Introduction | LE CONTEXTE DE LA GESTION PENALE DE LA | DELINQUANCE DES MINEURS Section, L`évolution des dispositions pénales a l’égard du mineur 5 délinquant en droit francais en vietna
Trang 1N” dordre : ANNEE 2010
Go yas RENNES Í UCH
THESE / UNIVERSITE DE RENNES 1
sous le sceau de l'Université Européenne de Bretagne
Van Dung TRAN
Institut de l'Ouest : Droit et Europe, UMR CNRS 6262Faculté de Droit et de Science politique Université de Rennes‘
< Thèse soutenue à Rennes
Approche comparee le 5 Novembre 2010
de la gestion de la devant le jury composé de :
M Francis KERNALEGUEN
el i < Professeur de droit privé et de sciences criminelles
responsabilité pénmale ——Giverstede tence 1
M Loick M VILLERBU
du m I neur en d roit Professseur de Psychologie, psycho-pathologie et
- criminologie Université de Rennes 2.
francais et Mme Soizic LORVELLEC
Ingénieur de recherches, HDR,
vietnamien Université de Nantes.
Mme Aude PRIOL
Responsable de la section audit, Direction régionale Grand Ouest de la PJJ.
Inter-Joélle NGUYEN DUY TAN
Maitre de conférences (ER) a l'Université de Paris 2
— Georges FOURNIER
Professeur de Droit privé et de sciences criminelles, Unisersité de Rennes 1 Doyen honoraire /
Directeur de thése.
^ G SF Avec la collaboration de Mme Son Le Thi
= Professeur de sciences criminelles (ER), Université
de Droit d'Hanai.
Trang 24 tiens à remercier toutes les personnes qui m`ont permis de mener ce projet a bien
et en toit premier lieu M le Doyen Georges Fournier, mon directeur de thése, qui m`a
guidé toit au long de mon travail et a fait preuve à ce titre d’une trés grande disponibilité
J tiens a remercier aussi Mme Thi Son Le pour ses conseils considérables et Mme.Joélle hguyen Duy Tan, pour sa relecture
4 dédie ce travail 4 mes parents, 4 mon épouse et à mes deux fils, pour avoir
accepté ant de sacrifices durant ces derniéres années.
Trang 3Presse Universitaires de France
Bulletin des arréts de la Cour de cassation
Ministère de I’Intérieur vietnamien
Ministére du Travail, des Invalides et des AffairesSociales Vietnamien
Ministére de I’Education et de la Formation vietnamien
Ministére de la Justice Vietnamien
Bulletin Officiel du Ministére de la Justice
Cour d’appelConseil d’ Etat
Cour européenne des droits de l">homme
Centre éducatif fermé
Centre éducatif renforcé
Chronique
Circulaire
Convention Internationale des Droits de |’enfant
Conseil National des Barreaux
Code de l’organisation judicaire
Conseil constitutionnel
Convention
Convention européenne de sauvegarde des droits de
"Homme et des libertés fondamentales
Trang 4CP Code pénal
CPI Centre de placement immédiat
CPP Code de procédure pénale
Crim Chambre criminelle de la Cour de cassation
D Recueil Dalloz
DDHC Déclaration des droits de Homme et du Citoyen
Doctr Doctrine
Dr.adm Droit administratIf
Dr Fam Droit de la famille
Dr Pénal Droit pénal
Ed Edition
FAE Foyer d’action éducative
Gaz.Pal Gazette du Palais
HDXX Tribunal Vietnamien
infra Ci-dessous
IR Information rapides du Recueil Dalloz
ISRD Etude internationale de délinquance auto-rapportée
Trang 5OPALE Observatoire des prisons et autres de lieux
đ`emprisonnement
Op.cit Ouvrage citée
P./p Page
PJJ Protection judiciaire de la jeunesse
PUF Presse Universitaire de France
Rev.pénit Revue pénitentiaire
RI.crim et pol : Revue Internationale de Criminologie et de Police
techniqueRFD adm Revue francaise de droit administratif
RSC Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé
RHEI Revue de l°histoire et de l’enfance « irréguliére »SEAT Service éducatif auprés du tribunal
Supra Plus haut
QD -CP Décision du Gouvernement vietnamien
QD-CTN Décision du Président de la République vietnamienTATC Tribunal supréme Vietnamien
UEHD Unité éducative d’Hébergement diversifié
UECER Unité éducative de Centre éducatif renforcé
VKSTC Paquet supréme Vietnamien
Trang 6Introduction |
LE CONTEXTE DE LA GESTION PENALE DE LA |
DELINQUANCE DES MINEURS
Section, L`évolution des dispositions pénales a l’égard du mineur 5
délinquant en droit francais en vietnamien
Section II Les engagements internationaux et la réalité de la délinquance 23
Juvénile : contexte contemporain
PREMIERE PARTIE 51
LA GESTION DE LA RESPONSABILITE PENALE DUMINEUR DELINQUANT DANS UNE PERSPECTIVE
EDUCATIVEChapitre | LES INSTITUTIONS DONT LE MINEUR DELINQUANT 52
RELEVE
SectionI Les institutions a finalité éducative concernant le mineur 52
délinquant
Section IT Les évolutions de la specialisation des institutions judiciaires 71
CHAPITREI LA DIVERSITE DES MESURES EDUCATIVES 106
APPLICABLES AU MINEUR DELINQUANT
Section]: La personnalité - référence principale des mesures éducatives 107
applicables aux mineurs délinquantsSection II: L’adaptation des mesures éducatives en milieu ouvert 126CHAPITRE II: RENFORCEMENT D’ EDUCATION DU MINEUR 163
DELINQUANT EN MILIEU FERME
Section I: La poursuite de la démarche de rééducation du mineur dans les 164
établissements fermés
Section IT: Le placement judiciaire de transition du milieu fermé au milieu 187
ouvert
Trang 7Les garanties protectrices du mineur poursuivi
LA DETERMINATION DES PEINES APPLICABLES AUMINEUR CONDAMNE
La peine encourue par le mineur condamné
Les critéres de détermination des peines applicables au mineurcondamné
INSERTION ET REINSERTION SOCIALES DU
DELINQUANT MINEUR INCARCERE
La spécialisation de personnels pénitentiaires prenant en chargeles mineurs incarcérés
L’aménagement de la peine d’emprisonnement favorisantl’insertion sociale du mineur condamné
Conclusion générale
BibliographieTables de matiére
Trang 8LE CONTEXTE DE LA GESTION PENALE DE LA
DELINQUANCE DES MINEURS
La délinquance juvénile est un objet de préoccupation pour les dirigeants
vietnamiens et francais
En droit pénal frangais, les premiéres dispositions procédurales spécifiquessont apparues au début du XVIIlème siécle’ et ont véritablement évolué en 1945,avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 2 février 1945 qui « constitue
!'aboutissement de la prise en compte progressive de la nécessité d'attribuer unstatut spécifique a l’enfance délinquante »? Ce texte, souvent appelé « Charte del’enfance délinquante », applicable à tous les enfants de moins de dix-huit ans,
repose sur les trois principes directeurs : la primauté de |’action éducative sur la
répression, la spécialisation des juridictions et l’excuse atténuante de minorité.
Dans les premiers codes pénaux vietnamiens, les Rois se référaient déja a la
responsabilité pénale du mineur pour des actes interdits par la loi A raison de la
difficulté a évaluer |’existence d’un discernement chez un mineur, le législateur
vietnamien a jadis imposé un seuil d’Age et le principe d’atténuation de la peine
pour tous les mineurs de seize ans Aprés la période de la présence francaise et des
guerres, ce n’est quà la fin du XX siécle que fut élaboré le code pénal de la
République Socialiste du Vietnam de 1985, suivi de la révision de 1999 Si lelégislateur vietnamien définit la responsabilité pénale du mineur, c’est pour donner
la priorité 4 |’application de mesures éducatives ou a |’atténuation des peines, sans
' Christine Courtin, La responsabilité pénale des mineurs dans l’ordre interne et international, Cahiers de la
sécurité, n°1, La violence des mineurs, edi INHES juillet — septembre 2007.
? Jean-Francois Renucci et Christine Courtin, le droit pénal des mineurs, PUF, Coll Que sais — je ?., 2001,
Nerac — Croissier Rosel, Le mineur et le droit pénal, L’Harmattan, 2000.
3 Bonfils P et Gouttenoire A., « Droit des mineurs », Dalloz, 1° éd.2008
Trang 9pour autant prévoir đˆinstitutons judiciaires spécialisées pour la prise en charge des
mineurs délinquants
Cependant, en France comme au Vietnam, l’explosion de la délinquance desjeunes ne cesse d’étre un important sujet de préoccupations qui conduit as’interroger sur l’efficacité des dispositions pénales relatives aux mineurs
délinquants’ En France, l'ordonnance du 2 février 1945 bien que revisitée a de trés nombreuses reprises”, est ainsi devenue un objet des passions politiques et sa remise
en cause a fait ]'objet des đébats” Ainsi, un premier ministre déclarait-il, « Nous
procéderons sans tabou aux modifications de I'Ordonnance de 1945 en respectant
les grands principes qui la fondent et qui demeurent valables et justes par dela
ladaptation nécessaire »’ Le jeune délinquant est considéré aujourd’hui comme
responsable d’une délinquance plus violenteŸ, ce qui implique que les procédures
doivent s’inscrire en cohérence avec une exigence d’une réponse pénale rapide et
systématique a chaque acte de délinquance afin de lutter contre le sentimentd’impunité ressenti par certains mineurs C’est la raison pour laquelle le législateur
francais prévoit une réforme au fond de la « Charte de la justice du mineurdélinquant »”
Au Vietnam, la délinquance juvénile, de la méme manière, augmente depuisquelques années mais change aussi de nature Les violences réalisées par les lycéenssont de plus en plus nombreuses Les meurtres, les trafics, les atteintes à l’intégrité
physique sont de plus en plus souvent relatées dans les médias'° Le législateur
* Jean Francois Renucci, Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir, RSC 2000, p.79
” Ce texte a déja été modifié trente et une fois et à un rythme accru au cours des deux derniéres décennies, 14
fois durant les quarante premières années et 17 fois depuis 1985.
* Philippe Milburn, Quelle justice pour les mineurs? Entre enfance menacée et adolescence menacant, ,
Trajets, Eres, préface par Denis Salas, 2009,
7 Lionel Jospin, extrait du discours prononcé lors d’un déplacement thématique a Tours 2002
ở Lettre de mission de la Ministre de la justice du 4 avril 2008, faisant suite a différents discours du Président
de la République démontrant successivement « |’évolution de la délinquance juvénile (3 juillet 2006), « la quasi impunité garantie aux mineurs délinquants (devant le Sénat, le 3 septembre 2006 et demandent expressément aux « premiére réponse de lordonnance de 1945 sur des mineurs » (conférence de presse, 1 Ï janvier 2007).
? Discours de M Varinard le 1 décembre 2008 a |’occasion de la remise des soixante-dix propositions
issues de son rapport au ministére de la justice.
'° On peut lire dans les quotidiens électroniques vietnamiens les meurtres, vols, trafics dont sont coupables
des mineurs, voire des collégiens, ou des lycéens A savoir, récemment le meurtre un chauffeur de taxi en mars 2008 par un mineur de 17 ans Au commissariat, il a avoué qu'il a pris un taxi le soir du 23 mars pour aller au quartier Bich Dao, Ville de Thanh Hoa ; il a coupé la gorge du chauffeur, Dao et lui a volé 500.000
dong ; d'aprés http://www.vnexpress.net/GL/Phap-luat/Hinh-su/2010/03/3BA1A1B3/.
2
Trang 10vietnamien doit donc aussi s`interroger sur l'efficacité des réponses pénalesapportées a la délinquance des mineurs Malheureusement, lors la derniére de la
réforme du code pénal, seuls le trafic de drogue, la corruption, la pédophilie et les
infractions contre les biens ont retenu |’ attention de législateur en vue de renforcer
la répression'' En d’autres termes, il n’y a pas eu de grands changements sur la
responsabilité pénale concernant la responsabilité pénale du mineur délinquant
vietnamien depuis le premier code pénal de 1985 et les derniéres modificationsrécemment effectuées, en juin 2009, du code pénal de 1999
D’une maniére générale, les différences entre les deux systémes judiciaires
du point de vue de la responsabilité pénale du mineur délinquant sont restées assez
grandes, on percoit toutefois une tendance au rapprochement dans les dernièresréformes des lois frangaises et vietnamiennes Le législateur francais est a la
recherche d’une réponse plus rapide et systématique pour chaque acte de
déelinquance afin de lutter contre le sentiment d’impunité de certaines jeunes quisuscitent l’exaspération d’une partie du corps social’ Cela montre que les
dispositions légales prises par les gouvernements francais laissent apparaitre undurcissement de laction pénale envers les mineurs en réduisant laction de
protection au profit de mesures plus répressives'* En revanche, la montée du
nombre des jeunes délinquants conduit d’autre part a reconnaitre la nécessité desmesures répressives et la nécessité d’une intervention systématique et spécialisée"*
Sur ce point, le droit pénal vietnamien et le droit pénal francais relatifs au mineur serapprochent
L’étude de la responsabilité pénale du mineur délinquant repose sur
certaines observations préalables qu’il est difficile d’aborder dans une thése parce
'' Dans les années 1996, 1997, 1999, le législateur vietnamien se concentre sur la réforme des dispositions
relatives a la corruption, aux infractions contre des biens, a la violence sexuelle, en particulier la pédophilie Les modifications portent sur les sanctions plus sévères.
'? Lette de mission, Ministre de la justice francais du 4 avril 2008, cité supra
Philippe Milburn., Quelle justice pour les mineurs ? Entre enfance menacée et adolescence menacant, op
cit., p.17.
'* Jusqu’au début du XXè siécle, le législateur vietnamien n’arrivait pas a décider 4 quel moment |’avocat
pouvait intervenir au procés ; voir not Nghiem Xuan Yem, Prévention de la délinquance dans un contexte de
mondialisation, éd, Maison d’édition de la Police populaire, 2005, p 357; un grand progrés est toutefois résulté de la réforme de Il’art 56 al 4 CPP vietnamien de 2003 : voir not Lettre de mission du Président de la République Nguyen Minh Triet à l’occasion de la dix huitième réunion du Comité permanente du parti communiste vietnamien, relatif aux stratégies de réforme des institutions judiciaires jusqu’en 2020.
3
Trang 11que cela nécessite de faire des recherches dans des domaines dont les données sontperfois peu accessibles Cela tient d`abord au fait que la place de l’avocat n’est pasencore bien définie dans la procédure pénale vietnamienne' Par ailleurs celas’explique par les pouvoirs importants de la police judicaire qui est Ï'institution
d'instruction principale dans la procédure pénale vietnamienne
Bien que le Parquet populaire joue un rôle trés grand parce qu’il représentel’action publique et contrôle la conformité des actes juridiques a la Constitution et a
la loi", instruction est une étape dépendant du Ministére de la Police Elle échappe
en réalité au contrôle du procureur de la République qui est en l’occurrence leParquet Populaire Il n’effectue qu’un contrôle superficiel de l’action publique
cngagée a l’égard de la personne suspectée, des justificatifs des mandats d’arrét ou
des mandats de dépôt Les éléments d’investigations sont recherchés par desfonctionnaires de police chargés de linstruction Ainsi, a louverture del’instruction, si la police ne désire pas d’intervention de l’avocat dés le début, le
suspect majeur comme mineur ne bénéficie d’ aucune assistance juridique Le risque
d’atteinte à la loyauté des preuves augmente puisque le prévenu n’est pas assisté
Bref, le « monopole » de l’autorité d’enquéte au cours de |’ instruction d’un procéspenal demeure actuellement un problème délicat, toujours en débat parce que le réle
et le pouvoir de l°avocat ne sont pas encore respectés et protégés par la loi
La gestion différente de la responsabilité pénale du mineur délinquant entre
les deux pays résulte, à notre avis, des contextes dans lesquelles les dispositions
pénales des deux pays ont évolué et de la réalité de la délinquance juvénile propre a
chacun d’eux.
Conclusion n°8 — NQ/TW du 02 janvier 2002 et Conclusion n°49 — NQ/TW du 2 juin 2005; du Comité
national de réforme des institutions judiciaires du 22 septembre 2009; art.56 al 4 du code de procédure
penale vietnamien de 2003
° Art, la loi organique n° 32/ QH 10 le 2 avril 2002 régle |’organisation et fonction du Parquet populaire
4
Trang 12SECTION I: L'EVOLUTION DES DISPOSITIONS PENALES
A L’EGARD DU MINEUR DELINQUANT
EN DROIT FRANCAIS ET VIETNAMIEN
SOUS - SECTION I : Evolution historique des dispositions pénales
relatives au mineur délinquant au Vietnam.
Historiquement, les dispositions de droit pénal et de procédure pénale
vietnamiennes relatives aux mineurs délinquants se limitaient à un allégement de la
responsabilité du mineur Cet allégement trouve son origine dans le manque dematurité physique et intellectuelle du mineur et dans un esprit d’indulgence et un
souci humanitaire des Vietnamiens En revanche, aucune disposition procédurale
pénale n’évoque une institution procédurale spécifique en charge des procèsconcernant des mineurs ; seules on été créées quelques dispositions relatives aux
procédures concernant des infractions d’une extréme gravité'” commises par des
mineurs ; nécessitant le jugement du Roi lui-méme Les autres dispositions ne
valaient qu’au titre de « recommandations » non impératives
Les dispositions de I’époque relatives à la responsabilité pénale des mineurs
n’ont pas été nombreuses On peut distinguer deux périodes : la période de |’ancienrégime vietnamien et la période du régime colonial et post colonial jusqu’a la
réunification du Vietnam
§1 Les codes de Hong Duc et de Gia Long - deux codes pénaux typiques del’ancien régime au Vietnam
Les textes législatifs les plus représentatifs pendant trois siècles (KV —
XVIII) ont été les deux codes pénaux : celui de Hong Duc, établi sous la dynastiedes rois LE et celui de Hoang Viet, encore appelé Gia Long, sous la dynastie des
Rois NGUYEN Bien que de nombreux historiens essaient de prouver
l'indépendance de |’élaboration de ces deux codes pénaux, ils ont, sur le fond, subi
'’ A savoir les crimes de meurtre, de complot de - Cf article 14 du Code Pénal de Hong Duc, traduit par
Nguyen Quang Thang, éditions de la Culture et de I’Information, 1998, p 41.
5
Trang 13I'influence des réglements législatifs chinois ”, pays ot le Confucianisme |” existait
depuis plus de deux mille ans, et qui a profondément imprégné les régles de viesociale au Vietnam
Quant aux dispositions concernant la responsabilité des mineurs délinquants,
les législateurs des règnes Le et Nguyen les ont abordés sur deux points : exemption
d’accusation et absence de peine pour le délinquant mineur en bas Age et, en cas de
condamnation, prise en compte d’excuses atténuantes L’article 16 du Code HongDuc et article 21, livre 2 du Code Hoang Viet ont ainsi également prévu que « sỉ
l'enfant a sept ans ou moins, il ne sera pas condamné méme s'il a commis un crime
qui est puni de la peine de mort S’il était manipulé par un tiers, celui-ci seracondamné S’il s’agit dun vol, le receleur devra rendre l'objet volé ou
dédommager de la victime » A partir du XVe siécle, les dispositions du droit pénal
vietnamien ont clairement défini le seuil d’4ge Nous n’avons trouvé aucune
indication relevant que ces dispositions se référaient 4 l’immaturité de enfant ;
elles étaient inspirées de « J'esprit humanitaire vietnamien »”° qui perdure encore
dans les dispositions du Code Pénal vietnamien contemporain
Pour les enfants de sept a quinze ans, |’atténuation de la peine était accordée
selon différents degrés En fonction de l’infraction commise et de I’4ge de |’enfant,
la forme d’atténuation de peine dans les deux Code pénaux, qui était largement
appliquée sous le régime féodal, était le rachat de l’infraction si l’enfant avait « de
dix a quinze ans» ; \infraction commise était sanctionnée par « une peine de
travaux forcés ou une réclusion»*' Les dix crimes les plus graves?? sont toutefois
'* P Philastre, « Malgré tout rejet ou objection, les faits restent évidents, les deux pays avaient leur
souveraineté distincte mais des mœurs et organisations politiques quasi-similaires, surtout plus tard sous la dynastie des quatres Rois Annamites, ces similitudes devenaient des ressemblances », Préface de la traduction frangaise du Code Hoang Viet, édition du 5 mars 1875.
'* Université de Droit de Ha Noi, cours de I’Histoire de I"Etat et du Systéme Législatif du Viet Nam, Editions
de la Police Populaire, 2002, page 156 Le Confucianisme est une théorie philosophique morale et politique
Le noyau est |’Universalisme créé par Confucius En morale, le Confucianisme apprécie les cing vertus le Ren (I'humanité, la bonté), le Li Ji (le livre des rites), la Moralité, la Sagesse et la Confiance, les considérant comme les vertus parfaites de ]'homme Les punitions ne sont envisagées qu'à titre complémentaires ou en
dernier ressort.
*° Université de Droits de Ha Noi, cours de I’Histoire de |’ Etat et du Systeme Législatif du Viet Nam, op.cit
p 152.
*' Tội lưu est infraction dont I’auteur sera déporté En fonction de la gravité de |’ infraction, le criminel peut
étre exilé vers une province proche ou une province lointaine, ou encore extrémement lointaine Tôi dé est l’infraction dont l’auteur subira des travaux forcés.
6
Trang 14exclus de lapplication de ce réglement Ainsi, on peut considérer a travers ces
dispositions que l°âge minimal de la responsabilité pénale a été fixé à sept ans sous
le régime féodal et que lindividu de quinze ans révolus était considéré comme
majeur
Sous langle procédural, il n’existe pas de différences procédurales entreenfant et le majeur Sur ce point, un seul article évoque les dispositionsparticulières à suivre pour le jugement d’un délinquant mineur, notamment dans lescas de meurtre, tranché par la décision supréme du Roi L’article 16 du Code HongDuc et larticle 21, volume 2 du Code Hoang Viet prévoient que « pour les
meurtriers ayant de sept a quinze ans, la peine de mort devait être soumise au Roipour son approbation» Le Roi était donc la seule autorité supréme pour seprononcer sur la vie d’un délinquant mineur en cas de meurtre
On constate donc que les dispositions relatives aux délinquants mineurs
n’étaient pas nombreuses dans ces deux codes De plus, ils témoignent de
importance de la doctrine confucianiste dans I’établissement et lapplication deslois, en accordant une grande importance au pouvoir supréme du Roi En effet, ces
réglements restérent en vigueur non seulement sous les dynasties mais aussi
pendant la colonisation frangaise
§2 Le systeme législatif vietnamien relatif au délinquant mineur pendant la
période de co-existence de régimes politiques différents et de systemes pénaux
distincts.
Cette période a commencé avec la présence de la France et s’est terminée auprintemps 1975, l’année ot le Vietnam est devenu entiérement indépendant On
distingue trois étapes La premiére, de 1858 a 1945, ó il existait parallélement
deux autorités: |’autorité frangaise, puissance coloniale sur le territoire deI’Indochine et celle de la dynastie Nguyen qui continuait à régner dans le pays; la
deuxiéme étape: 1954 — 1975, dans le Nord du Vietnam ó les autoritésrévolutionnaires ont ceuvré pour la reconstruction du pays et la lutte pour la
?? Ce sont les crimes considérés comme les plus dangereux de l°ancien Code pénal, a savoir le complot de
félonie (coup d’Etat), le fils ingrat (assassinat des grands-parents et des parents), l’inhumanité (meurtre de trois personnes de la méme famille qui ne méritent pas la mort).
7
Trang 15libération du Sud Parallélement, le sud du Vietnam était gouverné pendant plus de
vingt ans (1954 — 1975), par Ngo Dinh Diem et ultérieurement par Nguyen Van
Thieu auquel s’opposait le dirigeant d’un gouvernement communiste au Nord du
Vietnam Chaque période a entrainé des modifications du systéme législatif engénéral et des règlements du code pénal et du code de procédure pénale, ce quin’a
pas manqué de retentir sur le statut pénal du mineur délinquant
1/ L’ambiguité des réglements du Code pénal et du Code de procédure pénalerelatifs aux délinquants mineurs au Vietnam pendant la période de 1858 a 1945.Les premiers Frangais sont arrivés sur le territoire vietnamien en 1858 La
Cour des Nguyén a ensuite officiellement reconnu la présence de la France au
Vietnam en juin 1862” La co-existence des deux autorités : celles de la dynastie
des Nguyên et celles des occupants francais a pendant longtemps caractérisé lesystème de la loi vietnamienne de cette époque Le mélange de ces deux systémes,
est alors constitué d’une part par un systéme archaique et d’autre par le systéme
francais caractérisé par |’ esprit législatif progressiste occidental’.
Néanmoins, dans les documents que nous avons collectés, nous n’avons pas
pu trouver la présence du Tribunal pour enfants et adolescents admis en droit pénalfrancais au Vietnam C’est pourquoi, les réglements relatifs aux délinquants
mineurs applicables étaient essentiellement ceux du Code pénal de la dynastie
Nguyên”, bien qu’en 1933, ait été promulgué le Code pénal de Hoang Viet
s’inspirant a la fois de nombreux articles du Code pénal de Gia Long et de plusieurs
aspects progressistes du Code pénal francais”.
? Université de droit d’Ha Noi, Cours de l’histoire de |’Etat et des lois du Vietnam, éditions de la Police
Populaire, 2003 p 485.
4 Université de droit d’Ha Noi, Cours de I’Histoire de |’Etat et des lois du Vietnam, précité, « Le Tribunal
est apparu au Vietnam a partir de la présence des francais, sous !’influence de la législation de la France », éditions de la Police Populaire, page 547.
25 Ce sont des dispositions du Code de Hoang Viet élaboré sous le régne du roi Gia Long.
26 Université de droit d’Ha Noi, cours de |’Histoire de I’Etat et des lois du Vietnam Op.cit.p 543.
Trang 162/ Les dispositions du Code pénal relatives aux délinquants mineurs a lépoque du
pouvoir démocratique populaire dans le Nord du Vietnam de 1945 à 1975
Pendant cette période, les dispositions de droit pénal et de procédure pénale
relatives aux délinquants mineurs n’ont pas été codifiées par le législateurvietnamien mais inscrites sous forme de textes autonomes Ces textes restaient des
rapports de synthèse”” élaborés lors de réunions annuelles du Tribunal supréme qui
préconisait leur utilisation pour le traitement des affaires relatives aux mineurs
délinquants La loi pénale de cette époque fonde pour une partie importante lesdispositions du code pénal actuel
Tout dabord, le seuil de la majorité et de la responsabilité pénale a été
redéfini et des principes ont été posés : « Le mineur est un garcon ou une fille ayant
moins de dix huit ans »”* ou encore « en général, l'enfant de moins de quatorze ans
ne doit pas comparaitre devant le Tribunal »”° Ainsi, les lois pénales
prévoient-t-elles que les magistrats ne peuvent poursuivre que les enfants de quatorze ansrévolus ainsi que lindividu de dix-huit ans considéré comme majeur Cependant,
tous les enfants ayant quatorze ans étaient jugés par un tribunal mais « pour
lenlant de quatorze a seize ans, les poursuites pénales ne s'‘appliquent qu 'aux
crimes graves comme le meurtre, le braquage, le viol Pour les viols, le tribunal
compétent ne prononce que des mesures éducatives; les poursuites et les peines ne
sont applicables au mineur délinquant que seulement dans les cas graves »*°.
De plus, sont créées des excuses de minorités susceptibles de modifier lapeine applicable au mineur En fait, la peine atténuée est décidée par le juge de
jugement en tenant compte de l'âge du mineur On peut ainsi remarquer que,comme la loi pénale francaise, la loi pénale vietnamienne de |’époque a laissé au
juge un trés grand pouvoir en décidant de la peine, parce qu’il n’existait pas
d’échelle d’atténuation comme dans les codes pénaux ultérieurs Ainsi, il était
7 Une fois par an, le Tribunal supréme organisait un congrés de fin d’année ó les problémes les plus
marquants étaient débattus, votés et promulgués à |’ attention des Tribunaux subordonnés Dans plusieurs cas, ces décisions équivalaient une loi.
** Rapport de synthése de quatre ans d'activité du Tribunal Supréme (1965 — 1968), Systématisation des
Réglements pénaux en 1975.
* Instruction N° 46-TH du 14/1/1969 du Tribunal Suprême du Vietnam
°° Rapport annuel du Tribunal Supréme de 1997, Systématisation des Réglements pénaux en 1975
Trang 17prCcIsé que, « si Ïimfraction nécessite la mise en examen, il faut tenir compte de
l’age de l'enfant »” De plus, le Tribunal supréme préconisait un traitement
particulier « pour les enfants vagabonds de quatorze a seize ans, récidivistes de
vols, en les assimilant à des voyous »*’ Pour autant, il était suggéré qu’ « il ne faut
pas considérer le caractére professionnel de linfraction puisque, l’accusé étant
encore jeune, le considérer comme un voyou professionnel serait susceptible de le
faire entrer dans un chemin de désespoir » ; ou encore « qu'il faut condamner un
mineur a une peine de prison seulement dans le cas de multiples circonstances
graves et dangereuses ; dans le cas ó infraction reste de gravité moyenne, il faut
mettre l’enfant dans une école a fin de rééducation ou le remettre a sa famille, ou
encore prononcer une peine de prison avec sursis »” Quant à « ]'accusé de seize
a dix-huit ans, il faut tenir compte pour les poursuites pénales de ses
connaissances médiocres de la loi et de sa capacité a s éduquer plus vite et par
conséquent prononcer un jugement moins sévère, une peine environ deux fois moins
élevée que pour un accusé adulte ».**
La séparation entre les mesures pénales et les mesures administratives
applicables aux mineurs délinquants constitue un des signes caractéristiques de laloi de cette période Les dispositions pénales ont commencé à distinguer deux types
de mesures appliquées aux mineurs : les mesures pénales a travers des poursuites
pénales et des mesures administratives résultant de décisions administratives Unedécision du Conseil gouvernemental en date du 1967, au sujet du renforcement de
l’ordre et de la sécurité publique’, a insisté sur la mise en place de mesures
administratives telles que l’obligation de rééducation Elle précise que sontconcernés, les « enfants de sept a dix-sept ans, y compris les enfants dont l'âge de
la responsabilité pénale au moment de l'infraction n était pas atteint et ceux qui
n'ont pas subi de poursuites pénales ou qui n ont pas été mis en examen Ce sont, pour la plupart d'entre eux des sans domicile fixe, des voleurs récidivistes, dévoyés
'! Rapport de synthése et Directive N° 329-HS2 du 11/02/1967 du Tribunal Supréme a propos de la politique
du jugement des viols et d’autres crimes sexuels, Systématisation des Réglements pénaux en 1975, Introduction.
'# Rapport de synthése et Directive 1967 du Tribunal Supréme, voir supra, p.2
® Rapport de synthèse et Directive 1967 du Tribunal Supréme, voir supra, p.4
* Rapport de synthése et Directive 1967, voir, supra, p 7
* Décision n° 164 du 11 novembre 1997
10
Trang 18el dévergondes, qui ont été soutenus e( éduqués pendant longtemps mais qui ne lesont plus Ils seront envoyés dans une école rééducative pour une durée de deux
ans Ce délai pourrait étre raccourci ou prolongé en fonction de la bonne conduite
de I inféressé » Ainsi au Vietnam, une nouvelle institution administrative a-t-elle
été créée, comme solution a la délinquance juvénile et aussi a la criminalité chez les
mineurs en évitant les poursuites pénales II s’agit de décisions applicables a partir
de règlements concrets de la loi pénale et des lois administratives du Vietnamrelatives au traitement des mineurs délinquants quand leurs actes ne constituent pas,
ou ne sont pas considérés comme constitutifs d’une infraction
Par rapport aux dispositions pénales et procédurales promulguées par
l’autorité révolutionnaire dans le Nord, les dispositions relatives au délinquant
mineur sous |’autorité du président Nguyen Van Thieu dans le Sud sont différentes
en particulier avec la création du premier Tribunal pour enfants et adolescents au
Vietnam en 1972 et l’adoption d’un code pénal
3/ Les dispositions relatives au mineur délinquant dans le code pénal de 1972 de laRépublique du Sud Vietnamien
Les trois points les plus importants relatifs 4 la responsabilité du mineur
délinquant dans le code pénal, promulgué en 1972 par le Président de la République
du Sud*® sont la détermination d’un seuil d’age, latténuation de la peine et la
création du Tribunal pour enfants et adolescents, nouvelle institution spécialiséerelative au mineur délinquant, crée pour la premiére fois au Viet Nam
Le Code pénal de 1972 a fixé le seuil d°âge selon lequel « / infraction n'estpar constituée lorsque le mineur de moins de treize ans commet une infraction au
moment des faifs »'” Par conséquent, ]'âge est considéré comme une condition de discrimination des éléments constitutifs d’une infraction®® Si l’enfant a moins de
*° Le 20 avril 1972, le Président Nguyen Van Thieu a promulgué le code pénal et le code procédural par deux
décrets-lois N° 026/TT/SLU et N° 027/TT/SLU.
'” Article 17 du code pénal de 1972, précité
® Université de droit d’Ha Noi, Selon des spécialistes pénalistes vietnamiens, une infraction est constituée
par quatre éléments : élément matériel, tentative, !'auteur, et Ì objectif du crime Pour condamner_ |’auteur
d”une infraction, i] faut justifier que |’auteur des faits a la capacité de discernement et a atteint |’age requis: Manuel de droit pénal général, ed Maison de police populaire, 2003, p 51.
11
Trang 19treize ans, i] n’est pas responsable pénalement parce que l’infraction n`est pasconsidérée comme constituée.
Le code pénal 1972 prévoit ainsi l’atténuation de la peine applicable au
mineur délinquant L’article 91 du Code pénal considére que la minorité est un
élément permettant à |’enfant de bénéficier d’un « régime d’indulgence »'” selon
lequel « l'enfant de treize a dix-huit ans » bénéficiera d’une atténuation de peinebien plus importante qu’un majeur commettant la méme infraction Ainsi, selon
l’article 92 de ce Code, dans le cas du régime d’indulgence prévu par l’article 91,
: T z ; 4
les peines sont particulièrement atténuées”?,
Le Code pénal de 1972 est le premier code pénal vietnamien qui a prévul’exonération de la peine de mort pour les délinquants mineurs, peine qui, une foisprononcée, ne permet évidemment plus de possibilité au mineur délinquant decorriger sa faute ; et il prévoit que le mineur ne saurait encourir de peines trop
sévères, telles que la prison ou les travaux forcés ou |’exil Les autres peines sont
deux fois moins élevées que celles normalement applicables aux majeurs En outre,
ce code pénal prévoit également la remise obligatoire de l’enfant aux parents plutôtque |’emprisonnement En |’absence de parents, |’enfant condamné est placé chez
une personne digne de confiance, ou au sein d’un établissement charitable éducatif
: 4I
ou dans un pensionnat réservé aux mineurs
Enfin, le Tribunal pour enfants et adolescents est la premiére institutionJudiciaire propre aux mineurs figurant dans un code pénal au Vietnam Cependant,
en raison du faible nombre de documents auxquels nous avons pu accéder, nousn’avons pas pu procéder a des observations exhaustives sur le fonctionnement de
® Selon l’art 92 CP 1972, en cas d’application du régime indulgent, prévoit a l’article 91, les
peines sont atténuées comme suit :
a/ L’enfant délinquant peut être condamné a une peine d’emprisonnement de dix a vingt ans s’il a commis
un crime puni de la peine de mort, de la perpétuité avec travaux forcés ou de |’exil ;
b/ Pour un crime puni d’une peine d’emprisonnement a durée déterminée, de travaux forcés ou de |’exil,
|”en fant peut subir une peine d’emprisonnement d’un a dix ans ;
c/Pour un crime punit d’une peine d’emprisonnement, l'enfant peut étre condamné a une peine d’emprisonnement de un a cinq ans ;
d/ Pour une infraction faisant |’objet d’une mise en examen par le tribunal correctionnel, la peine applicable
au mineur délinquant doit étre au moins deux fois plus basse que la peine encourue par les majeurs.
e/Pour une contravention, seulement une peine d’amende.
“° Art.91 du CP 1972 Voir ref 39
"' Art 309 CP de 1972
12
Trang 20cette institution”” De 1972 jusqu’a 1975 date de la chute du régime du président
Nguyen Van Thieu au Sud du Vietnam, |’expérience a été trop courte pour évaluercette toute nouvelle institution juridique Nous regrettons que le rôle et I`influence
du Tribunal pour enfants et adolescents n’ait pas été plus importante
En résumé, pendant trés longtemps, les lois pénales vietnamiennes relatives
aux mineurs se limitaient à des dispositions atténuant les peines par rapport a celles
appliquées au majeur En procédure pénale, le législateur de cette époque n’a pas eu
la volonté d’établir des instituions judiciaires spécifiques Les dispositions de
procédure pénale concernant les poursuites et l’instruction étaient communes auxmajeurs et aux mineurs, a part la bréve apparition du Tribunal pour enfants etadolescents sous le régime du président Nguyen Van Thieu Ainsi, le concept de
spécialisation des institutions judiciaires pour mineurs est apparu fugacement enprocédure pénale vietnamienne mais n’a pas vraiment été reconnu ni mis enapplication
Jusqu’a la fin du XXe siécle, les délinquants mineurs vietnamiens ne
bénéficiaient que des atténuations de peines alors que rien n’existait dans le cadre
de la procédure pénale Par contre, en France, les dispositions pénales relatives au
délinquant mineur avaient déja évolué Cependant, il faut reconnaitre que cette
évolution résulte de nombreuses discussions L’ordonnance du 2 février 1945 a
vraiment marqué des progrés dans la législation francaise concernant le mineurdélinquant dans la premiére moitié du vingtiéme siécle Cependant, si au cours desdix derniéres années, le législateur frangais a promulgué massivement des lois qui
sont de plus en plus répressives, notamment contre les mineurs récidivistes,
certains doutent de l’efficacité de ces lois et s’interrogent : l'attitude répressive
actuelle du législateur francais est-elle efficace” ?
“ Van Dung Tran, « Nous ne pouvons toutefois affirmer que dans le Sud du Vietnam, de 1954 à 1975, ces
institutions existaient déja », Mémoire, |’ Université de droit d’Ha noi, préci, en 2003, p 14.
2 Huyette M Encore un rapport (a venir) sur la délinquance des mineurs,
http://www.huyette.net/article-encore-un-rapport-a-venir-sur-la-delinquance-des-mineurs et les références indiquées infra.
13
Trang 21SOUS - SECTION II : Evolution du droit pénal et de la procédure pénale
applicables aux mineurs en France
Le droit pénal et la procédure pénale des mineurs ont fait l’objet d’un
développement complexe en France En effet, aussi bien les mutations de la norme
pénale générale en France que les évolutions communes dans les pays étrangers
depuis la deuxiéme partie du XIXè siècle jusqu’au début du XXé siécle ont été a
l'origine de transformations profondes telle que la naissance du Tribunal pour
enfants Cet événement a été considéré comme une mutation considérable pourconcrétiser une volonté de spécialiser les institutions judiciaires concernant lesmineurs Toutefois, il a fallu attendre trente ans, jusqu’a l’ordonnance du 2 février
1945, pour prétendre a une amélioration plus compléte du statut du mineur Pour
mieux comprendre, il faut rappeler I’évolution des dispositions pénales relatives aux
mineurs délinquants depuis la Révolution de 1789“.
§1 Le sort du délinquant mineur décidé par le Code pénal de 1810 et le Coded’instruction criminelle
Dans l’ancien droit frangais, le juge seul détenait le pouvoir de prendre en
compte le jeune Age de |’auteur d’une infraction L’ancien droit considérait lemineur comme un adulte en réduction et les juges recherchaient s’il avait atteint
lage de raison, en général, fixé à sept ans*’ Jusqu’a cet Age, il était considéré
comme « infans» et comme incapable de commettre une faute constitutive
d'infraction Entre sept et quatorze ans le mineur était dit « impubére », susceptibledans certains cas d’étre considéré comme responsable selon les conditions de
commission de l’infraction*® ; si l’infraction échappait a toute sanction, I’ impubére
était le plus souvent puni du fouet ou de l|’enfermement
* Pour l'histoire de la gestion pénale de la délinquance juvenile, on référera avec le plus grand intérêt a la
Revue d’ Histoire de l’enfance « irréguliére », crée en 1998.
*' Voir not André Laingui, La responsabilité pénale dans l ancien droit (XVĩe - XVIIe siécle), LGDJ 1970,
*° André Laingui, op.cit.p.226
14
Trang 22A partir de quatorze ans, |’enfant était considéré comme responsable des sesactes : théoriquement les peines réservées aux adultes pouvaient leur étre appliquées
: ` ree , 1 47
mais le plus souvent la sanction était atténuée””.
Avec la Révolution, sont apparues les premières dispositions qui faisaientune distinction entre mineur et majeur mais qui n’étaient que des lois de fond ; il
n’existait guère de lois de procédure Les premiers codes élaborés a l’issue de laRévolution, le code pénal de 1791 et le code pénal de 1810, ont abordé le sort dumineur mais seulement sous trois aspects:
Tout d'abord, ces codes définissaient la majorité pénale a partir de seize ans.
Ainsi, les enfants de seize à dix huit ans ne bénéficiaient donc pas d’atténuation depeine comme les mineurs de seize ans, ni de meilleures conditions d’exécution des
peines prévues pour les majeurs
C'est la référence à \’évaluation du discernement du délinquant qui peut étre
considérée comme une des caractéristiques les plus importantes de ces codes Aussibien le code pénal de 1789 que le code pénal de 1810 posait en principe que les
enfants de moins de seize ans ayant agi sans discernement ne pouvaient pas étre
considérés comme coupables”” et leur procés était classé sans suite Lorsque, au
‘ : 8 § z +o? „ : - 4
contraire, ils étaient jugés coupables, ils bénéficiaient d’une atténuation de peine”.
Enfin, les dispositions relatives a l’exécution de peines prévues par ces codes
constituent aussi un point important Ils distinguent des niveaux de traitement en
fonction de la nature des peines et de |’Age du condamné”” Ainsi, dés le code pénal
de 1791, on établit une distinction quant a l’exécution des peines d’emprisonnement
entre majeurs et mineurs afin d’éviter les influences négatives durant |’exécution de
la peine, avec la mise en place de maisons de correction”).
A côté des lois de fond, le code d’instruction criminelle fixe les étapesgénérales de la procédure pénale Le mineur est certes soumis a la procédure de
*” André Laingui, op.cit.p.237
“8 Art 1, titre V Code pénal de 1791.et Art 66, CP de 1810
* Art 1, titre V Code pénal de 1791.et Art 67, CP de 1810
` Bourquin J., La difficile émergence de la notion d éducabilité du mineur délinquant, Histoire de la Justice,
n° 10, 1997, p 223-238.
| Art.2, 3 al 2 et 3,4 tire V, code pénal 1791 ; art 67, al.2,3 et 4, CP 1810
15
Trang 23droit commun mais lart 340 du code d’instruction criminelle impose au juge
` x : : bated?
đ évaluer la capacité de discernement du mineur au moment de I’acte””
Cette premiere distinction entre le mineur et le majeur du point de vue de laprocedure pénale n’était néanmoins pas suffisante pour perdurer L’évolution de la
société et la complexification de la loi pénale ont, avec certain retard, rendu
nécessaire des textes plus spécifiquement adaptés à la délinquance des mineurs.
§2 Loi du 22 juillet 1912 et la création du Tribunal pour enfants et adolescents
La naissance du Tribunal pour enfants et adolescents en France au début du
XXe siecle est le résultat inéluctable du mouvement d’idées existant au long du
XIXe siécle jusqu’au début du XXe siècle nourries par des débats entre les écoles
philosophiques et les courants spirituels Le résultat a finalement été |’apparition,
au fur et 4 mesure, de premiéres bases législatives fondamentales Parallélement à
ce mouvement interne, le développement de modéles de tribunaux pour enfantsdans les pays étrangers, en particulier dans certains états américains, peut étre
considéré comme la seconde source d’ inspiration de la loi du 22 juillet 1912°.
En fait, en juin 1910, une proposition de loi sur « les infractions a la loipénale imputables aux enfants mineurs de douze ans, sur les tribunaux pour enfants
et la liberté surveillée » est soumise au SénatTM ; cette proposition est adoptée le 22
juillet 1912 ; pour la premiére fois, la situation du mineur délinquant est prise en
compte de facon distincte dans le jugement Cette loi ne prévoit pas d’atténuation de
peine mais consacre des dispositions procédurales spécifiques applicables au
mineur, dont la plus marquante était la création du Tribunal pour enfants et
adolescents et le régime de liberté surveillée
1 "article 340 du code d’instruction criminelle de 1808 a prévu que « S7 !'accusé de moins de dix-huit ans,
le président posera, a peine de nullité, cette question : « L 'accusé a-t-il agi avec discernement » ?
http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle/anciens textes/code instruction criminelle 1929/code 1808_2.htm.
** Mickael Landry, Le mineur et le juge pénal au XIXème siècle, thèse pour le doctorat en Droit, Université
Montesquieu - Bordeaux IV, 2003, p 253
* Dreyfus F., « Rapport sur la proposition de loi portant la création des tribunaux spéciaux pour |’enfant et
instituant le régime de la mise en liberté des mineurs délinquants », Paris 1910.
16
Trang 241/ La distinction du statut pénal entre le mineur de treize ans et le mineur de trelze
a đx-huit ans
La particularité de cette loi a été de supprimer la référence au discernement
chez l’enfant de jeune age Selon cette loi, |’enfant de treize ans doit désormais être
toujours considéré comme ayant agi sans discernement
Dans tous les cas, le juge d’instruction doit mener une enquéte qui a pourbut non seulement de faire apparaitre la vérité et d’identifier le mineur auteur del’infraction mais aussi de rechercher des informations concernant sa famille, sa
personnalité, son passé et son entourage En outre, le juge d’instruction peut faire
examiner le mineur par un médecin II a également le droit d’appliquer des mesures
provisoires” durant l’enquéte dans l'attente de jugement De maniére
exceptionnelle, |’enfant peut étre mis en détention provisoire si le juge estime quec’est nécessaire
Lorsque |’enquéte est close, le dossier du mineur est pris en charge par lachambre du conseil qui peut aussi bien remettre l’enfant a sa famille ou déciderd’un placement jusqu’a sa majorité chez une personne digne de confiance, dans un
établissement de soin ou charitable, ou enfin de le remettre a l’assistance publique”’.
Le titre II de la loi 1912 est consacré a l'instruction et au jugement des
infractions a la loi pénale imputable aux mineurs de treize à dix huit ans et autribunal pour enfants et adolescents Dans cette tranche d°âge, la loi différencie
deux catégories La premiére concernant |’enfant qui a commis une infraction mais
qui est considéré avoir agi sans discernement Le régime appliqué est
quasi-similaire 4 celui de l’enfant de moins de treize ans Dans la seconde catégorie,l'enfant est considéré avoir commis |’acte avec discernement
La création du Tribunal pour enfants et adolescents et de certainesinstitutions concernant le mineur délinquant a été considérée comme une initiative
positive du législateur francais du début du XXe siécle
EL "art 3 de cette loi dispose que « | ‘enfant peut étre confié temporairement a une personne de responsabilité
ou a/ assistance publique, un dispensaire ou toute autre institution désignée par le préfet ».
°° Art.6, loi juillet 1912
17
A117
Trang 252/ L émergence d`une procédure spécifique concernant l*adolescent de treize a
dix-huit ans reléve de la compétence de la Cour d’assises La loi du 22 juillet 1912
introduit pour la premiére fois une volonté du législateur de créer une distinction
concernant les dispositions relatives aux mineurs ; trois particularités de cette loi
peuvent étre retenues :
Tout d’abord, \’instruction préparatoire est restée obligatoire pour toutes lesinfractions commises par des mineurs ; le législateur veut donner a |’instruction et
au jugement, une finalité a la fois répressive et éducative Ainsi, le juged’instruction doit prendre le temps de collecter des renseignements relatifs a
infraction et ceux liés a la situation familiale et au passé de lenfant, qui vont
servir de base a ses décisions’’ En outre, l’article 4 de la loi du 22 juillet 1912
décide que pendant |’enquéte, le juge d’instruction doit mener une enquéte sociale
relative 4 la personne du délinquant De plus, méme s’il n’est pas obligatoire,examen de santé d’un mineur est considéré comme une garantie juridique destinée
a le protéger physiquement et psychologiquement au cours de la procédure pouréviter tout abus du pouvoir
Par ailleurs, la création du Tribunal pour enfants et adolescents est
l’illustration la plus importante de la spécialisation de l’instruction définitive Afind’épargner a l'enfant des influences négatives sur son développement
psychologique qui pourraient étre provoquées par la sévérité d’une audience
« majestueuse » et « publique », l’article 8 de la loi du 22 juillet 1912 décide que
« dans chaque arrondissement, le Tribunal de premiére instance se constitue en
Tribunal pour enfants et adolescents pour juger, dans une audience spéciale lesmineurs de treize a seize ans auxquels sont imputés des crimes et des délits et les
mineurs de Seize a dix-huit ans ayant commis un délit » Ainsi, en théorie, la plupart
`” C'est pour cette raison que cette loi n’admet pas la comparution immédiate devant le tribunal par la
procédure du flagrant délit ou d'autres procédures directes.
18
Trang 26des enfants de treize a dix-huit ans échappail a une comparution devant un tribunalpenal ordinaire Ils sont jugés dans une audience spéciale par des jugesexpérimentés Les adolescents de seize a dix huit ans, auteurs de crimes ou des
complices de majeurs continuent de relever du tribunal correctionnel ou de la cour
3 : 5
d’assises’®.
Lorsque la culpabilité est établie, l’enfant bénéficie d’une peine atténuée I]s’expose au maximum de vingt ans de prison pour un crime, et au maximum de la
moitié de la peine encourue pour un délit En fonction de la peine encourue”’,
Venfant doit l'exécuter dans différents établissements, soit en Maisonsđ'adolescents, soit en Maison d’éducation surveillée ou dans des centres
pénitentiaires
Enfin, l'innovation de la loi du 22 juillet 1912 tient a l’instauration du
régime de « liberté surveillée » pour les enfants délinquants II s’agit d’une mesure
intermédiaire entre la remise du délinquant a ses pére et mére et le placement encentre éducatif Cette mesure est décidée par le juge d’instruction durant |’enquéte,
s’il a besoin de temps pour éclaircir des circonstances de |’infraction” ou elle est
décidée par le juge dans le jugement’’ Par conséquent, le juge désigne un
représentant qui surveille les actes du délinquant Ce représentant est en généralmembre des organismes de protection de |’enfance Dans le cas ó |’enfant adopteune mauvaise conduite, le juge a le droit de remplacer cette mesure par des mesuresplus répressives Donc, c’est une bonne mesure éducative qui épargne au délinquantdes effets négatifs du systéme correctionnel, méme s’il existe désormais une
séparation entre mineur et majeur dans un cadre de vie normal
En résumé, la loi du 22 juillet 1912 a marqué un nouveau pas dans Vhistoirelégislative relative aux mineurs délinquants en France La détermination explicite
du seuil d'âge exprime le refus du législateur d’une évaluation du discernement
*’Voir M Boitard et A Houdot, « Bien qu’il y ait une spécialisation, le Tribunal pour enfants et adolescents
n’est pas une institution indépendante mais seulement une audience spéciale Cette disposition concernant donc la composition du tribunal, des participants a l’audience, la procédure d’instruction définitive et les conditions de prononcé de la décision Cette loi ne prévoit pas encore le juge spécialisé » in Le probléme de
|*enfance délinquante, Sirey, 1947, p 150 et ss.
°° De 6 mois ou 6 mois a 12 mois, ou plus de 2 ans
' Articles 16 et 20, loi du 22 juillet 1912
*' Articles 15 et 21, loi du 22 juillet 1912
19
Trang 27chez les enfants « trop jeunes»: cela permet de leur épargner des poursuites
pénales dans une procédure sévère Les mesures appliquées sont a caractère
réellement éducatif Lorsque des poursuites pénales sont encourues, la création du
Tribunal pour enfants et adolescents, ainsi que la liberté surveillée constituent un
remèede limitant la sévérité dune procédure pénale ordinaire Cependant, l’évolution
de la société pendant et aprés la deuxiéme guerre mondiale, rend nécessaire une
meilleure prise en charge des mineurs délinquants, ce que propose |’Ordonnance du
juvénileTM ; « il n’est donc pas surprenant dès lors que les pouvoirs publics se soient
émus de cette évolution et aient essayé d’y remédier par une meilleure législationpermettant Ì étude de la personnalité des jeunes délinquants, des causes sociales,
familiales ou individuelles, psychologiques et biologiques de leur chute Ils se sont
proposés d'opposer a ces causes un plan cohérent de dépistage et de relevement»®?.
Par ailleurs, les deux institutions spécialisées du 22 juillet 1912 ont démontré
leurs limites La spécialisation partielle du Tribunal pour enfants et adolescentsrendait le statut juridique de ]*enfant délinquant peu différent de celui de |’ adulte IIn’était pas vraiment un tribunal indépendant mais seulement une spécialisation de
audience du tribunal de premiére instance En effet, l'enfant délinquant
comparaissait devant des juges habitués a juger des adultes La différence s’estlimitée a certaines dispositions relatives 4 la procédure de |’audience L’ instruction
préparatoire concernant les mineurs était obligatoire pour tous types de procés, alors
que les procédures spécifiques telles que l’enquéte sociale ou le bilan de santé ne
“Joseph Magnol, |’Ordonnance du 2 février 1945 relative a la délinquance juvénile, Revue Scientifique
Pénale, 1946, p.7 « en seulement quatre ans, de 1939 à 1943, le nombre d’enfants délinquants en France est passé de 12.000 en 1939 a 34.000 enfants On estime méme que, selon certaines sources d’informations
50 000 ont été condamnés en 1943 ».
"Joseph Magnol I*Ordonnance du 2 février 1945 relative a la délinquance juvénile, cité supra, p.7
20
Trang 28| ¿taient pes Par conséquent lorsque le juge d`instructon n`avait pas mené uneenquéte sociale auparavant, le juge de jugement ne pouvait pas rendre une décision
éclairée sur la personnalité du mineur Enfin, la mise en liberté surveillée restait une
disposition formelle inapplicable dans la pratique
I] faut reconnaitre que ces dispositions de |’ordonnance du 2 février 1945 se
sont inspirées de la « loi propre a la délinquance juvénile»TM, du 22 juillet 1942
k II: ‘i a š W ; : 5
promulguée sous le régime de Vichy, mais jamais entrée en vigueur®.
L’Ordonnance 174-45 du 2 février 1945 a été promulguée il y a maintenant
plus de soixante ans mais elle est toujours considérée comme « un code pénal
complet relatif au mineur délinquant» ou « une charte de la délinquance
juvénile »'“, Les grands principes de cette ordonnance sont toujours en vigueur,
c’est justement la raison pour laquelle nous n’évoquerons ici que les réformes lesplus significatives
Bien qu’elle ait fait l’objet de critiques sur plusieurs de ses aspects’, dans
ensemble l’ordonnance 174-45 du 2 février 1945 a laissé une marque profondedans |’évolution des dispositions pénales relatives a l’enfance délinquante francaise.L’ordonnance a d’abord annulé la distinction entre l|’enfant de moins de
treize ans et celui de plus de treize ans Cette différenciation résultant de la loi de
1912, ne permettait d’appliquer des mesures éducatives qu’aux seuls mineurs de
treize ans En revanche, |’enfant de treize à dix huit ans, pouvait étre jugé enfonction de son discernement, était exposé a la responsabilité pénale et pouvait étre
condamné méme s’il bénéficiait d’une peine atténuée De plus, les mineurs de seize
a dix huit ans encourraient des peines identiques a celles des adultes
L’ordonnance du 2 février 1945 apparait comme un texte applicable a tous
les mineurs délinquants de moins de dix huit ans qui, par principe ne peuvent étre
l'objet que des seules mesures de protection, d’ assistance, de surveillance et
“* Joseph Magnol, L’Ordonnance du 2 février 1945 relative a la délinquance juvenile, cité supra p.7
°Š Cette loi devait étre promulguée par une ordonnance quin’a pas été éditée Elle a perdu son effet
°° Jusqu’a présent, elle est toujours en vigueur (selon l’article 122-8 du Code Pénal Frangais de 1994) bien
qu'elle ait été l'objet de quelque réforme.
*” Joseph Magnol, L’ordonnance du 2 février 1945 relative a la délinquance juvénile, cite supra, p 7 et s
21
Trang 29d’ education Pour autant enfant de treize ans et plus peut toujours étre condamné
a une peine que les juges considèrent nécessaire ; et méme, la situation de l’entant
de moins treize ans a pu apparaitre trẻs ambigué ; il faut en effet reconnaitre quel’institution de jugement du mineur a été concue de maniére plus spécialisée que ce
que proposait la loi de 1912, le tribunal pour enfants et le juge des enfants
apparaissant comme une combinaison exceptionnelle de fonction et decompétences
Lenquête sociale de I'enfant est enfin obligatoire, il s’agit d’une nouveauté
par rapport a la loi du 22 juillet 1912 Ces enquétes peuvent être menées par le juge
des enfants en personne ou sur commission rogatoire ; son résultat constitue le55
, z h 8
fondement du choix des mesures adaptées prononcées par le juge"”,
On se doit d’observer que lévolution du droit pénal et de la procédure pénalerelative à la délinquance du mineur est particuliére d’un pays a l’autre Jusqu’aux
années 70, la différence entre enfant et l’adulte délinquant au Vietnam se limitait à
des dispositions d’atténuation de la peine ; ces dispositions n’occupaient pas uneplace capitale parmi d’autres en droit pénal En Franee, a la fin de la Seconde
Guerre Mondiale, les dispositions relatives au mineur délinquant étaient évoluées
Cette évolution s’est_manifestée non seulement dans la loi de fond mais aussi dans
la loi de procédure ; du point de vue du droit penal, il s’agit de dispositions
d’atténuation de la peine ; du point de vue de la procédure, la création du Tribunalpour enfants et adolescents depuis 1912, et confirmé dans l’ordonnance de 1945, aassuré I’indépendance des juges des enfants, leurs fonctions et leurs compétences enfaisant l’une des plus importantes innovations du droit pénal frangais
°° Cendant lord “nance ne consacre pas les centres d’observation des mineurs suggérés ‘049 vn tí, ` ^§ centres étaient une institution placée auprés du tribunal, c par la loi de
omposés de spécialistes en
PSYCMwiugie, santé, cure) Li, et avaiens pes: =aCuoii de tester et d’évaluer état psychologique, médical et
biologique du délinquant mineur pendant I’instruction avant le jugement.
22
Trang 30SECTION II : LES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX
ET LA REALITE DE LA DELINQUANCE JUVENILE :
CONTEXTE CONTEMPORAIN
Jusqu’a présent, l’idée à toujours prévalu que la gestion de la délinquance
Juvénile s`inscrit dans une démarche qui, d’une maniére générale, place |’intérét de
69
‘ ion/0
l’enfant’” au-dessus de toute autre preoccupation
La réunificaton du Vietnam en 1975 doit étre considérée commel’événement marquant une nouvelle période de l’histoire législative vietnamienne
quant au traitement pénal du mineur délinquant Le systeme législatif du Vietnam
est conforme aux objectifs du nouveau régime qui entend respecter les normes
internationales dont le Vietnam est désormais signataire Le Viet Nam réunifié de
1975 a succéđé a I'ONU à la République du sud Viet Nam”
En France, la premiére moitié du XXe siécle a été le moment marquant pour
l*encadrement pénal de la délinquance juvénile C’était un moment ou le systémelégislatif interne traduisait un état d’esprit ; depuis s’y ajoutent les influences desdispositions internationales auxquelles la France a adhéré
SOUS - SECTION I : Les textes internationaux relatifs aux mineurs
délinquants : les exigences externes
Il existe un paradoxe : de nombreuses dispositions de droit pénal et deprocédure de la France relatives à la délinquance de l'enfant ont été promulguéesavant que les conventions internationales aient été signées et n’entrent en vigueur ”.Cependant, les conventions internationales relatives aux droits fondamentaux del’enfance délinquante ont exercé leur influence sur le système des dispositions
® Art.3-1 de la CIDE: « Pintérét supérieur de I’enfant doit étre une considération prImordiale»
” Jean Zermatten, L’intérét supérieur de l’enfant, de l’analyse littérale a la porté philosophique, Institut
international de |’enfant, mars 2003 ; et Rapport, Hammarberg Th., « Construire une Europe pour et avec les
enfants» et stratégie pour 2009-2011 », 15 juillet 2010.
” Le Vietnam a officiellement adhéré aux Nations Unies, le 20 septembre 1977
” Linstitution du Tribunal pour enfants et adolescents en France est apparue en 1912; voir supra
23
Trang 31penales relatives aux mineurs interne En outre, pour des raisons d’ordre
,
: : 73 -
:gcographique, historique’, la loi pénale frangaise a été influencée par les exigences
des institutions européennes qui relévent de preoccupations plus concrétes
Le Viet Nam a ratifié plusieurs textes internationaux concernant les droitsdes mineurs en général et des mineurs délinquants en particulier, mais il sembleencore loin d’avoir répondu aux normes internationales relatives aux droits dumineur délinquant
§1 Les préconisations des législations internationales sur les droits relatifs auxmineurs délinquants
1/ L’exigence des textes au niveau mondial
On se doit d’observer que les principes fondamentaux imposés par les textes
internationaux pour le traitement de l'enfance délinquante coincident avec les
Principes fondamentaux relatifs aux droits de l’enfant et à leur retentissement en
procedure pénale Aujourd’hui, se développent des dispositions internationales
spécifiques pour assurer la protection de l’enfant Ainsi, en est — il des Régles deBeijing adoptées par I’ Assemblée generale des Nations — Unis dans sa Résolution
du 29 novembre 1985 TM: ainsi en est — il avec encore plus de netteté de laConvention internationale de droits de |’enfant”> du 20 novembre 1989 ou desprincipes directeurs de Riyad, adoptés par IONU dans sa Résolution du 14
décembre 1990”%,
Tạ L’esprit qui anime les motifs de l’ordonnance 174-45 du 2 février 1945 témoigne d’un engagement
particuliérement fort, notamment lorsque le texte observe que « La France n’est pas assez riche d’enfants
pour qu”elle ait le droit de négliger tout ce qui en fait des êtres sains».
Résolution 40/33 dite « Ensemble des régles minima des Nations Unis concernant i’administration de la justice pour mineurs ».
Ainsi, la Convention précise — t — elle dans son article 37 que le mineur ne saurait être soumis à la torture
ou a des traitements inhumains ou dégradants, qu’il ne saurait subir la peine capitale ni un emprisonnement a vie (point a), qu’il doit être traité avec humanité et respect en tenant compte des besoins de son Age, qu’il doit
étre resté en contact avec sa famille ; de méme l°art 37 (b) et l’art 40 -2 a font — ils expressément référence,
au respect du principe de |’égalité et à son droit au bénéfice d’une assistance juridique Enfin, le souci
concret de l’intérét de l'enfant est évident dans I’article 40 qui rappelle la présomption d’ innocence, I’art.40,
2, b, 1), la célérité et le caractère équitable de la procédure (art.40, 2, b, VII); et en fin la nécessité de
respecter la vie privée du mineur (art.40, 2, b, VII).
” Résolution 45/112 adoptée par I’Assemble générale de I*ONU sur la Prévention des mineurs délinquants,
de décembre 1990.
24
Trang 32Dans ccs contextes l'enlant qualifié de délinquant présente lescaracteristiques de tout délinquant, c’est un enfant ou un adolescent condamné et
déclaré coupable d’infraction’” La condamnation d’un enfant délinquant a une
pcine reléve des lois pénales de chaque pays II en résulte des différences qui
proviennent de la divergence de l’approche de la conception de l'enfance
délinquante, de la définition des infractions, de la classification des délinquants ou
de la philosophie politique Š Malgré ces différences, les lois des Etats signataires se
doivent de respecter les principes relatifs aux mineurs délinquants imposés par des
textes internationaux auxquels ces Etats ont adhérés”’.
a/ Renforcement de la protection de la vie privée de l'enfant délinquant.
Les recherches criminologiques dans ce domaine ont montré les effets nocifsrésultant du fait que des jeunes soient une fois pour toute qualifiés de "délinquants"
ou de "criminels" dans la mesure ot ils sont particulièrement sensibles a la
qualification pénale”° Donc, ce principe traduit l'importance de la protection du
droit du mineur a leur vie privée*! interdisant, en cas de publication dans la presse,
d'informations sur leur affaire, qu’il soit fait mention de leur nom et de leursituation de prévenu ou condamné Par ailleurs, les archives concernant les jeunes
délinquants doivent être considérées comme strictement confidentielles et
incommunicables a des tiers; l'accès à ces archives est limité aux personnesdirectement concernées par le jugement de l'affaire en cause ou aux autrespersonnes dũment autorisées ; il ne pourra étre fait état des antécédents d'un jeune
délinquant dans des poursuites ultérieures contre adultes impliquant le méme
mineur®.
” Régles de Beijing, art.2.2.c
TM Jean Zermatten, La prise en charge des mineurs délinquants : quelques éclairages a partir des grands
textes internationaux et d'exemples européens, mars 2002, Institut international des droits de |’enfant.
” Reynald OTTENHOF, Aspects actuels de la minorité pénale, Archive de politique criminelle, 2008/1,
n°30, p 37 - 44.
*° ‘Théorie de la spécialisation ou de la libération
*' Règles de Beijing, art.8 prévoit que « le droit du mineur a la protection de sa vie privée doit étre respecté a
tous les stades afin d'éviter qu'il ne lui soit causé du tort par une publicité inutile et par la qualification
pénale » ; al - 2 : « aucune information pouvant conduire a Iidentification d'un délinquant juvénile ne doit étre publiée ».
”*Rèples de Beijing, art.21 Voir toutefois infra, les conditions de maintien des condamnations au casier
Judiciaire en droit francais, notamment depuis la réforme de 2004.
25
Trang 33b/ Le droit des parents, du tuteur ou d'autres personnes de la famille a être
informés dès | arrestation du mineur
I] s’agit ici de tirer les conséquences logiques du rôle et de la responsabilité
primordiale des parents dans |’éducation de leur enfant”” Les conventions insistent
sur la participation des parents pendant toute la procédure pénale concernant leur
enfant, pourvu que leur présence ne nuise pas a |’ intérét de celui - ci Cela éveille la
conscience et la responsabilité parentales à l’égard de l°éducation de |’enfant et aideéventuellement les parents a appliquer des mesures éducatives plus efficaces Ainsi,
de nombreux pays menacent d’ailleurs de poursuites pénales les parents qui ont des
enfants délinquants
c/ La nécessité de considérer la peine de privative de liberté applicable au mineur
délinquant comme un dernier recours.
Evidemment, comme pour tout autre délinquant, pour des raisons d’ordre et
de sécurité publique ou pour la sécurité du délinquant lui-méme, il peut étre
nécessaire de priver de liberté le mineur délinquant Toutefois, il faut reconnaitre
que «par privation de liberté, on entend toute forme de détention,
d'emprisonnement ou le placement d'une personne dans un établissement public ouprivé dont elle n'est pas autorisée a sortir à son gré, ordonnés par une autorité
judiciaire, administrative ou autre »* ; ces mesures ne doivent étre appliquées
qu’en dernier recours et pour un délai le plus bref possible : « Ja privation de liberténest applicable au mineur délinquant que dans le cas d’atteinte a | intéprité
physique des personnes ou en cas de récidive et en labsence de mesure
adéquate »® Au point de vue du délai d’enfermement, la loi internationale impose
aux magistrats ou a toute personne concernée ayant une _ responsabilité
s8 Régles de Beijing, l'art 10.1 impose « dés qu'un mineur est appréhendé, ses parents ou son tuteur sont
informés immédiatement ou, si ce n'est pas possible, dans les plus brefs délais ».
”* Règles de La Havane, art I].b
*5 Règles de Beijing, I’art 17.1c prévoient « La décision de Ï'autorité compétente doit s'inspirer des principes
Suivants : a) La décision doit toujours étre proportionnée non seulement aux circonstances et a la gravité du
délit, mais aussi aux circonstances et aux besoins du délinquant ainsi qu’aux besoins de la société; b) II n'est apporté de restrictions a la liberté personnelle du mineur - et ce en les limitant au minimum - qu'aprés un
examen minutieux; c) La privation de liberté individuelle n'est infligée que si le mineur est jugé coupable d'un délit avec voies de fait a l'encontre d'une autre personne récidive et s'il n'y a pas d'autre solution qui convienne » ; d) Le bien-étre du mineur doit être le critère déterminant dans l'examen de son cas ».
26
Trang 34institutionnelle d’examiner, a tout moment, en toute circonstance, la remise en
, , , an " 86
liberté du mineur détenu si la détention ne s’avére plus indispensable”
Par ailleurs, les Régles de la Havane*’ imposent aux Etats membres d'être
garants d’un régime spécifique pour les mineurs détenus ; par exemple, |’ obligation
de séparer les mineurs mis en examen de ceux qui sont condamnés et les mineurscondamnés des majeurs condamnés En outre, les Etats signataires doivents’engager a assurer |’éducation scolaire ou professionnelle des enfants pour leur
offrir de plus grandes chances de réussir leur réintégration sociale
Pour résumer, en comparant avec les délinquants majeurs, les institutions
internationales ont abordé globalement les procédures pénales relatives a l°enfantdélinquant moins dans un but répressif que éducatif et dans une perpective de
réinsertion sociale Les dispositions relatives à la protection des informationsconcernant la vie privée, |’appréciation du rôle parental, l’appréciation de
assistance juridique et de la nécessité d’une détention séparée, traduisent
explicitement l’importance de cette spécificité du statut du mineur délinquant IIs’agit « d’un couloir législatif» au niveau international qu’il appartient a chaque
pays de mettre en place en fonction de ses propres contraintes La Communauté
lšuropéenne confirme une telle propension du fait notamment d’un plus grandniveau d’expérience en matiére de traitement des délinquants dans les pays
démocratiques
% Régles de Beijing, l’art 17, cité supra.
*’Les articles 17, 18 de ces Régles prévoient que « Les mineurs en état darrestation ou en attente de
Jugement sont présumés innocents et traités comme tels La détention avant jugement doit être évitée dans la mesure du possible et limitée a des circonstances exceptionnelles Par conséquent, tout doit étre fait pour appliquer d'autres mesures Si toutefois le mineur est détenu préventivement, les tribunaux pour mineurs et les parquets traiteront de tels cas avec la plus grande diligence pour que la détention soit aussi brève que
possible Les mineurs détenus avant jugement devraient étre séparés des mineurs condamnés Et les
conditions dans lesquelles un mineur non jugé est détenu doivent étre compatibles avec les régles énoncées ci- dessous, sous réserve de dispositions spéciales jugées nécessaires et appropriées en raison de la présomption d'innocence, de la durée de cette détention, de la situation légale du mineur et des circonstances Ces dispositions seraient les suivantes, sans que cette liste soit nécessairement limitative:
a) Les mineurs doivent avoir droit aux services d'un avocat et pouvoir demander une assistance judiciaire lorsque celle-ci est prévue et communiquer réguliérement avec leur conseil Le caractére privé et confidentiel
de ces communications devra étre assuré;
b) Dans la mesure du possible, les mineurs pourront travailler, contre rémunération, étudier ou recevoir une
formation, sans y étre tenus Ce travail, ces études ou cette formaticn ne doivent pas entrainer la prolongation
de la détention;
27
Trang 352/ Les exigences plus concrètes des institutions européennes relatives auxprocedures pénales applicables a l’enfance délinquante.
« Le champ institutionnel européen incite a renforcer la conviction quel’enfant, étre vulnérable et en devenir est, au sein des pays membres de l'Unioneuropéen et du Conseil de |’Europe, objet de valeurs fortes et naturellement
partagées»"" Les principes qui gouvernent les solutions européennes ne sont pas
différents des solutions retenues par les normes mondiales®’ ; même préoccupations, méme orientations et méme incitations” Par exemple: Pexigence de
l’enregistrement vidéo des interrogatoires du juge d’instruction ou la mise en place
des structures d’ assistance éducative pour enfant” Pourtant, on percoit de plus en
plus souvent, un décalage entre les normes européennes et les solutions que les
Etats européens tendent 4 mettre en place” II est clair que, au niveau européen, la
délinquance juvénile est devenue, en quelques années, un facteur d’inquiétude,
générateur d’un sentiment d’insécurité
a/ Le seuil d’age de la responsabilité pénale chez le mineur délinquant
Selon la recommandation 2003-20 du Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe, « D’une part, la loi émet I’idée que les adolescents doivent étre tenusresponsables de leur conduite illicite et que la société a le droit de se protéger
contre une telle conduite, D’autre part, elle reconnait que les adolescents ont desbesoins spéciaux et qu’ils ne sauraient, dans tous les cas étre assimilés aux adultes
quant à leur degré de développement et de maturité” Suivant cet esprit, les Etats
membres de la Communauté Européenne admettent que « /'enfant d’aujourd ‘hui est
le monde de demain, c est pourquoi toutes les mesures qui leur sont appliquées
doivent être a but éducatif » et «la loi pénale doit continuer a concrétiser le but
** Georges Fournier, Quelle responsabilité pour l'enfant en droit européen ?, in Le statut juridique de
l'enfant dans I 'espace européen, éd BRUYLANT, 2004, p 363.
® Ainsi, l’art.10 de la Recommandation 2003 ~(20) du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
précise-t- elle prend en compte la Convention des Nations Unies relative aux droits de |’enfant et les Règles de Beijing.
” Georges Fournier, Quelle responsabilité pour l'enfant en droit européen, op.cit p.372
”' Recommandation 1987 (20), dont l’article 16 impose aux nations signataires d’« assurer un soutien
éducatif après la fin de l’incarcération et éventuellement un appui à la réinsertion sociale des mineurs ».
” Bailleau F et Cartuyvels Y., La Justice pénale des mineurs en Europe Entre modéle Welfare et inflexions
néo-libérales, éd.Harmattan, Déviance et Société, collection "logiques Sociales", 2007.
”* Recommandation 2003 -20 du Comité des Ministres du Conseil de Europe
28
Trang 36éducatif et de réintégration sociale de I ‘enfant»” Afin d’assurer ce but, le Conseil
de Europe recommande aux institutions judiciaires des Etats membres de s`assurer
de Vopportunité des poursuites pénales engagées a l’encontre des mineurs et de
veiller à ce que le proces du mineur se déroule rapidement, en évitant les délais
inutiles et en recherchant des mesures éducatives efficaces” Pourtant, aucune
norme européenne commune ne fixe l’4ge minimum pour que la responsabilité d’un
enfant et notamment sa responsabilité pénale, puisse étre engagée” Dans sa
recommandation, le Comité des ministres du 24 septembre 2003 n’aborde cettequestion que par une formule inhabituelle et indirecte en considérant que « Je ferme
mineur désigne les personnes ayant atteint l'âge de la responsabilité pénale, mais
n-ayant pas atteint celui de la majorité I] s’agit là dune définition technique
finalement assez soucieuse d'un régime pénal spécifique pour les enfants »’’.
b/ Les garanties procédurales spécifiques
Le droit d’informer les parents ou les tuteurs doit étre respecté S’agissant
notamment des causes d’un placement ou une détention du mineurŠ.
Par ailleurs, le droit d’étre défendu par un avocat ct le droit de consulter un médecn immédiatement après l'arrestaion” sont considérés comme
particulièrement importants par le Conseil de l’Europe’”’ En fait, le Conseil de
lEurope encourage les Etats membres 4 aller plus loin en mettant en place des
réglements de protection des droits de l’enfant privé de liberté, et considèrent
« qu'il est souhaitable que le mineur ne puisse étre interrogé en l'absence d’un
proche ou d'un avocat » '°', C’est un grand progrés de la Communauté Européenne
tendant vers une protection de I’ assistance législative maximale pour |’enfant, dans
le but d°éviter les abus de pouvoir des institutions
°4 Recommandation européenne | 987 (20), préambule
*SRecommandation européenne 1987 (20), art 4.
*°Massias F., Les seuils d'âge de la responsabilité pénale et la peine, Rev Trim.dr h 2002, p 129 et s
*” Georges Fournier, Quelle responsabilité pour |'enfant en droit européen ?, op.cit p 372
*® Ce réglement est obligatoire pour les établissements pénitentiaires, |’enfant et sa famille doivent étre en
mesure de porter plainte contre tout retard.
*” 9° rapport du Comité européen pour la prévention de la torture 1990
'° L"art 8 de la Recommandation européenne 1987 (20) impose aux pays signataires de renforcer la
Position légale du mineur tout au long de la procédure, y compris au stade policier en reconnaissant
«assurer le droit a |’assistance d’un défenseur ».
'91 0e rapport du Comité européen pour la prévention de la torture, 1990
29
Trang 37Enfin, la question de l’impartialité du juge des enfants au cours de la
, s2 13-1: ca: No SH 102
procédure a été l’objet de réflexions très vives en France et dans d’autres pays de
la Communauté Européenne En droit commun, la répartition entre le pouvoir
d'instruction préparatoire et le pouvoir d’instruction définitive est indispensable
dans la procédure pénale Cela est considéré comme une garantie de |’impartialité
du juge Dans I’affaire Nortier c/ Pays bas, du 24 aoôt 1993, le requérant, mineur a
l*époque des faits, reprochait au juge qui avait été a la fois magistrat d’ instruction et
de jugement d’avoir manqué à son obligation d’impartialité au sens de I’article 6-1
de la Convention européenne de droit de l’Homme ; la Cour a rejeté le recours “3,
consacrant ainsi implicitement la spécificité des juges des enfants à la fois en charge
de l’instruction et du jugement des mineurs'*.
c/ Les sanctions applicables aux mineurs délinquant
On peut observer que les dispositions européennes n’énumérent pas en détailles peines applicables au mineur mais définissent seulement des principesgénéraux : encourager les peines et les mesures éveillant la volonté du mineur,promouvant des mesures de réintégration sociale, interdisant les châtimentscorporels et réduisant ]’isolement de |’enfant pour ne pas lui nuire physiquement et
psychologiquement
Concernant la privation de liberté, les normes européennes affirment encoreune fois que seuls les pouvoirs judiciaires peuvent décider d’une peine de privation
de liberté pour les délinquants mineurs ; et que le maintien en détention du mineur
ne peut se justifier que si l’on peut établir qu’il fait courir un danger a autrui Pourdécider de l’application d’une peine, les Etats membres doivent tenir compte de
l’dge de l’enfant et de la conviction que les conditions pénitentiaires sont favorables
'92Jean Chazal, « L’institution du juge des enfants », Rev.sc.crim, 1956, p 780 et s, cité par Jean — Francois
Renucci, Droit pénal des mineurs MASSON 1994; Pierre Pedron, Traitement de la délinquance des mineurs : pour une rationalisation du droit et des pratiques éducatives sur le fondement des propositions de la
Commission Varinard, Revue pénitentiaire 2009, p.16 et s.
'°3La CEDH, dans sa décision, refuse de voir dans le seul fait que le méme juge ait pu prendre des mesures
d’instruction et des mesures applicables à un mineur, une atteinte au principe d’impartialité de l'art.6 et que
«sĩ les inquiétudes du suspect, pour compréhensibles qu’elles puissent être ne constituent pas |’élément
déterminant: i] échait avant tout d’établir si elles peuvent passer pour objectivement justifiées, en l"occurrence que Jes décisions prises par le juge « ne coincidaient pas avec les mesures qu’ il avait prises ».
m4 IC Soyer, Commentaire sous |’ article 6 de la Convention, in L —E Pettiti, Decaux E et Imbert, J-P, p 239
et s not, p.261 et Georges Fournier., Quelle responsabilité pour Ì 'enfant en droit européen, préci p 375.
30
Trang 38a son développement En fait, la privation de liberté au mineur ne doit êtreconsidérée comme nécessaire que pour la recherche des preuves et lorsque lasécurité de l’accusé et de la société l’exige ; mais |’enfant doit être immédiatement
libéré, sans retard, « s 7l n'est plus dangereux »'°° D’ ailleurs, la Cour européenne, a
su faire savoir qu’elle attendait des Etats que si une mesure de privation de liberté
s’imposait a l’égard d’un mineur ce ne pouvait être que dans une perspective, ]
éducative 6.
Ainsi, nous pouvons constater que les institutions européennes ont tenu
compte des exigences des conventions internationales relatives a lenfance
délinquante Cependant, certaines de ces dispositions vont a l’encontre des
conventions internationales, s’agissant notamment de la détermination du seuild”âpe pénal En principe, le seuil d°âpe pénal est celui selon lequel Jes mineurs, au
moins a partir d'un certain age, sont punissables, et celui qui les fait sortir du droit
pénal pour les soumettre a des simples mesures de stireté'*’ Mais plusieurs Etats européens!ont supprimé ce seuil d’age et dans les textes législatifs correspondants
de la Communauté Européenne, il n’y en a aucune qui fixe un 4ge minimum, au
moins celui permettant d’imputer une responsabilité pénale au moment de
l’infraction'”’ On doit donc reconnaitre que le mouvement des nations n’est pas
homogéne et méme dans certains cas, observer que de très jeunes enfants peuvent
être mis en examen!!9,
"5 Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté adoptées par I'Assemblée
générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990: « Toute personne privée de sa liberté par la détention, a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue a bref délai sur la légalité de
sa détention et ordonne sa libération si sa détention est illégale»
°° Affaire D.G c/ Irlande, le 16 mai 2002 de la Cour observe que « aucun élément n’ayant été avancé pour
justifier une telle pratique l’internement » d’un mineur était incompatible avec I’art 5-1 de la Convention.
'°7 Jean Pradel, Droit pénal comparé, deuxiéme édition, p.739
'°8 Larticle 37 de la loi 1965 de la Belge relative a la protection de la jeunesse prévoit que les mineurs
déférés au tribunal de la jeunesse peuvent faire l'objet de "mesures de garde, de préservation et d‘éducation" Aucune sanction pénale ne peut être prononcée a leur encontre Cependant, dans certains cas, lâge de la responsabilité pénale peut étre abaissé a seize ans, car l'article 38 de cette loi précise que, compte
tenu de linffaction commise, si le tribunal de la jeunesse estime inadéquates les mesures prévues par
l'article 37, il peut renvoyer le mineur âgé de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans devant la Juridiction de droit commun Cf infra, sur l’art 122-8 du Code pénal francais qui rend pénalement
responsables les mineurs qui ont une capacité de discernement.
°F Massias, « Le seuil d’age de la responsabilité pénale et la peine », Rev Trim.dr.h.2002, pp.129 et s
Voir la synthése des solutions retenues par différents pays européens dans le rapport au Sénat sur /a
responsabilité pénale des mineurs de 1999, cité supra.
!9 Roselyne Nérac — Croisier, Le mineur et le droit pénal, L’Harmattan, 1997, p, 133
31
Trang 39§2 La conformité du droit pénal francais et du droit vietnamien aux normes
internationales
Conformément a |’exigence des dispositions internationales en traitant de laresponsabilité pénale du mineur délinquant, le législateur vietnamien a tranchéclairement la difficile question de la responsabilité pénale du mineur délinquant
mais il s’est montré trés peu préoccupé du statut procédural du mineur; en
revanche, en droit frangais, les institutions judiciaires spécifiques ont vraimentévolués et que méme si cela n’est pas fait sans débat, il n’y a pas en certaines entre
vraiment de rupture de la longue de gestion pénale des mineurs
1/ Le seuil d’Age et la responsabilité pénale de la délinquance juvénile
Si dans le code pénal vietnamien, le seuil d’Age et de la responsabilité pénale
du mineur délinquant est précisément et explicitement fixé, par contre le droitfrancais n’a fixé qu’un critére imprécis, ce que certains auteurs considérent comme
un exemple de finesse et de souplesse' !!,
On la wu au Vietnam, le seuil d°âge est de quatorze ans Selon l’article 12 ducode pénal de 1999, lorsque le délinquant a moins de quatorze ans, les institutions
Judiciaires rendent une ordonnance de classement sans suite et transférent le mineur
aux institutions administratives pour lui appliquer « des mesures administratives
éducatives » S’il a de quatorze a seize ans, le code pénal prévoit qu’il ne doitassumer sa responsabilité pénale que dans certains cas A partir de seize ans,l’adolescent doit assumer pleinement la responsabilité de ses actes mais il peutbénéficier de peines atténuantes Pourtant, si les magistrats considérent que lapoursuite n’est pas nécessaire, ils peuvent décider de l°application d’une mesure
administrative, ou d’une remise judiciaire aux parents
Le droit francais, a regu en héritage la référence au discernement de |’anciendroit dians la loi du 22 février 1912
'" Christine Lazerges, Lecture du rapport Varinard, RSC n° 1 2009, p 226 et s Selon l’auteur « Des 7 ou 8
ans environ, un enfant reléve du système pénal mais jusqu à 10 ans, il ne peut faire l'objet que des mesures
educatives, dès 10 ans le prononcé de mesures éducatives devient être possible, à 13 ans, une peine
proprement dite peut étre prononcé De 13 a 16 ans, la diminution de peine est de droit, au-dela de 16 ans, elle peut ou méme droit étre refusée par Ja juridiction de jugement ».
32
Trang 40L `Ordonnance de 1945 initiale avait certes abandonné cette référence etnavait pas fixé explicitement de seuil d’dge C’est ce changement qui a engendrédes interprétations différentes quant a la détermination du seuil de la responsabilitépénale de mineur, et qui a suscité des applications divergentes des dispositions decette Ordonnance, en particulier pour l’enfant de moins de treize ans.
L’article 2 de l?Ordonnance prévoit que « Je tribunal pour enfant et la courd'assises des mineurs prononceront suivant les cas des mesures de protection,d’assistance, de surveillance, et d’éducation qui sembleront appropriées et ils
pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du mineur
l’exigent, prononcer une peine a l'encontre des mineurs de treize a dix-huit ans en
tenant compte de |atténuation de leur responsabilité pénale » Ainsi, a travers cettedisposition, l’application des mesures exclusivement éducatives à tout mineur
Jusqu'à l°âpe de dix-huit ans est un principe Toutefois, |’enfant de treize a dix huit
ans peut subir une peine si les circonstances et sa personnalité le justifient
Pourtant, les dispositions de l’Ordonnance de 1945 n’apporte pas uneréponse satisfaisante et suffisante 4 la question du fondement de la responsabilitépénale du mineur, alors même que le texte prévoit que « les mineurs auxquels estimputée une infraction qualifiée crime ou délit ne seront pas déférés aux
Juridictions de droit commun, ne seront justiciables que des tribunaux ou des coursd'assises des mineurs » Cet article ne prévoit en effet qu’une différenciation entre
magistrat de droit commun et magistrat spécifiquement en charge des mineursdélinquants ; i] ne dit qu’une chose, c’est que l’enfant n’est pas traité par les
institutions procédurales de droit communs mais par des institutions procéduralespénales spécifiques Le seuil d’age de ce traitement spécifique n’est pas déterminé
Cette ambiguité n’a pas été sans conséquence
Certains auteurs ont estimé que les mineurs de treize ans ne pouvaient en
aucun cas étre frappés d’une condamnation mais relevaient exclusivement desmesures de resocialisation car la simple commission matérielle d’un acte interdit par
la loi pénale ne suffisant pas pour qu’une infraction puisse étre imputée a un
mineur sans qu’il soit nécessaire de se référer au discernement ; ainsi un nouveau-né
33