Acte de reproche en français et en vietnamien
Trang 1TABLE DES MATIÈRES
PREMIER CHAPITRE : FONDEMENT THÉORIQUE 8
I CONCEPTIONS THÉORIQUES 8
1 Acte de langage 8
1.1 Notions d’acte de langage 8
1.2 Classification des actes de langage 9
1.3 Formulation des actes de langage 11
3.1 Notions de “face” et de “territoire” de E Goffman 16
3.2 Modèle de politesse de Brown et Levinson 17
3.2.1 Notion de “face” 17
3.2.2 Notion de FTA (“Face Threatening Act”) 17
3.2.3 Notion de “face want” (ménagement de face) 18
3.2.4 Notion de “face work” (travail de face) 18
3.3 Modèle de politesse de C Kerbrat-Orecchioni 19
3.3.1 Notion de FFA (“Face Flattering Act”) 19
3.3.2 Politesse négative vs positive 19
3.3.3 Stratégies de politesse 20
3.3.3.1 Procédés de la politesse négative 20
3.3.3.2 Procédés de la politesse positive 22
Trang 2II DÉFINITION DU REPROCHE 23
1 Définitions dans les dictionnaires 23
2 Le reproche sous l’angle pragmatique 25
DEUXIÈME CHAPITRE : CONSTITUTION ET ANALYSE DU CORPUS 27
I CONSTITUTION DU CORPUS 27
1 Choix de la méthode de collecte des données 27
1.1 Problème du choix de la méthode de collecte des données 27
1.2 Justification du corpus littéraire contemporain 29
2 Présentation du corpus 29
2.1 Corpus en français 29
2.2 Corpus en vietnamien 31
3 Méthode d’analyse des données 33
II ANALYSE DU CORPUS 34
1 Objet de reproche 34
1.1 Parole 34
1.2 Attitude 35
1.3 Action 35
1.3.1 Action non réalisée 35
1.3.2 Action mal réalisée 37
2 Types de reproches 39
2.1 Reproche direct 39
2.2 Reproche indirect 40
2.3 Reproche mixte - direct et indirect 41
2.4 Reproche - trope communicationnel 41
3 Relation interpersonnelle et reproche 42
3.1 Relation horizontale et reproche 42
3.2 Relation verticale et reproche 43
Trang 34 Reproche et face des interactants 43
4.1 Reproche et face de l’allocutaire 44
4.2 Reproche et face de l’énonciateur 45
1.4 Combinaison des moyens 66
2 Réalisation du reproche en vietnamien 68
2.1 Moyens lexicaux 69
2.2 Moyens morpho-syntaxiques 69
Trang 42.2.1 Phrase exlamative 69
2.2.2 Phrase assertive 70
2.2.3 Phrase interrogative 71
2.2.4 Phrase injonctive 75
2.2.5 Combinaison des types de phrases 78
2.3 Combinaison des moyens linguitiques 80
3 Procédés de politesse dans la réalisation du reproche 83
3.1 Procédés adoucisseurs dans la réalisation du reproche en français 83
3.1.1 Procédés substitutifs 83
3.1.2 Procédés accompagnateurs 83
3.2 Procédés adoucisseurs dans la réalisation du reproche en vietnamien 84
4 Procédés durcisseurs dans la réalisation du reproche 85
4.1 Procédés durcisseurs dans la réalisation du reproche en français 85
4.2 Procédés durcisseurs dans la réalisation du reproche en vietnamien 86
II SIMILITUDES ET DIFFÉRENCES DANS LA RÉALISATIONDE L’ACTE DE REPROCHE EN FRANÇAIS ET EN VIETNAMIEN 87
BIBLIOGRAPHIE 93
Trang 5Maîtriser une langue étrangère en général et la langue française en particulier nesignifie pas seulement posséder la compétence linguistique mais encore maîtriser lacompétence de communication Les connaissances pragmatiques et socio-culturelles sont doncindispensables En fait, les obstacles de type pragmatique et socio-culturel perturbent lesinteractions verbales plus que le manque de connaissances de la langue : ils provoquent d’unepart la difficulté dans la réalisation et l’interprétation des actes de langage et gênent d’autrepart la relation interpersonnelle des interactants
Pour arriver à maintenir une bonne relation lors d’une interaction verbale, il faut queles interactants hyperbolisent d’un côté les actes valorisants pour la face et évitent de l’autrecôté les actes menaçants pour la face En réalité, il existe des situations communicatives danslesquelles les actes menaçants sont inévitables, parmi lesquels l’acte de reproche Dans cessituations, ce serait bien de trouver des stratégies discursives pour adoucir, limiter leurs effetsmenaçants/dérangeants Pour le faire, il nous faut tout d’abord comprendre en profondeur cesactes
Cependant, nous trouvons que les chercheurs français et vietnamiens n’ont mis l’accentque sur les études sur les actes valorisants pour la face : compliment, remerciement, invitation,excuse, etc Les actes menaçants restent sous-investis Il nous manque donc les connaissancessur ce type d’actes Notre travail de recherche sur l’acte de reproche contribuerait à combler enpartie cette lacune
Bien que l’acte de reproche est un acte universel, les stratégies de reproche ne sont pasidentiques, pour les raisons socio-culturelles, chez les Français et les Vietnamiens Une étudecomparative de l’acte de reproche dans les deux langues serait donc très utile En effet, ellenous permettra de dégager les points communs et les différences dans la réalisation dureproche en français et en vietnamien Les connaissances acquises nous permettront d’éviterles conflits dans l’interaction avec les Français
Trang 6Étant enseignante du français, nous nous intéressons aussi à l’enseignement de cet acte.À notre observation, il n’est pas systématique Le résultat de notre recherche comparative surl’acte de reproche dans les deux langues nous aideront à trouver une démarche adéquate pourl’enseignement de l’acte de reproche afin d’éviter les chocs culturels potentiels dansl’interaction franco-vietnamienne.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons décidé de faire une étude sur l’acte dereproche Notre travail de recherche est intitulé « ACTE DE REPROCHE EN FRANÇAIS ET EN
VIETNAMIEN »
Les premières réflexions sur l’acte de reproche nous a menée à une série de questions :Qui reproche à qui ? Quelles sont les caractéristiques de l’acte de reproche ? Quels sont lesobjets de reproche ? Comment les faces des interactants sont-elles menacées par le reproche ?Quels sont les types de réactions au reproche ? Enfin, comment les Français et les Vietnamiensformulent-ils le reproche ?
Nous avons également formulé les hypothèses suivantes : Il existe des similitudes ainsique des différences dans la formulation du reproche en français et en vietnamien Et cesdifférences peuvent être expliquées en partie par des facteurs socio-culturels.
En menant la présente recherche, nous visons tout d’abord à identifier lescaractéristiques et les formules de reproches en français et en vietnamien, puis, à faire ressortirles similitudes et les différences dans les stratégies de reproche dans les deux langues Nousanalysons ensuite l’influence des facteurs socio-culturels sur la réalisation de l’acte dereproche en vietnamien.
Afin de parvenir aux objectifs susmentionnés, nous aurons recours à une méthodologiedescriptive, analytique et comparative Nous procéderons à décrire et à analyser lescaractéristiques du reproche et les formules à reprocher quelque chose à quelqu’un dans lesdeux langues En nous basant sur les résultats de ce travail, nous chercherons à relever lessimilitudes et les divergences principales dans la réalisation du reproche des Français et des
Trang 7Vietnamiens Notre travail reposera donc sur deux corpus littéraires contemporains : l’un enfrançais et l’autre en vietnamien
Notre travail de recherche se compose de trois chapitres : fondement théorique,constitution et analyse du corpus et formulation du reproche en français et en vietnamien
Dans le premier chapitre, nous reprendrons tout d’abord quelques notions de base del’interaction verbale (l’acte de langage, la relation interpersonnelle dans l’interaction verbaleet la politesse) qui servent de point de départ pour les deux parties qui suivent Il sera ensuiteréservé à la définition du reproche.
Le deuxième chapitre sera consacrée à la constitution et à l’analyse du corpus Après lajustification du choix et la présentation du corpus littéraire contemporain, nous analyserons lesformules de reproches constatées dans le corpus À partir de ces analyses, les caractéristiquesde l’acte de reproche pourront être identifiées
Dans le troisième chapitre, nous tenterons de faire une étude comparative de laformulation du reproche en français et en vietnamien pour faire ressortir des similitudes ainsique des différences dans la réalisation du reproche dans les deux langues C’est aussi dans cechapitre que nous voudrions faire émerger les facteurs socio-culturels qui influencent en partieles comportements langagiers dans la réalisation du reproche en français et en vietnamien
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PREMIER CHAPITRE : FONDEMENT THÉORIQUE
Ce chapitre sert de point de départ pour notre analyse des caractéristiques et desformulations du reproche en français et en vietnamien que nous allons détailler dans les deuxparties qui suivent Premièrement, nous aborderons les conceptions théoriques concernantl’étude de l’acte de reproche La deuxième phase sera réservée à l’analyse des définitions dureproche.
I CONCEPTIONS THÉORIQUES
Pour pouvoir étudier l’acte de reproche, il nous est indispensable de reprendrequelques notions de base telles que l’acte de langage, la relation interpersonnelle et la politessedans l’interaction verbale Une fois ces notions définies, nous passons à la définition de l’actede reproche.
1 Acte de langage
Nous reprendrons dans cette partie la notion, la classification et les formulations desactes de langage
1.1 Notion d’acte de langage
Suivant la conception traditionnelle, le langage ne sert qu’à décrire le monde réel.Selon les linguistes traditionnels, les énoncés ont la propriété d’être vrais ou faux
Le philosophe britanique John L Austin (1970) a cependant remarqué que le langageest susceptible de réagir sur la réalité C’est lui qui a distingué 2 types d’énoncés : l’un sert àdécrire la réalité et l’autre, à accomplir une action Le premier est appelé énoncé constatif etle deuxième, énoncé performatif
Il pleut (énoncé constatif)
Je te promets que je te dirai la vérité (énoncé performatif)
Il a ensuite fait une distinction entre trois catégories d’actes de langage : les acteslocutoires qui correspondent au fait de dire quelque chose, les actes illocutoires accomplis en
Trang 9disant quelque chose et les actes perlocutoires accomplis par le fait de dire quelque chose Envoici un exemple :
Acte locutoire : Le professeur a dit à un étudiant : “ Pourriez-vous ouvrir la
fenêtre ?”
Acte illocutoire : Le professeur a demandé à l’étudiant d’ouvrir la fenêtre.Acte perlocutoire : L’étudiant ouvre la fenêtre.
Selon John R Searle (1970 : 52) “parler une langue, c’est réaliser des actes de
langage” Les actes de langage sont les unités minimales de base de la communication
linguistique Chaque acte a un contenu propositionnel et une force illocutoire particulière (actede promesse, de reproche, de demande …)
1.2 Classification des actes de langage
Austin (1970) a classé les actes illocutoires en 5 catégories
- Les verdictifs – les actes qui consistent à juger Ex : “estimer”, “classer”, “décrire”.
- Les exercitifs, qui consistent à décider des actions à suivre, par exemple : “commander”,
“nommer”, “ renvoyer”, “pardonner”, “proclamer”.
- Les promissifs, qui obligent le locuteur à agir d’une certaine manière, à adopter une
certaine conduite comme “promettre”, “garantir”, “jurer”, “ s’engager”, etc.
- Les comportatifs, qui expriment la réaction à une conduite, un acte de l’interlocuteur :
“s’excuser”, “remercier”, “applaudir”, “féliciter”, “critiquer” , etc
- Les expositifs, qui consistent à exposer Les verbes de ce groupe sont très nombreux,
parmi lesquels : “affirmer”, “nier”, “répondre”, “dire”, “illustrer”, “expliquer”,
“signifier”, “mentionner”.
Cependant, selon Searle (1982 : 48-51), il existe dans la taxinomie d’actes illocutoiresd’Austin 6 grands problèmes Le premier problème, le plus grave, est qu’Austin n’a pas donnéde principes, de critères cohérents pour sa classification (par exemple, les promissifs sontdéfinis en terme de but illocutoire tandis que le facteur d’autorité est considéré comme basedes exercitifs …) Deuxièmement, Austin fait une confusion entre les actes et les verbes Eneffet, il a classifié non pas les actes illocutoires mais les verbes illocutoires Troisièmement,
Trang 10certains verbes classifiés tels que “avoir l’intention de”, “être prêt à”, “sympathiser”, etc ne
sont pas des verbes illocutoires Quatrièmement, à cause du manque de critères declassification et de la confusion entre les actes et les verbes, les catégories se recouvrent troplargement entre elles Cinquièmement, il manque d’homogénéité à l’intérieur de chaquecatégorie Sixièmement, les verbes recensés dans chaque classe ne satisfont pas toujours ladéfinition donnée
Ayant conscience de ces inconvénients, Searle a proposé 12 critères pour distinguer lesactes de langage Les critères qu’il considère commes les plus importants sont :
1. Le but de l’acte (le but illocutoire) : pour Searle, c’est la condition la plus importante quiforme la base la plus appropriée pour la taxinomie des actes illocutoires.
2. La direction d’ajustement entre les mots et le monde (le rapport entre le monde et lecontenu propositionnel de l’acte de langage) Elle est toujours la conséquence du butillocutoire Certains actes rendent les mots conformes au monde, plus exactement rendent
conforme leur contenu propositionnel au monde (affirmation, explication, description,
assertion, etc), tandis que d’autres ont pout but de rendre le monde conforme aux mots
(demande, promesse, ordre, etc).
3. L’état psychologique exprimé : le locuteur exprime toujours en accomplissant un acte unecertaine attitude : le désir, le regret par exemple Son attitude n’est cependant pas toujourssincère.
À partir de ces critères, Searle a proposé une taxinomie d’actes de langage Les actesillocutoires y sont classées en 5 catégories :
1. Les assertifs : ils ont pour but d’engager le locuteur sur l’existence d’un état de chose, surla vérité de la proposition exprimée La direction d’ajustement va des mots au monde L’étatpsychologique exprimé est la conviction, la croyance à propos du contenu propositionnel.
Exemples de verbes : “analyser”, “ évaluer”, “décrire”.
2. Les directifs : le but illocutoire de ces actes est d’obtenir que l’interlocuteur fasse quelquechose Le monde doit s’ajuster aux mots Quant à l’état psychologique, il s’agit du désir, de la
Trang 11volonté Les verbes correspondant aux actes de cette classe sont : “demander”, “ordonner”,
“commander”, “ réclamer”, “ prier”, “ inviter”, “ conseiller”, etc.
3. Les promissifs : il s’agit des actes dont le but illocutoire est d’engager ou d’obliger lelocuteur à accomplir une action future ; ó la direction d’ajustement va du monde aux mots et
ó l’état psychologique est la sincérité de l’intention Ex : “promettre”, “s’engager”,
4. Les expressifs : le but illocutoire de cette classe d’actes est d’exprimer l’état
psychologique spécifié sous condition de la sincérité, vis-à-vis d’un état de chose spécifié dans
le contenu propositionnel “Remercier”, “féliciter”, “s’excuser”, etc, tels sont les verbes
expressifs correspondant aux actes de cette classe Il est à remarquer que les expressifs n’ontpas de direction d’ajustement : le contenu propositionnel est présupposé Le locuteur necherche pas à rendre le monde conforme aux mots, ni rendre les mots conformes au monde.Ces actes se correspondent en gros aux comportatifs d’Austin.
5. Les déclaratifs : ils ont pour but de mettre en correspondance directement le contenu
propositionnel à la réalité Ils n’ont pas de direction d’ajustement, sous réserve de légitimité
institutionnelle ou sociale Ex : “déclarer”, “nommer”, “définir”, “appeler”.
1.3 Formulation des actes de langage
Un acte de langage n’a pas une seule formulation En effet, un même acte de langagepeut recevoir un grand nombre de réalisations différentes (par exemple, les énoncés suivantssont, dans certains contextes, pragmatiquement équivalents : ils ont tous la valeur de demande
de fermer la porte : “Ferme la porte !”, “Tu peux/pourrais fermer la porte ?”, “Tu
veux/voudrais fermer la porte ?”, “ La porte est ouverte”, “ Il y a un courant d’air”) Les
formulations de l’acte de langage sont divisées en deux grandes catégories : formulationsdirectes et formulations indirectes
1.3.1 Formulation directe
Quand le locuteur énonce une phrase en voulant dire directement, explicitement,exactement et littéralement ce qu’il dit, on parle de la formulation directe de l’acte de langage
Trang 12Les actes de langage directs se réalisent en général grâce à des verbes performatifs oudes formes de phrase Prenons des exemples :
“ Je te conseille de ne pas abuser de somnifères” (1)“ N’abuse pas de somnifères !” (2)
Dans le premier énoncé, l’énonciateur a recours à l’utilisation du verbe performatif
“conseiller” Quand on dit “je te conseille…”, on accomplit automatiquement l’acte de
conseil Les verbes performatifs indiquent explicitement l’acte accompli en même temps qu’ilest énoncé Un verbe ne peut pas être performatif “par nature”, il ne peut l’êtrequ’occasionnellement et dans certaines conditions d’emploi Il doit être employé à la premièrepersonne au présent de l’indicatif Si le locuteur s’engage dans un acte, l’engagement est prisvis-à-vis d’un destinataire précis, qui doit être explicitement désigné dans l’énoncé.(Tomassone 1998 : 45)
Au deuxième énoncé, le conseil est formulé sous forme de phrase impérative Cetteformulation ne nomme pas l’acte accompli mais le marque de façon explicite C’est pour cetteraison que les actes directs sont appelés encore actes explicites
1.3.2 Formulation indirecte
L’acte de langage indirect est un acte illocutoire accompli indirectement parl’accomplissement d’un autre En effet, quand on dit quelque chose, c’est qu’on fait une chosesous les apparences d’une autre
Il existe deux types de formulations indirectes : formulation indirecte conventionnelle
et formulation indirecte non conventionnelle L’acte de langage indirect conventionnel “fait
partie d’un répertoire d’actes de discours socialement reconnus”1 Pour la formulationindirecte non-conventionnelle, aucun indice ne dit que l’on fait tel ou tel acte Ce sont les loisde discours et le contexte qui déterminent l’acte.
“Tu pourrais fermer la porte ?”
1http://www.episteme.u-bordeaux.fr/Dico1/actes.html
Trang 13Apparemment, c’est un acte de question qui porte sur la capacité de l’interlocuteur.
Pourtant, cette question ne demande pas une réponse de type Oui/ Non mais la réaction de
l’interlocuteur : il voudrait que l’interlocuteur ferme la porte
Il a été admis que hors de certains contextes particuliers, cette structure interrogativefonctionne conventionnellement comme une requête Autrement dit, la requête s’exprime
conventionnellement par le biais d’une question Searle (1982 : chap.2) appelle “secondaire”l’acte de question et “primaire”, l’acte de requête Sous l’angle d’interprétation, la valeur dequestion est dite “littérale” et la valeur de requête, “dérivée”.
Dans le cas “Il y a des courants d’air”, l’énoncé prend la forme d’une assertion.
Cette assertion porte sur l’état de la porte Dans certaines circonstances, cet énoncé peut avoirla même valeur de demander de fermer la porte Elle est alors “non-conventionnelle” Maisque faire pour comprendre que c’est une requête et pas une simple assertion ? Il faut nousbaser sur le contexte situationnel C’est lui qui permet d’interpréter la valeur primaire et lavaleur dérivée de l’acte
En général, la formulation indirecte d’un acte de langage consiste à affirmer ouinterroger sur l’une des conditions de réussite de l’acte en question Revenant aux deuxexemples cités ci-dessus, on trouve que le premier porte sur la condition de réussiteconcernant le destinaire, plus concrètement sur sa capacité de fermer la porte Dans ledeuxième, l’énoncé porte sur l’état de chose au moment de l’énonciation.
D’après Searle (1972), la motivation principale - même l’unique - de ces formulationsindirectes, c’est la politesse Examinons des exemples ci-dessous :
Ex 1 : Voudriez -vous me taper ce document ? Ex 2 : Pourriez-vous me taper ce document ?
D’abord, le locuteur ne présume pas dans le premier exemple qu’il connaîsse le bonvouloir de l’interlocuteur Pour le deuxième cas, ce n’est pas le vouloir mais la capacité del’interlocuteur qui est présumée non connue Ensuite, ces formules offrent à l’interlocuteur la
possibilité de refuser, puisque pour les questions en Oui/ Non, le “non” est acceptable dans les
réponses
Trang 14Il a été montré également que les actes indirects, notamment les actes indirects nonconventionnels sont beaucoup plus complexes que les actes directs En effet, en fonction ducontexte situationnel, on peut dégager d’une même forme linguistique des valeurs illocutoires
différentes En voici un exemple : “Il est 7heures” Hors du contexte, cet énoncé peut
apparaître comme une simple affirmation sur l’heure Selon le contexte, il peut avoir la valeur
de rassurer “Prends ton temps !” ou la valeur de dépêchement “Dépêche-toi !” Même dans le
contexte, l’identification des valeurs indirectes peuvent prêter à des malentendus involontairesou volontaires On parle de trois types de raisons : la surinterprétation (l’interlocuteur voit unevaleur indirecte tandis que le locuteur ne parle que directement), la sous-interprétation (lelocuteur prétend une valeur indirecte mais l’interlocuteur ne le perçoit pas, voire feint de nepas le percevoir) et l’interprétation erronée (l’interlocuteur se trompe de valeur).2
Puisqu’il est très complexe, le décodage des actes de langage doit impliquer nonseulement la nature du contenu propositionnel mais aussi la structure de l’énoncé,l’intervention des lois du discours et des données contextuelles pertinentes À l’oral, ilimplique encore les éléments prosodiques ainsi que mimo-gestuels.
2 RELATION INTERPERSONNELLE DANS L’INTERACTION VERBALE
Selon la définition de W Labov et D Fanshel (Kerbrat-Orecchioni C 1996 : 41), une
interaction est “une action qui affecte les relations de soi et d’autrui dans la communication
en face à face” Cela veut dire que la relation entre les interactants se construit par le biais de
l’échange verbal Kerbrat-Orecchioni distingue deux types de relations interpersonnelles :relation horizontale et relation verticale.
Trang 15socio-affectif, la situation de communication informelle, formelle ou cérémonielle, etc) ainsique des signes verbaux, paraverbaux et non-verbaux Les premiers sont les caractéristiquesexternes et les secondes, les caractéristiques internes de l’interaction
En principe, la relation horizontale est négociable, et souvent négociée, de manièreexplicite ou implicite Généralement, la distance entre les interactants évolue au cours del’interaction Cette évolution est le plus souvent dans le sens de rapprochement progressif
Ce type de relation est de nature symétrique La dissymétrie reflète tantôt unedivergence dans la façon dont les interactants appréhendent leur relation horizontale, tantôtl’existence entre eux d’un rapport hiérarchique fort
Les marqueurs de la relation horizontale – les relationèmes horizontaux sont trèsnombreux Ils peuvent être de nature verbale : les termes d’adresse, les thèmes abordés dansl’interaction et les niveaux de langue utilisés Il existe également des relationèmes de natureparaverbale comme l’intensité articulatoire et le timbre de la voix, le débit, la rapidité desenchaînements et les chevauchements de parole En ce qui concerne les marqueurs non-verbaux, il faut parler de la distance spaciale, des gestes, du posture des interactants…
2.2 Relation verticale
Les participants à une interaction ne sont pas toujours égaux En effet, l’un d’entre euxpeut avoir une position “haute” de dominant et l’autre se trouve en position “basse” dedominé Ainsi, contrairement à la relation horizontale, la relation verticale est principalementdissymétrique Pourtant, le dominé cherche toujours des stratégies de résistance et de contre-pouvoir, qui peuvent bien entendu réussir ou échouer, afin de reprendre le statut d’égalité.
L’inégalité des interactants dépend tout d’abord des facteurs “externes” – des donnéescontextuelles comme l’âge, le sexe, le statut, la maîtrise de la langue, la compétence, leprestige, voire la force physique … du locuteur et de l’interlocuteur Elle dépend égalementdes caractéristiques “internes” de l’interaction qui proviennent de la production des marqueursde la relation verticale – “des relationèmes verticaux” – “des taxèmes”.
Trang 16Les relationèmes verticaux sont abondants On distingue les “taxèmes de positionhaute” et les “taxèmes de position basse” Ainsi que les relationèmes horizontaux, lesrelationèmes verticaux peuvent être de nature non verbale (l’apparence physique et la tenuevestimentaire des interactants, l’organisation de l’espace communicatif, les postures, lesregards, les gestes mimiques, …), de nature paraverbale (l’intensité vocale et le ton desinteractants) ou de nature verbale Les marqueurs verbaux sont très divers : les termesd’adresse, l’organisation des tours de parole, l’interruption et l’intrusion, l’organisationstructurale de l’interaction, les actes de langage produits durant l’interaction, les thèmesabordés dans l’interaction, le vocabulaire et l’interprétation de l’interactant.
3 LA POLITESSE
La politesse en question dans notre travail de recherche est la politesse linguistique Ilest à remarquer qu’elle est liée à la relation interpersonnelle des interactants Elle a pourfonction de préserver le caractère harmonieux de cette relation Selon Kerbrat-Orecchioni
(1996 : 50) “Il est impossible de décrire efficacement ce qui se passe dans les échanges
communicatifs sans tenir compte de certains principes de politesse” Ces principes gèrent
essentiellement les comportements du locuteur envers son interlocuteur mais aussi lescomportements envers une troisième personne ou envers lui-même.
La conception de la politesse a été étudiée et développée par plusieurs chercheursparmi lesquels Goffman, Brown et Levinson ainsi que Kerbrat-Orecchioni.
3.1 Notions de “face” et de “territoire” de E Goffman
La face est définie, dans “ Les rites d’interaction” (Goffman 1974) comme “la valeur
sociale positive qu’une personne revendique effectivement à travers la ligne d’actions que lesautres supposent qu’elle a adopté au cours d’un contact particulier” Pour cet auteur, la face
joue un rôle très important pour chaque individu : elle l’attache C’est pour cette raison quechacun doit chercher à se protéger la face mais en préservant la face de son interlocuteur aucours de l’interaction Pour résoudre cette contradiction, il faut que chacun des interactantsentreprenne, pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne, y compris elle-même,ce qui est appelé “face work” que nous allons définir dans la partie qui suit.
Trang 17En ce qui concerne la notion du “territoire”, dans “La mise en scène de la vie
quotidienne” (1973), Goffman a distingué huit catégories de “territoire”: l’espace personnel, la
place, l’espace utile, le tour, l’enveloppe, le territoire de la possession, les réservesd’information, les domaines réservés de la conversation.
3.2 Modèle de politesse de Brown et Levinson
Suite à Goffman, Brown et Levinson ont entrepris des recherches sur la politesse.L’étude de la politesse de Brown et Levinson se fonde sur la notion de “face” empruntée à E.Goffman (Kerbrat-Orecchioni 1996 : 51) Dans leur théorie de politesse, ils ont étudié les
notions de “face”, de FTA (Face Threatening Act), de “face want” (ménagement de face) et de“face work” (travail de face).
3.2.2 Notion de FTA (Face Threatening Act).
Selon Brown et Levinson, dans toute interaction, la plupart, voire la totalité des actes(verbaux et non verbaux) constituent des menaces potentielles pour l’une ou/et l’autre face desinteractants Ce sont les actes menaçants pour les faces Brown et Levinson les appellent “FaceThreatening Acts” (FTAs) Ils ont distingué 4 catégories d’actes menançants pour la face :- Actes menaçants pour la face négative de celui qui les accomplit Ex : l’offre, la promesse.- Actes menaçants pour la face positive de celui qui les accomplit Ex : les comportementsautogradants comme l’excuse, l’autocritique, l’aveu…
- Actes menaçants pour la face négative de celui qui les subit Ces actes peuvent être de naturenon verbale tels que les agressions visuelles, sonores ou olfactives, les contacts corporelsindus, … Ils peuvent également être de nature verbale : les questions indiscrètes, les actesdérangeants ou directifs comme le conseil, la requête, l’ordre, l’interdiction…
Trang 18- Actes menaçants pour la face positive de celui qui les subit Ex : le reproche, la critique, laréfutation, la moquerie, l’insulte, l’injure …
Ils ont remarqué qu’un acte est susceptible de relever simultanément de plusieurscatégories En effet, il peut menacer en même temps plusieurs des quatre faces citées ci-dessus Pourtant, chaque acte a une valeur dominante Par exemple : l’ordre est menaçant à lafois pour la face négative et la face positive du destinataire mais sa valeur dominante est lamenace à la face positive de celui qui le subit.
Les deux premières catégories d’actes menaçants pour la face sont considérées commeles actes “automenaçants” Il faut signaler que la politesse en question dans notre travail derecherche concerne plutôt les deux dernières catégories qui reflètent les comportements dulocuteur envers son interlocuteur.
3.2.3 Notion de “face want” (ménagement de face)
Puisque la plupart des actes sont potentiellement menaçants pour la ou les faces desinteractants, ces derniers doivent chercher à se ménager les uns les autres, c’est-à-dire limiter,éviter le plus possible de faire perdre la face à autrui ainsi qu’à eux-mêmes Le besoin, le désirde préservation des faces est appelé “face want” – ménagement de face
3.2.4 Notion de “face work” (travail de face)
Pour entretenir une bonne relation interpersonnlle, il faut que les interactants protègentla face d’autrui et d’eux-mêmes Selon Brown et Levinson, on doit avoir recours auxdifférentes stratégies de politesse Le choix de telle ou telle stratégie dépend de plusieursfacteurs, parmi lesquels, les trois les plus importants qui englobent les autres sont le degré degravité du FTA, la “distance sociale” entre les interlocuteurs et leur “relation de pouvoir”
3.3 Modèle de politesse de C Kerbrat-Orecchioni
Kerbrat-Orecchioni est considérée comme la référence française en matière depolitesse linguistique C’est elle qui a introduit la notion de FFA (Face Flattering Act) et a
beaucoup travaillé sur la politesse négative Vs positive ains que les stratégies de politesse.
3.3.1 Notion de FFA (Face Flattering Act)
Trang 19Brown et Levinson ont envisagé les actes potentiellement menaçants pour les faces desinterlocuteurs et ils ont identifié la politesse le fait d’adoucir, limiter ou éviter ces FTAs.Quant à Kerbrat-Orecchioni, elle remarque qu’à côté des FTAs, il existe des actes de langagesusceptibles de valoriser les faces, par exemple l’invitation, le compliment, le remerciement, lafélicitation, le voeu… Ces actes sont appelés FFAs (Face Flattering Acts) Les actes delangage se regroupent ainsi en deux grandes catégories : ceux qui ont des effets positifs sur lesfaces des interactants tels que le compliment, le remerciement et ceux qui ont des effetsnégatifs sur leurs faces (l’ordre, la requête, le reproche…)
3.3.2 Politesse négative Vs positive
C’est à partir de la notion de FFAs que Kerbrat-Orecchioni donne les notions de
“politesse négative” et “politesse positive” La politesse négative est de nature absentionniste
ou compensatoire : elle vise à éviter de commettre un FTA ou à en adoucir l’effet La politessepositive est de nature productionniste : elle consiste à produire de temps en temps des FFAs etde les renforcer ou les hyperboliser.
Selon elle, la politesse positive joue un rôle aussi important que la politesse négative.Se montrer poli est non seulement minimiser les FTAs mais encore produire et hyperboliserles FFAs.
Dans cette perspective, Kerbrat-Orecchioni a défini la politesse comme suit : “La
politesse est un système de règles de comportement visant à ménager (politesse négative) ou àvaloriser (politesse possitive) les faces d’autrui sans attenter aux siennes propres” (1989b :
11)
Trang 203.3.3 Stratégies de politesse
À partir des notions de base de face négative et face positive, de FTA et FFA, depolitesse négative et politesse positive, Kerbrat-Orecchioni a étudié les procédés de lapolitesse négative et ceux de la politesse positive
3.3.3.1 Procédés de la politesse négative
La meilleure façon d’être poli, c’est d’éviter de commettre les actes risquant demenacer les faces de l’interlocuteur On l’appelle stratégie d’évitement Elle n’est cependantpas toujours appliquable dans l’interaction En fait, il arrive que l’on ne puisse pas éviter lesactes menaçants dans de nombreuses situations On doit ainsi recourir aux procédésd’adoucisseur – terme emprunté à Brown et Levinson Les adoucisseurs peuvent être de naturenon verbale ou paraverbale (par exemple, la voix douce, le sourire, l’inclinaison latérale de latête pour l’acte de requête, de réfutation) et verbale Les derniers sont en grand nombre et seréalisent à travers les procédés substitutifs et accompagnateurs
- Procédés substitutifs :
Les procédés substitutifs visent à remplacer une formulation directe par une autre plusdouce Le procédé le plus important, c’est la formulation indirecte de l’acte de langage.Examinons cet exemple : Comme la critique est un acte menaçant, au lieu de la formuler de
manière directe comme “Ce n’est pas bien de faire ça”, on pourrait dire “ Je ne comprends
pas pourquoi tu as fait ça ?” ou bien “Je me demande pourquoi tu as fait ça ?” Le locuteur
adoucit ainsi la menace pour la face de son interlocuteur
À côté de la formulation indirecte, il existe des désactualisateurs modaux, temporauxou personnels.
- “Vous ne devriez pas abuser de médicaments !” ( le conditionnel présent)
- “Tu aurais pu me dire la vérité.” (le conditionnel passé)
- “Il est interdit de fumer ici!” (la construction impersonnelle)
- “ On ne fume pas ici” (le pronom indéfini “on”)
- “Ce problème n’a pas été correctement résoulu” (le passif)
Trang 21On peut également adoucir des FTA en utilisant des pronoms personnels Le “vous” depolitesse contribue à atténuer la brutalité de l’adresse Le pronom “nous” marque l’idée de la
solidarité Le pronom “on” peut remplacer “tu” si l’énoncé a un contenu négatif (“Tu t’es
trompé” “On s’est trompé”) ou “je” si l’énoncé a un contenu positif (“J’ai gagné” “Ona gagné”).
Un autre procédé de substitution est le procédé rhétorique Il s’agit ici de la litote et de
l’euphémisme qui s’appliquent souvent à l’acte de critique et de reproche “Ce n’est pas très
bien/ sympa/ intelligent/ utile/ …, ce que tu viens de faire”
- Procédés accompagnateurs :
Les procédés accompagnateurs sont les formules spécialisées qui accompagnent laformulation d’un FTA afin de l’adoucir
Le premier procédé accompagnateur est l’utilisation d’une formule spécialisée comme
“s’il te/vous plaît” ou “je t’/vous prie”
Le deuxième est l’emploi de “l’énoncé préliminaire” Par exemple, pour amortir une
demande d’informations supplémentaires, on dit “Je pourrais vous demander quelques
renseignements supplémentaires ?”, “Je voudrais vous poser une question ?”…
Pour le troisième procédé, on parle des “réparations” : l’excuse et la justification Le quatrième procédé est le minimisateur qui vise à minimiser la menace potentielle
d’un acte par la façon dont on présente l’acte “Je voudrais simplement/seulement/ …”, “C’est
juste pour …”, “ Je peux te donenr un petit conseil ?”
Les modalisateurs constituent le cinquième procédé Ils consistent à établir unecertaine distance entre le sujet d’énonciation et le contenu de l’énoncé, ce qui rend l’opinion
du locuteur moins catégorique et le rend alors plus poli : “Selon/ D’après/ Pour moi, …”, “ Je
pense/ trouve/ crois que …”, etc
Le sixième procédé est l’utilisation des désarmeurs Ils visent à anticiper une réaction
négative potentielle du destinaire et à la désamorcer Ex : “ Je ne voudrais pas vous déranger
mais …”
Trang 22Le dernier procédé accompagnateur est l’emploi des amadoueurs : Chéri(e), Petit(e)
chéri(e), Mon chou, …
En bref, les procédés accompagnateurs de la politesse négative sont nombreux et on
peut en utiliser plusieurs en même temps Ex : “Excuse-moi, chéri, je ne voudrais pas te vexer
mais il me semble que tu as eu tort” (amadoueur + excuse + désarmeur + modalisateur)
3.3.3.2 Procédés de la politesse positive
La politesse positive vise essentiellement à produire des actes anti-menaçants et àrenforcer des actes valorisants pour les faces des interlocuteurs Les procédés de la politessepositive sont beaucoup plus simples que ceux de la politesse négative On parle souvent duremerciement, du compliment, des formules de bienvenue, … On a tendance à recourir aux
formulations intensives, par exemple : “Je te remercie beaucoup/ mille fois/ infiniment”,
“C’est très/ vraiment/ … intéressant !”
Nous avons jusqu’ici repris les notions de l’acte de langage, de la relationinterpersonnelle et de la politesse qui ont été étudiées et développées par différents chercheurscomme Jonhn L Austin, John R Searle, E Goffman, Brown et Levinson et C Kerbat-Orecchioni Ces notions sont utiles pour notre étude des caractéritiques et des stratégies dereproche dans les deux parties qui suivent
Trang 23II DÉFINITION DU REPROCHE
Nous commençons par les définitions du reproche dans différents dictionnaires Nousessaierons ensuite de le définir sous l’angle pragmatique
1 Définition dans les dictionnaires
D’après le “Dictionnaire pratique du français Hachette” (1989), “reproche” signifie
“blâme, remontrance adressée à quelqu’un sur sa conduite” Ex : Il m’a fait des reproches
amers” Le verbe correspondant “reprocher” (v.t.) se définit comme suit : “Reprocher àquelqu’un une attitude, une parole, une action : lui en faire grief, l’en blâmer”.
Le “Dictionnaire pratique du français Hachette” a ainsi déterminé la nature du reproche: un jugement défavorable du locuteur envers son interlocuteur Cette définition a égalementprécisé l’objet du reproche Celui-ci porte sur la conduite d’une personne : tantôt une parole,tantôt une attitude, tantôt une action
Dans le “Petit Robert” (1998), le “reproche” est défini comme “un blâme formulé à
l’encontre de quelqu’un, un jugement défavorable sur un point particulier, pour inspirer lahonte ou le regret, pour amender, corriger” “Reproche” a pour synonymes “admonestation,objurgation, remontrance, réprimande, semonce” Par extention, le reproche signifie :critique, objection, sans blâme moral ou bien attitude, expression qui laisse entendre qu'onporte un jugement défavorable sur quelque chose, que l'on blâme la personne à qui ons'adresse ainsi Le contraire de “reproche”, c’est le “compliment” Le verbe transitif direct
“reprocher” signifie “représenter à quelqu’un en le blâmant une chose condamnable ou
fâcheuse dont on le tient pour responsible.”
L’analyse de cette définition nous a menée à remarquer que dans le “Petit Robert” et le“Dictionnaire pratique du français” de Hachette, la nature du reproche est précisée de la mêmemanière : il s’agit d’un jugement défavorable à l’encontre de l’interlocuteur L’objet dureproche selon le “Petit Robert”, c’est “un point particulier”, “une chose” dont l’interlocuteurest responsable La nature de l’objet du reproche est ainsi moins précise que celle dans ladéfinition dans le “Dictionnaire pratique du français” de Hachette Cependant, Le Petit Robertprécise bien la caractéristique de cet objet : “condamnable”, “fâcheuse” Cette précision nous
Trang 24permet de dộterminer l’attitude du locuteur : le mộcontentement, le dộplaisir, le manque desatisfaction, l’irritation À travers cette dộfinition, nous avons constatộ ộgalement le butillocutoire de l’acte de reproche : inspirer la honte ou le regret chez l’interlocuteur, l’amender,le corriger
Selon le “Dictionnaire franỗais-vietnamien” de l’Institut des Sciences sociales du
Vietnam (1994), le “reproche” (n.m) correspond à “lời chê trách , lời trách móc , lời trách”, “lời trách móc”, “lời trách “lời trách móc”, “lời trách ”, “lời trách móc”, “lời trách “lời trách móc”, “lời trách
mắng , lời trách”, “lời trách móc”, “lời trách “lời trách móc”, “lời trách ”, “lời trách móc”, “lời trách en vietnamnien Ces termes sont dộfinis par le “Dictionnaire duvietnamien” de l’Institut des Sciences sociales du Vietnam (1994) comme suit :
- Trách : tỏ thái độ không bằng lòng về một ngời có quan hệ gần gũi nào đó, cho là đãcó hành vi, thái độ không đúng, không hay, không tốt đối với mình hoặc có liên quan đếnmình
- Trách móc : tỏ thái độ cho ngời có quan hệ gần gũi nào đó biết là mình không bằnglòng về những điều không đúng, không hay, không tốt đã xảy ra với mình hoặc có liên quanđến mình
- Trách mắng : trách ngời dới bằng những lời nói nặng
- Chê trách: chê và tỏ ý trách vì không đợc hài lòng (nói khá quát).
À notre observation, les deux actes “trách”, “lời trách móc”, “lời trách et “trách móc”, “lời trách móc”, “lời trách se dộfinissent de faỗonidentique : montrer son mộcontentement envers un proche d’une mauvaise chose qu’il a faiteenvers le locuteur ou envers une troisiốme personne qui entretient une relation avec lelocuteur “Trách”, “lời trách móc”, “lời trách et “trách móc”, “lời trách móc”, “lời trách peuvent ainsi ờtre considộrộs comme synonymes
À propos de l’acte de “trách mắng”, “lời trách móc”, “lời trách, il se diffộrencie des actes “trách”, “lời trách móc”, “lời trách et “trách móc”, “lời trách móc”, “lời trách
par la maniốre de se rộaliser (avec de dỷres paroles) et surtout par les rapports interpersonnels
entre l’ộnonciateur et le destinataire du reproche “Trách mắng”, “lời trách móc”, “lời trách ne se rộalise que si le locuteurse trouve en position haute par rapport à l’interlocuteur tandis que pour “trách”, “lời trách móc”, “lời trách et “trách
móc”, “lời trách móc”, “lời trách, les interactants sont reliộs par un lien proche : on ne parle pas de la position haute ou
basse On peut comprendre que le reprocheur est soit en position haute, soit en position basse
par rapport au reprochộ Donc en utilisant “trách”, “lời trách móc”, “lời trách et “trách móc”, “lời trách móc”, “lời trách, on insiste sur la relationinterpersonnelle de type horizontal (la distance entre les interactants) tandis que pour “trách
mắng”, “lời trách móc”, “lời trách, on s’intộresse à la relation verticale
Trang 25Pour “chª tr¸ch”, “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸ch, c’est la combinaison de “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸chchª”, “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸ch (ne pas apprécier quelque chose, enêtre mécontent, le trouver mauvais) et “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸chtr¸ch”, “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸ch (reprocher) “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸chChª tr¸ch”, “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸ch comporte donc un
sens général.
En comparaison avec les dictionnaires de français, les dictionnainaires de vietnamienclairent l’objet du reproche : un comportement incorrect de l’interlocuteur envers le locuteurou envers une troisième personne entretenant une relation proche avec le locuteur Cependant,ils ne déterminent pas le but illocutoire du reproche
2 Le “reproche” sous l’angle pragmatique
Selon la classification des actes de langage proposée par Austin, l’acte de reproche,ainsi que l’acte de remerciement, d’excuse, de menace…, appartiennent à la catégorie des
comportatifs “qui expriment la réaction à une certaine conduite, un certain acte de
l’interlocuteur” (Philippe Blanchet 1995 : 34) Cette classification implique que le reproche
n’est pas l’acte initiatif mais réactif à un certain acte de l’interlocuteur Autrement dit, l’actede reproche se présente comme un type d’enchaînement sur tel ou tel comportement, tel ou telacte de l’interlocuteur
Selon la taxinomie des actes illocutoires élaborée par Searle, l’acte de reproche estclassée dans la catégorie “des expressifs” Il manifeste l’état psychologique du locuteur : lemécontentement, l’insatisfaction À la différence d’autres catégories d’actes de langage quirendent conforme le contenu propositionnel au monde ou inversement, l’acte de reproche n’apas de direction d’ajustement : son contenu propositionnel est présupposé
Après avoir examiné les définitions du reproche dans certains dictionnaires et à traversla classification d’Austin et de Searle, nous avons essayé de généraliser les traitscaractéristiques de l’acte de reproche somme suit :
- Catégorie d’acte : acte comportatif
- L’acte de reproche porte sur le passé : le reproche est la réaction à telle ou telleconduite d’une personne
- État psychologique (attitude) exprimé par le reprocheur : mécontentement,déplaisir, manque de satisfaction, irritation.
Trang 26- But illocutoire de l’acte de reproche : inspirer la honte ou le regret, amender oucorriger une personne.
- Objet du reproche : une conduite condamnable, fâcheuse.
- Nature de l’objet du reproche : une parole, une attitude ou une action.
- Le reproche amalgamme du point de vue sémantique et pragmatique deuxcomposantes : une assertion évaluative négative - un jugement défavorable d’une part et unedemande d’excuse et de correction d’autre part
Trang 27DEUXIÈME CHAPITRE :
CONSTITUTION ET ANALYSE DU CORPUS
Ce présent chapitre est réservé en premier lieu à la justification et à la présentation dela méthode de collecte des données En deuxième lieu, nous analyserons les caractéristiques del’acte de reproche, en nous basant sur les données recueillies.
I CONSTITUTION DU CORPUS
Premièrement, nous justifierons notre choix de la méthode de collecte des données :corpus littéraire contemporain Deuxièmement, nous passons à présenter deux corpus : l’un enfrançais et l’autre en vietnamien Troisièmement, nous aborderons les méthodes d’analyse desdonnées
1 LE CHOIX DE LA MÉTHODE DE COLLECTE DES DONNÉES1.1 Problème du choix de la méthode de collecte des données
Les méthodes de collecte des données dans l’étude des interactions verbales en généralet de l’acte de reproche en particulier sont diverses : enregistrement des interactions verbalesauthentiques, enregistrement des dialogues dans les films télévisés ou enquête Chacuneprésente ses avantages et inconvénients.
Comme l’authenticité des interactions verbales joue un rôle décisif dans la recherchede l’acte de langage, nous avons pensé tout au début à la méthode d’enregistrement desinteractions verbales Dans les conversations réelles, les actes de langages sont très naturels.Cependant, elle comporte certains inconvénients Tout d’abord, pour assurer l’authenticité desconversations, nous sommes dans l’obligation de les enregistrer en cachette, ce qui n’est pasconforme à la déontologie des chercheurs De plus, la mise en place du micro caché n’est pastoujours facile En effet, nous ne pourrions pas prévoir quand les interlocuteurs s’échangentdes reproches L’enregistrement des conversations complètes n’est cependant pas faisable.Quant à l’enregistrement avec le micro au vu et au su des interactants, l’authenticité del’interaction n’est pas toujours assurée Comme on le sait, les reproches ne sont formulés que
Trang 28quand les interactants sont en conflit, l’échange des reproches se trouvent ainsi surtout dansles dialogues à problèmes Mais si les interlocuteurs savent être enregistrés, il est normal qu’ilscherchent à se montrer polis le plus possible : ils recourent certainement à des termes, desénoncés valorisants et évitent les expressions menaçantes pour les faces de l’interlocuteur etde lui-même Un autre grand inconvénient de la méthode d’enregistrement, c’est que nousdevons consacrer beaucoup de temps à la transcription des dialogues En un mot, lesinconvénients de l’enregistrement sont nombreux, ce qui nous a conduit à l’écarter commeméthode de collecte de données pour notre recherche.
Nous avons également pensé à un corpus de dialogues dans les films télévisés Nousaurions pu ainsi collecter non seulement des données verbales mais aussi l’aspect paraverbal etnon verbal de l’oral, ce qui joue un rôle considérable dans l’interprétation des reproches.Cependant, au bout d’un certain temps, nous avons constaté qu’il ne convient pas non plus ànotre recherche Le premier obstacle, c’est l’horaire de diffusion des films à la télévision.Nous ne sommes pas toujours disponible à ces heures-là pour allumer un magnétoscope Deplus, comme pour l’enregistrement des dialogues authentiques, cette méthode demandebeaucoup de temps de transcription et la transcription des dialogues dans les films françaisn’est pas toujours facile
Quant à l’enquête, elle n’est pas conforme à notre cadre de recherche En premier lieu,elle nous pose des problèmes temporels et financiers Deuxièmement, les données collectéesappartiendraient à un langage plutôt écrit qu’oral En dernier lieu, l’acte de langage ne seraitpas très naturel, l’authenticité des données ne serait donc pas assurée
Commes les méthodes citées ci-dessus ne sont pas bien adaptées à notre condition derecherche et que nous avons entendu parler des avantages considérables du corpus de texteslittéraires dans l’étude des interactions verbales, nous avons décidé de construire un littérairecontemporain Notre corpus se compose de deux parties : l’une en français et l’autre envietnamien
Trang 291.2 Justification du corpus littéraire contemporain
Un corpus littéraire présente des avantages considérables Il est tout d’abord
“immédiatement disponible et quasiment inépuisable” (C Kerbrat-Orrecchioni 1990 : 72-73)3.En fait, étant au Vietnam, il nous est sans aucun dỏte facile de trouver des textes littérairesvietnamiens dans les bibliothèques et les librairies Pour les œuvres littéraires françaises, il nenous est pas trop difficile non plus de les recueillir De plus, avec un corpus de texteslittéraires, la question de la transcription ne se pose pas, ce qui nous permet d’économiserbeaucoup de temps et de nous concentrer sur l’analyse des caractéristiques de l’acte dereproche et sur la comparaison de la formulation de l’acte de reproche en français et envietnamien
Le corpus littéraire est également apprécié de R Barthes et F.Berthet (1979 : 4) Selon
eux, une des fonctions du texte littéraire est de “reproduire exemplairement des modes, des
inflexions de discours” C’est une des raisons pour lesquelles “chaque fois que les sciencessociales ont à traiter d’un objet de langage (ou, pour être plus précis, d’un “discours”), ellesauraient bien tort de ne pas recourir au corpus littéraire sans doute…” (R Barthes et F.
Berthet 1979 : 4)4
2 PRÉSENTATION DU CORPUS
Comme nous avons choisi “ACTE DE REPROCHE EN FRANÇAIS ET EN VIETNAMIEN”
comme sujet de recherche, notre corpus doit comporter deux parties : l’une en français etl’autre en vietnamien La première se repose sur des romans et des nouvelles et la seconde, surdes nouvelles Les textes littéraires recueillis sont tous contemporains.
3 Emprunté de Nguyen Van Dung 2000 : 44
4Emprunté de Nguyen Van Dung 2000 : 44
Trang 30avant-propos)5 Deuxièmement, c’est “le genre dominant, quantitativement et médiatiquement
de la littérature française” (Arnaud Genon, "Pour une géographie française du romancontemporain", Acta Fabula, Printemps 2004)6 La troisième raison de notre choix estl’abondance et la disponibilité de ce genre littéraire français au Vietnam
Notre corpus comporte également des nouvelles Le nombre de nouvelles collectées estcependant plus limité que celui des romans La raison principale est que les nouvellesfrançaises ne sont pas souvent disponibles chez nous De plus, la plupart des nouvelles quenous avons trouvées ne nous ont pas satisfait : elles ne contiennent pas suffisammentd’énoncés de reproche et de réaction au reproche.
Notre corpus est construit de 12 romans et d'un recueil de nouvelles contemporainsédités entre 1986 et 2005 Parmi les œuvres collectées, certaines ont obtenu des Prix littéraires
en France: “Bille en tête” d’Alexandre Jardin Gallimard 1986 : Prix du premier Roman1986 ; “Le vrai gỏt de la vie” de Michel Jeury Éditiond du Club France Loisirs, Paris
1989 : Prix Terre de France - La Vie 1988, destiné à une oeuvre mettant en scène une région
française et ses habitants ; “Le destin de Iouri Voronine” de Henriette Jelinek Éditions de
Fallois-Paris 2005 : Grand Prix du Roman de l’Académie française
Dans les romans et nouvelles que nous avons choisis, les interactions verbales sontdominantes, ce qui est propice à l’étude de l’acte de langage Comme nous l’avons dit, l’actede reproche apparaỵt dans les dialogues de problème, autrement dit, quand un conflit a lieuentre les interlocuteurs Cette observation nous a menée à choisir des histoires dans lesquellesles personnages ont beaucoup de problèmes entre eux.
Pour assurer la représentativité relative de la formulation du reproche en français, nousavons collecté les œuvres de différents écrivains Les œuvres choisies abordent les diversaspects de la vie : la vie familiale, l’amour, l’amitié, les relations professionnelles, la guerre,
etc Certains romans abordent différents thèmes : “Toi, mon Pacha”, “Le destin de Iouri
Voronine” et “Fragment de la vie des gens”, “France-Allemagne” (la vie familiale de tous
5 site internet : www.adpf.asso.fr/adpf - publi/ folio/roman01.html
6 site internet : www.fabula.org/revue/document126.php
Trang 31les jours), “Une jeune fille bien comme il faut” (la vie familiale, l’amour et l’amitié), “Les
vendanges tardives”et “Génération spontanée” (l’amitié et l’amour), “Le vrai gỏt de la vie”
(la vie familiale et la guerre), “Le plus beau métier du monde” (le travail), etc.
En ce qui concerne les personnages, plus ils sont divers, plus les formules de reprocheet de réaction au reproche sont riches C’est la raison pour laquelle nous avons essayé decollecter des œuvres dans lesquelles les personnages sont de tranches d’âge, de milieuxsociaux et de niveaux d’instruction différents, … En fait, ils sont âgés, adultes, jeunes,adolescents et même enfants Les uns vivent en ville, les autres en milieu rural Ils peuventêtre journaliste, médecin, enseignant, écrivain, chanteur, étudiant, élève, serveur, retraités, etc.Quant à leurs relations, elles concernent des amis, des amoureux, des collègues, des époux,des parents et enfants, des frères et soeurs, des connaissances, … Cela offre une abondancedes formules de reproches et de réaction au reproche.
écrit “elle se classe au premier rang des productions littéraires” (1991 : 12) et “est le genre le
plus représentatif de notre littérature” (1997, avant-propos)1 Aux yeux de la critique Bich
Thu (1996 : 32), les nouvelles contemporaines “abordent de façon très rapide les problèmes
urgents de la vie d’aujourd’hui”1
Deuxièmement, les nouvelles contemporaines sont écrites dans un langage
“contemporain”, “varié”, “complexe” et “entièrement personnalisé” (Bich Thu op.cit., p 36).
Cela nous permet de recueillir les variations dans la formulation du reproche en vietnammien.
Troisièmement, la nouvelle contemporaine se caractérise par “le rapprochement au langage
1 Emprunté de Nguyen Van Dung 2000 : 46
Trang 32quotidien, de tous les jours” et “l’acceptation du langage parlộ” (Dao Than 1994 : 16), ce qui
joue un rụle important dans l’analyse des interactions verbales en gộnộral et de l’acte dereproche en particulier.
Notre corpus se compose de 49 extraits tirộs de 36 nouvelles contemporaines Certainssont extraits d’une mờme nouvelle Les nouvelles choisies sont toutes publiộes entre 2001 et2006 La plupart est tirộe de 3 magazines des Lettres et des Arts les plus apprộciộs au Vietnam
: Tuần báo Văn nghệ - Hội nhà văn Việt Nam – Nhà xuất bản Hội nhà văn (l’Hebdomadaire
des Lettres et des Arts de l’Association des ẫcrivains du Vietnam, ộditộ par la Maison
d’ộdition de l’Association des ẫcrivains), Tuần báo Văn nghệ trẻ - phụ trơng của báo Văn
nghệ Hội nhà văn Việt Nam (l’Hebdomadaire des Lettres et des Arts de la jeunesse supplộment de l’Hebdomadaire des Lettres et des Arts de l’Association des ẫcrivains du
-Vietnam, ộditộ par la mờme maison d’ộditions) et Tạp chí văn nghệ quân đội – Nhà xuất bảnquân đội (le Bi-mensuel des Lettres et des Arts des Forces militaires vietnamiennes – Maisond’ộditions militaires) Certaines sont tirộes des recueils Truyện ngắn hay năm 2001“lời trách móc”, “lời trách ”, “lời trách móc”, “lời trách et
“lời trách móc”, “lời tráchTruyện ngắn hay năm 2002”, “lời trách móc”, “lời trách – Hội nhà văn Việt Nam (Meilleures nouvelles de 2001 et
2002 de l’ộdition de l’Association des ẫcrivains) Nous avons ộgalement collectộ une nouvelle
apparue dans le bi-mensuel des Femmes de la capitale de l’Association des Femmes duVietnam et une autre du recueil Truyện ngắn 100 chữ“lời trách móc”, “lời trách ”, “lời trách móc”, “lời trách (Nouvelles de 100 mots) de l’ộdition
de Femmes.
Comme nous menons une recherche sur l’acte de langage, les nouvelles que nousavons collectộes sont riches d’interactions verbales
Les nouvelles collectộes traitent de diffộrents thốmes : l’amour (Sơng khói ngày xanh ;
Chuyện tình của đại đội trởng - l’histoire d’amour du chef d’escadron … ), la famille (Ngờiđàn bà và cái tổ sẻ ri - Une femme et un nid de moineaux ; Vòng đời - Le cycle de la vie ; Dìtôi - Ma tante … ), la vie de tous les jours (Học phí làm ngời - Les frais pour se comporter enhomme ; Ngời làm chứng - Le tộmoin… ), la guerre (Cái trụ cáp - Une pile de cõble), les
sộquelles de la guerre (Mời ba bến nớc - Treize quais fluviaux ; Một đêm ở cổng trời - Une
nuit au sommet de montagne …).
Trang 33En ce qui concerne les personnages dans nos extraits de nouvelles, ils sont d’originediverse : certains sont citadins, d’autres villageois La tranche d’âge, le niveau d’instruction etle milieu social des personnages varient également Quant à leurs relations, elles sont trèsvariées Les personnages peuvent être conjoints, parents et enfants, proches, copains,collègues, connaissances ou inconnus … Notre choix n’est donc pas arbitraire D’après nous,plus les personnages sont différents, plus les réalisations du reproche et de la réaction aureproche sont abondantes
Afin de pouvoir comparer la formulation du reproche et de la réaction au reproche enfrançais et en vietnamien, nous traduirons littérairement et/ou littéralement les exemples ducorpus vietnamien en français La traduction littéralement n’est réalisée que dans les cas ónous voudrions insister sur l’ordre des mots, sur la structure des phrases en vietnamien
3 Méthodes d’analyse des données
Afin de mener notre étude, nous avons recours à 3 méthodes d’analyses des données :méthode descriptive ainsi qu’analytique et comparative
À partir des deux corpus construits, nous décrirons d’abord et analyserons ensuite lescaractériques de l’acte de reproche ainsi que la formulation des reproches en français et envietnamien Nous suivrons donc la méthode descritive et analytique.
La description et l’analyse des formules de reproche et de réaction au reproche dans lesdeux corpus nous mèreront ensuite à la comparaison afin de repérer les similitudes ainsi queles différences dans la réalisation du reproche en 2 langues Pour cela, il est nécessaire derecourir à la démarche comparative.
Trang 34II ANALYSE DU CORPUS
Cette partie est réservée à l’analyse des caractéristiques du reproche : l’objet dureproche, les types de reproches, la relation entre le reprocheur et le reproché, les effets dureproche sur les faces des interactants et les types de réactions au reproche
1 OBJET DE REPROCHE.
Pour déterminer l’objet de reproche, nous devons faire référence au contexte Unreproche n’est jamais formulé sans raison Comme nous l’avons dit, le reproche n’est pasl’acte initiatif mais réactif à un certain acte défavorable du partenaire Cet acte défavorable estappelé erreur dans notre recherche La nature de l’objet de reproche dépend de la nature del’erreur commise par l’allocutaire Dans notre corpus, c’est peut-être une parole, une attitudeou une action Ces types d’erreurs nous permettent de classer l’objet de reproche en troiscatégories : paroles, attitudes et actions.
1.1 Une parole
Les Vietnamiens disent “Lêi nãi ch¼ng mÊt tiỊn mua Lùa lêi mµ nãi cho võa lßng
nhau (”, “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸ch Les bonnes paroles ne cỏtent rien Il faut donc choisir ses mots pour faire plaisir l’un
l’autre) En français, on dit “Il faut tourner sa langue sept fois avant de parler” On trouve
donc que les Français et les Vietnamiens sont tous conscients qu’offenser l’interlocuteur deleurs paroles n’est pas un fait apprécié Il arrive cependant qu’une parole n’est pas adéquate,appropriée à la situation de communication, à la norme sociale, à la morale ou à tel ou telrèglement En ce cas, elle peut devenir l’objet d’un reproche En fonction du contexte, lereproche porte tantơt sur le contenu de l’énoncé, tantơt sur la manière de parler del’allocutaire
Ex 1 : Interactants : Bichette, patronne du bar Bichett’s parle à Tony Amar, client
- Hé, parle pas de mon père de cette façon-là, c’est ma providence
(interaction 12 – corpus en français)
Ex 2 : Interactants : 2 villageois, un homme d’un cartain âge et une femme.- T×nh lµng níc mµ sao c« nãi ¸c thÕ ?
- Ah, vous êtes une vraie vipère ! Pourtant nous sommes voisins !
Trang 35(interaction 15 – corpus en vietnamien)Dans le premier exemple sousmentionnộ, l’homme – un client se voit reprocher de safaỗon de parler du pốre de l’interlocuteur, la patronne du bar Dans le deuxiốme, le reprocheest adressộ à une femme pour le contenu mộchant de ses paroles envers son intelocuteur – unvoisin
1.2 Une attitude, un comportement
Non seulement une parole mais aussi une attitude, un comportement peuvent devenir
l’objet d’un reproche Examinons l’exemple ci-dessous :
Ex : Interactants : un couple.
- Tôi hỏi cô, tôi đã làm gì không phải mà cô và lũ trẻ coi tôi nh ngời dng vậy ?
Dites, qu’est-ce que j’ai fait pour que les enfants et toi, vous me considộriez comme un
ộtranger ?
(interaction 19 – corpus en vietnamien)La femme se voit reprocher par son mari de l’avoir considộrộ comme un ộtranger : cequi ne se conforme pas à la norme courante dans la vie familiale Cette attitude nộgative de lafemme et des enfants a offensộ l’homme C’est la raison pour laquelle il a formulộ le reproche.L’attitude et le comportement reprochộs sont ceux qui ne sont pas appropiộs à la morale, à lanorme en vigeur.
1.3 Une action
Les actions reprochộes peuvent ờtre divisộes en deux catộgories : les actions nonrộalisộes et les actions mal rộalisộes
1.3.1 Action non rộalisộe
Toutes les actions non rộalisộes ne deviennent pas l’objet de reproche Notre corpusnous conduit à distinguer 3 sous-catộgories d’actions non rộalisộes susceptibles d’ờtrereprochộes : actions promises mais non rộalisộes ; devoirs, conventions ou maniốres courantesnon rộalisộes ; actions se conformant à la morale, à la norme sociale ou au savoir-vivre maisnon rộalisộes.
Trang 361.3.1.1 Une ation promise mais non rộalisộe
“Chose promise, chose due”, c’est le savoir-vivre Le fait de manquer à sa promessen’est donc pas apprộciộ Quand quelqu’un ne fait pas ce qu’il a promis, il est reprochộ.
Ex : Interactants : 2 jeunes amoureux - Anh Hài bảo sang mà biệt tăm tích…
- Hai, tu m’as dit que tu passerais chez moi mais tu n’es pas venu …
(interaction 38 – corpus en vietnamien)
1.3.1.2 Un devoir, une convention ou une habitude non rộalisộe
1.3.1.3 Une action se conformant à la morale, à la norme sociale ou au savoir-vivre maisnon rộalisộe
Ex : interactants : 2 vieux collốgues.
[…] Hồi đấy nếu tao không làm chủ tịch công đoàn kiêm xởng trởng cơ khí trực tiếp phụ trách]
mày, thì mày đi lao động Liên Xô ba năm thế nào đợc ? Rồi mày ở tịt bên đó bảy năm ấy thếmà, khi về nớc, mày không thèm hỏi thăm tao lấy nửa lời.
[… À cette ộpoque-là, si je n’avais pas ộtộ au poste de chef du syndicat et de l’atelier]mộcanique, tu n’aurais pas eu pu partir en Union Soviộtique pendant 3 ans Tu y es restộ 7ans Mais depuis que tu es rentrộ au Vietnam, tu n’ai pas encore daignộ t’informer de moi.
Trang 37(interaction 13 – corpus en vietnamien)Selon le savoir-vivre, lorsqu’une personne nous accorde une faveur, nous devons luiêtre reconnaissant si nous ne voulons pas être considérés comme ingrat La reconnaissancepeut être témoignée de différentes façons Rendre visite est, par exemple, un moyen simplemais très apprécié chez les Vietnamiens L’homme dans l’exemple susmentionné est parti àl’étranger grâce au soutien d’un collègue mais depuis son retour au Vietnam, il n’est pasencore allé voir son bienfaiteur Celui-ci lui adresse donc des reproches
1.3.2 Action mal réalisée
À l’instar des actions non réalisées, les mauvaises actions peuvent être divisées ensous-catégories actions peu conformes ou non conformes aux habitudes, aux conventions etactions peu conformes ou non conformes à la politesse, au savoir-vivre ou à la morale.
1.3.2.1 Actions peu conformes ou non conformes aux habitudes et aux conventions envigeur.
Ex : Interactants : un vieux et sa femme.
- Tu as encore laissé le vasistas ouvert, m’a reproché mon vieux grognon.
(interaction 68 – corpus en français)Selon l’habitude du couple, le vasistas doit être fermé la nuit Cette nuit-là, la femme aoublié de le fermer Le vasistas ouvert ne se conforme pas à la manière courante de ce vieuxcouples La femme reçoit donc le reproche du mari
1.3.2.2 Actions peu conformes ou non conformes à la politesse, au savoir-vivre ou à lamorale
Les actions peu conformes ou non conformes à la politesse, au savoir-vivre et à lamorale sont souvent la cible du reproche
Ex : une mère et son fils.
Keran ! Tu ne peux pas frapper la porte avant d’entrer dans ma chambre ?
(interaction 6 – corpus en français)
Trang 38Dans les définitions du reproche des dictionnaires, l’objet du reproche se voit commeune conduite condamnable à l’encontre du locuteur (reprocheur) Cinq cas se présentent dansnos corpus :
Dans le premier cas, la mauvaise conduite de l’interlocuteur (L2) touche directement lelocuteur (L1) : l’offensé, L1 et le reprocheur sont donc identiques
Ex : Interactants : une femme et un copain de son fils.
- Je vais partir en même temps que vous […] J’ai gagné suffisamment d’argent avec maguitare dans le bar de Romain, pour payer mon billet d’avion En France, avec ma pensiond’invalidité, je pourrai …
- Végéter et faire la manche dans le métro.
- Pourquoi tu me décourages … toi !
(interaction 5 – corpus en français)
Dans l’exemple ci-dessus, l’offenseur est le copain du fils Son offense est à l’encontrede la mère C’est elle qui est offensée puis reprocheur.
Dans le deuxième cas, l’offensé n’est pas L1 mais une troisième personne, L3, qui a unlien strict avec L1 C’est pour cette raison que si L3 est affecté par une certaine conduite deL2, L1 se sent aussi touché et fait le reproche à L2
Ex : L’oncle Paul arriva et me dit, l’air mauvais, de foutre le camp, qu’on m’avait assez vu.La grand-mère me tira gentiment les cheveux et posa sur son fils un regard lourd de reproche.- Mais Paul, pourquoi tu t’en prends à ce gosse ? Il n’a rien fait, lui.
(interaction 38- corpus en français)
Dans le troisième cas, L2 se voir reprocher de sa mauvaise conduite qui touche à lafois L1 et L3
Ex : Interactants : une jeune fille reproche à sa tante.
- Mes parents viennent de mourir et tout de suite, tu nous maltraites, ma sœur et moi! C’est toiqui es égọste !
(interaction 25 – corpus en vietnamien)
Trang 39Pour le quatrième cas, L1 est relié à L2 par une relation étroite et L1 s’intéressetoujours à L2 C’est pourquoi, si l’action de L2 ne nuit à personne qu’à lui-même, L1 se sentégalement touché L2 reçoit donc un reproche.
Ex : Une mère reproche à sa fille :
- An, ferme la porte ! T’es bizarre ! T’es toute mouillée !
(interaction 29 - corpus en vietnamien)
Dans le dernier cas, L1 lance à L2 un reproche sur une conduite qui a un mauvais effetà la fois sur l’un et l’autre
Ex : Interactant : une femme écrivain et un ami (son éditeur)
- Mais tu es folle, mon chou ! Tu nous vires à la Dona Quichotte Tu vas nous en perdre dixpour vouloir en sauver un ! (interaction 7 – corpus en français)
Les cas susmentionnés peuvent être distingués plus facilement grâce à la présence despronoms personnels désignant celui/ceux qui est/sont touché(s), affecté(s) par telle ou telleconduite de L2
2 TYPES DE REPROCHE.
L’analyse des corpus nous a menée à distinguer différents types de reproche : reprochedirect, reproche indirect, reproche de type mixte, direct et indirect, et reproche – tropecommunicationnel La classification ne repose pas sur le mode de formulation du reprochemais sur la nature de la cible du reproche ou sur la cọncidence ou non de la personne à qui onadresse le reproche et la personne sur qui porte le reproche
2.1 Reproche direct.
Un reproche est appelé direct s’il cible directement l’interlocuteur Dans ce cas, la personne àqui on adresse le reproche et celle sur qui il porte sont identiques Autrement dit, le “reproché”et “l’allocutaire du reprocheur” sont cọncidents
Ex : une mère à sa fille :
- Tu aurais pu nous en parler au lieu de nous jouer cette comédie infecte et nous faire passerpour des triples cons Non ?
Trang 40(interaction 26 – corpus en français) Dans l’exemple ci-dessus, le reproche porte sur la fille et s’adresse à elle-même.
Pour ce type de reproche, on utilise en général un pronom personnel à la deuxièmepersonne : “tu” ou “vous” Cependant, dans certains cas, nous voyons un nom ou un pronompersonnel à la troisième personne Examinons l’exemple ci-dessous :
Ex1: une femme à un copain de son mari :
Deux jours plus tard, maman convia Niels à dỵner pour son anniversaire.
- Alors, vilain […] Monsieur est rentré depuis plusieurs jours, mais il faut lui envoyer unbristol pour qu’il daigne venir embrasser ses amis.
(interaction 24 – corpus en français)
Avec l’utilisation de “monsieur” et les pronoms personnels à la troisième personne
“lui”, “il”, la personne sur qui porte le reproche est en apparence une troisième personne.
Cependant, ce n’est qu’une manière de dire figurée En fait, le reproché est toujoursl’interlocuteur.
2.2 Reproche indirect
Au cas ó la cible du reproche (la personne sur qui porte le reproche – L3) seraitdifférente de l’allocutaire (celle à qui s’adresse le reproche – L2), on considère le reprochecomme indirect Pour ce type de reproche, L3 est associé étroitement à L2 : mari et femme,parents et enfants, frère et sœur, etc Puisque L2 et L3 se sont reliés par une relation étroite,l’énonciateur tient L2 pour responsable indirect Le reproche affecte donc indirectement ce
dernier Observons l’exemple ci-dessous :
Ex 1 : un homme à sa femme.
- Ton père m’a refusé son aide Avec lui, on pouvait faire sortir Niel de taule, et tu sais ce quem’a répondu ce bol de merde ? “La loi est la loi De quoi aurais-je l’air ? De protéger unhomme présumé encore criminel ?” Le sinistre con, il est content, il m’a blessé, il me prendpour un pauvre mec, mais qu’il fasse attention, ton père !
(interaction 33 – corpus en français)