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Rousseau dans la guerre froide

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La lecture de Rousseau au Việt Nam pendant la guerre froide PHÙNG Ngọc Kiên Chercheur l’Institut de Littérature du Việt Nam Dans le présent exposé, je procède la considération des sélections faites par le traducteur en tant que lecteur modèle pour le Contrat social en viêtnamien Mon travail provient alors de la thèse connue que la langue dans une traduction n’est pas seulement un instrument, un moyen de communication, mais encore renferme une « vision » du monde propre C’est pourquoi, je n’ai pas l’intention d’évaluer la qualité de la traduction, la compréhension du traducteur Ce qui compte pour moi, c’est la transformation, inévitable, des termes rousseauistes du franỗais dans le contexte viờtnamien Choix de lacteur politique Nous en venons tout d’abord la perspective des traductions de Rousseau au Việt Nam du XXè siècle On dirait que c’est un rythme de 30 ans de l’apparition de Rousseau Avant la traduction réalisée presque intégralement en 1960, il y a des fragments traduits faits par Nguyễn An Ninh en 1923 l’édition Xưa Nay Ce texte appart dans le contexte agité du pays colonisé avec les mouvements ouvriers, les manifestations du peuple l’occasion des événements concernant les révolutionnaires comme Phạm Hồng Thái, Phan Bội Châu, Phan Chu Trinh, Nguyễn Thái Học 2, etc Il faut bien attendre 32 ans depuis 1960 pour qu’une autre traduction intégrale voie le jour dans les années 90 C’est juste après la fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin que le Việt Nam affronte au besoin incontournable du renouveau politique et social La traduction en 1960 presque intégrale de Rousseau appart dans la Bibliothèque philosophique du Ministère nationale de l’Éducation de la République du Việt Nam (Việt Nam du Sud) Cette bibliothèque bénéfice du programme de coopération entre ce Ministère et le Département américain de l’Économie au Việt Nam Cette publication dans le Việt Nam du Sud voit le jour après la prise du pouvoir de Ngơ Đình Diệm (1955) avec l’établissement de la Constitution de 1956, qui est la deuxième du Việt Nam Aussi peut-on parler de la nécessité de la figure de Rousseau lors des mutations civiles au Việt Nam Il nous faut alors bien focaliser sur le moment important de la guerre froide aussi que de l’histoire contemporaine du Việt Nam : 1945 On peut dire que lesprit rousseauiste saperỗoit dans la Dộclaration de l’Indépendance, écrit par Hồ Chí Minh en 1945 quand il, au sujet de la liberté et de l’égalité, cite la Déclaration américaine de l’Indépendance et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 comme prémisses indiscutables et incontestables : Tất người sinh có quyền bình đẳng Tạo hóa cho họ quyền khơng xâm phạm được; quyền ấy, có quyền sống, quyền tự quyền mưu cầu hạnh phúc Lời bất hủ Tuyên ngôn Độc lập năm 1776 nước Mỹ Suy rộng ra, câu có ý nghĩa là: tất dân tộc giới sinh bình đẳng, dân tộc có quyền sống, quyền sung sướng quyền tự Bản Tuyên ngôn Nhân quyền Dân quyền Cách mạng Pháp năm 1791 nói: Người ta sinh tự bình đẳng quyền lợi; phải luôn tự bình đẳng quyền lợi4 Les déclarations américaine et franỗaise dộclarent les droits qui appartiennent tout individu de par la nature même C’est l’aboutissement de la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle, entre autres il y a l’idée de Rousseau La traduction apportée par Hồ Chí Minh au texte anglaise révèle clairement sa propre intention d’interprétation Au lieu de suivre la lettre, l’auteur viêtnamien emploie l’expression nuancée lạque Il choisit « sinh ra/naissent » au lieu de « tạo ra/ are created », « Tạo hóa/Démiurge » universel au lieu de « Créator » occidental L’auteur viêtnamien a en même temps rendu laïque sa citation, aussi qu’à son texte fondamental de l’État Ce mot, selon dictionnaire viêtnamien, est synonyme avec Nature Il a alors insisté sur la Nature, non sur le Créateur impliquant la religion comme dans le texte américain Ce n’est pas non plus la Nature dans la compréhension occidentale en tant que perspective environnementale, arrière-plan de l’activité sociale, mais une nature viêtnamienne Cette nature bien entendu se situe hors de la volonté humaine, mais surpasse la vie humaine Elle communique avec l’homme Ses lois sont universelles tellement qu’elles pénètrent dans la vie humaine Nous reviendrons sur le mot Tạo hóa comme Nature dans la partie suivante6 De plus, la proposition dernière de la citation nous suggère quelques idées concernant le terme droit En fait, Hồ Chí Minh a un peu modifié la Dộclaration franỗaise en rộpộtant lộgalitộ afin dinsister sur ce droit comme droit-intérêt Comme en Chine, ce terme dans l’acception occidentale que Rousseau et d’autres Lumières assignent n’existe pas vraiment en Extrême-Orient7 Wang Xialing dans son étude a bien expliqué cette situation Dans le contexte politique du Việt Nam la sortie de la colonisation, le « droit » rousseauiste en viêtnamien est obligé d’impliquer l’ « intérêt » Puisqu’avant ce moment, ce droit est exclusivement destinộ aux franỗais, non au viêtnamiens : quyền lợi [droit-intérêt] C’est une affirmation de l’acquisition que le peuple viêtnamien a prise après ses luttes pour ờtre ộgal aux autres peuples, en loccurrence au franỗais En citant ainsi les formules cruciales concernant l’égalité qui sont les principes de la liberté et de la démocratie moderne, Hồ Chí Minh a élargie le terme de Rousseau dans la perspective du mouvement patriotique et de l’indépendance nationale Il s’agit de la question épineuse apparemment jamais posée par Rousseau : quel est le rapport entre le droit de l’individu et le droit du pays devant le colonialisme étranger Pour Hồ Chí Minh, c’est le droit de l’individu qui participe du droit national La plupart des intellectuels viêtnamiens d’alors partagent cette idée8 L’interprétation du texte traduit participe alors au dialogue entre des textes et, consiste le processus principal de la traduction Il s’agit du dialogue entre le lecteur et l’auteur, entre les cultures et entre les civilisations Hồ Chí Minh centre alors son attention sur les contenus cités, non sur l’acte de la citation Pour Hồ Chí Minh, les citations importent dans la mesure où elles sont les principes irréfutables pour légitimer un État législatif, elles se recoupent pour donner le droit d’égalité au peuple viêtnamien Aussi se servent-elles utilement et efficacement la libération du pays dans le contexte où la victoire des alliances n’assure pas l’égalité pour tout le peuple du monde Choix du lecteur politique Dans le contexte de la guerre froide, la guerre américaine et, la partition du pays, il n’y a pas de la traduction de Rousseau dans le Việt Nam du Nord Il ne se figure que parmi les penseurs « progressifs » Dans le Việt Nam du Sud, la traduction de Nguyễn Hữu Khang n’est qu’une traduction partielle comme mentionnée la couverture du bouquin On peut dire pourtant que c’est le premier texte de la philosophie occidentale traduit directement du franỗais Une question serait tout d’abord posée : pourquoi on a choisi dans le Sud du Việt Nam la présentation presque intégrale de Rousseau en 1960 Il est impossible de répondre exhaustivement, dans le cadre d’un article, cette question qui demande peut-être une recherche complète Le Việt Nam vient de conntre l’Indépendance depuis 15 ans et, il a du passer la guerre violente pendant ans Le besoin de rétablir un nouvel État légitime et législatif semble être le plus nécessaire et le plus urgent dans le Việt Nam du Sud où la paix s’installe temporairement La traduction du texte de Rousseau y répond alors partiellement À côté des raisons citées ci-dessus, l’enseignement en anglais, qui ne débute que des années 55 ou 56, ne permet pas de faire entrer dans la culture viêtnamienne les sujets philosophiques La position de Rousseau dans lintellectuel viờtnamien, sorti de lenseignement franỗais, est dautant plus nette que son nom est toujours cité, invoqué, réclamé par rapport aux autres figures franỗaises comme Montesquieu, Voltaire Ainsi il est facile comprendre la raison pour laquelle le traducteur choisit un texte en franỗais de Rousseau, non en anglais de Hobbes ou de Locke Le choix de Rousseau comme auteur de référence chez les révolutionnaires viêtnamiens viendrait encore de la raison qu’il parle de l’état comme institution laïque En plus, c’est lui qui est un des auteurs des Lumières parlant de la libération du pays Il s’agit du sujet le plus important pour les intellectuels viêtnamiens l’époque Ce sujet est d’autant plus sensible aux viêtnamiens que dans le même livre premier de son essai, Rousseau a abordé de front le lien entre les forts et les faibles, entre les mtres et l’esclavage Ce serait pourquoi, Contrat social, non Sur l’origine de l’inégalité, est choisi par le traducteur viêtnamien Le traducteur Nguyễn Hữu Khang avait publié en France un livre sur la « Commune annamite »9 L’auteur du livre, selon Pierre Lamputé dans la Préface, s’élève pourtant contre la théorie répandue l’époque que « l’Annam a emprunté la Chine ancienne les principes de son droit, comme ceux de sa philosophie et de sa morale qui en sont d’ailleurs inséparables » (Pierre Lampué, p IV, 1946) Au cours de son travail, Nguyễn Hữu Khang, en montrant les originalités de la commune viêtnamienne, cherche toujours distinguer la commune viêtnamienne de celle chinoise Pour expliquer cette distinction, Nguyễn Hữu Khang insiste sur le rôle de la nature en tant qu’environnement par rapport la constitution de la communauté : « Il existe pourtant un lien indubitable entre les institutions et les conditions naturelles offertes par un pays La coutume annamite ne peut manquer d’être, tout la fois, un produit de l’histoire et du sol »10 C’est pourquoi, la commune viêtnamienne contient les particularités par rapport celle chinoise Dans son Introduction, Nguyễn Hữu Khang a plusieurs reprises mentionné « notre vieux Việt Nam » au lieu d’Annam, le nom compris comme expression de la colonisation Il avertit qu’il ne faut pas se borner dans les apparences trompeuses des Annales racontant les sécessions royales ou bien les accidents historiques pour croire au déclin du pays Il affirme dans sa Conclusion la force et la vitalité de la Commune viêtnamienne que : « la force interne du peuple annamite résidait ailleurs, principalement au niveau du village, communauté stable qui, au cours des siècles, a assuré la continuité et l’uniformité de la civilisation nationale »11 a Le traducteur a supprimé tous les notes de page en bas de Rousseau La traduction subit même les suppressions importantes12 : la première partie du livre est la moins touchée ; la troisième et la quatrième sont concernées les plus La partie où Rousseau traite la relation du fort avec du faible, la souveraineté, gagne la préoccupation du traducteur C’est clair Les suppressions concernent les plus les arguments où l’auteur évoque l’histoire romaine Ces sélections nous font découvrir l’attention du lecteur viêtnamien du temps Il s’agit du besoin d’établir un État républicain, ou bien au moins sous la forme d’une République légitime En fait, l’essai de Rousseau a été un vrai dialogue avec les autres penseurs occidentaux : Grotius, Hobbes, Locke, etc On peut trouver côté les citations philosophiques pour argumenter les tons différents, ironique par exemple, de Rousseau Cet ouvrage, en se basant sur une perspective des discussions philosophiques du temps, par conséquent vise inciter les pensées philosophiques, non postuler une fois pour toutes Les suppressions des citations dans la traduction alors ont mis côté le dialogisme du texte de Rousseau Dans ce sens, le texte avec le nom de Rousseau au Việt Nam participent la légitimation du nouvel État républicain issu de la colonisation b « Le mot est toujours chargé d’un contenu ou d’un sens idéologique ou événementiel »13 C’est ainsi que nous comprenons et nous ne réagissons qu’aux paroles qui éveillent en nous des résonances idéologiques ou ayant trait la vie Dans le cadre de l’article, nous nous occupons de deux mots-clés rousseauistes : nature et droit Ces mots nous posent quelques points particuliers éclairer dans le texte de cible Malgré deux mots clés dans la philosophie de Rousseau, ils ne se prộsentent pas dans le glossaire viờtnamien-franỗais la fin de la traduction Or, ce vocabulaire nous dit la nécessité chez le lecteur de forger les termes dans le domaine philosophique Le manque de ces mots signifie que soit ce ne sont pas les mots importants pour le traducteur, soit ils lui semblent tellement « nuancés » dans le contexte de la culture viêtnamienne qu’il ne parvient pas présenter ou bien exprimer justement Commenỗons par une traduction apparente bizarre de la notion « droit » : Kẻ mạnh không đủ mạnh để luôn làm chúa tể họ không biến đổi cường lực thành công lý […] (p 11) (Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le mtre, s'il ne transforme sa force en justice - littéralement) Nous vous attirons attention sur le mot « cơng lý/justice » traduit de « droit », qu’il traduira justement en « quyền » un peu plus loin Ainsi, cette « erreur » de la traduction en tant que lecture nous invite penser particulièrement des mots-clés rousseauistes dans le contexte viêtnamien Le problème posé ici n’est pas clairement linguistique En désignant « droit » par « công lý/justice », le traducteur semble impliquer que cette notion n’est jamais utilisée avant pour les faibles C’est pour seul le fort, qui avait monopolisé le droit de la justice C’est pourquoi, l’acquisition de ce droit pour les faibles veut dire gagner la justice Le droit en question implique la fois l’intérêt et le pouvoir Cette traduction en tant qu’interprétation n’implique-t-elle pas la réalité sociale de laquelle l’auteur provient ? Ces analyses nous font revenir sur le terme viêtnamien « quyền lợi » [droit-intérêt] que Hồ Chí Minh a utilisé dans l’exemple cité ci-dessus Apparemment il n’y a aucun lien affiché entre ce texte et le texte de Hồ Chí Minh14 Or, nous avons une ressemblance extraordinaire travers les choix Le « droit » de Rousseau dans les textes, de Hồ Chí Minh et de Nguyễn Hữu Khang, nous dit alors que « freedom is not free » dans les pays colonisés c Dans la logique semblable, considérons le mot « nature » Pour exprimer ce terme de Rousseau, le traducteur choisit des mots viêtnamiens non vraiment synonymes tels : thiên nhiên, tự nhiên, chất, tạo hóa Ces termes nous parlent des dimensions différentes du mot que les autres langues peuvent offrir l’interprétation d’un terme lors de son transfert d’une langue l’autre, d’une culture et d’une civilisation l’autre Nous faisons la référence de ces mots au dictionnaire le plus crédible du temps : Từ điển Hán Việt (Dictionnaire chinoisviêtnamien) de Đào Duy Anh Ce dictionnaire est rédigé en 1931 dans le but de « forger le viêtnamien contemporain » pour élever l’éducation du peuple Son crédit est montré travers sa réédition Paris en 1949 par le Cercle des intellectuels viêtnamien en France15 « Thiên nhiên » est le choix le plus récurent du traducteur par rapport aux autres avec 45 occurrences La considération de ce mot révèle que « thiên nhiên » n’est compris dans le texte traduit que comme milieu naturel autour de l’homme et de la société Ce milieu existe avant la société humaine et comme sa perspective La première dimension est alors mise dans le lien chronologique avec la société créée par les conventions communautaires Il est « primitif », initial Alors, thiên nhiên comme naturel est ce qui existe avant le social et autour du social16 Le deuxième mot « chất » avec 20 occurrences est compris comme l’essence initiale, inchangeable, pure et originelle, qu’on ne peut plus analyser 17, qui fait une chose est telle ou telle Ce mot n’est utilisé dans le texte en ce qui concerne que la qualité Le troisième mot : « tự nhiên » (12 occurrences) est définit par Đào Duy Anh comme la fois un être universel et un caractère qui ne dépend pas de la volonté humaine et de la volonté particulière18 Le traducteur préfère alors tự nhiên comme loi, manière universelle non seulement du naturel mais aussi y compris du social Aussi le signifié de tự nhiên est-il plus large que du thiên nhiên19 Ces distinctions entraợnent quelques diffộrentes interprộtations Regardons un exemple : ô khụng tự-nhiên mà có » (p 7) est traduit de l’expression « [ce droit] ne vient point de la nature, [il est donc fondé sur des conventions] » Dans l’expression en viêtnamien, nous avons « tự nhiên » [naturellement] en tant qu’adverbe qui apporte une signification de la gratuité dans la logique naturelle : ce droit n’est pas gratuit ou fortuit L’homme et sa communauté faite par les conventions participent alors l’ensemble qu’est la nature qui domine tout Si l’idée de Rousseau semble vouloir insister sur la l’origine de la droit, qui ne vient que des conventions de la société, nous ne la trouvons plus dans le texte en viêtnamien Nous en venons la différence dans la pensée occidentale et orientale L’une insiste sur le dualisme comme chez Rousseau, l’autre sur le rapport inséparable entre l’homme et la nature comme chez le traducteur Pour Nguyễn Hữu Khang, les deux communiquent l’un avec l’autre sous l’ombre d’une entité appelée « tạo hóa » Ce dernier, qui est employé trois fois20, est définit - selon toujours le Dictionnaire - comme Démiurge 21, créateur de la nature et du cosmos, dont font partie l’homme et la société C’est une entité qui domine la fois la nature et la société Son activité est indépendante de la volonté et de l’esprit humain Ce mot viêtnamien n’implique aucun sens religieux À noter que ces mots distinguộs, malgrộ traduits dun mờme mot franỗais [nature], ne permettent pas souvent au traducteur d’utiliser son gré l’un pour lautre dans les circonstances concrốtes Ils sont parfois remplaỗable, parfois non, Par exemple, le mot chất ne peut pas se mettre dans la phrase : Nếu nhu cầu hết, dây liên lạc thiên nhiên tan rã… » (Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout, p 8) Le mot « nature » utilisé ici implique un état chronologique, non un état substantiel Passons un autre exemple, où on a du mal remplacer tự nhiên par (tự) thiên nhiên : « ils ne sont point naturellement (tự nhiên) ennemis » Le premier décrit les lois universelles, le deuxième vise un objet particulier qu’est le milieu, qui n’existe dans la relation qu’avec la société Pour prendre le troisième exemple : « il est contre la nature (bản chất) du corps politique que le souverain s'impose une loi qu'il ne puisse enfreindre » Nous ne pouvons pas en viêtnamien choisir thiên nhiên ou tự nhiên au lieu de chất Pourtant, c’est la présence des choix alternatifs et des synonymes qui entrne la constitution d’autres compréhensions au fil de la lecture Ainsi l’interprétation n’est pas seulement déterminée immédiatement par la traduction directe, mais encore par les liens internes qui s’en font dans le vocabulaire du texte d’arrivée Ce vocabulaire n’est jamais fidèle et toujours infléchi par le jeu complexe des choix Le choix nous révèle que pour le traducteur viêtnamien en tant que lecteur, la nature existe non seulement en tant que perspective de la société, mais aussi en tant que loi universelle indifférente et indépendante de la volonté humaine ; en tant qu’existence priori de la substance, et d’une entité surhumaine La rencontre des acceptions du mot présente alors l’expression parfois apparemment surprenante comme dans le préambule même : Tơi muốn tìm xem chế độ dân có quy tắc cai trị đáng trường cửu, nhận định người theo chất thiên nhiên luật pháp theo ý nghĩa [Je veux chercher si, dans l'ordre civil, il peut y avoir quelque règle d'administration légitime et sûre, en prenant les hommes selon l’essence naturelle, et les lois telles qu'elles peuvent être - littéralement] Nous voudrions attirer l’attention sur les dernières propositions en italique En fait, la première expression de Rousseau « tels qu’ils sont » sont clarifié en viêtnamien : « theo cht thiờn nhiờn ằ/selon lessence naturelle [littộralement] Lauteur franỗais ne dit pas encore clairement ce qu’il comprend comme « tels qu’ils sont » Puisque c’est encore ce qu’il faut découvrir dans son livre C’est encore une supposition montrer Cette idée est encore répétée une fois dans la dernière proposition et implique le lien chronologique La première proposition appartient au passé, la deuxième au futur Alors, le texte en viêtnamien semble présenter une tautologie avec deux mots apparemment synonymes vus du texte en franỗais Cette transformation linguistique nous dit une chose importante Le traducteur a précocement concrétisé un des principes du texte de Rousseau Il s’agit de thiên nhiên comme prémisse du texte Pour le lecteur-traducteur, l’essence humaine s’attache la nature, l’essence primitive, originelle Cette idée sous-jacente est d’autant plus découvrant que la traduction de la deuxième proposition est différente : les lois telles qu'elles peuvent être est traduit luật pháp theo ý nghĩa C'est-à-dire, le problốme posộ par lauteur franỗais implique la rộponse dans même le préambule du texte traduit L’expression chất thiên nhiên implique que les caractères primitifs de l’homme sont inhérents Pour le traducteur viêtnamien en tant que lecteur de Rousseau, l’essence naturelle est posée comme inéluctable, inhérente Ce sont des qualités originelles Elles sont initialement bonnes Ainsi, le but du contrat social que Rousseau, toujours selon son interprétation, veut présenter dans ses écrits, consiste enlever les corruptions causées par la société sans contrat pour orienter vers une république comme nature avec les lois naturelles Dans cette logique, observons un autre exemple où dans une même phrase il y a de différentes manifestations dues un mot unique de Rousseau : Như có kẻ nơ lệ chất có kẻ nơ lệ khơng thiên nhiên (p 10) [S'il y a donc, des esclaves par essence, c'est parce qu'il y a eu des esclaves non cause de la nature - littéralement] Le texte de Rousseau présente ici un argument, selon lequel les esclaves « contre nature » sont issus de la force sociale, non de la nature où ils sont égaux avec les mtres La nature de la première proposition est une reprise ironique de la parole d’Aristote qui argumente que « les hommes ne sont pas naturellement égaux » Pour Rousseau la nature est la cause de la nature 1, et « des esclaves » de deux propositions sont les mêmes La phrase suivante réaffirme cette idée Mais le jeu de mot de Rousseau décèle une autre logique établie par le traducteur Appart alors dans le texte en viêtnamien une différence entre chất [nature 1] comme essence et thiên nhiên [nature 2] comme milieu : chất/essence [nature 1] évoque l’existence d’une qualité innée, inhérente qui se réfère la servitude chez l’esclave dans la phrase précédente (compagnons d’Ulysse) ; thiên nhiên [nature 2] implique la nature en tant que perspective de la société, elle est primitive et hors de la société Nous avons ainsi dans la logique de cette réflexion deux différents « esclaves » C’est la conscience de certaines personnes vouloir sortir de son état d’esclavage qui réveille les autres encore en cet état Alors, le lien logique dans le texte d’arrivée remplace le lien chronologique dans le texte de départ22 Puisque la deuxième semble concerner la volonté humaine de l’esclave qui le pousse contre la nature Cette impression est d’autant plus frappante que le traducteur supprime le dernier paragraphe qui suit où Rousseau avec le ton ironique parle des héritiers dont il ferait partie Ce paragraphe en franỗais, dans la piste de Rousseau, semble avoir pour but de contester les arguments d’Aristote Dans la piste du traducteur, c’est la logique sur l’opposition naturelle entre des esclaves (les uns sont volontaires, les autres forcés) C’est pourquoi la phrase dernière dans le texte en viêtnamien, toujours l’appui de la division la fois syntaxique et rhétorique (force et faible), évoque les appels rythmiques plus que les arguments, la décision de sortir de l’esclavage volontaire plus que de l’idée de penser Le texte d’arrivé vise la légitimation plus que la réflexion philosophique En guise de la conclusion, on peut dire que les réflexions philosophiques de Rousseau ont postulé la légitimation de l’État viêtnamien issu de la colonisation Il sagit de lộgalitộ conỗue la fois comme ô l’intérêt » et le « pouvoir », qui sont les résultats de la lutte Ce droit est irréfutable, puisqu’il vient de la nature la fois en tant que perspective de la société humaine, en tant qu’essence inhérente de tous les peuples, en tant que loi universelle de l’Être suprême Tạo hóa qui n’intervient pas dans la vie humaine, mai qui existe priori Et par conséquent il endosse les luttes du peuple pour la liberté et pour l’indépendance du premier État républicain légitime en Asie du Sud-est 24.9.2012 En 1922, Nguyễn An Ninh revient au Việt Nam pour participer au mouvement militant pour l’éducation du peuple en vue de rehausser leur niveau, et pour la santé en vue de suivre le combat, de s’affranchir Il fonde le journal La Cloche fờlộe en franỗais condamnant lộgalement le rộgime colonial Le journal par conséquent est interdit En 1923, de son deuxième retour au pays, il procède la traduction de cinq premiers chapitres du Contrat social de Rousseau paru dans La Cloche fêlée réédité La traduction du Contrat social vise la vulgarisation de la pensée de légalité : l’homme est né libre Il présente également la position de Rousseau sur l’État : l’État est une institution de gouvernance avec le Contrat social Ainsi, c’est Nguyễn An Ninh qui est le premier divulguer au Việt Nam la pensée de démocratie de Rousseau travers son œuvre Or sa traduction en viêtnamien est interdite par les autorités coloniales, qui a peur de l’influence rousseauiste sur l’intellectuel viêtnamien d’alors, lors du haussement du mouvement révolutionnaire Ce sont les conférences, les interventions publiques données par Nguyễn An Ninh sur la démocratie, la liberté qui ont réveillé l’intellectuel, le peuple viêtnamien Il s’agit des manifestations ouvrières de 1000 participants l’usine navale Ba Son-Sài Gòn et de 500 de textile Nam Định contre les autorités coloniales, de l’assassinat raté par Phạm Hồng Thái contre le gouverneur général Martial Merlin au Quảng Châu (Guangzu - Chine), de la condamnation de Phan Bội Châu, de la mort de Phan Châu Trinh Ces deux personnages sont les lettrés patriotiques caractéristiques, qui sont honorés par tout le peuple viêtnamien Tous les événements concernant eux deviennent les événements nationaux Dans la tendance de l’apparition des organisations révolutionnaires, Việt Nam quốc dân đảng (Parti national du Việt Nam) est fondé en 1927 par Nguyễn Thái Học, qui sera condamné mort avec ses camarades lors de la révolte Yên bái échoué en 1930 Je tiens remercier Tanguy Amiot, qui a eu la gentillesse de me fournir la copie de cette traduction en viêtnamien pour mes recherches “Tous les hommes naissent égaux Ils sont dotés par le Démiurge de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur” Cette proposition immortelle provient de la Déclaration d’Indépendance de 1776 des Américains Il en déduit que : tous les peuples du Monde naissent égaux en droits ; ils ont tous les droits de vivre, d’être en bonheur et en liberté La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de la Rộvolution franỗaise en 1793 dộclarent ộgalement : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits; et doivent toujours être libre et égaux en droits » Nous traduisons littéralement Le texte en anglais : « […] that all Men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty, and the pursuit of Happiness” Notre article provient, malgré tradurre tradire, de l’idée de Heidegger : «Toute traduction est en elle-même une interprétation [ ] Conformément leur essence, l’interprétation et la traduction ne sont qu’une et même chose » Cité d’après A Berman, La Traduction et la Lettre l’Auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999 p 19, nous soulignons en italique Semblablement, W Benjamin en refusant l’objectivité de la connaissance prouve qu’« aucune traduction ne serait possible si son essence ultime était de vouloir ressembler l’original » (W Benjamin, p 249) Pour lui, la vérité ou les ultimes secrets, s’ils existent, se situent dans le langage G Steiner considère qu’« l’intérieur d’une langue ou d’une langue l’autre, la communication est une traduction » G Steiner, Après Babel (tr de l’anglais par Lucienne Lotringer et Pierre-Emmanuel Dauzat), Paris, ed Albin Michel 1998, p 89 « On ne devrait jamais passer sous silence la question de la langue dans laquelle se pose la question et se traduit un discours sur la traduction », Derrida (J.), « Des tours de Babel », Différence in Translation, ed Josep F Graham, Ithaca, Cornel Universty Press 1985, p 210 Cite d’après Michael Oustinoff, La Traduction, Collection Que-sais je, PUF 2003, p 14 Reprenant la réflexion de Humboldt que la langue n’est pas « un ouvrage fait » (ergon), mais « une activité en train de se faire » (ennergia), nous visons non la transparence d’une traduction mais les différences inhérentes qui règlent la signification du texte, et d’où du lecteur Lors de la libération du pays, les termes tels démocratie, république, et liberté sont entrés dans la devise nationale et sont mis dans l’entête des papiers officiels : Việt Nam Dân chủ Cộng hòa, Độc lập, Tự do, Hạnh phúc [République Démocratique du Việt Nam / Indépendance, Liberté, Bonheur] Il est clair que ces mots d’ordre ont tendance rousseauiste ostensiblement Ces références réaffirment l’égalité, la liberté que Rousseau a levée Suite la Déclaration de l’Indépendance, c’est la Constitution établie par l’Assemblée Nationale en 1946 qui réaffirme la politique républicaine et démocratique du Việt Nam Le premier article de la première Constitution (1946) écrit : « Nước Việt Nam nước dân chủ cộng hoà » [Le Việt Nam est une République démocratique] Cf Wang Xialing, Jean-Jaques Rousseau en Chine, Société internationale des Amis du Musée J.J Rousseau, 2009, pp 75-78 Cf Trịnh Văn Thảo, Les compagons de route de Hồ Chí Minh – Histoire d’un engagement intellectuel au Việt Nam, Karthala, 2005 Nguyễn Hữu Khang, selon l’information en tête du livre, est docteur en droit, diplômé de l’École nationale des langues orientales vivantes, maintenant c’est INALCO Il soutient une thèse sur « La Commune annamite » en 1945 l’Université de Paris, sous la direction de Pierre Lampué (1899-1987), un professeur sur les relations juridiques et administratives coloniales la Faculté de droit de Paris Après un an, cette thèse est publiée comme étude historique juridique et économique sous le titre « La Commune annamite », Librairie du recueil Sirey, 1946 10 Nguyễn Hữu Khang, p 11 Nous soulignons Nguyễn Hữu Khang, p 210 12 Par exemple les arguments du chapitre II Livre concernant Grotius, quatre premiers paragraphes du chapitre X du livre sur les conditions naturelles nécessaires pour organiser les relations civiles sur un territoire en tant qu’élément de nature ; le traducteur a titrộ le chapitre par la question commenỗant le cinquième paragraphe : Quel peuple est donc propre la législation? Dans le chapitre du livre III, on élimine les paragraphes sur le double rapport entre le roi et le peuple au niveau de la force Ces éliminations ne sont pas signalées par le traducteur Les suppressions se sont produisent quand Rousseau fait la comparaison de deux types de régimes politiques : monarchie et république, etc 13 Bakhtine, Marxisme, p.103 14 Dans la première Constitution du Việt Nam (1946), nous trouvons encore plusieurs reprises les expressions de « quyền »/droit, qui implique le pouvoir ou bien l’intérêt : droit de vote pour la femme (article 9), droit des minoritaires (article 8) comme droit-intérêt, droit du peuple (article 1) comme pouvoir 15 Dans la lettre ouverte Đào Duy Anh comme préambule de l’édition Paris, l’Éditeur Minh Tân Nguyễn Ngọc Bích a écrit : « Comme, pendant quelques décennies dernières, aucun dictionnaire est plus populaire que votre Hán Việt tự điển dans la présentation de nouveaux termes Actuellement, plusieurs mots, qui deviennent courant, sont dûs de ce dictionnaire » 16 Nous nous rappelons que Nguyễn Hữu Khang dans son travail doctoral suit la conception que la nature est comme arrière plan de la société 17 Un coup d’œil sur l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert nous dit de plusieurs sens de cette entrée lors du temps de sa rédaction : système, essence, être, providence, Dieu Cf volume 2, p 1004 C’est Rousseau qui écrit dans Sur l’origine de l’inégalité : « Avec si peu de sources de maux, l’homme dans l’état de Nature n’a donc guerre besoin de remèdes, moins encore de Médecins ; » (Gallimard, 1969, p 69) 18 « Tạo hóa, vũ trụ/khơng phải sức người làm, không miễn cưỡng » (p 747) 19 Dans un autre Dictionnaire l’époque, établi par l’Association Khai Trí tiến đức, il n’y a pas du mot tự nhiên ; on définit thiên nhiên comme « tự nhiên, trời sinh » [naturellement, né par le Ciel - littéralement] (p 565) et tạo hóa ou thiên tạo comme « nói trời đất gây dựng hóa sinh mn vật » [au sujet de la création et de la transformation de toutes les espèces faites par le Ciel et la Terre - littéralement] (p 509), Trung Bắc Tân Văn, Hà Nội-1931, réédité Sài Gòn - 1954 20 Nous remarquons que ce mot en viêtnamien ne contient aucun lien avec les termes thiên mệnh/tianming (mandat du Ciel) que Nakae a utilisé dans sa traduction au Japon Cf Wang Xialing, Jean-Jaques Rousseau en Chine, Société internationale des Amis du Musée J.-J Rousseau, 2009, p 53 21 Nous voulons emprunter l’expression platonicienne, qui sort du cadre religieux 22 Le manque des déictiques temporels chez viêtnamien contribue l’ambiguïté de l’idée ... efficacement la libération du pays dans le contexte où la victoire des alliances n’assure pas l’égalité pour tout le peuple du monde Choix du lecteur politique Dans le contexte de la guerre froide, la guerre. .. touchée ; la troisième et la quatrième sont concernées les plus La partie où Rousseau traite la relation du fort avec du faible, la souveraineté, gagne la préoccupation du traducteur C’est clair Les... Malgré deux mots clés dans la philosophie de Rousseau, ils ne se présentent pas dans le glossaire viờtnamien-franỗais la fin de la traduction Or, ce vocabulaire nous dit la nécessité chez le

Ngày đăng: 02/08/2022, 16:24

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