

en activité pour son propre compte Par ailleurs, le métier accueille des individus généralement en situation sociale précaire et forcément en quête

de survie (immigrés, déflatés, jeunes

en déperdition scolaire)

Comme l’illustre la figure 1, la

profes-sion est dominée par les nationaux (68%), suivis des Sénégalais (20%) Les Maliens et les Nigérians occupent une place moins significative

Trang 5

La percée des tailleurs d’origine

séné-galaise tient beaucoup plus aux prix

des vêtements proposés, mais surtout à

la qualité du style particulier de leurs

modèles, de loin le plus apprécié des

consommateurs, en majorité des

fem-mes On peut aussi ajouter, au rang

des facteurs de succès de la marque

sénégalaise, l’effet de la non moins

importante demande provenant de la

communauté des ressortissants de

l’Afrique de l’Ouest La culture

d’origi-ne des ressortissants de l’Afrique de

l’Ouest les conduit nécessairement à

s’intéresser aux vêtements que

confec-tionnent les artisans ressortissants de

leur région d’origine, et ce, dans

l’es-prit de l’art et de la tradition dont ils

sont imprégnés

Par rapport à la formation des

arti-sans, il apparaît que le certificat

d’étu-des primaires élémentaires (CEPE) est

le diplôme le plus élevé détenu par les

acteurs (75.45%), 26 tailleurs

seule-ment ayant fait des écoles de

tion post-primaires (centres de

forma-tion), du niveau secondaire technique

Les artisans-tailleurs sont en majorité les premiers enfants dans leur famille

de naissance 76 artisans (69.09%) occupent au plus le troisième rang dans la fratrie, au niveau de la famille

de naissance Ici apparaissent claire-ment les implications des stratégies de survie propres aux familles africaines d’origine modeste En effet, les condi-tions de vie précaires et les exigences traditionnelles de solidarité, poussent les premiers enfants des familles pauvres à abandonner précocement les études et à entrer dans la vie active jeunes, et très souvent, en se mettant à leur propre compte L’objectif ici étant

de seconder les parents dans l’enca-drement des cadets A priori, Il s’agit d’un investissement humain dans l’ave-nir des cadets, avec pour contrepartie directe, le sacrifice de la formation de l’aîné Mais le référentiel du comporte-ment de l’aîné, par rapport à

l’exerci-ce de son rôle d’aîné, se trouve dans

le système du potlatch, implicitement partagé par tous, dans le strict respect des principes de vie, qu’impose la so-ciété traditionnelle africaine

Figure 1 : Répartition des artisans-tailleurs par nationalités

nationalité des tailleurs

5%

7%

20%

68%

Trang 6

Les sacrifices que consent l’aîné, en

contribuant ainsi à l’encadrement de

ses cadets, sont capitalisés au

bénéfi-ce de la progéniture du premier, dans

l’encadrement de laquelle, les cadets

d’aujourd’hui, le relayeront plus tard

Les exigences de survie contraignent

les acteurs, issus généralement des

milieux défavorisés, à entrer dans la

vie active Mais on ne peut pas

négli-ger l’influence des motivations et du

contexte social et culturel

(l’environne-ment, la formation, l’origine ethnique

ou la nationalité) de leur existence, et

qui conditionnent nécessairement leur

comportement

La figure 2 présente les principaux

fac-teurs qui déterminent les acfac-teurs dans

le choix de la profession

40 artisans tailleurs (38%) justifient

leur présence, dans cette profession,

par l’amour qu’ils en expriment 32

artisans (29%) quant à eux, ont été

précédés dans cette profession par

leur parents Au total, 67% de

tailleurs-artisans confirment l’horizon cognitif restreint, ou l’image mentale étroite, qu’on semble attribuer aux acteurs économiques issus de milieux défavori-sés et sous-scolaridéfavori-sés, relativement à leurs perspectives d’avenir

Un comportement managérial adapté

Les confections artisanales relèvent du secteur informel Elles échappent aux règles de l’administration, en terme de déclaration et de paiement des impôts,

et en matière de traitement salarial et

de couverture sociale du personnel employé Comme les autres opérateurs économiques relevant du secteur infor-mel, les artisans-tailleurs sont exclus des circuits de financements institution-nels La vocation des banques locales (banques commerciales) et la faible garantie qu’offre la surface financière des artisans-tailleurs ne laissent, à ces derniers, que les voies non formelles, dans leurs éventuelles recherches de moyens de financement

héritage recommandation formation à l'école

amour pour la profession parent tailleur

Figure 2 : Déterminants du choix de la profession

Trang 7

La figure 3 présente les types de moyens

employés par ces acteurs, pour faire face

à leurs problèmes de financement, tant

au moment de la création que pendant le

déroulement de leur activité

L’épargne personnelle des tailleurs et

l’aide de la famille ou des amis,

consti-tuent des sources de financement

essentielles de leurs activités Le

finan-cement endogène (52%) et le

finance-ment informel (45%), constituent donc

la règle dans ce secteur, et le

finance-ment bancaire institutionnel,

l’excep-tion On rejoint ici la thèse de Lelart

(1995) sur l’incompatibilité de la

men-talité des entrepreneurs informels avec

le crédit bancaire Ce dernier étant le

plus souvent inadapté à leurs besoins

Pour ces artisans, les deux types de

financement présentent un grand

nombre d’avantages, en termes de

cỏt d’accès, de cỏt d’usage et

sur-tout de couverture sociale

Le cỏt d’accès représente le cỏt induit par les formalités à remplir préa-lablement à l’octroi du crédit Au niveau de la banque institutionnelle, ces formalités représentent globale-ment le montage du dossier de crédit, avec la production de toutes les garan-ties requises Dans le circuit informel,

le cỏt d’accès est quasiment nul En effet, non seulement les formalités à remplir ici se réduisent essentiellement

à l’inscription comme membre de la tontine; la régularité dans les verse-ments, à l’occasion de chaque tour de gain, suffit à construire la confiance, qui constitue, en réalité, l’unique ga-rantie de motivation, conduisant cha-que membre à effectuer son versement

au bénéfice d’un autre membre

Le cỏt d’usage quant à lui représente

le prix du service que constitue globa-lement le déblocage du crédit Dans les transactions financières formelles,

le cỏt d’usage s’exprime en termes de frais financiers induits par la mobilisa-tion des fonds; c’est l’intérêt6 et les autres commissions attelées à l’opéra-tion Dans le contexte informel, le cỏt

45%

3%

52%

Figure 3 : Sources de financement des tailleurs

6 La pratique de l’intérêt apparaỵt dans la

tontine dès lors qu’il y a demande de crédit de

la part d’un membre, mais au bout du compte

la dimension communautaire triomphe, puisque

l’intérêt a un caractère amphibologique pour le

membre C’est une charge au moment de

l’em-prunt et un produit en fin d’année, lors du

par-tage des dépơts capitalisés à la banque

Trang 8

d’usage est nul Il n’y a pas d’intérêt à

payer pour les tontines simples Pour

les tontines commerciales, la somme

cotisée par les tontiniers est mise aux

enchères et vendue nécessairement au

plus offrant La prime d’adjudication

représente la différence entre le

mon-tant total cotisé par l’ensemble des

membres et le montant adjugé A

pre-mière vue, cette prime d’adjudication

peut être considérée comme le cỏt

d’usage, mais elle est reversée, dans

une logique de capitalisation, dans la

caisse de la tontine, sur un compte

ouvert généralement à la banque Au

bout du compte et généralement en fin

d’année, cette prime est reversée aux

différents membres de la tontine7, au

prorata de leurs différentes mises

Par rapport à la couverture sociale, la

tontine, malgré ses nouvelles

configu-rations actuelles, imposées par la

nécessité de répondre aux besoins de

plus en plus divers et complexes des

membres, tire son origine des

straté-gies de survie développées dans le

contexte des sociétés traditionnelles

africaines «L’union fait la force», «une

seule main ne saurait faire un paquet»,

voilà quelques adages qui traduisent

la profondeur de la sagesse africaine,

et surtout l’importante place qu’occupe

la solidarité dans l’organisation

socia-le En fait, autant il est difficile de

s’épanouir dans les affaires, en

opé-rant hors du système communautaire

que symbolise financièrement la

tonti-ne, autant la même tontine sait

consti-tuer une réponse salutaire et efficace pour les différents membres en situa-tion de détresse (maladie, décès d’un parent,…), ou bien lorsqu’ils se retrou-vent au centre de certaines réjouis-sances (mariage, naissance, funérail-les…) A ce moment, pour chaque mem-bre, les autres tontiniers constituent, cha-cun, un tiroir de secours au même titre que les autres membres de la famille d’origine Au total, la tontine, quelle qu’en soit la forme, offre un cordon de sécurité sociale à chacun de ses adhé-rents Un avantage financièrement hors

de portée dans le contexte du circuit financier officiel

Des unités de production de taille réduite

Les artisans-tailleurs évoluent dans un contexte global extrêmement compéti-tif Ils doivent partager la demande des produits vestimentaires avec les vendeurs de vêtements de seconde main Cette demande provient majori-tairement des couches sociales à faibles revenus, mais aussi des milieux moyens et parfois même plus Les pro-duits de seconde main, la friperie, se singularisent, nous l’avons signalé plus haut, par une qualité exigeante, en terme de design8 et des prix relative-ment bas Des facteurs-clés de succès qui, a priori, ne laissent pas de

chan-ce aux tailleurs Dans la réalité, c’est

7 La mise, ici, désigne le montant offert par chacun des tontiniers enchérisseurs

8 La friperie provient majoritairement des

Trang 9

vrai, puisque 80 artisans interrogés sur

110 (72.72%), trouvent l’origine des

difficultés qu’ils rencontrent, au double

plan opérationnel et stratégique, dans

l’entrée massive de vêtements de

secon-de main sur le marché camerounais

C’est un résultat qui indique

l’importan-ce de la part de la friperie dans le

mar-ché local du vêtement “bas de gamme”,

et en même temps, il suscite des

interro-gations sur les capacités des artisans à

résister, dans un marché aussi

compéti-tif Les résultats issus de l’enquête

effec-tuée auprès des artisans, nous invitent à

chercher l’essence de leur pérennité

dans la gestion interne des structures et

dans leurs différents positionnements

La gestion d’une entreprise est

généra-lement influencée par l’envergure de

sa structure d’impulsion Par rapport à

la taille, les artisans-tailleurs relèvent

tous de la très petite entreprise (TPE) ou

de la petite entreprise (PE)

La figure 4 présente les formes de

structures identifiées lors de l’enquête,

du point de vue des effectifs employés

Les confections sont de très petites entreprises (TPE), avec 96 entreprises (87%) ayant un effectif du personnel inférieur ou égal à 5 Ce type de struc-ture fait du promoteur l’homme à tout faire Il est ainsi impliqué tant dans des tâches de gestion courante (tenue de

la caisse, réception des commandes des clients, paiement des frais géné-raux, recrutement et gestion du per-sonnel, etc…), que dans les réflexions stratégiques qui ne sont, dans la pra-tique à court et à moyen terme, qu’une réplication de son image mentale Une image généralement réduite à l’échelle

de la petite dimension fermée9 Cette absence d’ouverture au partenariat est

un indice d’aversion pour le risque, pourrait-on dire de façon implicite, mais dans la réalité, c’est aussi une caractéristique propre à un secteur, ó l’acteur et sa structure font corps C’est d’ailleurs pour cette raison que l’arti-san-tailleur se trouve dans une logique d’impulsion permanente, par rapport à l’organisation entrepreneuriale qu’il conduit Au risque de disparaỵtre, il

87%

Figure 4 : Nombre d’employés hors apprentis

9 Nous avons constaté qu’aucun artisan n’est

disposé à expérimenter l’aventure de

l’entrepri-se sociétaire.

Trang 10

doit repérer, saisir et rentabiliser les

opportunités Mais uniquement la

force de l’impulsion entrepreneuriale,

et surtout les conséquences positives

attendues, en termes de valorisation

du promoteur et de la structure créée,

sont fonction des objectifs de départ

du promoteur (référent cognitif); des

objectifs qui, eux-mêmes, ne résistent

pas à l’influence de l’origine du

pro-moteur L’importance des capitaux

mobilisés et surtout la destination des

revenus issus de l’activité illustrent fort

bien cette logique Pour les nationaux,

ces revenus servent essentiellement à

la survie du promoteur, celle de sa

famille et de son entreprise La

pri-mauté de la trésorerie sur la rentabilité

(Hernandez, 2000), écarte toute

pos-sibilité d’envisager une politique

d’in-vestissement à terme et donc, le

déve-loppement de l’entité Pour les

étran-gers, la primauté de la trésorerie sur la

rentabilité s’explique par la nécessité

de rapatrier, dans le pays d’origine,

les revenus issus de leurs activités

Ceci est d’autant plus possible et

faci-le que ces tailfaci-leurs étrangers optent

généralement pour l’austérité en terme

de conditions de vie Le pays d’accueil

est considéré comme un champ de

res-sources pour l’approvisionnement vital

de la famille d’origine restée au

qu’avec des motivations aussi

diffé-rentes et contradictoires, des alliances

soient difficiles à nouer entre les

arti-sans-tailleurs

L’activité des artisans-tailleurs est une activité informelle, en raison de son fonctionnement marginal, par rapport

à l’utilisation de techniques de gestion modernes, disponibles et facilement mobilisables Ainsi, 97 tailleurs sur les

110 interrogés, déclarent tenir eux-mêmes la caisse (recettes dépenses)

99 sur 110, quant à eux, ne tiennent pas de comptabilité, tandis que 97 affirment ne pas utiliser un secrétaire Des pourcentages qui indiquent l’im-portance du désir du promoteur d’avoir la main-mise et de garder per-sonnellement le contrơle de son

affai-re Cette stratégie d’enracinement et

de repli sur soi-même, tient aussi à la spécificité du métier La couture est plus qu’une technique Elle n’est pas très loin de l’art lorsqu’il est question

de dessiner des modèles ou patrons, et

de ce point de vue, la valeur créée est étroitement liée aux compétences dis-tinctives de chaque promoteur, à son génie créateur et inventif Des atouts difficiles à partager, dans un contexte

ó l’essentiel des besoins des acteurs,

se situe au stade strictement physio-logique, et ó chacun est d’abord pré-occupé à se battre quotidiennement pour sa propre survie, celle de la

famil-le et celfamil-le de l’entreprise; tout cela par-tagé par la conviction de garantir ainsi les succès futurs

10 C’est un comportement universellement observé chez les émigrés originaires des pays économiquement défavorisés Les fonds ainsi rapatriés servent certes à la survie de la famille d’origine, mais aussi, ils constituent des sources

de financement importantes des projets que les

Ngày đăng: 15/02/2017, 15:46

TỪ KHÓA LIÊN QUAN

TÀI LIỆU CÙNG NGƯỜI DÙNG

TÀI LIỆU LIÊN QUAN

w