Faire les traductions de la Bible de façon intelligible et le plus compréhensible possible et les soumettre ensuite à un groupe de collaborateurs pour être corrigées [14:23] En développa
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NGUYỄN THANH HOA
LE RƠLE DES CONNAISSANCES CULTURELLES
DANS LA TRADUCTION
(Étude de cas des étudiants en troisième et en quatrième années du Département de Langue et de Civilisation Françaises-Université de Langues et
d’Études internationales- Université Nationale de Hanọ)
VAI TRỊ CỦA TRI THỨC VĂN HỐ TRONG DỊCH THUẬT
(Nghiên cứu trường hợp sinh viên năm thứ 3, năm thứ 4 khoa Ngơn ngữ và Văn hố Pháp-Trường Đại học Ngoại ngữ-Đại học quốc gia Hà Nội)
Mémoire de fin d’études post-universitaires
Option : LINGUISTIQUE Code : 60 22 20
HANỌ- 2010
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NGUYỄN THANH HOA
LE RƠLE DES CONNAISSANCES CULTURELLES
DANS LA TRADUCTION
(Étude de cas des étudiants en troisième et en quatrième années du
Département de Langue et de Civilisation Françaises-Université de Langues et
d’Études internationales-Université Nationale de Hanọ)
VAI TRỊ CỦA TRI THỨC VĂN HỐ TRONG DỊCH THUẬT
(Nghiên cứu trường hợp sinh viên năm thứ 3, năm thứ 4 khoa Ngơn ngữ và Văn hố Pháp- Trường Đại học Ngoại ngữ- Đại học quốc gia Hà Nội)
Mémoire de fin d’études post-universitaires
Option : LINGUISTIQUE
Code : 60 22 20
Directeur de recherche : M Đinh Hồng Vân
HANỌ- 2010
Trang 31 Justification du choix du sujet de recherche 1
2 Objectifs de la recherche 1
3 Questions et hypothèses de recherche 2
4 Méthodologie de recherche 2
5 Corpus 2
6 Structure du mémoire 2
CONTENU Chapitre 1 : Les problèmes théoriques 4
1.1 Traduire, c’est … 4
1.1.1 La traduction telle qu’elle est définie par différents auteurs 4
1.1.2 La traduction telle qu’elle est conçue par les auteurs de la Théorie du sens 12
1.1.2.1 Les trois niveaux de la traduction 14
1.1.2.2 La déverbalisation 17
1.1.3 Le sens 24
1.1.3.1 Incomplétude et appréhension du sens 27
1.1.3.2 Incomplétude et expression du sens 30
1.2 Une bonne traduction 31
1.2.1 La compréhension 32
1.2.1.1 Comprendre la composante linguistique 32
1.2.1.2 Comprendre les implicites 33
1.2.1.3 Les compléments cognitifs 34
1.2.2 L’expression 35
1.2.2.1 La reverbalisation 35
1.2.2.2 L’analyse justificative 37
Trang 41.3.1 Implicite et explicite 40
1.3.2 Rôle de l’implicite et de l’explicite dans la communication en général et dans la traduction en particulière 41
1.3.3 Rôle du bagage cognitif dans la compréhension des implicites dans les énoncés et dans le choix des moyens de réexpression 43
Chapitre 2 : Comment les étudiants du Département de Langue et Civilisation Françaises traduisent-ils ? 45
2.1 Présentation du corpus 45
2.2 Analyse du corpus 46
2.3 Explication des erreurs relevés du corpus 65
Chapitre 3 : Que faire pour améliorer la qualité de la traduction des étudiants 73
3.1 Perfectionnement linguistique 74
3.2 Amélioration des compétences intellectuelles 79
3.3 Intensification des activités de recherche documentaire 84
CONCLUSION……….100
BIBLIOGRAPHIE……… 102 ANNEXE
Trang 51 Justification du choix du sujet de recherche
Tout au long de l‟histoire de la linguistique, la traduction joue incontestablement un rôle primordial dans l‟enseignement et l‟apprentissage d‟une langue Ce rôle est, de nos jours, mis de plus en plus en relief quand vient le temps de la mondialisation et de l‟intégration internationale Ainsi, la présence de traducteurs professionnels pour d‟abord bien enseigner
la matière et pour ensuite bien assumer le rôle de passerelle dans les relations des pays, des organisations est indispensable
Cependant, jusqu‟à aujourd‟hui, les étudiants du Département de Langue et de Civilisation Françaises ne semblent pas appréhender l‟importance de ce métier, en effet, la qualité de leurs traductions laisse toujours à désirer Cette réalité a été à l‟origine de notre étude des facteurs conditionnant la qualité des traductions, les éléments culturels
2 Objectifs de la recherche
Cette recherche vise à étudier le rôle des connaissances culturelles dans la traduction des étudiants en troisième et en quatrième année du Département de Langue et de Civilisation Françaises Et le résultat de cette étude servira de base pour les suggestions pour améliorer la traduction de ces étudiants
3 Questions et hypothèses de recherche
Dans le cadre de cette recherche, nous essayons de trouver les réponses à ces questions suivantes :
- Comment les éléments culturels influencent-ils sur la qualité des traductions chez
les étudiants ?
- Les étudiants mobilisent-ils assez d‟éléments culturels lors de la traduction ? Ces
questions nous permettent d‟élaborer les hypothèses suivantes :
- Les éléments culturels jouent un rôle indispensable dans la compréhension des
textes à traduire Donc, ils peuvent faciliter la compréhension ou au contraire la bloquer chez les étudiants
- La mobilisation des connaissances culturelles dans la compréhension est
insuffisante
4 Méthodologie de recherche
Trang 6Dans le cadre de cette recherche, nous utiliserons la méthode qualitative car elle nous aide
à mieux nous poser de bonnes questions et d‟identifier de bonnes hypothèses Au cours de
la recherche et surtout dans la collecte et l‟analyse des données interviennent donc plusieurs autres méthodes telles que méthode descriptive, synthétique ou analytique Nous expliquerons avec plus de détails les méthodes utilisées dans le deuxième chapitre de cette recherche
6 Structure du mémoire
Chapitre 1 : Les problèmes théoriques
1.1 Traduire, c'est …
1.1.1 La traduction telle qu'elle est définie par différents auteurs
1.1.2 La traduction telle qu'elle est conçue par les auteurs de la Théorie du sens
1.1.2.1.Les trois niveaux de la traduction
1.1.2.2.La déverbalisation
1.1.3 Le sens
1.1.3.1 Incomplétude et appréhension du sens
1.1.3.2 Incomplétude et expression du sens
1.2 Une bonne traduction
1.2.1 La compréhension
1.2.1.1 Comprendre la composante linguistique
Trang 71.2.1.2 Comprendre les implicites
1.2.1.3 Les compléments cognitifs
2.3 Explication des erreurs relevés du corpus
Chapitre 3 : Que faire pour améliorer la qualité de la traduction des étudiants
3.1 Perfectionnement linguistique
3.2 Amélioration des compétences intellectuelles
3.3 Intensification des activités de recherche documentaire
Trang 8Chapitre 1 : LES PROBLÈMES THÉORIQUES
Le premier chapitre servira à la clarification des problèmes théoriques, qui, à leurs tours, jouent un rôle primordial dans la collecte et l‟analyse du corpus présenté ci-dessous À partir de ces bases, nous établirons la relation entre le bagage cognitif et la traduction chez les étudiants en français du Département de Langue et de Civilisation françaises N‟ayant pas l‟ambition de présenter les éléments théoriques de façon exhaustive, nous essayerons
de les classer selon un ordre des plus élémentaires aux plus complexes Ce chapitre est divisé en trois parties La première porte sur les définitions de la traduction selon différents courants, la deuxième partie sur les critères pour une bonne traduction et la dernière sur le bagage cognitif qui attire totalement notre champs d‟étude
1.1.1 La traduction telle qu'elle est définie par différents auteurs
La traduction possède sans doute une longue histoire qui demande une étude bien détaillée pour la comprendre vraiment Même si l‟objectif de l‟étude n‟est pas de cette étendue, la compréhension de l‟évolution de la traduction n‟est pas inutile Cette histoire peut se diviser en deux grandes périodes La première recouvre la période depuis sa naissance jusqu‟à la fin du XIXè siècle, la deuxième depuis le début du XXè siècle jusqu‟aujourd‟hui
La première période :
Selon les experts, la traduction a vu le jour avec les oeuvres de Cicéron (en latin Marcus
Tullius Cicéro, 106 av J.-C- 43 av J.-C) et de Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus,
65 av J.-C-8) Quand Cicéron traduisait les plaidoyers prononcés par Eschine et
Demosthèmes lors de l‟affaire de la couronne dans De optimo genere oratorum (Les
orateurs parfaits), il a adopté son point de vue sur la traduction:
Trang 9“Connuerti enim ex Atticis duorum eloquentissimorum nobilisssimas orations inter seque contrarias, Aeschinis et Demosthenis; nec conuerti ut interpres, sed ut orator, sententiis isdem et earum formis tamquam figures, uerbis ad nostrum consuetudinem aptis in quibus non uerbum pro uerbo necesse habui reddere, sed genus omne uerborum uimque seruaui non enim ea me annumerare lectori putaui oportere, sed tamquam appendere.” (CIC Opt 14)
“J‟ai en effet traduit des deux plus éloquents des Attiques, Eschine et Démosthène, les deux discours les plus célèbres et qui se répondent; et je les ai traduits non en interprète, mais en orateur, avec la même présentation des idées et des figures, en adaptant les mots à notre propre langue Pour ceux-ci je n‟ai pas jugé nécessaire de les rendre mot par mot, mais j‟ai conservé dans son entier le genre des expressions et leur valeur Je n‟ai pas cru en effet que je dusse en rendre au lecteur le nombre, mais en quelque sorte le poids.” [11: 114]
Et cette vision sur la matière est aussi partagée par Horace, il ne voit pas la traduction comme un transcodage, une traduction de mot-à-mot mais un transfert du vouloir dire de l‟auteur
Saint Jérôme (347-420) a rappelé et suivi cette manière de traduire dans sa belle version de
la Bible, La Vulgate, du grec en latin «Je l'avoue hautement, dit-il, je n'ai point cherché à rendre le mot par le mot ; je me suis surtout attaché à rendre les pensées : Ego non solum
fateor, sed libera voce profiteor, me non verba, sed sententias transtulisse.”
En bref, on peut souligner que l‟adoption d‟une traduction interprétative, c‟est-à-dire, une traduction basant sur les unités de sens, n‟est totalement pas récente Elle a déjà apparu aux premières années de la traduction mais c‟est justement au temps moderne, elle est vraiment prise en considération
On ne saurait non plus ignorer le grand John Wycliffe, érudit d‟Oxford, qui proclamait que
la Bible établissait la loi de Dieu et que la loi de Dieu était au-dessus de toutes les lois Mais la Bible était en latin; la cour et la noblesse parlaient français, tandis que la masse communiquait dans une nouvelle langue appelée l‟anglais Wycliffe, aidé de Nicholas de
Hereford, traduisait la Bible dans cette langue en se basant sur La Vulgate Elle a paru en
1384, l‟année de sa mort Et c‟est Wycliff qui est le premier à traduire la Bible du latin en
Trang 10anglais et qui déclenche les mouvements de traduction de la Bible Et selon lui, ce travail peut être divisé en quatre étapes:
1 Rassembler les vieilles Bibles et autres documents permettant d‟établir une source authentique de textes latins (On peut faire remarquer ici que le latin auquel il se réfère n‟est pas non plus la langue d‟origine de la Bible Sa traduction s‟est faite à partir d‟une traduction)
2 Comparer les différentes versions
3 Consulter les grammairiens et autres hommes de culte pour les interprétations complexes
4 Faire les traductions de la Bible de façon intelligible et le plus compréhensible possible
et les soumettre ensuite à un groupe de collaborateurs pour être corrigées [14:23]
En développant le travail de Wycliff, John Purvey, le disciple de Wycliff a réaffirmé vivement que la traduction ne restait pas celle de mots mais il s‟agissait d‟une interprétation du sens transmis par l‟auteur afin de créer une traduction bien claire et compréhensible par les gens de la langue d‟arrivée
Les réflexions sur la traductions présentées ci-dessus ne représentent que des bases pour le fondement d‟une théorie de la traduction proprement dite Cette science devrait sa théorie à
Étienne Dolet (1509- 1546) dont l‟oeuvre La manière de bien traduire d‟une langue en une
autre a réussi à poser les premières pierres de la théorie de traduction Dans son livre,
Dolet a mis en lumière les cinq règles fondamentales à respecter lors de la traduction:
“La matière de l'auteur qu'il traduit; car par cette intelligence, il ne sera jamais obscur en
sa traduction: et si l'auteur lequel il traduit est aucunement scabreux, il le pourra rendre facile et du tout intelligible
La seconde chose qui est requise en traduction, c'est que le traducteur ait parfaite
connaissance de la langue de l'auteur qu'il traduit et soit pareillement excellent en la langue en laquelle il se met à traduire Par ainsi il ne violera, et n'amoindrira la majesté
de l'une et l'autre langue
Le tiers point est qu'en traduisant, il ne se faut pas asservir jusqu'à là que l'on rende mot pour mot Et si aucun le fait, cela lui procède de pauvreté et défaut d'esprit
La quatrième règle [veut que l'on se] contente du commun, sans innover aucunes dictions follement, et par curiosité repréhensible Pour cela n'entends pas que je dise que
traducteur s'abstienne totalement de mots qui sont hors de l'usage commun, mais cela se
Trang 11doit faire à l'extrême nécessité
Venons maintenant à la cinquième règle que doit observer un bon traducteur Laquelle est
de si grande vertu, que sans elle toute composition est lourde et mal plaisante Mais qu'est
ce qu'elle contient? Rien autre chose que l'observation des nombres oratoires: c'est asseoir une liaison et assemblement des dictions avec telle douceur, que non seulement l'âme s'en contente, mais aussi les oreilles en sont toutes ravies, et ne se fachent jamais d'une telle harmonie de langage ”
Ou dans Essay on the Principles of Translation (London, 1790), Alexander Fraser Tytler,
écrivain anglais, a résumé les trois critères d‟une bonne traduction D‟abord, elle doit représenter les idées ensuite la forme du texte original et enfin elle ne doit pas garder les mêmes compositions linguistique du texte original
Alors, on peut facilement voir que ces réfexions sur la traduction de Cicéron et Horace laissent encore leur empreinte sur celles des autres auteurs qui suivent Et dans son oeuvre
“Nghien Cuu dich thuat” Hoang Van Van a fait un résumé des conceptions sur la
traduction dès sa naissance jusqu‟à la Première Guerre Mondiale en les regroupant en 3 différents courants de traduction Le premier vise à une traduction linguistique, d‟une langue à l‟autre tandis que le deuxième tente d‟amener les lecteurs au vouloir-dire de l‟auteur en reformulant le texte d‟origine pour qu‟il soit compréhensible dans la langue d‟arrivée Et les traducteurs du troisième courant ont tendance à créer des traductions qui s‟approchent de la forme et de la langue vernaculaire
La deuxième période:
Jusqu‟à la Seconde Guerre Mondiale, la traduction n‟est considérée que comme un art Seuls les écrivains, les philosophes, les spécialistes dans différents domaines scientifiques s‟y intéressent et le prennent comme un vrai sujet d‟étude Mais la traduction n‟est guère une science avec une théorie bien solide C‟est William Weaver, traducteur anglais spécialisé dans la littérature italienne, qui a déclenclé la réflexion comtemporaine sur la traduction On peut y distinguer quatre approches théoriques :
- Approches basées sur des théories linguistiques (structuralisme, pragmatique
linguistique, linguistique du texte): G Mounin (Les Problèmes théoriques de la
traduction), J Catford (A linguistic theory of translation)…
Trang 12- Approches basées sur des théories littéraires: Ezra Pound (Poems and
Translations ), “Polysystem theory” (“manipulation school”)
- Approches basées sur des théories philosophiques: Steiner (Après Babel Une
poétique du dire et de la traduction), Paepcke (Textverstehen und Uebersetzen Ouvertures sur la Traduction) et Stolze (Hermeneutik und Translation), Benjamin
Walter (The task of translator)
- Approches basées sur la pratique: Danica Seleskovitch (Interpréter pour
traduire), Marianne Lederer (La traduction aujourd‟hui)
L’approche basées sur des théories linguistiques:
Le XXè siècle est le siècle d‟épanouissement de la linguistique, dès lors elle est considérée comme une science indépendante Cette révolution linguistique entraîne aussi l‟évolution de la traduction car la linguistique noue toujours un lien très étroit
avec la traduction En 1916, la publication du Cours de linguistique général de Ferdinand de Saussure marque la naissance du Structuralisme Et en 1957 c‟est l‟année des découvertes de J.Searle et J.L.Austin sur la pragmatique de la linguistique …Les
changements fondamentaux de la linguistique font naître tant de questions au sujet de la
traduction On se demande alors qu‟est ce que c‟est la traduction, quelle serait l‟unité
de la traduction, si on doit traduire linguistiquement ou on choisit une traduction interprétative….Et voici quelques réflexions de différents auteurs tels que: Goerges
Mounin, J.Catford, J.R.Firth, R Jakobson, E.Nida…
G Mounin évoque de ce fait l‟intérêt que pouvait présenter “la recherche des unités
Trang 13procédures utilisées lors des opérations traduisantes Avec son oeuvre A linguistic
theory of translation, J Catford a beaucoup contribué à la théorie de la traduction en
distinguant le contexte du cotexte car les traducteurs n‟arrivent presque jamais dans tous
les cas à donner une traduction compréhensible s‟ils se basent seulement sur ce qui est écrit dans le texte original
L‟histoire de la traduction passe à une autre page lors de l‟apparition de la linguistique pragmatique Initiée par J.-L AUSTIN et J SEARLE, la linguistique pragmatique a attiré l‟attention sur le fait que le sens d‟un énoncé ne pouvait être saisi seulement à partir de la valeur sémantique de cet énoncé, mais devait être considéré dans la
situation dans laquelle il est énoncé La communication est fondée sur des actes de
langage, dont la valeur illocutoire varie selon les contextes situationnels C‟est cette valeur illocutoire que le traducteur doit saisir et rendre de façon adéquate en langue cible
L‟évolution de la linguistique structurale vers la linguistique du texte a eu des répercussions importantes sur la conception de la traduction Alors que la linguistique contrastive avait centré l‟attention sur les études contrastives, qui avaient pour objet la
“langue” (au sens saussurien du terme), la linguistique du texte a fait prendre
conscience du fait que le traducteur traduisait la “parole”, que les mots n‟avaient pas un
sens une fois pour toutes, mais ne prenaient leur sens que dans le cadre du texte Quant
au sens du texte, il n‟était pas dans le texte, mais venait au texte dans la saisie de
celui-ci par le récepteur: une théorie du sens qui était induite par les réflexions de Heidegger
La théorie de la traduction devenait tributaire d‟une théorie de l‟action qui disait que le sens de toute action dépendait du but auquel elle tendait
La Théorie skopos
En grec, le mot “skopos” signifie la visée, le but, la finalité Il est employé dans la
traductologie pour désigner la théorie avancée par Hans Vermeer (Fondements d‟une
théorie de la translation= Grundlegung einer Translationstheorie) à la fin des années
1970 Cette théorie s‟adresse avant tout aux textes pragmatiques et leurs fonctions dans
Trang 14fonction, ou encore de son “skopos”, pour employer la terminologie de Katharina REISS et de Hans VERMEER (1984), telle qu‟ils l‟exposent dans un ouvrage commun
intitulé Fondements d‟une théorie de la translation (= Grundlegung einer
Translationstheorie)
Pour clarifier cette notion de “fonction”, Katharina REISS a développé une “typologie des textes pertinente pour le traducteur” basée sur les trois fonctions fondamentales du langage dégagées par Karl Buehler – textes informatifs, textes esthétiques, textes
appellatifs – chacun des ces types de texte faisant appel à des stratégies traduisantes
différentes
En somme, cette théorie n‟est pas applicable car il ne faut pas fixer une stratégie globale
et l‟appliquer rigoureusement, il faut aussi tenir compte des paramètres influents dans le système d‟accueil
Approches basées sur des théories littéraires
Pour Edmond Cary “la traduction n‟est pas une opération linguistique, c‟est une opération littéraire” [22:13] et il rajoutera que pour traduire de la poésie, il faut être poète Aussi ces théories se réfèrent-elles uniquement à la traduction littéraire et surtout
à la traduction de la poésie Elles ont été fortement marquées par les idées des
sémioticiens, comme Roland Barthes (Lectures plurielles du texte) ou Umberto Eco (Struttura apperta) qui ont montre que c‟est par le lecteur que le sens vient au texte,
reprenant l‟idée plus générale de Heidegger que c‟est par la perception qu‟en a l‟être humain que le sens vient aux choses
C‟est ce genre de théories qui a donné naissance aux Etats Unis aux “Writing and Creativity Workshops” et aux “Translation Workshops”, dont un des grands inspirateurs
a été Ezra Pound
La „théorie‟ de Pound était fondée sur le concept d‟énergie dans la langue Les mots
sont en quelque sorte une cristallisation du vécu historique d‟une culture, ce qui leur donne une force, une énergie toute particulière C‟est cette énergie qu‟il faut traduire Cette notion d‟énergie véhiculée par les mots a donné lieu à des abus Ainsi Frederic WILL, qui a dirigé le translation workshop de l‟université de Iowa à partir de 1964, a
fait état de cette notion d‟énergie, le „thrust‟, comme il l‟appelle, derrière les mots, pour
en déduire que les mots ne sont que des “indicateurs” de sens, que le traducteur doit saisir intuitivement et dont il doit s‟inspirer pour créer son oeuvre à lui en langue cible
Trang 15Approches basées sur des théories philosophiques
George Steiner: L‟approche herméneutique
Pour Steiner, se faire “herméneute” c‟est se mettre dans la peau de l‟écrivain, afin de saisir, dans une projection empathique, le sens de ce qu‟il veut dire et le transférer dans
la langue cible Steiner voit l‟opération traduisante comme un mouvement en quatre
temps: “Trust” (confiance), “agression”, “incorporation” et “restitution”
“Trust”: Le traducteur prend un risque en abordant un texte: sans avoir soumis ce texte
à un examen, il lui fait confiance en assumant qu‟il véhicule un sens
“Agression”: Steiner se base sur Heidegger, un philosophe allemande, pour dire que
chaque acte de compréhension est une agression Le traducteur pénètre dans le texte source pour lui voler son sens, qu‟il veut emporter comme butin de guerre
“Incorporation”: Après l‟avoir agressé et détruit, le traducteur s‟incorpore le texte
source, il le fait sien, il l‟avale et le digère, en quelque sorte
“Restitution”: Les trois actes qu‟on vient de décrire ont créé un déséquilibre Ici
Steiner se base sur l‟anthropologue structuraliste, Levi Strauss, qui dit que dans un système (culturel) tout se tient et que si on enlève ou rajoute un élément dans un système on le déséquilibre Par les trois actes précédemment décrits les deux systèmes
en présence ont été déséquilibrés: celui de la langue source, auquel j‟ai enlevé, et celui
de la langue cible, auquel j‟ai rajouté Il faut maintenant rétablir l‟équilibre en restituant
Dans la conception de cet acte de “restitution” Steiner est très influencé par les idées des romantiques allemands et de leurs successeurs comme par exemple Walter Benjamin qui plaide pour la “transparence” de la traduction, dans laquelle il veut retrouver non seulement le sens de l‟original, mais, décelable en filigrane, jusqu‟à la langue de l‟original
Ceci l‟amène à dire que l‟idéal à atteindre en traduction, ce serait la traduction interlinéaire (qu‟il appelle aussi traduction mot-à-mot) fidèle, c‟est-à-dire fidèle au sens
et à la forme: “The true interlinear is the final, unrealizable goal of the hermeneutic act”
La tâche idéale – et irréalisable - du traducteur serait de rétablir – par ses traductions
“parfaites”, reproduisant de façon identique le texte source en langue cible
Approches basées sur la pratique
Trang 16La théorie de la traduction fondée sur la pratique est nommée La Théorie interprétative
ou La Théorie du sens Elle doit son nom à l‟Ecole Supérieure des Interprètes et des
traduteurs (ESIT, Paris) et surtout à Danica Seleskovitch et à Marianne Lederer Ces deux dernières ont réussi à élaborer une théorie de traduction en s‟appuyant sur les exprériences empiriques en tant qu‟interprètes de conférences Aujourd‟hui, cette théorie compte de nombreux adeptes et promoteurs en particulier dans le monde francophone
Dans le cadre de cette recherche, nous adoptons les résultats obtenus par des approches basées sur la pratique, ainsi la Théorie interprétative ou la Théorie du sens propopsée par Danica Seleskovitch et Marianne Lederer Nous présentons alors cette Théorie avec plus de détails dans la partie suivante
1.1.2 La traduction telle qu'elle est conçue par les auteurs de la Théorie du sens
Comme on a présenté dans la partie précédente, la Théorie du sens ou la Théorie interprétative a été fondée sur la pratique de Danica Seleskovitch et Marianne Lederer lors
de leur travail comme interprètes de conférence Cette Théorie décrit la traduction comme
un processus de trois phases indissociables mais bien distinctes : Interprétation, Compréhension et Réexpression
Dans son ouvre Introduction à la traductologie, Mathieu Guidère donne son opion
sur cette théorie :
Ce modèle emprunte ses postulats théoriques aussi bien à la psychologie qu‟aux sciences cognitives de son époque, avec intérêt particulier pour le processus mental
de la traduction [20 : 46]
Cette théorie prend « le sens » comme son noyau d‟étude qu‟on ne peut qu‟obtenir en retirant l‟explicite et l‟implicite du texte original Pour saisir « ce sens », il faut que le
traducteur possède un bagage cognitif qui recouvre la connaissance du monde, la saisie
du contexte et la compréhension du vouloir dire de l‟auteur [20 : 69]
Et pour Lederer, dans La traduction aujourd‟hui (1994), une bonne traduction est déterminée par plusieurs éléments dont le bagage cognitif, « Le bagage cognitif est pour
l‟essentiel ce qui se nomme en anglais encyclopaedic knowledge-connaissance encyclopédique ou connaissance du monde Il comprend toutes les connaissances linguistiques et extra-linguistiques, emmagasinnées dans la mémoire de l‟individu, réactivables à tout moment par une sollicitation extérieure ou antérieure» Elle a ajouté
Trang 17aussi un autre élément décisif du succès des traduteurs, le contexte cognitif, ce sont « les
unités de sens dont on a déjà évoqué l‟existence et qui se constituent à mesure de la lecture, se fondent progressivement en un contexte cognitif, savoir latent déverbalisé, qui intervient dans la compréhension des séquences verbales successives » [23 :38]
Seleskovitch, elle aussi, voit le texte original comme un ensemble d‟éléments à déchiffrer qui font venir plusieurs types de connaissances Elle affirme que la traduction ne peut pas être faite directement d‟une langue à l‟autre mais il nous faut nous munir d‟une
«perception », celle d‟abord des outils linguistiques ensuite celle de la réalité abordée dans
le texte original pour en tirer le sens
Jean Delisle a divisé ce processus de traduction en trois phases :
D‟abord la phase de compréhension qui consiste à comprendre le texte original en
analysant les relations sémantiques entre les mots et en déterminant le contenu conceptuel par le biais du contexte
Ensuite, la phase de reformulation qui est en effet la reverbalisation C‟est l‟étape de
chercher les équivalences de langue de départ dans la langue cible en tenant compte du raisonnement et des associations d‟idées
Et enfin, la troisième phase, vérification, qui vise à vérifier la validité du terme traduit dans
la langue cible
Et selon Lederer, il s‟agit d‟une « analyse justificative »
Dans la même veine que Jean Delisle, Lederer dans son oeuvre Traduction
aujourd‟hui, a défini la traduction comme suit :
La théorie interprétative [ ] a établi que le processus consistait à comprendre le texte original, à déverbaliser sa forme linguistique et à exprimer dans une autre langue les idées comprises et les sentiments ressentis
Mais « il faut dès le départ faire le partage entre la langue, sa mise en phrases et le
texte ; car si l‟on peut „traduire‟ à chacun de ces niveaux, l‟opération de traduction n‟est pas la même selon que l‟on traduit des mots, des phrases ou des textes » Et
elle dénomme la traduction des mots ou la traduction des phrases la traduction linguistique, et la traduction au niveau du texte est alors nommée traduction interprétative Et c‟est à ce niveau du texte auquel les traducteurs doivent attacher une grande importance
Trang 18En somme, la Théorie interprétative de la traduction met l‟accent sur la collectivité linguistique à laquelle s‟adresse la traduction, sur l‟intelligibilité de la production produite et à son acceptabilité dans la culture d‟accueil Pour conclure, je reprends,
dans Traduction aujourd‟hui de Lederer, les conseils empiriques des professeurs de l‟ESIT à leurs étudiants « Ne cherchez pas à „traduire‟, dites ce que vous
comprenez ; pour comprendre correctement, pensez à la qualité en laquelle s‟exprime l‟orateur, pensez aux interlocuteurs auquel il s‟adresse, aux circonstances dans laquelle il parle ”
1.1.2.1 Les trois niveaux de la traduction
Comme on a présenté dans la partie précédente, le texte peut être divisé en d‟autres éléments plus petits : mot, phrase ou texte auxquels correspondent différents types de traduction Chaque type lui-même possède des caractéristiques différentes et bien entendu fait recours à différentes procédures de traduction On va analyser ces trois niveaux avec des exemples concrets :
On peut prendre la phrase Je suis cette femme comme exemple à analyser
Au niveau du sémantisme lexical, on peut facilement trouver les correspondances de chacun des éléments constituant cette phrase dans un dictionnaire Mais ce travail ne tient pas compte du cotexte, les mots qui entourent un mot ou du contexte, la situation de communication L‟exemple ci-dessus donne les correspondances suivantes :
Je : Tôi, tao, mình, tớ
Suis : là, theo
Cette femme : người phụ nữ, người đàn bà,
À ce niveau- là, quand les mots sont coupés du contexte, il est alors impossible de donner
une traduction correcte Le verbe suis dans l‟exemple peut être soit la conjugaison du verbe
être, soit la conjugaison du verbe suivre Là, l‟effacement du contexte dans la traduction de
la phrase cause déjà l‟ambiguïté du mot alors la phrase traduit Si on doit traduire cette phrase, on aura au moins deux possibilités possibles sans tenir compte de l‟ambiguïté créée
par le pronom personnel je en vietnamien Ce phénomène devrait donc exclu de la
Trang 19langue Pourtant, à ce niveau là, il est forcément évident de trouver beaucoup de correspondances de ces éléments dans un dictionnaire même si le mot en question est placé
dans un cotexte précis Par exemple le mot suis :
Suis : suivre+ quelqu‟un, suivre+ quelque chose
Suis : être quelqu‟un, être+ adjectif
Etc
Et en plus les deux verbes « suivre » et « être » acceptent quand même un nom comme un
complément Il nous est alors impossible de déterminer le vrai sens du verbe suis dans
l‟exemple donné Toute traduction faite sur cette traduction hors du contexte serait jugée incorrecte
La phrase en question Je suis cette femme à ce niveau permet les traductions : Tơi là người
đàn bà này ou Tơi theo người đàn bà này
Ce deuxième niveau ne permet donc pas une seule traduction On essayera alors le troisième niveau de traduction, le niveau du texte qui englobe les deux premiers niveaux À
ce niveau se trouve le rơle du contexte La traduction est fondée non seulement sur le sémantisme de la parole mais encore sur le savoir général et le contextuel du traducteur,
c‟est à dire le bagage et le contexte cognitif Cela veut dire que la phrase Je suis cette
femme ne sera qu‟analysée linguistiquement mais on la mettra dans une situation de
communication bien précise ó le je, suis, ou cette femme sont liés aux référents concrets
Le contexte de la phrase : Elle est prononcée par un touriste lors d‟une visite dans un musée Dans le groupe des touristes, il y a une femme Et quand le guide touristique demande aux touristes de le suivre Ce touriste-là dit qu‟il va suivre cette femme dans le
groupe en prononçant « Je suis cette femme » Là, on peut voir que toutes les ambigụtés sont déjà enlevées Il nous reste seulement une traduction possible pour cet exemple Tơi đi
theo người phụ nữ này
À travers cet exemple, il faut réaffirmer la valeur indéniable du contexte dans la traduction La décontextualisation produit une traduction mot à mot et bloque le caractère
univoque de la phrase ou du mot Dans son oeuvre Interpréter pour traduire, Seleskovitch
a donné une constatation « [ ] les mots pris isolément n‟ont que des virtualités de
significations, les phrases séparées de leur contexte n‟ont que des virtualités des sens Si
on prend des mots au hasard dans le tiroir de la langue et qu‟on les examine les uns après les autres, on arrive à aligner pour chacun un certain nombre de significations [ ]
Trang 20Polysémie et ambiguïté sont caractéristiques de tout assemblage de mots hors contexte, elles disparaissent lorsque la phrase est placée dans le fil de son discours Seule l‟intention de communiquer qui construit la parole libère les mots de la polysémie, les phrases de leur ambiguïté et les charge de sens » Et on peut apercevoir que dans
beaucoup de cas, les mots restent les mêmes, c‟est à dire les mêmes significations mais
leurs sens changent selon le contexte Par exemple, avec le mot porte, si quelqu‟un dans le
bus le prononce lorsqu‟il veut descendre, le chauffeur va comprendre certainement que c‟est une demande d‟ouvrir la porte En revanche, quand le bus est en train de rouler, la porte est ouverte, sûrement le chauffeur va faire le contraire, c‟est-à-dire, fermer la porter
quand il reçoit le même énoncé En effet, dans les deux cas, la signification du mot porte
reste le même mais le sens change avec le changement de la situation ou de la motivation
de la personne qui prononce cet énoncé Cet exemple explique encore une fois l‟importance du contexte dans la traduction
Lederer classe les trois niveaux de traduction en deux types Les deux premiers qui lient
aux mots et aux phrases sont appelés Traduction linguistique et le troisième relève de la
Traduction interprétative ou on peut le nommer littéralement Traduction des textes Il est
clair que le deuxième type de traduction demande aux traducteurs des recourir non seulement aux connaissances linguistiques comme dans le cas de la traduction linguistique mais encore des connaissances extralinguistiques et impose aux traducteurs une démarche interprétative
La distinction entre ces deux types de traduction est d‟autant plus visible dans les pratiques
de traduction et de l‟interprétation Les traducteurs ont souvent sous leurs yeux des textes qui sont en général coupés de la situation de communication Cela les amènent parfois à une traduction linguistique Cependant les interprètes vivent totalement les paramètres situationnels du discours : les interlocuteurs, le cadre spatio-temporel, le but bien déterminé qui les écartent d‟une traduction mot à mot car ils ne peuvent retenir ce qui est compris mais pas la somme des mots qui succèdent E.Cary explique aussi cette différence
fondamentale dans son article Noblesse de la Parole en 1962 :
« Seule, la parole parlée possède la plénitude du langage humain et c‟est mutiler l‟homme que de ne s‟intéresser qu‟à ce qu‟en peut capter la feuille imprimée [ ] L‟interprète se trouve en présence d‟un homme qui vit, qui pense et qui parle C‟est cela qu‟il est appelé à rendre » [17 :18]
Trang 21Mais tout cela ne veut pas dire qu‟on se contente d‟une traduction linguistique des textes écrits mais que les textes écrits peuvent s‟adresser à de multiples lecteurs car se perdent avec le temps les circonstances dans lesquelles l‟auteur écrit, son vouloir dire Seulement les signes graphiques qui restent Cependant les situations orales ne vivent pas les mêmes phénomènes Elles privilégient plutôt un certain nombre de lecteurs bien déterminé
1.1.2.2 La déverbalisation
Il est impossible, excepté les personnes à mémoire phénoménale, de retenir en une seule audition des quelques centaines de mots au minimum et de les réexprimer de mémoire dans
une même langue ou dans une autre Alors, une question se pose : Comment les interprètes
peuvent-ils traduire ? Quel mécanisme utilisent-ils pour tout retenir et le réexprimer ? La
réponse se trouve dans la déverbalisation
Quoique ce soit un texte littéraire, scientifique ou un discours, tout texte doit être fait dans
un contexte particulier et dans le but de faire circuler une certaine d‟idées Et plus les traducteurs font attention aux composants linguistiques, plus ils oublient les idées ou le sens que l‟auteur veut transmettre Par conséquent, pour saisir tout le texte de 5 minutes ou même plus, il est préférable que les traducteurs n‟essaient de retenir que ce qui est compris
du texte au lieu des structures ou des phrases de la langue de départ Et alors, il fait recours
à la déverbalisation
La déverbalisation est le fait que l‟interprète oublie des mots pour ne retenir que le sens du texte original Même s‟il est rédigé en notre langue maternelle, il nous est impossible de retenir en quelques minutes les mille mots d‟un texte tels quels à l‟écrit même à l‟oral Or
le travail des interprètes leur demande de transmettre un message de même longueur ou plus d‟une langue à l‟autre Cela les oblige à ne retenir que ce qu‟ils comprennent et non pas les structures syntaxiques, l‟intonation Ils gardent seulement dans la tête ce qui est compris et le transmettent dans la langue d‟arrivée lorsqu‟ils procèdent à la traduction Ce qui leur permet de ne pas être dérayés, c‟est un fil conducteur selon lequel un texte est construit Grâce à ce fil-là, les interprètes peuvent synthétiser ce qui est entendu En plus,
la déverbalisation aide les traducteurs à ne pas produire une traduction mot à mot ou une traduction linguistique En effet, si les éléments syntaxiques sont retenus, on aura tendance
à trouver leurs correspondances dans la langue d‟arrivée sans tenir compte du sens que l‟auteur veut véhiculer comme ces mots sont gravés dans nos têtes Ce phénomène est
Trang 22particulièrement singulier aux apprentis traducteurs ou les traducteurs débutants car pour eux, en général, quand ils ne captent pas encore l‟idée du texte, c‟est plus facile à saisir les mots qu‟ils traduiront lors de la restitution L‟exemple d‟une traduction d‟une oeuvre littéraire du français en vietnamien :
LE RETOUR DU PRISONNIER
Cette histoire est une histoire vraie Elle
s‟est passée en 1945, dans un village de
France que nous appellerons Chardeuil, bien
que ce ne soit pas son nom réel, que nous ne
pouvons donner pour des raisons
évidentes
Pour presque tous, l‟image qui, pendant ce
voyage, domine leur pensée, c‟est celle
d‟une femme Tous pensent à elle avec
amour, avec espoir, quelsques-uns avec
anxiété
Dans un coin du compartiment est assis un
homme grand, maigre, dont le visage
passioné, les yeux brillants de fièvre sont
plus espagnols que français
Nous, on était mariés depuis 6 ans et il n’y
avait jamais eu un nuage
C‟est une femme qui est instruite, qui sait
tout faire Elle touche à un chiffon : ça
devient une robe Elle meuble une petite
Ngày hồi hương của người tù binh
Chuyện này là chuyện có thật Nó xảy ra năm 1945 tại một làng ở Pháp- chúng ta gọi
là Sácđơi, mặ dù đó không phải là tên thật
của làng đó mà vì những lý do hiển nhiên
chúng tôi không thể nêu lên được
Suốt cuộc hành trình hình ảnh ngự trị trong
tâm trí của hầu hết mọi người là hình ảnh một người phụ nữ Họ nghĩ đến người đàn
bà đó, lòng tràn ngập tình yêu và hy vọng ; nhưng có người không khỏi lo lắng
Ngồi tận trong góc toa tàu là một người đàn ông cao lớn, gầy, nét mặt đa cảm, đôi mắt long lanh, trông giống một người Tây Ban Nha hơn là một người Pháp
Chúng tôi lấy nhau từ sáu năm trước và chưa bao giờ có một gợn mây
Đó là một người đàn bà có học thức, có thể
làm được mọi việc Cô ấy chạm tay vào một mảnh giẻ rách, thế là nó thành ngay
Trang 23maison de paysans : ça devient un Paradis một chiếc áo Cô ấy mà xếp dọn một túp
lều nông dân, nó sẽ trở thành Thiên
đường
On peut facilement trouver que cette traduction est fourmillante de fautes Le traducteur n‟essayait que de trouver une correspondance français-vietnamien sans tenir compte de son
usage dans la langue vietnamienne Les mots en français des raisons évidentes sont traduits
en vietnamien lý do hiển nhiên Certes, littéralement, c‟est correct, raison c‟est lý do et
évidentes c‟est hiển nhiên Cependant quand on met les deux mots juxtaposés en
vietnamien, ils ne donnent aucun sens dans ce contexte De même avec la femme, ce mot donne một người đàn bà en vietnamien Avec cette traduction, les lecteurs dans la langue
d‟arrivée vont certainement penser que tous ces gens-là pensent à une seule femme qu‟ils connaissent Mais ce n‟est pas le sens que l‟auteur veut exprimer dans son oeuvre On peut trouver une multitude de fautes de même type dans cette traduction Alors pourquoi ces fautes ? La réponse est très simple, le traducteur se contentait toujours d‟une traduction par correspondance, il s‟est basé seulement sur les mots qu‟ils ont vus dans l‟oeuvre sans faire recours au sens que l‟auteur voulait transmettre à travers son oeuvre Il les a pris au pied de
la lettre pour être fidèle au texte original mais le résultat reçu est un contre sens Il lui
manquait une phase très importante dans le processus de traduction, c‟est la déverbalisation
Selon les propos des professionnels, beaucoup de gens pensent souvent que les interprètes disposent d'une mémoire phénoménale quand ces derniers participent à une conférence Cependant, les profanes ne savent pas que les interprètes ne répètent pas les mêmes mots prononcés par l‟auteur mais ils essaient justement de reformuler les phrases en gardant le sens, le vouloir dire de l‟auteur Et cette capacité n‟est pas singulière aux interprètes, elle est simplement plus travaillée chez eux que les autres car la déverbalisation est une capacité de caractère universel, tout être humain en est doté Même si elle est peut-être développée par la formation et facilement remarquée chez les interprètes, la déverbalisation est toujours présente chez les bons traducteurs
Trang 24La déverbalisation est un processus cognitif dans lequel l‟interprète essaie de comprendre
le vouloir dire de l‟auteur en transformant les données sensorielles en connaissances
dévêtues de leurs formes sensibles Les traductologues l‟appellent "mémoire cognitive"
Ce processus cognitif implique en lui-même deux phases indissociables : la compréhension des explicites qui demande la maỵtrise linguistique et la compréhension des implicites, les éléments cognitifs (le bagage cognitif et le contexte cognitif) De là, il est indispensable de tracer les relations entre la langue et la traduction ainsi que son rơle dans ce travail
a Langue et discours
Il est incontestable que l‟objet de la traduction n‟est pas la langue mais le discours Une traduction reposant sur la langue présente forcément des maladresses car les compléments cognitifs ne sont pas pris en considération Contrairement à cette traduction souvent présentée dans les cours de langue, qu‟on appelle traduction linguistique, la traduction interprétative vise le discours et tient compte aussi des autres éléments que les significations Les trois compléments qu‟on va montrer ci-dessous permettent la transformation de la langue au discours
Le premier élément constituant est la situation Elle est le cadre matériel, la salle ó on se
trouve, l‟heure ó se passe la scène, les gestes, les mimiques de l‟orateurs, les
caractéristiques des participants Lorsqu‟un énoncé de type « La porte, s‟il vous plaỵt»
qui paraỵt polysémique est mis dans une situation précise, dans une salle ó la porte est fermée par exemple, il devient tout à fait évident car il exprime un ordre et demande quelqu‟un d‟ouvrir la porte Prenons le même l‟énoncé mais on le place dans un autre cadre matériel, dans une salle ó la porte est ouverte, quelqu‟un va certainement fermer la porte après avoir reçu cet énoncé Le même énoncé, c‟est à dire, les mêmes mots mais dans différentes situations transmettent différentes intentions du locuteur La même phrase dont
la perception de la situation différente donne les interprétations différentes En l‟absence
de ce matériel, le mot porte n‟évoque pas tels sens mais porte reste toujours la porte Il
donne seulement dans le cadre de convention linguistique sa signification lexicale et son audition ne déclencherait que son identification
Trang 25Dans le premier cas dont la présence d‟une situation est claire, nous avons affaire au discours et dans le second, à la langue En fonction des éléments de perceptions
sensorielles, le mot porte ne donne pas une unique image d'un objet mais il se dissout dans
deux contextes différents, dans deux phrases différentes avec chacune un sens précis Ce n‟est plus une forme verbale dépourvue de sens mais un ordre avec les mêmes signes linguistiques En bref, c‟est la perception de la situation qui transforme la langue en discours et concrétise le vouloir dire de l‟auteur
Le deuxième élément vient en aide à la traduction, c‟est le contexte verbal Le contexte,
que certains auteurs appellent le co-texte, est la présence simultanée d‟un ensemble de mots dans la mémoire immédiate Le sens d‟un mot est déterminé par le mot qui le précède
et il va définir celui du mot qui suit Par exemple, si on entend une suite de mots
Donnez-moi un morceau de pain, on ne s‟attarde pas sur le mot donnez pour en distinguer de faire
un cadeau ou de tendre avant de comprendre ce que signifie donnez dans ce cas De même,
avec morceau ou pain, on ne retient pas le sens de tranche ou de pin pour comprendre le sens de morceau ou pain Cela relève de la saisie immédiate du sens qui n‟est pas le
produit d‟étapes successives mais d‟une seule démarche dans l'esprit On s‟en sert dans la traduction sans qu‟on le sache, c‟est une phase inconsciente Mais il arrive des fois que la signification des mots l‟emporte sur la compréhension du sens lorsqu‟on s‟attarde sur un mot pour une raison quelconque
Cela se voit surtout quand un mot nouveau nous bloque la compréhension ou même lors d‟une recherche d‟équivalences dans la langue d‟arrivée, on bute sur ce mot et on n‟arrive pas à exprimer le sens ou le vouloir dire de l‟auteur Les mille et un exemples peuvent être trouvés dans l‟entraînement de la traduction voire dans la pratique du métier même quand
on procède à la traduction dans sa langue maternelle En résumé, on ne comprend pas un texte au niveau de la langue et puis au niveau du discours mais à l‟audition d‟un énoncé, on
le place déjà au niveau du discours Cette relation donne naissance à l‟unité de sens qui permet de résoudre la polysémie d‟un mot, problème de la linguistique mais pas à la traduction
Le troisième élément qui permet une bonne traduction est le contexte cognitif Il est
accumulé tout au long de la lecture ou pendant le déroulement du discours Supposons que
Trang 26ce contexte cognitif soit égal à O au moment ó on commence la lecture ou l‟écoute d‟un discours, il s‟élargit et se consolide de plus en plus au fil de l‟énonciation Cet élément cognitif permet de saisir le sens de l‟énoncé au fur et à mesure qu‟on arrive à la fin Il n‟est pas rare de voir des interprètes recourir à une traduction textuelle au début de l‟intervention quand le contexte cognitif se s‟établit pas encore mais tout juste un peu de temps après il peut déjà procéder à une traduction interprétative avec l‟alourdissement de ce contexte Ce phénémène n‟est pas uniquement perçu chez les interprètes mais aussi chez les traducteurs qui hésistent toujours à traduire un texte ou un roman avant de le finir Ce n‟est pas juste avant l‟intervention ou la traduction que les traducteurs ou les interprètes ont les connaissances sur le sujet Pour la plupart des fois, ils accumulent ces connaissances auparavant et les stockent dans son bagage cognitif Alors, il faut distinguer le contexte cognitif de ce dernier Si le contexte cognitif est gardé dans la mémoire à court terme, le bagage cognitif dans la mémoire à long terme Tout au long du temps, le contexte cognitif
accumulé est transmis dans la mémoire à long terme et alourdit le bagage cognitif de
chaque individu Et dans presque tous les cas, juste une partie de ce bagage est mobilisée
en cas de besoin et on l‟appelle le savoir pertinent
Seleskovitch dans son oeuvre Interpréter pour traduire a expliqué cette relation entre la
langue et le discours :
« Il y a donc plusieurs étapes dans l‟orientation du récepteur vers le sens réel du
message : le contexte verbal d‟abord qui limite les virtualités sémantiques de la langue, puis le contexte cognitif qui permet de dégager peu à peu un sens de l‟énoncé, enfin le savoir et les connaissances ambiantes de l‟auditeur/lecteur sans lesquels le message risqueraient de rester lettre morte Cette orientation est rendue possible par la perception sensorielle concomitante de toutes les circonstances qui entourent l‟énonciation du discours, par la présence simultanée en mémoire immédiate des éléments de l‟énoncé, par
la durée de la mémoire cognitive à moyen terme qui permet de retenir le contexte cognitif
et enfin par l‟existence préalable d‟un savoir pertinent En l‟absence de ces différents facteurs, il n‟existerait que des éléments linguistiques dénués de sens »
En effet, l‟intelligibilité d‟un texte ne dépend pas que des éléments linguistiques mais encore des paramètres situationnels du discours et les connaissances du sujet percevant
b La langue dans les discours
Trang 27La recherche d‟ une correspondance d‟un mot de langue de départ dans la langue d‟arrivée donnera sans doute une mauvaise traduction car traduire, c‟est de faire comprendre le discours ou le vouloir dire de l‟auteur mais non ce que les mots en français signifient en vietnamien ou vice versa Cette recherche est toujours critiquée comme il en résulte très souvent des correspondances dont leurs sens ne cọncident pas avec celui que veut exprimer l‟auteur On peut prendre les locutions comme des exemples pour l‟illustrer car elles reflètent le mieux le caractère arbitraire de la langue et montrent parfaitement cette
différence entre les langues En français, pour parler de la beauté d‟une femme, on dit Belle
comme le soleil mais le vietnamien donne Đẹp như tiên (Belle comme la fée) Le même
phénomène, mais deux langues différentes choisissent les deux comparants différents mais leurs sens restent toujours les mêmes Imaginons qu‟un traducteur vietnamien traduit une
telle phrase du français en vietnamien Đẹp như mặt trời, les Vietnamiens comprendront
peut-être grâce au contexte mais l‟accepteront? L‟exemple semble ridicule mais n‟est pas rare dans l‟apprentissage ou dans la pratique de la traduction On cherche toujours à faire comprendre la signification d‟un mot dans la langue de départ tout en oubliant le sens qu‟il
veut transmettre vraiment Parlant de ce phénomène, Seleskovitch dans Interpréter pour
traduire a dit:
“Il est rarement possible d‟utiliser les mêmes mots d‟une langue à l‟autre pour exprimer
les même traits sémantiques, sans courir le risque de faire apparaỵtre dans la deuxième langue des traits non pertinents qui n‟affleurent absolument pas dans la première”
En effet, le mot utilisé dans une langue pour dénoter une chose ou une notion n‟en reflète qu‟un aspect marquant, c‟est le caractère elliptique du mot Ce caractère du mot est universel pour toutes les langues Chaque langue choisit pour elle-même justement un ou
deux caractéristiques quelconques d‟un objet ou d‟une notion que l‟on appelle trait
pertinent pour les nommer On peut voir multiplier les exemples destinés à illustrer le fait
qu‟un mot dans le discours ne se réfère à une chose sans jamais la décrire intégralement : il est incomplet dans chaque langue et différent d‟une langue à l‟autre mais il désigne malgré les langues la même chose ou la même notion C‟est pour cette raison, un bon traducteur ne cherche jamais une correspondance d‟un mot dans la langue d‟arrivée sans essayer de trouver ce qui dénote dans l‟autre langue cette chose ou cette notion C‟est à dire, il essayera de trouver la dénotation pertinente, celle qui permet la transmission du message
de l‟auteur et non celle qui énonce le même aspect Par exemple, si un traducteur lors de la
Trang 28traduction wrist watch de l‟anglais en français, procède à une traduction linguistique, il donnera montre au poignet, on peut le comprendre certainement mais la langue française
ne choisit pas la position de montre pour nommer l‟objet mais le moyen de le tenir Le traducteur fait comprendre ce que les mots en anglais signifient littéralement et oublie qu‟en français le même objet existe sous un autre nom C‟est pour cela que la traduction
montre au poignet paraît logique mais pas pertinente en langue française On préférera montre bracelet pour traduire wrist watch car les Français l‟emploient pour désigner
l‟objet Cet exemple nous emmène à une thèse selon laquelle chaque langue choisit un aspect de l‟objet ou de la notion pour les nommer et cela varie d‟une langue à l‟autre Alors, le travail d‟un bon traducteur ne consiste pas à chercher la signification du mot de langue de départ dans la langue d‟arrivée mais à trouver une équivalence du même objet ou
de la même notion
Le phénomène est encore plus remarquable avec le vietnamien dont les dialectes ne
peuvent être négligeables Par exemple, si on traduit le mot bol en français, cela donne plusieurs possibilités chén et bát ou đọi selon la différences géographiques au Sud, au Nord ou au Centre Mais il faut noter que si un traducteur traduit au Nord bol en chén,
dialecte du Sud, les gens au Nord comprendront ce mot mais avec une autre signification
du mot en français car la forme verbale chén signifie un verre au Nord Cet exemple ne
vise pas à présenter les différentes façons d‟exprimer dans les différentes provinces du Vietnam mais de montrer que si l‟on ne pense qu‟à la signification du mot sans tenir compte du sens qu‟il véhicule, on arrivera sûrement à faire comprendre notre auditeur mais
il n‟est pas sûr qu‟ils comprennent la même notion qu‟on veut transmettre
Ce caractère elliptique ne se limite pas au niveau du mot mais il se manifeste aussi clairement au niveau de l‟énoncé, particulièrement dans les expressions toutes faites, les adages ou proverbes Lorsque, dans différentes langues, les adages ou les proverbes expriment les mêmes idées, on peut constater qu‟elles ne s‟énoncent pas sur les mêmes compositions linguistiques C‟est dans l‟exemple qu‟on a montré au début de cette partie qu‟on peut reconnaître cette propriété de la langue En comparant les proverbes en anglais
et ceux en français, Seleskovitch arrive à une conclusion « Les expressions toutes
faites[ ]apportent la preuve que lorsque M.Smith dit telle chose en telle occasion, alors que M.Durand dit la même chose tout différemment, le choix de chacun s‟explique par les contraintes qui pèsent sur la composition de leurs énoncés respectifs Ces contraintes font
Trang 29apparaître une logique, un «génie de langue » qui conditionne la clarté de la parole » Et
elle situe aussi la place de ces expressions- là dans les relations entre la langue et le
discours « Les expressions toutes faites sont des intermédiaires entre la langue et la
parole ; elles sont moitié langue car leurs sens n‟est pas en devenir mais pré assigné, moitié parole car elles énoncent une idée mais non une hypothèse de sens»
Tout cela montre que les langues choisissent, pour exprimer une même idée, les traits marquants qui ne sont pas les mêmes d‟une langue l‟autre La traduction est discours et la langue ne contient que des significations antérieures au sens, tandis que le discours est sens
en devenir
1.1.3 Le sens
L‟observation sur l‟interprétation simultanée permet d‟expliquer „la mémoire phénoménale‟ des interprètes en déchiffrant leur processus de compréhension et de réexpression des idées transmises par l‟auteur Le choix d‟observer ce type de traduction plutôt que l‟autre pour retirer le mécanisme de traduction peut être expliqué par la vitesse
de la parole transmise dans ce type qui pose certainement des problèmes de taille pour les apprentis interprètes ou les amateurs Nous savons que l‟interprète doit à la première audition comprendre l‟intégralité d‟un texte de plusieurs minutes (Il faut souligner que notre mémoire immédiate ne peut retenir que 6 ou 7 mots, alors seulement une suite de mots de 3 secondes) et puis ensuite la rétablir pour faire comprendre l‟auditeur de la langue d‟arrivée Si l‟interprète lors de la traduction s‟arrête pour trouver un mot ou une expression soit dans la langue de départ pour comprendre soit dans la langue d‟arrivée pour faire comprendre, cela oblige les auditeurs de rétablir eux mêmes le contenu reçu Et il en résulte qu‟ils se détournent du sens transmis par l‟auteur et que la traduction ne lui rapporte plus rien La difficulté que présente l‟interprétation simultanée pousse les interprètes à
retenir les unités de sens plutôt que les formes verbales Cela ne signifie pas que ces
compositions linguistiques ne servent à rien mais elles sont les représentations graphiques des unités de sens dans une langue Comme la mémoire immédiate est extrêmement courte, lorsque les mots s‟assemblent pour former une unité de sens, l‟interprète la saisit et la transmet dans le contexte cognitif ou dans la mémoire à long terme pour laisser place aux nouvelles formes linguistiques qui à leurs tours assument la tâche de créer une nouvelle unité de sens Ainsi de suite, la chaîne est répétée jusqu‟à ce que toutes les unités de sens retenues forment le vouloir dire de l‟auteur, le processus prend alors fin
Trang 30Les unités de sens peuvent être inférées non seulement grâce aux matériels linguistiques mais aux connaissances latentes présentes chez les auditeurs Dans une communication, lorsque les auditeurs connaissent bien le thème et qui situent bien la position de l‟orateur n‟ont pas besoin de suivre le discours jusqu‟aux derniers mots avant de le comprendre et les autres censés d‟être ignorants du sujet abordé doivent attendre la fin pour savoir ce qui
a été dit Ainsi, selon les connaissances que les auditeurs apportent à leur rencontre, le discours est redondant pour certains mais trop elliptique pour d‟autres Et le nombre d‟unité de sens varie selon les connaissances de l‟auditeur On va reprendre l‟exemple
présenté par Seleskovitch dans son oeuvre Interpréter pour traduire
« Mets le verrou » pour la première personne, « Mets le verrou à cause des chats » pour la
deuxième personne et « mets le verrou, car la porte ferme mal, les chats l‟ouvrent et je ne
veux pas qu‟ils viennent faire leur griffes sur les fauteuils » pour la troisième personne Le
prolongement de la phrase dépend justement des connaissances que possède l‟auditeur Dans la première phrase, ce n‟est pas la peine d‟expliquer la raison pour laquelle on énonce une telle phrase car cela se répète, on connaît déjà la situation Mais pour les autres, ils l‟ignorent, l‟explication paraît alors dans ces deux cas nécessaires pour transmettre le message
Comme on a présenté dans la partie précédente sur le génie de langue, une langue choisit
tel ou tel trait caractéristique pour dénoter un objet ou une notion plutôt que l‟autre Cela est toujours vrai pour le discours Et c‟est ce phénomène plutôt que d‟autres facteurs qui constitue la raison pour laquelle traduire doit être procédé sur les bases du sens mais pas à travers une opération de langue Nous verrons plus loin que ce procédé est sans cesse appliqué, de manière parfaitement normale et tout à fait inconsciente par tous les locuteurs dans tous les types de discours
Prenons un exemple dans La traduction aujourd‟hui :
La phrase en anglais : « The ties were pulled down a little so the shirt collars could be
buttoned »
La traduction en français donne : « Ils avaient défait leur cravate afin de pouvoir ouvrir
leur col »
Le traducteur n‟a pas traité chaque mot l‟un de l‟autre S‟il procède à une traduction
linguistique, ce sera Les cravates étaient tirées un peu vers le bas, pour que les cols de
chemise puissent être déboutonnés » Il a vu l‟unité de sens- l‟image Il la décrit telle qu‟il
Trang 31la voit : les cravates défaites, les cols ouverts Son imaginaire s‟est ajouté au sémantisme des mots et l‟image est exprimée de façon telle que le lecteur français la voit lui aussi Le traducteur montre en français une image identique à celle qu‟évoque l‟original en employant des expressions équivalentes
Dans Qu‟est ce que la littérature ? Jean- Paul Sartre écrit :
Ainsi dès le départ, les sens n‟est plus contenu dans les mots puisque c‟est lui, au contraire, qui permet de comprendre la signification de chacun d‟eux ; et l‟objet littéraire quoiqu‟il se réalise à travers le langage, n‟est jamais donné dans le langage ; [ ] aussi les cents mille mots alignés dans un livre peuvent être lus un à un sans que le sens de l‟oeuvre en jaillisse ; le sens n‟est pas la somme des mots, il en est la totalité organique
Comme Jean-Paul Sartre a démontré le sens n‟est pas la somme des mots mais il est un ensemble déverbalisé qu‟on ne peut obtenir grâce d‟abord aux perceptions linguistiques et ensuite à des connaissances extralinguistiques L‟unité de sens est l‟unité minimale de la traduction, en-decà de laquelle, il n‟y a pas encore de sens mais seulement des mots avec des significations, préexistantes dans la langue
Le sens, l‟objet de la traduction, ne devrait être confondu avec l‟intention de l‟auteur ou la
raison pour laquelle il rédige un texte ou prononce un discours Alors dans « La
traductologie entre l‟exégèse et le linguistique », D Seleskovitch a défini le sens :
Le sens d‟une phrase c‟est ce qu‟un auteur veut délibérément exprimer, ce n‟est pas la raison pour laquelle il parle, les cause ou les conséquences de ce qu‟il dit Le sens ne se confond pas avec des mobiles ou des intentions Le traducteur qui se ferait exégète, l‟interprète qui se ferait herméneute transgresseraient les limites de leurs fonctions
1.1.3.1 Incomplétude et appréhension du sens
Le processus de traduction implique les trois phases bien distinctes mais inséparables : compréhension, déverbalisation et réexpression Ces trois phases-là sont placées dans une relation de cause-conséquence bien stricte En effet, une mauvaise compréhension donne naissance à une mauvaise déverbalisation et sans doute cela entraîne aussi une réexpression détournée du sens que veut transmettre l‟auteur Alors une étude approfondie sur chacune
de ces trois n‟est jamais inutile Ainsi, dans cette partie, on va étudier avec plus de détails
la première phase du processus Lors de la traduction, des questions de types Qu‟est ce
qu‟on comprend ? Les significations ou le sens, Qu‟est ce qu‟on traduit ? Peut-on traduire ? ne sont pas rares On essaie toujours de rétablir ce qui est compris à travers du
Trang 32texte ou d‟un discours Mais ce sont les significations ou le sens ? Lequel de ces deux éléments permet de réduire le taux d‟échec dans la saisie du vouloir dire de l‟auteur Prenons ces deux phrases ci dessous comme exemples :
1 La souris verte mange le tigre
2 Marie ne pas aller l‟école car elle a être malade
Quand on analyse ces deux phrases, au point de vue des grammairiens, il paraỵt que la première est bien construite et la deuxième ne répondent aux contraintes linguistiques de la langue car les verbes qui ne sont pas conjugués, la fausse position de la négation et un faux
participe passe du verbe être Cependant, si on tient compte du sens véhiculé, il est
facilement de reconnaỵtre que la première phrase n‟est pas sensée bien qu‟elle soit bien enchaỵnée grammaticalement alors que la deuxième fourmillant de maladresses linguistiques peut être comprise et alors peut être traduite La première phrase suppose qu‟une souris de taille d‟un ballon peut manger un tigre de taille d‟un boeuf Cela ne correspond pas jusqu‟à présent au contexte réel Elle évoque une situation invraisemblable L‟observation de ces deux exemples nous amène à une conclusion que le sens d‟une phrase n‟est pas déterminé par l‟exactitude dans la construction grammaticale mais par sa vraisemblance qu‟on peut vérifier dans la réalité à l‟aide des savoirs extralinguistiques présents chez le traducteur
Nous avons affaire donc à deux types de sens, celui que présente la phrase isolée et celui que présente l‟énoncé intégré dans un contexte et dans un savoir pertinent La première phrase est interprétée grâce aux connaissances purement linguistiques, alors on ne comprend que des signifiés en langue mais la traduction n‟est qu‟une hypothèse sur le sens, et traduction qu‟on peut en donner n‟est elle aussi qu‟une hypothèse Dans le second cas, celui d‟une phrase intégrée dans un contexte réel à laquelle participent aussi les connaissances extralinguistiques, le savoir pertinent, la compréhension de l‟énoncé s‟appuie sur ce savoir pertinent, sur ce contexte cognitif et la traduction devient possible,
sa traduction ne dépend que du talent du traducteur
L‟appréhension du sens d‟un texte ou d‟un discours ne peut se faire dans la mesure ó le traducteur sait les mettre dans le contexte ou la situation et mobiliser le contexte cognitif
ou le savoir pertinent La recherche du sens hors du contexte ou faute de connaissances extralinguistiques risque de fausser le sens, le vouloir dire de l‟auteur lors de la
réexpression
Trang 33Une phrase mal construite au plan grammatical peut faire transmettre quand même le message, le vouloir dire de l‟auteur si le traducteur sait réactiver son bagage cognitif et quand il n‟essaie pas de trouver un mot correspondant dans la langue d‟arrivée mais celui qui dénote la chose ou la notion que l‟auteur implique
L‟appréhension du sens d‟un énoncé dépend beaucoup des connaissances linguistiques et encyclopédiques que possède le traducteur Et dans son oeuvre, Seleskovitch a présenté les effets créés par ces connaissances lorsqu‟elles sont jugées insuffisantes ou redondantes à travers les deux exemples ci-dessous Un consiste à montrer qu‟une formulation dont la signification purement linguistique laisse entendre un sens différent du sens voulu par le locuteur, peut être compensée par l‟existence de connaissances appropriées chez le récepteur et l‟autre montre le contraire lorsque le récepteur ne dispose pas de connaissances nécessaires, le sens d‟une formule qui paraỵt évidente aux autres, devient cachée pour le récepteur
Le premier exemple, c‟est une information dans le Monde du 18 septembre 1973 qui porte
le titre « Le slogan rectifié » :
« Les autorités de Pékin avaient remplacé vendredi, dernier jour du président dans la capitale, le slogan : „Chaleureuse bienvenue au président Pompidou‟, par cet autre, en principe plus adapté aux circonstances : „ Saluons chaleureusement le départ de M Pompidou‟ »
« Certains journalistes français ayant fair comprendre discrètement à leurs hơtes que cette formule étaite quelque peu ambigüe et équivalait à se réjouir du départ du visiteur, on chercha une meilleure traduction de la formulation chinoise Après consultation, les deux
«parties » retinrent : „Chaleureux au revoir au président Pompidou‟ C‟est ce slogan qui, comme par enchantement, a fait son apparition ce lundi dans les rues de Changhạ en grandes lettres blanches sur fond rouge »
L‟enchaỵnement des mots saluons chaleureusement le départ de M Pompidou est effectivement clair ; en langue il signifie : nous nous félicitons vivement que M Pompidou
s‟en aille (seul chaleureusement peut faire hésiter un peu ) Cependant, la différence
même contradictoire du contenu de l‟énoncé avec les connaissances des journalistes (Chacun sait que l‟accueil exceptionnellement chaleureux réservé par Pékin au Président
de la République Française) les incitent à comprendre l‟énoncé avec un sens tout à fait différent Ils ne comprennent pas seulement la langue et puis ensuite se basent sur cela
Trang 34pour juger le comportement des autorités chinoises mais sur leurs expériences à Pékin Le savoir pertinent des journalistes a permis le rétablissement de la formulation linguistique avant de comprendre le non voulu de l‟énoncé La réactivation du contexte cognitif ou du savoir pertinent au profit du sens de l‟énoncé n‟est pas rare sans que les traducteurs en
prennent conscience
Un autre exemple ó l‟absence du contexte cognitif ou le savoir pertinent bloque la saisie
du sens ou du vouloir dire de l‟auteur Cette lacune dans la compréhension donne naissance à une formulation purement de langue La reine Marie-Antoinette, en prononçant
son trop fameux : « Ils n‟ont pas de pain ? Qu‟ils mangent de la brioche ! » montre de
manière caricaturale qu‟il est impossible d‟interpréter une phrase lorsqu‟on n‟a rien d‟autres que la langue et ses significations sur lesquelles on prend appui Les cris de la foule demandant du pain avaient été compris en langue, c‟est à dire au pied de la lettre Pour en comprendre l‟esprit, il lui fallait à la reine une connaissances sur les conditions de vie du peuple qui sont tout à fait au delà du savoir de la reine
Ces deux exemples nous montrent une grande importance des connaissances extralinguistiques ou le contexte pertinent dans l‟appréhension du sens en particulier, donc dans la traduction en général Sans ce savoir pertinent, les traducteurs se contentent toujours d‟une traduction hors du contexte qui se base seulement sur la langue et de transmettre des significations de langue d‟origine sans se demander si elles font passer le sens
1.1.3.2 Incomplétude et expression du sens
Au plan de l‟émission du discours, la longueur et la précision d‟un énoncé du locuteur varient selon le bagage cognitif supposé chez son auditeur Plus les connaissances communes entre le locuteur et l‟auditeur sont grandes, moins il est nécessaire d‟être explicite Et moins la plage de connaissances commune entre les interlocuteurs est grande, plus il faut un prolongement dans la présentation ou dans l‟explication pour faire passer une idée Mais il est toujours vrai que la langue exprime souvent son caractère elliptique, c‟est à dire elle évoque un non-dit en plus de son dire Et pour saisir ce non-dit, il faut aux traducteurs mettent en disposition des connaissances préalables sur le sujet qui complètent
le dire de l‟auteur Cela veut dire que le sens n‟a pas de lien fixe avec une formulation linguistique donnée mais des savoirs préacquis soit lors de la lecture ou de l‟audition soit dans la vie Prenons cet exemple ci-dessous pour l‟illustrer :
Trang 35Dans une classe de traduction au CFIT, Centre français d‟interprétation et de traduction, le
professeur demande aux étudiants au de parler sur ce sujet « Les inconvénients de la
délocalisation» Une phrase toute courte mais implique bien de connaissances là dedans Si
on n‟arrive pas à déchiffrer le sens de cet énoncé si simple avec des significations bien claire c‟est parce qu‟on ne le prend qu‟au pied de la lettre Quand le professeur demande
aux étudiants de parler sur la délocalisation, il suppose que ses étudiants comprennent déjà
ce qu‟implique cette notion Ce n‟est pas la peine de l‟expliquer dans la consigne Ils ont
déjà acquis les connaissances sur la délocalisation et il leur faut maintenant d‟abord
comprendre la consigne, c‟est à dire de saisir son sens et présenter les inconvénients Avec
le même travail, c‟est de présenter les inconvénients de la délocalisation, mais on le demande aux étudiants de première ou deuxième année de langue qui n‟ont pas encore des connaissances préalables sur le thème abordé Il est fort sûr que le professeur doit d‟abord expliquer ce que la délocalisation signifie et comment cela se passe maintenant dans le monde avant de faire parler de ses inconvénients Alors, une conclusion tirée, c‟est que avec le même sujet mais selon le public différent, on procède d‟une façon bien différente
Le fait de donner des décisions n‟est donc pas toujours nécessaire dans tous les cas C‟est l‟écart entre les connaissances des interlocuteurs explique la condensation et l‟expansion
de l‟énoncé adressé à l‟auditeur C‟est une adaptation inconsciente de la part du locuteur afin de faire circuler son vouloir dire
La différence entre les types d‟expression entraîne aussi les caractéristiques bien distincts mais n‟empêche pas à ces deux formes écrite ou orale de parvenir au but final, c‟est de faire comprendre l‟interlocuteur en transmettant un certain nombre d‟idées Le scripteur qui s‟adresse à un public beaucoup moins déterminé que celui du discours oral Il a du temps à prendre conscience de façon précise les formes, les mots qu‟ils utilisent dans son oeuvre En plus, il peut aussi revenir en arrière pour vérifier la concordance entre la langue dont il s‟en sert et son vouloir dire qu‟il veut faire comprendre ses lecteurs Alors il peut construire son propos en revenant sur la forme des mots Contrairement à l‟écrit, l‟oral se fait à une vitesse de la parole L‟orateur ne vient jamais en arrière mais ajoute bout à bout ses énoncés pour construire et préciser sa pensée Il n‟est pas rare de voir pendant l‟énonciation apparaissent des lapsus, des redites, des phrases inachevées mais cela ne bloque pas la compréhension chez les auditeurs tant qu‟ils sont placés dans une situation précise ou dans un contexte cognitif En effet, ces phénomènes que la linguistique
Trang 36traditionnelle considère comme des ratés de la langue ne font pas disparaỵtre la cohérence
de l‟énoncé Et la correction grammaticale et la cohérence de l‟énoncé hors du discours ne
se cọncident pas, la première faisant uniquement à un mécanisme linguistique, la seconde faisant appel en outre à un savoir extralinguistique
1.2 Une bonne traduction
La traduction ne vise pas à chercher d‟un mot de la langue d‟origine dans la langue d‟arrivée sous peine de fausser presque toujours le vouloir dire de l‟auteur Le travail d‟un
bon traducteur consiste à d‟abord « éplucher » la forme linguistique pour saisir le sens d‟un texte ou d‟un discours car le sens n‟est pas la somme des mots, mais il en est la totalité organique et enfin à choisir dans la langue d‟arrivée les moyens linguistiques en fonction du contexte dans lequel se forme l‟énonciation
Ce travail peut être systématisé dans deux processus différents mais indissociables l‟un de l‟autre : la compréhension et l‟expression
1.2.1 La compréhension
L‟interprète qui se concentre sur l‟appréhension des idées, comme tout autre auditeur normal qui ne s‟intéresse pas à ce que veulent dire les mots mais à ce que veut dire la personne qui parle Mais il n‟y procède pas étape par étape, par exemple, il ne commence pas par noter que M.X doit être un homme d‟abord et ensuite un monsieur qui s‟appelle X Quand il voit M.X, c‟est l‟image de M.X qui s‟établit dans sa tête avec tout ce qu‟il connaỵt sur ce monsieur là Cela veut dire que la compréhension bien qu‟elle implique les étapes différentes mais l‟acteur de cette activité la réalise de façon inconsciente
Comprendre un texte, c‟est faire appel à non seulement à des connaissances linguistiques mais aussi à des langues extralinguistique ou encyclopédique Comme la compréhension est une activité globale, il est tellement difficile de la diviser en phases distinctes Ainsi, dans cette partie, on tentera seulement de caractériser les composants de ce processus et de soulever leurs rơles dans la compréhension ou dans la traduction en général
1.2.1.1 Comprendre la composante linguistique
La compréhension de la composante linguistique, étant celle de l‟explicite linguistique, correspond à la connaissance de la langue
Le savoir linguistique est l‟ensemble des savoirs sur la lexicologie, morphologie, phonétique, la grammaire Tout au long de la vie se verront s‟enrichir les connaissances lexicales dont certaines s‟oublient et d‟autres sont plus durables tandis que les
Trang 37connaissances grammaticales, phonologiques, morphologiques ou grammaticales restent plus tơt stables
Les connaissances linguistiques appartiennent au bagage cognitif et jouent un rơle incontestablement important dans la compréhension et la réexpression
Comme il n‟existe pas de bilingues parfaits, il est nécessaire de distinguer chez le traducteur les connaissances de langue maternelle, dite langue A, dans laquelle il va traduire et celles de langue étrangère, dite langue B dans laquelle sont écrits le texte ou le discours Lors de la traduction, il est évident de voir les interférences entraỵnées par ces deux connaissances l‟un sur l‟autre La maỵtrise de langue B permet aux traducteurs de comprendre ce qu‟évoquent les mots sans être capables de s‟en servir activement et vice versa, les connaissances lacunaires de la langue B peut exercer des influences néfastes sur
la traduction car elles faussent le vouloir dire de l‟auteur Non seulement les connaissances
de langue B amènent les traducteurs à une bonne traduction mais celles de langue maternelle, langue A leur permettent de produire une traduction compréhensible de la communauté de langue d‟arrivée Il nous arrive des fois ó le sens du texte est bien saisi mais la recherche d‟un mot dans la langue d‟arrivée n‟est pas toujours facile
Et dans son oeuvre Traduction aujourd‟hui, Lederer a écrit :
« Seule une excellente connaissances de langue originale donne directement accès au
sens ; seule une excellente maỵtrise de langue d‟arrivée permet la réexpression adéquate
de ce sens » [23 :34]
1.2.1.2 Comprendre les implicites
La compréhension n‟implique pas seulement celle de ce que l‟auteur dit en apparence mais aussi ce qu‟il veut dire et transmettre à travers son texte ou son discours Alors elle embrasse celle des présupposés et des sous-entendus, qu‟on peut nommer les implicites Si seule la connaissance de langue donne accès à la compréhension des explicites, cette connaissance en combinaison avec celles du monde, le contexte cognitif permettent de relever les implicites dans ce que dit l‟auteur
Les présupposés font partie de l‟association des signifiés à la connaissance du monde tandis que les sous-entendus désignent l‟intention de l‟auteur quand il écrit un texte ou
prononce un discours Au colloque Comprendre le langage tenu en 1980, Catherine
Kerbrat-Orecchioni décrit :
Trang 38« La façon dont le récepteur d‟un énoncé en extrait certaines informations sémantico pragmatiques à l‟aide de tout à la fois de ses compétences linguistiques et extralinguistiques [ ] Ainsi un énoncé tel que „Pierre a cessé de fumer‟ est susceptible de véhiculer les informations suivantes :
„Pierre actuellement ne fume pas [ ]
Pierre fumait auparavant » [23 :34]
Ces deux énoncés inférés de l‟énoncé Pierre a cessé de fumer sont ses deux présupposés et
le même énoncé fait circuler aussi des sous-entendus tels que :
« Ce n‟est pas comme toi qui continues à fumer, tu ferais bien d‟en faire autant, prends-en
de la graine
Cependant, lors de la traduction, le traducteur essaie de relever toutes ces implicites pour comprendre le sens du texte en les reliant à son explicite mais ne traduit que les présupposés Les sous-entendus devraient être laissés au public
Le phénomène de l‟explicite est très général et dans les langues comme les discours, il relève de la synecdoque La langue n‟exprime pas tous les aspects d‟un mot ou d‟une expression Elle choisit justement un trait typique ou trait pertinent pour nommer l‟objet ou une notion Le même phénomène se passe avec le discours En effet, l‟auteur ne traite pas d‟un sujet de façon exhaustive mais il implique le non dire en plus de son dire Et c‟est au traducteur de combiner ces deux éléments pour saisir le sens du texte et enfin réexprimer dans la langue d‟arrivée
1.2.1.3 Les compléments cognitifs
Pour que le sens que comprend le traducteur rejoigne le vouloir dire de l‟auteur Il faut qu‟ils aient les connaissances en commun sur le sujet On sait tous que ces connaissances
là ne sont pas les mêmes les uns chez les autres mais elles doivent être suffisamment partagées pour que les éléments cognitifs qu‟ajoute le traducteur à l‟explicite de l‟énoncé soient pertinents et pour que le sens n‟ait rien d‟hypothétique En effet, les éléments cognitifs permettent la compréhension de l‟explicite ou d‟implicite dans ce qu‟il dit ou écrit, l‟auteur Et on peut facilement reconnaître que plus les connaissances sur le sujet des traducteurs sont grandes, moins ils ont besoin d‟écouter les derniers mots avant de comprendre le texte et vice versa
Munis de ces savoirs en commun, les lecteurs peuvent non seulement comprendre le vouloir dire de l‟auteur mais ils peuvent aussi le corriger, de le contrer ou de le compléter
Trang 39Mais ce n‟est pas le cas des traducteurs Ces derniers n‟ont qu‟à transmettre le sens que veut exprimer l‟auteur à travers l‟énonciation
Ces savoirs qu‟on nomme les compléments cognitifs constitués d‟une somme de connaissances variées et variables sont utilisés pour exprimer le vouloir dire comme dans
le cas de l‟auteur ou pour mieux comprendre les sens si on est récepteur, plus précisément traducteur
Le rôle de ces éléments dans la traduction n‟est incontestable Dès 1971, François Richaudeau écrivait :
« Chaque mot possède généralement plusieurs sens, le choix du signifié particulier au texte
lu dépend des mots de la phrase qui entourent le mot concerné ; mais aussi des phrases précédentes, de la matière du sujet traité dans l‟ouvrage, de l‟école de pensée de son auteur ; et puis aussi du lecteur, de son niveau culturel, peut-être même de son humeur, etc» [23 :34]
Ou Valery Larbaud :
« Les mots d‟un Auteur sont imprégnés et chargés de son esprit, presque imperceptiblement mais très profondément modifiés quant à leur signification brute, par ses intentions et les démarches de sa pensée, auxquelles nous n‟avons accès que grâce à une compréhension intime de tout le contexte » [23 :34]
L‟accès à cette compréhension intime demande ces quatre éléments suivants le cognitif et
l‟affectif, le bagage cognitif, les connaissances extralinguistiques, le contexte cognitif
Tout cela se combine pour former le sens d‟une énonciation
1.2.2 L‟expression
Le traducteur, au delà de la faculté du langage et la maîtrise de la langue maternelle, présentées chez tout individu, possède encore la capacité de rédiger le texte Après avoir saisi le sens que veut transmettre l‟auteur, un bon traducteur n‟essaie pas encore de les traduire en lettres tout de suite mais de ressentir les émotions, les sentiments envoyés dans l‟énonciation par l‟auteur Par conséquent, il est devenu, lors de la traduction, le maître de l‟expression s‟il n‟est pas celui du contenu
Pourtant, ce travail nécessite chez les traducteurs la capacité de reverbaliser ce qui est compris avec une analyse justificative et en gardant l‟identité du contenu et en trouvant une équivalence de forme
1.2.2.1 La reverbalisation
Trang 40Dans cette partie, nous essayerons de définir le processus de réexpression du traducteur à travers différents points de vue chez Jean Deliste ainsi que chez Laurence Bastit Sous le titre de « La reverbalisation », Jean Delisle exprime ce processus comme suit :
La recherche de la formulation la plus pertinente s‟opère plus ou moins à tâtons par les mécanismes conscients et subconscients de la pensée Les informations sont convoquées ou évoquées par la mémoire encyclopédique Au cours de cette exploration, les solutions intermédiaires que le traducteur rejette comme insatisfaisantes sont autant de jugement portés sur l‟inadéquation d‟un contenu et d‟une forme[ ]
Il arrive que la découverte d‟une équivalence se produise plus ou moins spontanément Dans ces moments d‟ « inspiration » [on trouve] une compréhension parfaite des idées à rendre alliée à une disponibilité totale des moyens linguistiques pour les exprimer [ ] Dans d‟autres cas, par contre, le cheminement de la reformulation est plus laborieux ; il faut « provoque » les rapprochements analogiques et tenter de suivre plus consciemment les méandres de la pensée [ ] afin de déclencher le mécanisme conduisant à la découverte d‟une équivalence acceptable
Vient alors une lecture du texte réfléchissant sur les éventuelles difficultés de tous ordres qu‟il va poser pour la traduction ; un relevé par écrit peut aider à les fixer À laisser encore quelque temps passer, le même processus de recréation plus ou moins inconscient
va déjà apporter des éléments de réponses