1. Problématique La présence et l’enseignement du français au Vietnam ont connu des grands bouleversements à différentes périodes. D’abord, pour des raisons historiques, le français était largement utilisé dans tout le pays jusqu’en 1954, surtout au Nord. Il a ensuite été supprimé dans cette région et a disparu totalement au Sud après 1975. Pendant ce temps, seuls le russe et l’anglais étaient enseignés comme langues étrangères dans les écoles secondaires et au niveau universitaire. Au Nord, le français a été réintroduit comme langue étrangère après 1975, mais avec un volume d’enseignement très modeste. 1 Il faudra attendre jusqu’en 1986, date à laquelle le Vietnam a engagé une politique de " Renouveau " (appelé Doi Moi en vietnamien) axée sur l''ouverture progressive de l’économie de marché et aux échanges extérieurs, pour que le pays réintègre le réseau des relations régionales et internationales, en devenant membre à part entière de la Francophonie. Le français a été ainsi enseigné à nouveau comme langue étrangère bénéficiant d’un volume de temps plus large qu’à l’époque précédente dans des filières universitaires de langues, mais toujours réduit dans des écoles secondaires, après l’anglais et au même rang que le russe, le chinois, l’allemand e t le japonais. C’est avec la mise en œuvre du programme des Classes bilingues francophones (PCBF), de manière expérimentale en 1992 et puis officielle en 1994, et l’ouverture des filières francophones universitaires que le français est désormais en deuxième position parmi les langues enseignées au Vietnam, derrière l''anglais mais avant les autres langues étrangères. Le PCBF était reconnu comme un exemple phare en matière d’enseignement des langues au Vietnam et a suscité un grand intérêt de la part de bien des familles ainsi que des responsables vietnamiens 3 . Le rapport numéro 1 du Sénat français de 1998 mentionne le fait que « cet enseignement scolaire bilingue remporte indéniablement un très grand succès auprès des parents d''élèves : le nombre de demandes d''inscription est en moyenne cinq fois supérieur à celui de places disponibles ». Cette réussite du PCBF est certainement due à la bonne qualité de l’enseignement, ainsi qu’aux conditions favorables du contexte socio-économique et diplomatique. Ce programme a d’autre part bénéficié de grands soutiens financiers et pédagogiques de la part des partenaires francophones représentés par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF). Par ailleurs, la tenue du 7e Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement des pays ayant le français en partage à Hanoï a été un grand événement donnant une forte impulsion à la Francophonie au Vietnam. Il est à ajouter que pendant la première dizaine d’années de la mise en œuvre du PCBF, au Vietnam, il n’y avait pas encore d’autres programmes équivalents en d’autres langues. Pourtant, depuis 2006, le PCBF connait bien des difficultés suite à la suppression de l’aide financière et pédagogique par les partenaires francophones, et à l’apparition d’autres programmes de classes bilingues en anglais, ou de programmes d’enseignement intensif d’autres langues, du japonais ou de l’allemand par exemple. Il faut prendre en compte également la prise de conscience chez les jeunes bacheliers et leurs parents d’une moindre chance d’accès à la formation universitaire et post-universitaire ou au marché de travail, par rapport aux apprenants de l’anglais ou même du japonais, à la sortie du PCBF. Ainsi a été constatée de 2005 à 2009 une baisse de 20% du nombre d’élèves qui suivaient le PCBF 4 . Les difficultés mentionnées sont causées par des facteurs extérieurs, mais il faut également reconnaître l’existence de causes intrinsèques à la baisse de fréquentation du PCBF, tels que la surcharge du contenu à enseigner/apprendre, la lourdeur du volume horaire, le manque de mise à jour de la méthodologie, etc. Ainsi, en 2009, le Ministère de l’Education et de la Formation (le MEF) du Vietnam a promulgué une Décision de rénovation du PCBF (désormais nommé le Programme bilingue francophone - le PBF). 5 Cette Décision porte d’un côté sur la réduction du contenu d’enseignement, ainsi que du volume horaire pour tous les niveaux, du primaire au secondaire. De l’autre côté, elle introduit une réforme pédagogique renforçant la cohérence interdisciplinaire et culturelle et la méthodologie. Plus concrètement, dans Les Instructions officielles de Rénovation du Programme des Classes bilingues 6 sont préconisés les itinéraires de découvertes, les classes à projet dans le but d’enrichir les connaissances culturelles chez les élèves, ainsi que de susciter leur intérêt d’apprendre le français et des matières en français afin d’« aider les élèves à avoir une bonne méthode d’apprentissage, la capacité de réflexion créative, et à acquérir le français de spécialité à travers les activités en classe et les leçons dans les manuels ». 7 Des questions pédagogiques ont été posées : comment faire pour rendre les cours de français plus attrayants et dynamiques ? Quels moyens pédagogiques seront-ils utilisés pour enseigner la culture francophone et harmoniser de manière interdisciplinaire l’enseignement du/en français et celui du/en vietnamien, en développant la capacité de travailler en groupe chez les élèves ?
Trang 1UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN Faculté de philosophie, arts et lettres UNIVERSITÉ DE HANOI Département des études postuniversitaires
L’utilisation des images fixes pour l’enseignement/apprentissage du français dans le Programme bilingue francophone au niveau du
collège au Vietnam
Sử dụng hình ảnh tĩnh trong dạy và học tiếng Pháp cho chương trình song ngữ Pháp-Việt bậc THCS tại
Việt Nam LUẬN ÁN TIẾN SĨ
Thèse réalisée par
HA Thi Ngoc Bao
en vue de l’obtention du grade de
Docteur en Langues et Lettres (UCLouvain)
et Docteur en Langue Française (UH)
Louvain-la-Neuve Année académique 2018-2019
Trang 2UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN Faculté de philosophie, arts et lettres UNIVERSITÉ DE HANOI Département des études postuniversitaires
L’utilisation des images fixes pour l’enseignement/apprentissage du français dans le
Programme bilingue francophone au niveau du collège au
Trang 3Remerciements
En premier lieu, je souhaiterais exprimer ma profonde gratitude à mes directeurs de thèse, Madame Silvia LUCCHINI, professeur à l’Université Catholique de Louvain (UCLouvain) et Monsieur VU Van Dai, professeur à l’Université de Hanoi (UH), pour la confiance qu'ils m'ont accordée en acceptant d'encadrer ce travail doctoral, pour leurs multiples conseils et pour toutes les heures qu'ils ont consacrées à diriger cette recherche J’ai été extrêmement sensible à leurs qualités humaines d'écoute et de compréhension tout au long de ce travail doctoral Je ne les remercierai jamais assez pour m’avoir guidée dans la recherche scientifique et m’avoir soutenue durant ces années
Je suis infiniment reconnaissante envers l’UCLouvain et l’UH ainsi que leurs professeurs pour la formation qu’ils m’ont dispensée et pour les excellentes conditions de recherche qu’ils m’ont offertes
Je tiens à remercier Wallonie-Bruxelles International et l’Université Catholique de Louvain, qui m’ont octroyé des bourses d’étude me permettant de réaliser ma formation doctorale en Belgique
Mes remerciements vont aussi au lycée Chu Van An qui a favorisé mes études à l’étranger
Je voudrais remercier les responsables et professeurs de la formation doctorale en cotutelle et double diplômation de l’UCLouvain et de l’UH Sans eux, cette thèse n’aurait jamais abouti à la soutenance
Je tiens à exprimer mes plus vifs remerciements à Monsieur Jean-Louis TILLEUIL, professeur à l’UCLouvain, et Madame NGUYEN Thi Cuc Phuong, professeur à l’UH qui ont accepté avec amabilité de faire partie de mon comité d’accompagnement et qui m’ont donné des suggestions
et des remarques très précieuses me permettant de finaliser ma thèse
Je souhaite remercier Madame Emmanuelle RASSART et Monsieur Costantino MAEDER, professeurs à l’UCLouvain, Monsieur DUONG Cong Minh et Monsieur TRAN Van Cong, professeurs à l’UH, Monsieur NGUYEN Quang Thuan, professeur à l’Université des Langues et des Etudes Internationales – Université Nationale à Hanoi, pour avoir accepté de participer à mon
Trang 4jury de thèse Leurs remarques sensées sur mon travail ainsi que leurs recommandations de modification m’ont permis d’améliorer la thèse
En cette occasion, je tiens à exprimer tout particulièrement ma reconnaissance aux collègues, et aux élèves des classes bilingues francophones qui ont participé avec enthousiasme à notre étude
du terrain et à l’expérimentation
Enfin, j’adresse toute mon affection et mes remerciements à ma famille, à mon mari et à mes enfants, qui ont toujours soutenu mes projets d’études
Trang 55
Table des matières
INTRODUCTION 9
1 Problématique 9
2 Formulation des questions et des objectifs de recherche 13
2.1 Question générale de recherche 13
2.2 Objectifs de recherche 13
2.3 Hypothèses de recherche 13
2.4 Méthodologies de la recherche 14
3 Délimitation du champ de recherche 15
3.1 Image fixe ou mobile ? 15
3.2 Didactique de l’image ou par l’image ? 16
PREMIÈRE PARTIE : CADRE CONTEXTUEL ET THÉORIQUE 19
Chapitre 1 L’enseignement du français et le programme bilingue francophone au Vietnam 21
1.1 L’enseignement du français au Vietnam 21
1.1.1 Les programmes d’enseignement scolaire du et en français 21
1.1.2 Les programmes d’enseignement universitaire du et en français 23
1.1.3 D’autres systèmes d’enseignement du français 25
1.1.4 Des difficultés de l’enseignement du français au Vietnam 25
1.1.5 Conclusion 26
1.2 Le Programme bilingue francophone au Vietnam 27
1.2.1 La description générale du Programme 27
1.2.2 Le français dans le Programme bilingue francophone 29
1.2.3 L’enseignement du français au niveau du collège 33
Chapitre 2 L’image fixe 36
2.1 L’image fixe en pédagogie et ses fonctions en rapport aux contenus enseignés dans la PBF 36
2.1.1 L’évolution du statut de l’image en pédagogie 36
2.1.2 Fonctions de l’image 42
2.1.3 Conclusion 45
2.2 L’image fixe 46
2.2.1 Qu’est-ce qu’une image fixe ? 46
2.2.2 La sémiologie de l’image 48
2.2.3 Conclusion 54
Trang 66
Chapitre 3 Comment analyser une image fixe ? 55
3.1 Les signes iconiques 55
3.1.1 Le choix du sujet 55
3.1.2 Le choix des détails 56
3.2 Les signes plastiques 57
3.2.1 La ligne et la forme 57
3.2.2 La couleur 59
3.2.3 La lumière et l’éclairage 64
3.2.4 La composition 66
3.2.5 La construction de l’espace 73
3.3 Signes linguistiques 82
3.4 Conclusion 84
Chapitre 4 La compréhension écrite 85
4.1 Qu’est-ce que « Lire » ? 85
4.1.1 « Lire, c’est d’abord comprendre » 85
4.1.2 « Lire, c’est communiquer » 86
4.2 Les variables du modèle de la compréhension en lecture 88
4.2.1 La variable lecteur 89
4.2.2 La variable texte 91
4.2.3 La variable contexte 92
4.3 Conclusion 92
Conclusion de la première partie 93
DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDES DE TERRAIN 95
Chapitre 5 Méthodologie générale de la recherche 97
5.1 Recherche-action : définition 97
5.2 Recherche-action : principes 99
5.3 Recherche-action : étapes 99
5.4 Recherche-action : étapes pour notre étude 101
Chapitre 6 Entretiens auprès des enseignants 103
6.1 Quel type d’entretien pour notre recherche ? 103
6.2 La préparation des entretiens en étapes 104
6.3 Le guide d’entretien 106
6.4 Modalités d’analyse des entretiens 108
Trang 77
6.4.1 La catégorisation 108
6.4.2 Convention de transcription 109
6.4.3 Transcription des entretiens 110
6.5 Analyse des entretiens 110
6.5.1 Analyse des entretiens en catégorisation a priori et a posteriori 110
6.5.2 Résultats des analyses d’entretiens 110
Chapitre 7 Enquête auprès des élèves 132
7.1 Le choix et la préparation du dispositif de recherche : le questionnaire 132
7.2 La structure du questionnaire proposé aux élèves 132
7.3 L’analyse et interprétation des résultats 139
7.3.1 Renseignements individuels 139
7.3.2 L’utilisation des images fixes dans les cours en Vietnamien 140
7.3.3 L’utilisation des images fixes dans les cours de français 147
7.4 Conclusion 158
Chapitre 8 Observations des classes 161
8.1 Méthodologie 161
8.1.1 Le synopsis comme un outil méthodologique pour traiter les séances d’enseignement enregistrées 162
8.1.2 Démarches d’élaboration d’un synopsis pour notre recherche 163
8.2 Les résultats des analyses des séances enregistrées 170
8.2.1 La place de l’image fixe dans les cours de français 170
8.2.2 Modalité d’analyse d’une image fixe : une simple observation intuitive 178
8.3 Conclusion 192
TROISIÈME PARTIE : SUGGESTIONS PÉDAGOGIQUES ET EXPÉRIMENTATION 195
Chapitre 9 Suggestions pédagogiques 197
9.1 Grille d’analyse de l’image fixe 197
9.1.1 Informations contextuelles 198
9.1.2 Les signes 198
9.2 Modalité de lecture et d’utilisation d’une image fixe 205
9.3 Exemple d’analyse et d’utilisation de l’image fixe 206
9.4 Les étapes pour la préparation d’une séance ayant l’image en usage 213
9.5 Conclusion 214
Chapitre 10 Expérimentation 216
Trang 88
10.1 Méthodologie de l’expérimentation 216
10.1.1 Formulation des hypothèses 216
10.1.2 Le contexte et les sujets 216
10.1.3 Le déroulement de l’expérimentation 217
10.1.4 La collecte des données 223
10.1.5 Conclusion 227
10.2 Évaluation du parcours pédagogique proposé 227
10.2.1 Analyse des données chiffrées 227
10.2.2 Analyse des entretiens auprès des enseignants 236
10.2.3 Conclusion 245
CONCLUSIONS GÉNÉRALES 251
BIBLIOGRAPHIE 255
Trang 9Il faudra attendre jusqu’en 1986, date à laquelle le Vietnam a engagé une politique de
" Renouveau " (appelé Doi Moi en vietnamien) axée sur l'ouverture progressive de l’économie de marché et aux échanges extérieurs, pour que le pays réintègre le réseau des relations régionales et internationales, en devenant membre à part entière de la Francophonie Le français a été ainsi enseigné à nouveau comme langue étrangère bénéficiant d’un volume de temps plus large qu’à l’époque précédente dans des filières universitaires de langues, mais toujours réduit dans des écoles secondaires, après l’anglais et au même rang que le russe, le chinois, l’allemand et le japonais
C’est avec la mise en œuvre du programme des Classes bilingues francophones (PCBF), de manière expérimentale en 1992 et puis officielle en 1994, et l’ouverture des filières francophones universitaires que le français est désormais en deuxième position parmi les langues enseignées au Vietnam, derrière l'anglais mais avant les autres langues étrangères.2
1 Selon le rapport N°1 du Sénat français, disponible sur https://www.senat.fr/rap/r97-001/r97-001_mono.html, consulté le 10/10/2017
2 Id., chapitre 1, p 9
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Le PCBF était reconnu comme un exemple phare en matière d’enseignement des langues au Vietnam et a suscité un grand intérêt de la part de bien des familles ainsi que des responsables vietnamiens3 Le rapport numéro 1 du Sénat français de 1998 mentionne le fait que « cet enseignement scolaire bilingue remporte indéniablement un très grand succès auprès des parents d'élèves : le nombre de demandes d'inscription est en moyenne cinq fois supérieur à celui de places disponibles »
Cette réussite du PCBF est certainement due à la bonne qualité de l’enseignement, ainsi qu’aux conditions favorables du contexte socio-économique et diplomatique
Ce programme a d’autre part bénéficié de grands soutiens financiers et pédagogiques de la part des partenaires francophones représentés par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) Par ailleurs, la tenue du 7e Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement des pays ayant le français en partage à Hanọ a été un grand événement donnant une forte impulsion à la Francophonie au Vietnam Il est à ajouter que pendant la première dizaine d’années de la mise en œuvre du PCBF, au Vietnam, il n’y avait pas encore d’autres programmes équivalents en d’autres langues
Pourtant, depuis 2006, le PCBF connait bien des difficultés suite à la suppression de l’aide financière et pédagogique par les partenaires francophones, et à l’apparition d’autres programmes de classes bilingues en anglais, ou de programmes d’enseignement intensif d’autres langues, du japonais ou de l’allemand par exemple Il faut prendre en compte également la prise
de conscience chez les jeunes bacheliers et leurs parents d’une moindre chance d’accès à la formation universitaire et post-universitaire ou au marché de travail, par rapport aux apprenants
de l’anglais ou même du japonais, à la sortie du PCBF Ainsi a été constatée de 2005 à 2009 une baisse de 20% du nombre d’élèves qui suivaient le PCBF4
3 Selon le Projet de construction des modèles de l’enseignement bilingue au Vietnam – NV- Ministère de l’Education et de la Formation du Vietnam, Département de la formation et l’éducation secondaire – Expert VI Van Dinh et ses collaborateurs, 2012 (Voir annexe I.2)
4 Selon Trinh Van Minh et Stéphane Grivet (2009), Tiếng Pháp trong hệ thống giáo dục Việt nam (Le français dans
le système éducatif national du Vietnam), Rapport lors de la Conférence de VALOFRASE, p 1-5
Trang 1111
Les difficultés mentionnées sont causées par des facteurs extérieurs, mais il faut également reconnaître l’existence de causes intrinsèques à la baisse de fréquentation du PCBF, tels que la surcharge du contenu à enseigner/apprendre, la lourdeur du volume horaire, le manque de mise à jour de la méthodologie, etc
Ainsi, en 2009, le Ministère de l’Education et de la Formation (le MEF) du Vietnam a promulgué une Décision de rénovation du PCBF (désormais nommé le Programme bilingue francophone -
le PBF).5
Cette Décision porte d’un côté sur la réduction du contenu d’enseignement, ainsi que du volume horaire pour tous les niveaux, du primaire au secondaire De l’autre côté, elle introduit une réforme pédagogique renforçant la cohérence interdisciplinaire et culturelle et la méthodologie
Plus concrètement, dans Les Instructions officielles de Rénovation du Programme des Classes bilingues6 sont préconisés les itinéraires de découvertes, les classes à projet dans le but d’enrichir les connaissances culturelles chez les élèves, ainsi que de susciter leur intérêt d’apprendre le français et des matières en français afin d’« aider les élèves à avoir une bonne méthode d’apprentissage, la capacité de réflexion créative, et à acquérir le français de spécialité à travers les activités en classe et les leçons dans les manuels ».7
Des questions pédagogiques ont été posées : comment faire pour rendre les cours de français plus attrayants et dynamiques ? Quels moyens pédagogiques seront-ils utilisés pour enseigner la culture francophone et harmoniser de manière interdisciplinaire l’enseignement du/en français et celui du/en vietnamien, en développant la capacité de travailler en groupe chez les élèves ?
(Source : http://haiphong.gov.vn/Portal/Detail.aspx?Organization=SNV&MenuID=5546&ContentID=15518) consulté le 01-3-2014)
5 La Décision écrite, N° 4113/ QĐ-BDGĐT, le 16 juin 2009, Ministère de l’Education et de la Formation du Vietnam (Voir annexe I.1)
6 Les Instructions officielles de Rénovation du Programme des Classes bilingues, joint à la Décision écrite, N° 4113/ QĐ-BDGĐT, Ministère de l’Education et de la Formation du Vietnam, le 16 juin 2009 (Voir annexe I.2)
7 Idem
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L’image en général et l’image fixe en particulier, n’étant pas un outil pédagogique nouveau et se présentant en quantité dans les manuels de français, serait un des moyens efficaces et peu cỏteux du point de vue financier pour répondre à cette exigence
D’ailleurs, l’image fixe peut introduire dans le contexte scolaire des aspects du monde extérieur
en créant un environnement linguistique et culturel ; on peut ainsi « actualiser le cours de français et son contenu par le biais de l’analyse de l’image » (Deschamps, 2004 : 5) En outre, l’image peut agir en même temps sur l’esprit et la mémoire des élèves La présentation simultanée des documents écrits ou oraux et des images favorise en effet la mémorisation et la construction des connaissances chez les apprenants Selon Legros & Crinon (2002 : 44),
« l’ensemble des résultats obtenus indique que la présentation simultanée du texte et de l’image facilite la construction de la cohérence de la représentation verbale et donc sa mémorisation mais elle favorise aussi la construction intermodale d’une représentation référentielle, c’est-à-dire à la fois verbale et imagée »
Ce serait pour ces avantages que les concepteurs ont introduit dans la méthode « Ici et Ailleurs » pour les élèves du collège dans le cadre du PBF au Vietnam un nombre important d’images fixes : photographies, photogrammes, reproductions de peinture, dessins, affiches publicitaires, etc Ces images n’ont pas simplement pour but de décorer le livre, mais elles visent à faciliter la compréhension orale ou écrite, à développer la production verbale ou écrite, et encore à aborder les dimensions culturelles, interculturelles et aussi interdisciplinaires (entre la langue française et des matières socio-scientifiques en français ou en vietnamien)
Pourtant, étant à la fois enseignante de français au collège et au lycée depuis 1998, et assistante pédagogique du PBF auprès du Ministère de l’Education et de la Formation (MEF) du Vietnam (depuis 2001), nous constatons que les images fixes occupent une place importante dans les méthodes de français, mais elles ne sont pas utilisées efficacement dans un but d’enseignement/apprentissage de la langue
Trang 1313
2 Formulation des questions et des objectifs de recherche
2.1 Question générale de recherche
Notre question de départ est la suivante : comment faire pour que l’utilisation de l’image fixe apporte une meilleure efficacité à l’enseignement du français dans les collèges bilingues francophones au Vietnam ?
2.2 Objectifs de recherche
Nous visons un double objectif :
- La compréhension des difficultés de l’enseignant et puis de l’apprenant lorsqu’ils sont confrontés à l’utilisation des images fixes dans l’enseignement/apprentissage du français
- La validation d’un parcours pédagogique basé sur une hypothèse d’exploitation des images fixes pour enseigner/apprendre le français
2.3 Hypothèses de recherche
Nous formulons les hypothèses suivantes :
1) Les images introduites dans les manuels de français destinés aux classes bilingues ne sont pas suffisamment exploitées
2) Il est possible de proposer un parcours efficace qui se basera sur les résultats d’une analyse exploratoire des difficultés d’utilisation de l’image fixe et des caractéristiques de cet outil d’enseignement
3) L’enseignement/apprentissage du français dans les classes bilingues francophones serait amélioré par l’utilisation de l’image fixe comme support pédagogique efficace, grâce à une méthode qui consisterait à inclure d’autres éléments du message porteurs de signification et de compréhension, surtout la force de signification des signes visuels
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2.4 Méthodologies de la recherche
Pour atteindre les objectifs visés, nous avons entrepris une recherche-action En effet, comme nous l’expliquerons dans le chapitre 5 (Méthodologie générale de la recherche), cette recherche vise un changement dans un contexte concret Aussi, Dolbec et Clément (2004 : 182) ont mis l’accent sur son objectif primordial : « la recherche-action diffère des autres types de recherche par son objectif premier qui est de produire un changement dans une situation concrète » Ainsi, dans le contexte déterminé, notre recherche est menée dans le but d’améliorer l’enseignement du français dans des collèges bilingues francophones au Vietnam Elle devrait chercher à produire des changements, des améliorations à la situation de l’enseignement et apprentissage des acteurs
du terrain qui sont des apprenants et des enseignants Dans cette perspective, nous devrons d’abord collecter des données du terrain afin de comprendre la situation problématique, pour ensuite proposer un parcours didactique qui sera validé par une expérimentation
Ainsi après la première partie qui porte sur le cadre contextuel et théorique, la deuxième partie
de cette thèse portera sur la description de l’utilisation et des représentations de l’image fixe par les enseignants Notre description se base sur des entretiens semi-directifs avec les enseignants, une enquête par questionnaire auprès d’une centaine d’élèves fréquentant des collèges de la ville
de Hanoi et l’observation directe des séances en classe La réalisation et l’analyse de ces investigations exigent des procédés méthodologiques pertinents et qui conviennent à chacune C’est pourquoi nous avons rédigé une introduction méthodologique portant sur le procédé de recherche concerné au début de chaque chapitre : les entretiens auprès des enseignants, l’enquête par questionnaire auprès des élèves et l’observation directe en classe
La troisième partie de la recherche vise à fournir des repères aux enseignants afin qu’ils puissent analyser les images et en améliorer l’utilisation pendant leurs leçons de français Nos propositions pédagogiques seront validées au moyen d’une expérimentation dont la démarche sera également illustrée par une description du procédé méthodologique adopté
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3 Délimitation du champ de recherche
3.1 Image fixe ou mobile ?
Pour le choix du sujet de recherche, nous avons décidé sans hésitation de travailler sur l’image Mais une question s’est posée à nous : travaillerons-nous en même temps sur l’image fixe et l’image mobile ?
Étant assistante pédagogique du PBF au niveau du collège à Hanoi, notre travail est de visiter des classes, assister à des cours de français, organiser des réunions pédagogiques pour les enseignants de la ville, les aider à choisir des documents, à élaborer des fiches pédagogiques et à discuter des difficultés ainsi que des pratiques en classe Nous avons donc constaté que dans les manuels officiellement utilisés pour le collège, les images fixes se présentent en abondance, et des images audio-visuelles sont seulement introduites par l’enseignant de façon volontaire et occasionnelle De plus, ces dernières demandent toujours des équipements tels que des ordinateurs, des écrans, ou des projecteurs, tandis que les images fixes sont nombreuses dans les manuels En outre, si l’enseignant souhaite en ajouter, il sera plus facile et moins cỏteux d’en trouver Enfin, les images fixes proposées dans les manuels ne sont pas encore bien exploitées pour l’enseignement/apprentissage de la langue
C’est pour ces raisons que nous avons décidé de choisir l’utilisation de l’image fixe comme objet
de notre recherche Nous précisons que la lecture de ce support visuel n’est pas du tout évidente
ou facile pour des adolescents de 11 à 14 ans Il nous est donc nécessaire de rester dans le cadre qui nous permet de travailler sur l’aspect de signification de l’image, mais pas trop sur celui de l’émotion, ni sur des approches psychanalytiques, ou anthropologiques, etc Ainsi, nous nous référerons à la théorie de la sémiologie de l’image en la considérant comme la base théorique pour répondre à la question de recherche « Comment enseigner la lecture de l’image fixe aux élèves à l’âge de 11 à 14 ans ? »
Trang 1616
3.2 Didactique de l’image ou par l’image ?
La relation entre l’image et la pédagogie est décrite depuis Platon Plus récemment, elle fait l’objet de recherches, dont celle de Tardy (1966) et actuellement celles du GRIT8 de l’Université Catholique de Louvain
Dans notre contexte, l’image fixe devrait être utilisée comme un moyen pédagogique efficace pour enseigner et apprendre le français langue d’enseignement Pour cela, il est important que l’enseignant et les élèves possèdent une bonne compétence d’analyse et interprétation de l’image
et sachent utiliser ces analyses et ces interprétations pour enseigner et apprendre le français
Ainsi, pour pouvoir construire un parcours pédagogique portant sur l’utilisation de ce support visuel, nous devons préciser si nous nous intéressons à la didactique de l’image ou à la didactique par l’image
D’abord, dans une perspective de didactique de l’image, les élèves sont formés au langage de l’image Si l’image est un langage, il faut apprendre tout d’abord à le lire et puis peu à peu à l’écrire si possible Ainsi, les élèves devront être capables de reconnaître ses signes iconiques et plastiques, par exemple, ainsi que d’interpréter les significations apportées par ces signes visuels afin de construire le sens, comme l’affirme Bretèque (1992 :1) : « toute une autre tradition rattache la didactique des images à celle des enseignements artistiques et aux disciplines
« d'éveil », aux yeux desquels l'image est avant tout expression »
Par contre, dans la didactique par l’image, cette dernière n’est pas l’objet de l’enseignement/apprentissage, mais elle est plutôt un support ou un outil pour enseigner et apprendre autre chose Dans une classe de langue, l’image est plutôt dans ce cas un prétexte ou
un élément déclencheur pour lancer une activité quelconque : un débat, un sujet de rédaction, un sujet d’oral, etc Ainsi, « Les images auxquelles recourent les enseignants appartiennent en général à un répertoire de types (les peintures figuratives, et les portraits d’écrivains, par exemple, dominent dans le cas de la discipline française), et leur didactisation se confond
8 GRIT- Groupe de recherche sur l’image et le texte, dirigé par Jean-Louis TIEUIL, Professeur à l’Université Catholique de Louvain (http://grit.fltr.ucl.ac.be/)
Trang 1717
souvent avec celle des contenus enseignés, puisqu’elles ont, dans le dispositif général de la
leçon, un statut d’auxiliaires » (Vanhoosthuyse, F., 2017 : 30)
En accord avec l’objectif spécifique de l’enseignement/apprentissage du français dans le PBF9
selon le contenu préconisé dans le programme construit par un comité mixte d’experts francophones et vietnamiens et approuvé par le MEF du Vietnam (que nous aborderons dans le chapitre 2), notre étude sur l’utilisation de l’image fixe se base successivement et de manière souple sur la pédagogie de l’image et puis sur celle par l’image
En d’autres mots, nos élèves commenceront par l’analyse et l’interprétation des messages transmis par l’image et puis les utiliseront pour accomplir d’autres tâches ou activités langagières : compréhension d’un texte, réalisation d’un exposé oral ou écrit, construction d’un projet de classe (un guide touristique de l’école, de la ville ou d’un musée, par exemple), rédaction d’un texte descriptif, argumentatif, et narratif, etc Cela aidera les élèves non seulement
à apprendre le français, mais aussi à élargir leurs connaissances culturelles et à entraîner leur capacité à travailler en groupe Ce sont aussi des objectifs à atteindre préconisés par le PBF rénové
Concernant l’apprentissage du français, nous avons limité la recherche, dans le cadre de cette thèse, à l’une des capacités fondamentales développées par l’école : la compréhension de l’écrit, car celle-ci occupe une place importante en contenu et en quantité de temps dans les classes bilingues au collège
Ainsi, dans cette perspective, nous aborderons dans un premier temps des techniques d’analyse sémiologique de l’image fixe et une définition de la compréhension de l’écrit (ce contenu sera abordé dans la première partie sur le cadre contextuel et théorique de notre recherche) Dans la deuxième partie de la thèse sera présentée l’application des acquis théoriques à propos de la technique de lecture de l’image fixe aux activités de classe pour l’enseignement /apprentissage
de la compréhension de l’écrit en français
9 Les Instructions officielles de Rénovation du Programme des Classes bilingues, joint à la Décision écrite, N° 4113/ QĐ-BDGĐT, Ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam, le 16 juin 2009 (Voir annexe I.2)
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PREMIÈRE PARTIE CADRE CONTEXTUEL ET THÉORIQUE
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Chapitre 1 L’enseignement du français et le programme bilingue
francophone au Vietnam
1.1 L’enseignement du français au Vietnam
Après l’introduction générale sur l’aspect historique de la place de la langue française au Vietnam depuis 1954, le premier contenu de ce chapitre 1 vise à éclairer plus précisément la situation de l’enseignement du et en français à l’heure actuelle dans tout le pays Les données et les chiffres cités dans ce chapitre sont tirés d’une intervention officielle du Directeur du Département de l’enseignement secondaire du Ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam.10
1.1.1 Les programmes d’enseignement scolaire du et en français
Actuellement sont mis en œuvre quatre programmes d’enseignement du ou/et en français
au niveau scolaire
1.1.1.1 Le programme de français langue vivante 1
Le programme de Français LV1 (désormais Français LV1) se compose de deux cursus de
7 ans et de 3 ans Pour le cursus de 7 ans, les élèves apprennent le français de la classe 6e à
la terminale, avec un volume d’horaire de 3 séances de 45 minutes par semaine Le cursus
de 3 ans est appliqué pour les élèves qui commencent à apprendre le français seulement au lycée (de la 2e à la terminale) avec un volume de 5 séances de 45 minutes par semaine Les manuels utilisés sont élaborés par des experts vietnamiens
Selon des estimations de VU Dinh Chuan11, actuellement le programme de Français LV1
10 Intervention de M VU Dinh Chuan, 12/2013, Directeur du Département de l’enseignement secondaire, président du Comité national de Pilotage, Projet VALOFRASE, Ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam (Voir annexe I.3)
Vice-11 Id., p1
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« est adopté a priori par les régions du Nord, avec une préférence pour le cursus de 3 ans »
1.1.1.2 Le programme de français langue vivante 2
Le programme de Français langue vivante 2 (désormais Français LV2) comprend aussi deux cursus de 7 ans et de 3 ans avec un volume d’horaire d’enseignement moins important ; 2 séances de 45 minutes par semaine pour les deux cursus, 75 séances par année scolaire Ce programme est plutơt adopté au Centre et au Sud du pays La préférence
de tel ou tel programme dans chaque région du pays est due, selon notre point de vue, à des influences d’aspects soit historiques soit économiques
La mise en place du programme de français LV1 au Nord pourra être expliqué par la longue période de présence de la langue française dans cette région du pays pendant le temps de la colonisation française, et suite à la reprise de l’enseignement du français, après une rupture
de 1954 à 1974, depuis 1975 jusqu’à maintenant
Tandis qu’au Sud, la présence de l’anglais était dominante depuis l’époque de l’occupation américaine jusqu’aujourd’hui avec une large utilisation de cette langue au niveau international C’est pourquoi le français est largement choisi dans cette région comme deuxième langue étrangère à apprendre après l’anglais
Une autre explication concerne, selon nous, le choix prédominant du programme Français LV2 au Centre du pays Moins influencé par des aspects historiques, le Centre, ó il y a beaucoup de sites comme la citadelle de Hué, avec ses festivals culturels reconnus au niveau international et organisés chaque année, des villes cơtières avec de belles plages comme Nha Trang ou Da Nang, le français est choisi comme la langue étrangère qui sert à développer le tourisme à cơté de l’anglais et d’autres langues étrangères
1.1.1.3 Le programme de français LV1 renforcé
Ce programme est conçu pour les élèves des classes à option de langues étrangères Les élèves suivent un cursus de 7 ans d’apprentissage du français avec un volume horaire assez important de 5 séances de 45 minutes par semaine Le contenu d’enseignement vise strictement l’entraỵnement des quatre compétences ; la compréhension et l’expression
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orales, la compréhension et l’expression écrites, et des connaissances linguistiques Ce programme est mis en œuvre dans toutes les provinces du pays et accueille 1605 élèves doués en langues étrangères (Ambassade de France au Vietnam, 2009)
1.1.1.4 Le programme bilingue francophone
Le programme bilingue francophone comporte à présent un seul cursus de 12 ans s’étendant de la première année de l’enseignement primaire jusqu’à la terminale au lycée Les élèves suivent en même temps des cours intensifs en français et des cours de mathématiques et de physique en français « Il s’agit d’un programme officiel de l’enseignement secondaire, opéré en parallèle avec le programme en vietnamien »12
Nous présenterons, dans le chapitre qui suit, ce programme avec toutes ses particularités, pour lesquelles il est apprécié au Vietnam et considéré comme un programme exemplaire
de l’enseignement du français en particulier et des langues étrangères en général, et malgré l’émergence de points à améliorer
1.1.2 Les programmes d’enseignement universitaire du et en français
1.1.2.1 La formation de licence en français langue étrangère (FLE)
Cette formation est offerte par des universités dans les domaines de la traduction et l’interprétation, la langue et la culture françaises, l’enseignement du français « On compte aujourd’hui 11 établissements universitaires accrédités pour cette formation »13
1.1.2.2 Le programme de français LV1
Ce programme est adopté par des établissements universitaires non spécialisés en langues étrangères L’enseignement du français est offert aux étudiants comme une des matières non spécialisées à étudier En réalité, plusieurs universités ayant choisi le programme de
Français LV1 ont des relations de coopération avec des partenaires francophones
12 Ibid., p1
13 Ibid., p2
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1.1.2.3 Le programme de français LV2
Ce programme se présente dans des universités de langues, mais pour des étudiants ayant une autre langue étrangère comme langue de l’apprentissage (en réalité ce sont des étudiants inscrits à une majeure en anglais)
1.1.2.4 Les programmes de français spécialisé
Dans les filières universitaires francophones sont mis en œuvre différents programmes de français spécialisé, dans plusieurs domaines : informatique, chimie, agronomie, médecine, management, construction et commerce, etc « ( ) On compte 65 formations francophones dans le cadre des coopérations multilatérales et bilatérales »14
Dans ces filières, les étudiants suivent, dans le programme de formation en vietnamien, des cours de français général et de français spécialisé pendant toutes les années universitaires Ils pourront obtenir le diplôme vietnamien et aussi un certificat francophone s’ils font la soutenance du mémoire en langue française à la fin de leurs études
1.1.2.5 Les programmes de co-formation universitaire et post-universitaire
Depuis quelques années, les programmes de co-formation universitaire et universitaire entre le Vietnam et les partenaires francophones (a priori des partenaires français et belges) se développent très vite en quantité ainsi qu’en qualité Cette coopération est mise en œuvre non seulement au niveau ministériel, et aussi bilatéralement
post-au nivepost-au des établissements universitaires Cette coopération de formation universitaire et post-universitaire concerne plusieurs domaines ; finance, économie, commerce international, agronomie, science médicale, sciences humaines, etc « On compte 31 programmes de co-formation avec la France, 7 programmes avec la Belgique, 3 programmes avec le Canada et quelques programmes avec la Suisse »15 Les programmes
de co-formation permettent aux étudiants non seulement de bénéficier d’une formation
14 Ibid., p.2
15 Ibid, p.2
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bilatérale de bonne qualité, mais aussi d’obtenir un double diplôme ; un octroyé par le côté
vietnamien et un par le côté étranger
Concernant la co-formation post-universitaire, il nous faut signaler la coopération efficace
de formation de master et de doctorat entre l’Université Catholique de Louvain, Belgique,
et l’Université de Hanoi, Vietnam Reconnu par le Ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam et la Fédération Wallonie-Bruxelles belge, et mis en œuvre depuis
2010 pour la co-formation en master et 2012 pour la co-formation doctorale, ce programme attire l’attention de la société et semble prometteur
1.1.3 D’autres systèmes d’enseignement du français
Outre l’enseignement scolaire et universitaire du français, il existe plusieurs centres linguistiques et culturels qui offrent aussi des cours de français général et aussi spécialisé en répondant aux différents besoins de publics variés Ces centres peuvent organiser en outre des activités linguistiques et culturelles qui contribuent à créer un environnement francophone Nous pouvons citer ici des centres qui fonctionnent efficacement, tels que : l’Institut français
de Hanoi, l’Institut français de Hue, l’Institut d’échange culturel avec la France EDICAF à Ho Chi Minh-ville, et plusieurs autres centres qui se trouvent dans d’autres villes et provinces
1.1.4 Des difficultés de l’enseignement du français au Vietnam
Quant aux difficultés de l’enseignement du français au Vietnam, nous voudrions citer les propos du Directeur de l’enseignement secondaire du Ministère de l’Éducation et de la Formation
D’abord, nous assistons aujourd’hui à « une chute considérable du nombre d’apprenants de français… »16 qui serait due à « la limitation des débouchés, au manque d’interdisciplinarité entre enseignement scolaire et enseignement universitaire, … »17 La deuxième difficulté est ensuite reconnue, c’est la concurrence estimée très importante du français avec l’anglais,
16 Ibid., p.5
17 Ibid., p.5
Trang 2626
« l’apprentissage du français est souvent jugé difficile, ce qui entrave le recrutement des élèves pour les classes de début de niveaux »18 Enfin, cette source officielle a cité des lacunes du PBF, telles que le manque de manuel officiel national, la présence réduite des natifs dans les classes de langue, l’investissement faible pour des documents pédagogiques, etc
De notre point de vue, dans le cas des classes bilingues francophones, il faudrait considérer non seulement le fait que les documents pédagogiques sont peu investis, mais encore qu’ils ne sont pas bien exploités C’est le cas des images fixes, par exemple
1.1.5 Conclusion
Nous pouvons constater qu’une variété remarquable de programmes d’enseignement du français pour des publics divers a bien été mise en œuvre et est actuellement maintenue par le Gouvernement vietnamien avec la coopération de plusieurs partenaires francophones dans l’optique d’une politique du plurilinguisme Pourtant, il est impossible de ne pas reconnaître les enjeux auxquels fait face l’enseignement du français actuel au Vietnam ; une baisse importante
du nombre d’apprenants, une concurrence importante avec l’anglais, dominant, qui est toujours considéré comme beaucoup plus facile à apprendre, etc Il est donc temps de tout revoir ; les difficultés causées par les facteurs extérieurs et celles causées par les facteurs intrinsèques pour pouvoir non seulement « maintenir et consolider les programmes d’enseignement existants »19mais aussi les développer
Ce serait dans ce but que sont mises en œuvre plusieurs coopérations nationales et internationales, et aussi des rénovations pour différents programmes d’enseignement du et en français Nous aborderons avec plus de détails cet aspect en présentant le PBF qui est considéré comme un Programme d’élite de l’enseignement du et en français au pays à l’heure actuelle
18 Ibid., p.5
19 Id., p 5
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1.2 Le Programme bilingue francophone au Vietnam
1.2.1 La description générale du Programme
Initialisé de manière expérimentale en 1992 à Ho Chi Minh-ville et puis officiel en 1994, le programme bilingue francophone, qui vise à renforcer l’enseignement du français et à s’initier à l’enseignement des matières scientifiques en français dans l’enseignement général au Vietnam, est présent aujourd’hui dans 12 provinces et villes du pays
Ce Programme est le résultat de la coopération entre le Vietnam et les partenaires francophones représentés par l’AUF (Agence Universitaire Francophone) dans l’intention de construire et développer un modèle d’enseignement et apprentissage du français au Vietnam, qui est considéré, selon un rapport des Sénateurs français20, comme « le meilleur rempart contre la domination du " tout anglais " » et est en phase avec la politique du plurilinguisme du Gouvernement vietnamien
L’objectif du Programme bilingue francophone est cité dans Les Instructions officielles 10016/BGDĐT-GDTrH, promulguées le 08/ 9/ 2006 comme suit (Ministère de l'Éducation et entraînement du Vietnam, 2006)
« L’objectif général du Programme bilingue francophone est, d’un côté, d’assurer que les élèves ont une bonne maîtrise du français, et sont capables d’utiliser part à part cette langue comme un outil pour acquérir des connaissances scientifiques par le biais des matières enseignées en français Le contenu d’enseignement/apprentissage et les documents pédagogiques utilisés doivent permettre aux élèves d’élargir leurs connaissances générales, de consolider des connaissances acquises à travers de l’apprentissage des matières en vietnamien et surtout de développer de nouvelles stratégies d’apprentissage et méthodes de travail »
20 Selon le rapport N°1 du Sénat français, disponible sur https://www.senat.fr/rap/r97-001/r97-001_mono.html, consulté le 10/10/2017
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Le contenu du programme d’étude s’étend sur 12 ans ; de la première année de l’enseignement primaire jusqu’à la terminale du lycée, avec un volume horaire très important qui varie selon chaque niveau Au primaire, les élèves ont maintenant 350 séances chaque année, c’est-à-dire 10 séances de 40 minutes par semaine De la sixième au collège à la première au lycée, les élèves auront 11 séances de 45 minutes pour chaque semaine, dont 7 pour le français, 2 pour les mathématiques en français et 2 pour la matière au choix (la physique en français ou en anglais)
En terminale, il reste, chaque semaine, seulement 4 séances de français, mais toujours 2 séances pour les mathématiques en français et 2 pour la physique en français ou en anglais.21 Il faut souligner qu’à côté du programme francophone, les élèves suivent également le programme vietnamien
En observant la répartition horaire, nous pouvons remarquer qu’au collège et au lycée les matières d’enseignement/apprentissage obligatoires dans le Programme sont le français et les mathématiques en français et que la physique en français est optionnelle Au primaire, des connaissances de mathématiques et des connaissances scientifiques sont insérées dans les cours
de français à travers des textes à lire et des exercices de pratique à partir de la 4e et 5e années
Concernant les évaluations, à la fin du collège, pour obtenir un brevet francophone, les élèves passeront un examen dont les modalités sont les suivantes : une épreuve de français qui se compose de 5 parties (compréhension orale, compréhension écrite, connaissances de langue, connaissances de la culture francophones et expression écrite) et une épreuve de mathématiques Après 12 années d’études, les élèves obtiendront, parallèlement avec le bac vietnamien, le bac francophone en deux versions signées par le Directeur du Département de l’enseignement secondaire du Ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam (pour la version en vietnamien) et par l’Ambassadeur de France au Vietnam (pour la version en français)
Les manuels pour le Programme sont choisis et conçus généralement sur la base du Référentiel général d’orientations et de contenus élaboré pour l’enseignement du français langue seconde22,
21 Selon Les Instructions officielles de Rénovation du Programme des Classes bilingues, joint à la Décision écrite, N° 4113/ QĐ-BDGĐT, Ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam, le 16 juin 2009 (Voir annexe I.2)
22 Référentiel général d’orientations et de contenus élaboré pour l’enseignement du français langue seconde (2000), sous la direction de l’Agence universitaire de la Francophonie, EDICEF/AUF
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adapté au contexte vietnamien par une équipe d’experts mixtes francophones et vietnamiens Pour les trois premières années du primaire est utilisée la méthode « Une petite grenouille » Pour les deux dernières années du primaire, on utilise les livres « Ici et Ailleurs » 4e et 5e et les deux livres « Ici au Vietnam » 4e et 5e qui constituent un supplément d’« Ici et Ailleurs » en introduisant des connaissances de mathématiques, biologie, technologie, etc Au lycée, jusqu’à présent il n’y a pas encore de manuels nationaux, mais ce sont des documents thématiques conçus par une équipe d’experts et d’assistants pédagogiques, et aussi d’enseignants spécialisés
Il s’agit de documents ouverts étant fréquemment mis à jour Pour les mathématiques et la physique en français, il n’y a pas non plus de manuels nationaux, mais des dossiers thématiques assez stables conçus par des experts vietnamiens
Concernant la conception du français langue seconde enseigné et appris dans le cadre du Programme bilingue francophone au Vietnam, nous l’aborderons avec ses particularités dans la partie qui suit
1.2.2 Le français dans le Programme bilingue francophone
1.2.2.1 Le français langue seconde : définition
Selon le Référentiel général (2000), sur lequel s’est basée la conception des manuels utilisés dans
le Programme bilingue francophone, le français enseigné et appris est caractérisé comme français langue seconde (FLS) Nous allons donc voir d’abord comment le FLS est défini par des spécialistes et ensuite faire des observations sur le français enseigné et appris dans les classes bilingues francophones au Vietnam
Selon Cuq (2003 : 109), le FLS, appellation d’origine récente (fin des années 1960), est dénommé ainsi en fonction de la manière d’enseigner de cette langue et du but poursuivi « Cette dénomination, fondée sur l’ordre supposé d’acquisition des langues, désigne habituellement un mode d’enseignement et d’apprentissage du français auprès de publics scolaires dont la langue d’origine est autre que le français et qui ont à effectuer tout ou partie de leur scolarité dans cette langue »
Dans le même sens, d’après Vigner (2001 : 128) le FLS « […] s’adresse à toutes celles, à tous ceux qui, à un moment ou à un autre, estiment que leur enseignement s’adresse à des publics
Trang 30Si la définition du FLS de Cuq est plus complète, les points de vue de Defays et de Vigner contribuent aussi à apporter des nuances complémentaires Ainsi, nous pouvons comprendre que
le FLS, n’étant ni le FLM ni le FLE, est une langue de scolarisation, totalement ou en partie, et qu’il doit être défini en fonction des objectifs visés et des modalités spécifiques qui en découlent
Selon cette manière de voir les choses, le français enseigné et appris dans les classes bilingues francophones au Vietnam est caractérisé comme FLS, car à cơté du programme vietnamien, les élèves suivent non seulement des cours intensifs de français, mais aussi des cours de mathématiques et de physique en français (bien que ce dernier soit optionnel) Néanmoins, il faut souligner que, n’ayant pas bénéficié d’un environnement linguistique comme les élèves des pays
du Maghreb, de l’océan Indien comme Madagascar, ou dans les DOM /TOM français, les écoliers vietnamiens vivent dans un contexte complètement « exolingue » (Vigner, p.11) Autrement dit, en dehors de la classe ils se retrouvent dans un milieu social et familial exolingue (par rapport au français) ó on ne parle pas du tout français Dans notre contexte, il s’agit par conséquent de FLS mais purement scolaire
C’est pourquoi, pour le PBF au Vietnam, il faut avoir une pédagogie appropriée La partie qui suit sera consacrée à la présentation de la pédagogie de l’enseignement du français dans le cadre
de notre programme
Trang 31- « apprentissage d’une langue non maternelle d’abord, se réalisant dans et par la
communication, moyen privilégié de motivation et d’action ;
- apprentissage scolaire ensuite, qui doit viser dans tous les cas la maîtrise de la
communication scolaire et celle de savoirs et compétences disciplinaires et transdisciplinaires ;
- apprentissage social enfin, destiné à favoriser l’épanouissement de l’apprenant et son
développement à lui fournir des perspectives professionnelles étendues et à donner les bases solides d’une appartenance active au monde de la francophonie ».23
Dans cette intention, l’enseignement du français devra donc assurer en même temps chez les apprenants une bonne maîtrise de la langue servant à des buts communicatifs, et une possibilité d’utilisation de cette langue comme moyen pour acquérir d’autres connaissances (socio- scientifiques et culturelles) et aussi des compétences de travail (nécessaires, par exemple, pour le travail en groupe, le travail interdisciplinaire, etc.), en tenant toujours compte du manque d’environnement linguistique hors de la classe Ainsi, les options méthodologiques doivent s’inscrire dans cette réflexion
B Les modes d’apprentissage
Comme les concepteurs des manuels « Ici et Ailleurs » ont affirmé que « ces manuels s’inscrivent dans la réflexion actuelle sur la didactique du français langue seconde… »24, les modes d’apprentissage doivent donc en être le reflet
23 « Ici et Ailleurs », 1999, AUF /Hachette-EDICEF
24 Id
Trang 3232
Dans les manuels utilisés, sont reconnus les deux modes d’accès à la langue que Vigner
(2001 :26) a mentionnés : l’imprégnation et l’instruction
L’imprégnation est le mode d’apprentissage considéré comme naturel, qui est comme celui d’un enfant qui apprend sa langue première dans son milieu familial Autrement dit, les élèves sont mis en contact avec des formes et des usages bien variés du français, et ils doivent induire de cette grande abondance langagière des régularités et choisir celles qui conviennent à la situation
de communication en faisant des hypothèses et puis en les testant lors des échanges avec des camarades ou des enseignants Ainsi, l’élève se construit une grammaire et un stock d’usages langagiers appropriés Cependant, cette construction dépend du champ d’application de chaque élève et de l’étayage de l’enseignant En classe, nous observons que cette activité d’imprégnation est souvent mise en pratique à travers des travaux en groupe avec le guidage de l’enseignant ou avec l’utilisation des moyens multimédias selon le principe « tout est réalisé en français » (donner des consignes, parler, discuter, expliquer, exposer, etc., en français) L’utilisation alternative du vietnamien pendant les cours de français n’est pas du tout sollicitée
Le deuxième mode - l’instruction - qui rappelle le mode d’apprentissage bien utilisé dans l’enseignement du FLE, selon Vigner (p.28) revient à créer « de toutes pièces un environnement langagier qui, par le moyen de fonctions discursives aisément identifiables, permettra de grammaticaliser progressivement un certain nombre de ces visées pragmatiques et d’élaborer les caractéristiques linguistiques d’une langue aux différents niveaux : phonologique, lexical, syntaxique, discursif » Ce mode est aussi fort utilisé dans les cours de français dans les classes bilingues francophones avec des leçons de grammaire, d’orthographe, de typologie de texte ou
de discours, etc Car, hors de la classe, les élèves n’ont pas d’occasion d’être en contact avec le français, l’environnement linguistique se limitant au seul espace de la classe et au seul temps des cours de/en français Pour aider les élèves à bien retenir le fonctionnement de la langue à une vitesse souhaitée, le mode de l’instruction est par conséquent nécessaire
Tenant compte des orientations préconisées et des modes d’apprentissages mentionnés, les concepteurs des manuels ont présenté les options méthodologiques adoptées comme celles qui
Trang 3333
« privilégient l’importance d’une pédagogie de l’oral, lient la compréhension et la production, et visent toujours en dernier ressort à placer les élèves dans des situations de communication ».25 Nous allons voir comment les orientations de l’enseignement/apprentissage du FLS dans le cadre
du PBF au Vietnam et les options méthodologiques sont adoptées et explicitées à travers la répartition des contenus et aussi l’organisation des manuels pour les classes au niveau du collège dans la partie qui suit
1.2.3 L’enseignement du français au niveau du collège
1.2.3.1 Principes méthodologiques et priorités
Ayant toujours affirmé que ces manuels sont « en conformité avec le Référentiel général d’orientations et de contenus »26, les concepteurs des manuels « Ici et Ailleurs » ont bien respecté les principes méthodologiques et priorités préconisés dans ce Référentiel Ce sont la poursuite de l’enseignement intensif, le renforcement de la compréhension, la structuration des connaissances et une démarche nouvelle : des outils aux usages
Abordons d’abord le premier principe pédagogique, il s’agit de l’enseignement intensif du français sur quatre dimensions : compréhension et expression orales, compréhension et productions écrites, à l’aide des moyens linguistiques acquis Ainsi, selon ce principe nous pouvons déduire que des documents pédagogiques comme les images fixes et d’autres conçus dans ces manuels doivent être utilisés et exploités selon une démarche communicative En d’autres mots, l’image doit d’abord être utilisée comme une langue en soi-même pour apporter
du sens et puis comme moyen de mise en œuvre d’autres activités d’entraînement de quatre compétences préconisées
Le deuxième principe méthodologique - le renforcement de la compréhension - est prescrit dans
le but d’assurer une fonction de scolarisation du français en tant que langue seconde, utilisée
25 « Ici et Ailleurs », 1999, l’avant-propos, AUF /Hachette-EDICEF
26 L’enseignement du français langue seconde - Un référentiel général d’orientations et de contenus, sous la direction de l’Agence universitaire de la Francophonie, 2000, EDICEF/AUF
Trang 3434
pour apprendre d’autres matières (dans notre cas, ce sont les mathématiques et la physique en français) Il faut donc entraîner les élèves à la compréhension de discours oraux d’une durée assez importante et à la lecture de textes longs et variés, tels que des textes littéraires, scientifiques, etc Sur ce point, nous observons aussi que la plupart des textes dans les manuels
« Ici et Ailleurs » sont accompagnés d’images fixes, mais dans le guide du professeur la relation entre l’image et le texte n’est pas prise en compte
La structuration des connaissances est le troisième principe méthodologique mentionné pour le niveau du collège Selon la logique que le développement des quatre compétences inscrites dans une démarche communicative demande une forte structuration des connaissances (concernant tous les aspects y compris des connaissances linguistiques, culturelles), et aussi des questions de méthodes (approche des textes, travail en équipe, etc.)
Le dernier principe méthodologique préconisé est une démarche allant des outils linguistiques nouveaux aux usages langagiers Dans cette démarche, les différents aspects de la langue, tels que la grammaire de texte, la grammaire de la phrase, le vocabulaire et l’orthographe, sont traités comme des outils qui rendent possible la compréhension à l’oral et à l’écrit, et permettent aussi
la lecture de textes plus longs en limitant des explications fastidieuses pendant la lecture
En abordant ces quatre principes méthodologiques mentionnés supra, nous pouvons observer que l’utilisation de n’importe quel document (y compris l’image fixe) comme support pédagogique doit s’inscrire dans une démarche communicative et être au service de l’entraînement des quatre compétences de compréhension et production à l’oral et l’écrit, et de l’acquisition des connaissances ainsi que des savoirs scolaires
Une autre ligne de force de l’enseignement du français dans le PBF est l’éducation francophone
Ce contenu sera présenté dans la partie suivante
1.2.3.2 Le développement des compétences socio-culturelles
Parallèlement au soin de réserver une place considérable aux textes relevant d’une culture scientifique, est également proposé un travail plus soutenu dans le domaine des compétences culturelles et sociales, qui porte sur :
Trang 3535
- « diversité des textes et des formes de discours ;
- diversité des modes d’expression (discours, arts plastiques, musique, arts corporels, etc.) ;
- diversité des langues et des cultures ;
- dimension scientifique de la culture ;
- unité et diversité de la francophonie »27
Dans cette intention, nous pouvons retenir que les arts plastiques sont reconnus comme un mode d’expression dans le Référentiel, en tant que langage par lequel l’élève peut comprendre et s’exprimer Une question se pose à nous : comment faire pour enseigner ce langage ? Nous essayons d’y répondre dans les chapitres qui suivent
27 L’enseignement du français langue seconde - Un référentiel général d’orientations et de contenus, sous la direction de l’Agence universitaire de la Francophonie, 2000, EDICEF/AUF, p.38
Trang 3636
Chapitre 2 L’image fixe
2.1 L’image fixe en pédagogie et ses fonctions en rapport aux contenus
enseignés dans la PBF
Dans la catégorie des supports visuels pour l’enseignement/apprentissage en général et celui de
la langue en particulier, l’image fixe est présente depuis toujours, même si sa forme et ses fonctions évoluent avec le temps
Dans ce chapitre, nous essayerons d’abord de montrer la relation qui unit l’image fixe à la didactique de la langue en présentant une vision globale de l’évolution de l’image en pédagogie
et la description des fonctions de ce support en rapport aux contenus enseignés dans le cadre du PBF Dans un second temps, nous viserons à définir ce qu’est l’image fixe et à trouver une approche pour pouvoir la lire et la comprendre dans sa spécificité
2.1.1 L’évolution du statut de l’image en pédagogie
2.1.1.1 L’image comme ennemie
Comme affirmé par Meirieu (2003 :1), l’image a d’abord été l’ennemie de la pédagogie Selon Duborgel (1992 : 240), Platon a convoqué l’image comme une forme d’imaginaire qui est susceptible de perturber la fonction didactique du message visuel Étant qualifiée de sensible, changeante et même trompeuse, l’image a été condamnée pendant longtemps Dans cette conception, seule l’image géométrique est tolérée
À la suite de Platon, comme les deux auteurs cités ont rappelé, les pédagogues ont donc vu l’image comme un obstacle qui empêche la pensée abstraite, la construction des notions, des concepts et donc des savoirs Toutefois, à l’époque médiévale, on remarque chez des pédagogues l’utilisation modérée de l’image pour l’enseignement/apprentissage (Renonciat, 2009)
2.1.1.2 L’image comme icône
En même temps que la persistance des critiques sur l’image à l’école en général, l’image en géographie-histoire devient une icône « Les cartes de géographie sont des images pieuses, des
Trang 3737
images au sein d’une religion, qui est une religion de la Nation » (Meirieu, 2003 : 2) Selon cet auteur, il n’est pas aisé de reconnaître la différence entre une fresque à l’église et un planisphère à l’école car ce dernier contient aussi des conceptions théologiques du monde L’image devient donc une icône, dont le but est de moraliser et inculquer ces conceptions À ce temps-là, l’image n’était pas encore appréciée comme un support pédagogique pour l’enseignement des langues
Illustration 1 Les cartes marines – L’atlas catalan, réalisé vers 1375 (Source : http://expositions.bnf.fr/marine/albums/catalan/index.htm )
Trang 3838
2.1.1.3 L’image comme support
A partir du XVIe siècle, grâce aux
ressources de l’imprimé, l’utilisation de
l’image pour la pédagogie se développe A
cette époque, la philosophie d’Érasme
portant sur l’éducation « recommande de
motiver l’enseignement par la douceur et
par le jeu L’image s’inscrit dans ce
programme comme une ressource
éducative qui agrémente et facilite les
apprentissages » (Renonciat, 2009 : 4)
C’est dans la grammaire de Donat que tous
les écoliers du Moyen-Âge ont appris le
latin La gravure sur bois de la première
page, seule illustration de ce livre, met en
regard les figures de cinq poètes latins
(Virgile, Horace, Ovide, Lucrèce, Térence)
et de personnages religieux
Illustration 2 Aelii Donati Grammatici brevissime puerorum institutiones, Brixie (Brescia) apud Jacobum Britannicum,
MD LXXI [1571] Bibliothèque de l’INRP
Toujours selon cet auteur, l’image peut agrémenter les connaissances, repose l’esprit, réjouit l’œil et facilite la mémorisation Grâce à sa lisibilité directe, l’image est capable d’éclairer les passages difficiles du texte, de relayer le discours ou de compléter ses informations Dans ce sens, en 1743, Claude-Louis Berthaud28, a élaboré un « système » qui « parle aux yeux et aux oreilles » au moyen de 160 figures d’objets familiers, reproduites dans un manuel et sur des jetons en couleur L’apprenant est invité à les manipuler ; nommer un objet représenté, isoler le son final du mot, et puis l’associer à sa transcription écrite Ainsi de suite, l’élève apprend à prononcer et à écrire un mot et puis d’autres jusqu’à apprendre à lire
28 http://www.idref.fr/165872403
Trang 3939
Illustration 3 BERTHAUD (Abbé Claude-Louis) Le Quadrille des enfants
Paris, de l'imprimerie de Couturier, veuve Berthaud, 1783 (Source : https://www.auction.fr/_fr/lot/berthaud-abbe-claude-louis-le-quadrille-des-enfants-paris-de-l-imprimerie-
8640179)
Au XIXe siècle, grâce au développement de la technique de l’imprimé, de la lithographie et de la gravure sur bois ou sur acier, le support visuel a connu un grand progrès avec des reproductions plus exactes et en couleur des dessins, des tableaux, des vignettes, etc., qui permettent l’explosion de nouveaux types de livres voués aux images comme l’album, livre illustré, etc
Au tournant du XXe siècle, des éditeurs scolaires, tels que Hachette, Nathan, Delagrave, Colin, Larousse, ont commencé à publier des gammes de planches didactiques destinées à différentes disciplines : lecture/écriture, histoire, géographie, sciences physiques et naturelles, langues vivantes, etc Pour la lecture, l’image sert d’ancrage aux exercices de vocabulaire et d’expression orale dans les planches d’élocution L’image acquiert donc une place non négligeable en pédagogie Les supports visuels (manuels illustrés, planches pédagogiques, album, etc.) « deviennent les auxiliaires-compléments ou supports – de la leçon du maître, pérennisant aussi son souvenir par une exposition permanente sous les yeux des élèves » (Renonciat, 2009 : 8)
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Illustration 4 Tableaux auxiliaires Delmas
Série I : N°1 - L'École - Le Lycée - La Classe (Source : http://alaric83.free.fr/TABLEAUX%20DELMAS.html)
Cette planche en couleur est destinée à l’enseignement de langues étrangères Elle offre un panorama des activités scolaires de l’époque (vers 1900) relatives à l’usage de planches didactiques Nous pouvons en observer plusieurs dans la salle de classe : un tableau des poids et mesures, une carte des continents, une planche d’histoire naturelle, etc
2.1.1.4 L’image comme structure
Après l’image comme ennemie, l’image comme icône et l’image comme support, vient ensuite l’image comme structure
Selon Meirieu (2003), l’image est vue comme structure depuis l’apparition de la grammaire de l’image Dans les années 1960, le travail sur la grammaire de l’image a été introduit dans des collèges expérimentaux en France, sur la base de la déconstruction systématique et techniciste d’image Plusieurs auteurs, comme Martin (1984), Joly (1993), Deschamps (2004) et d’autres, ont