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Luận án tiến sĩ luật học: Du nantissement a la sûreté de parts sociales et d''actions en droit vietnamien (Approche comparative, critiques et propositions)

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THÔNG TIN TÀI LIỆU

Nội dung

Trang 1

UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)(DROIT - ECONOMIE - SCIENCES SOCIALES)

Maison du Droit Viethamo-Frangaise BIBLIOTHEQUE

DU NANTISSEMENT A LA SURETEDE PARTS SOCIALES ET DˆACTIONS

EN DROIT VIETNAMIEN

(APPROCHE COMPARATIVE, CRITIQUES ET PROPOSITIONS)

THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT

(ARRETE DU 30 MARS T992 MODIFIE PAR LTARKISEE DU 25 AVRIL 2002)

PRESEN TEE FP SOUEE NUE PUBLIQUEMENTE LE 28 PEVRIER 2005DEVANE LE JURY DE LSUNIVERSITE DE PARIS TI

Directeur de recherches : M Christian LARROUMET

PROFESSEUR A L’UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS PARIS II

Mine Blandine MALLET-BRICOUT

PROPESSEUR AL’ UNIVERSITE JEAN-MOULIN LYON III

Mime Maric-Pierre DUMONT

PROFESSEUR A L°UNIVERSITE MONTPELLIER I

THENHU2005

Trang 2

LUincrxuUue PANTHEON - ASSAS (PARIS II) Droit - Economie - Sciences Sociales n'entenddonner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les théses, ces opinionsdevront étre considérées comme propres a leurs auteurs.

Trang 3

A mes parents,

A mon mari et notre fille Bao Chau

Avec gratitude et affection.

Trang 4

Je tiens à remercier Madame Joéle NGUYEN DUY TAN et Mademoiselle Dorothée COCHET

qui, en lisant avec beaucoup de soins chaque page de mon manuscrit, ont largement contribué

à l'ameéliorer.

Je remercie Madame NGUYEN Thuy Hien, Directrice de l'Office National d'Enregistrementdes Transactions de Stireté, Monsieur PHAM Tuan Ngoc, Directeur du Centred'Enregistrement des Transactions de Stireté, l’Office National de l Enregistreinent desTransactions de stireté appartenant au Ministére de la Justice du Vietnam, MonsieurNGUYEN anh Trong, le Directeur Adjoint du Département de la Politique Moneétaire de la

Banque (Ù tat du Vietnam, et Maitre Nicolas AUDIER, Chef de la Succursale a Hanoi? du

Cubinet d’avocats GIDE LOYRETTE NOUEL, pour les entretiens qu’ils ont bien voulumeaccorder Hs ont ainsi contribué considérablement a l’approfondissement de plusieursquestions traitées dans la présente these.

Je tiens a remercier également Monsieur John BENTLEY, lancien conseiller du PNUDaupres du Ministére de la Justice du Vietnam dans le cadre des Projets VIE/94/003 et

VIE/96/001, Monsieur DINH Trung Tung, Directeur du Département du Droit Civil etLeonomique, Ministere de la Justice du Vietnam, qui mont fait consulter des documents

precieux et particuliérement utiles pour ce travail.

Qwiils veuillent bien trouver ici l’expression de ma trés profonde reconnaissance !

Trang 5

INTRODUCTION cóc cckcckeSHYH 1kg nang n4 4088800665484188185550880651384848901845X804610451404E4/570088.050 6

TIPRE PRELIMINAIRE : L?EVOLUTION JURIDIQUE AU VIETNAM AVANT LE CODECIVIL DE 1995 ET SES CONSEQUENCES SUR LE DROIT DES SURETES «.- 15

Chapire Premier: L’evolution juridique de 1858 a 1954 - de Uinfluence préponderante du droit

francais ala deelaration tÍ THUẾ CHBCHUH DI sua tanog gui: an mmieaemonsemumenmne Tà gi T3 RETR 845.308 17Chaptre Deunieme : Loévolution juridique de 1954 a 1975 — « deur ỨiCIHANN » oc 49Chaptire Troisiéme ; L 'óvolution juridique de 1975 a 1995 - de l'economie planifiée centraliséetT EE I enero ạt th that ee Ee tí Re 3E eee row 64

PREMIERE PARTIE: L’AMBIGUITE DU DROIT POSITIF VIETNAMIEN DU

NANTISSEMENT DE PARTS ET D’ ACTIONS ccssssscocsssesesteninsseessansesnsssasetnsesivanesaiavssanscases 81

TITRE PREMIER : LES DIFFICULTES INHERENTES A LAPPLICATION DUN DROIT COMMUN DU GAGEAMBIVALENT incase assmemnen aceon na aan ET oR EERE 83

Chapitre Premier : Un droit vietnamien du gage soumis a linfluence de cultures juridiques

[U01 nã 40112 EÌ: aadầđddiidiiddiiddddẳaẳdẳddaiaẢẢẢÕỶẢÝẼỶÃÔỔỐ 86Chapitre Deuxiéme : L'ambigiiite du droit vietnamien du gage conséquence de cette doube1/11/0001 144

TITRE DEUNIEME : LES DIFFICULTES SUPPLEMENTAIRES SPECIFIQUES AU NANTISSEMENT DE PARTSOW ACTIONS ằ Ằ.Ặ.ÀA e 195

Chapitre Premier: Les difficultés dans la determination de la nature du nantissement de parts et

Chapitve Deuxieme » Les difficultés liées au régime juridique du nantisscment de parts et

gL) eee ae 215

DEUXIEME PARTIE: VERS UN NOUVEAU DROIT VIETNAMIEN DE LA SURETE DEPAINTS ET DP ACTIONS sueveeeeseraarnnddreinnnroodtiontostdoiaiEidEDESEAEDDĐSG0001983/99300309ĐV.GEWSHSI0803000G/007R0S034100035E 244

TH TRE PREMIER : LAPPORT DU DROIT COMPARE DANS LA RECHERCHE DE SOLUTIONS 246

Chapttre Premier : La possibilité et la nécessité du recours aux solutions de systémes différents

ee eT TT , 247

Chapitre Deuxieme : Le retour vers deux sources de référence eH la natÈFG 264

TYRE DEUXIEME : L’> ESQUISSE DUN DROIT FONCTIONNEL DES SURETES DE DROITS SOCIAUX EN

PHAGE AVISC Lit SITUATION DU VIEINAM ccmomcmummmrnonnaneme a SU3N100351: 0U S08NNL-0G001898855131025 00883800 313

Chapitre Premier : Quelle nature pour les stiretés de droits SOCIAUN che 315

Chapitre Deuxiéme : L’essai d'un nouveau régime juridique des stiretés de droits sociaux 344

CONCLUSION GENERALUE, HH Họ HT TU ng TH T00 0108010808056 396

ANNEXE 1: TABLEAU RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS Qu csscsssessssssseessensesneseees 398

ANNEXE 2 : TEMTES JURIDIQUES VIETNAMIENS RELATIFS A LA SURETE DE

19000000 07 vy711111.,Ọ 404

ANNEEXE 3: ENP RETIENS AVEC аAUTOREFTES VIETNAMIENNES ET DE

PROPESOION NEIL JON ILA, NATED, sccccesonneconnaaspenannmunrnemmemecene neem 512

01)0))0 1Ð 0g g0 0n nang ốc ố.ố 526

INDIEN ce cescsssseeeessescessesevsessescsassesscsesescneeseenansssssecesseasecuseenseesusenssssesassnsnasacesesesssnesssnsaesesnsacsesssassenees 540pe ee ot tnggnsoobetioioigtDntirhdbsinietfc0E00008I00G100GE0T899M0EBSI-DSHUGI19/00001800/000gi0U738S0141G00083N0/78000:050030838/.75 543

Trang 6

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

BAD ou ADBBERD

Bull civ.

C civ.C; COM,C mon fin.CIEM

CNUDCI ou UNCITRAL

et al.MI

MPIop cll.

Banque Asiatique du Developpement

Banque Européenne de la Reconstruction et du Développement

Bulletin des arréts des chambres civiles de la Cour de Cassation

Code civil (frangais)

Code de commerce (frangais)

Code monétaire et financier (frangais)

Institut Central pour le Management Economique (Vietnam)Commission des Nations-Unics pour le Droit Commercial

Librairic générale de droit et de jurisprudenceMekong Pr ject Development Facility

Ministere du Plan et de l’Investissement du Vietnam

Opere citato (dans I’ ouvrage précité)

Programme des Nations-Unis du DéveloppementRépertoire du notariat Defrénois

Uniform Commercial Code

Trang 7

INTRODUCTION

Trang 8

I Le Vietnam — données géographiques : Le Vietnam, avec 3.260 km de cơtes,

constitue la garniture orientale de la péninsule indochinoise I sappuie au nord contre laChine, à l’ouest contre le Laos et le Cambodge et s’ouvre amplement a l’est et au sud sur lePacifique et 1’Océan Indien Situé au cœur du Sud-Est Asiatique, le Vietnam occupe uneposition stratégiquement importante, son territoire a été |’objet de plusieurs invasions, ce qui

rend son histoire riche d’événements et particulièrement mouvementéc.

Sur une superficie totale de 332.000 km”, les trois quarts du territoire vietnamien sont formés

de montaynes et de plateaux Deux deltas constituent le quart restant ó habite la majorité de

la population : Delta du Fleuve Rouge, au Nord, avec une superficie de 15 000 km”, et delta

du Fleuve Mékong, au Sud, avec une superficie de 40 000 km” Bénéficiaire d’un climattropical humide, le Vietnam est un pays principalement agricole Par ailleurs, avec 1.560 kmde distance (a vol d’oiseau) entre les deux points extrémes nord et sud, et 600 km de distancemaximale mais 50 km seulement de distance minimale est-ouest (Quang Binh, au centre duVictmam), la circulation trans-régionale au long du pays n’est pas facile, et de ce fait,

l'industrie et le commerce du Vietnam sont peu développés.

Au sein de ce territoire, les Kinhs (Viets) constituent l’ethnie majoritaire, 53 autres ethniesrésident de génération en génération dans les montagnes éloignées, totalement réfractaires de

toute assimilation des civilisations étrangères.

2 Données historiques : La situation historique du Vietnam est caractérisée par demultiples invasions étrangères Les premicres invasions chinoises commencerent dés lan 214

avant J.-C., entrainant une occupation chinoise de plus de mille années de 111 avant J.-C.

jusqu’en 939’ L’influence inévitable de la culture chinoise sur la culture vietnamienne, dontlintroduction du confucianisme constituant «1’Aame de l’ancien Etat vietnamien »’, fut lerésultat de cette domination Pourtant, les Chinois ne réussirent pas a assimiler complètementIcs Viietnamiens Ces derniers, dont le sentiment national est extrêmement fort, ne cessérent de

lutter contre leurs colonisateurs, histoire du Vietnam témotgne ainsi de plusicurs puerres

d”indépendance durant cette période.

' Pierree-Richard FERAY, Le Vietnam (des origines lointaines a nos jours), Collection Que sais-je ?, Presses

Universsitaires die France, 1984, p 12

* Philippe LANGLET, La philosophic de la loi et lesprit confuccéen, i Ilistoire de la Codification Juridique auVietnam, Faculté de Droit de Montpellier, Collection Temps et Droits, février 2001, p 15

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La colonisation francaise, a l’origine d’ordre religieux, dura près de 100 ans de 1858 a 1954.La conquéte fut réalisée d’abord par l’expédition des troupes frangaises et espagnoles aTourane (1858), puis successivement par une série de traités dont celui de 1862, accordant a laFrance le libre exercice du culte catholique, la libre circulation sur le Mékong, le droit decommerce avec l°ouverture de trois ports, la cession de la Cochinchine, de 1885, aux termes

duquel la Chine accepta la tutelle frangaise sur le Vietnam' Pendant ces 100 années, la

pénétration francaise fut notable au Vietnam, surtout 4 partir de 1885 lorsque « l’importancede la classe lettrée diminua progressivement » a la suite de Péchee d’une de ses grandes

Les caractéres chinois et vietnamisés (Han et Nom) furent remplacés au fur et 4 mesure par lequoc ngu, langue écrite plus facile 4 apprendre, inventée par les missionnaires italiens et

portugais, puis perfectionnée par un Frangais, le Père Alexandre de Rhodes’ « Cette

substitution ne devait d’ailleurs étre qu’une étape, le guoc ngu allant lui-méme faire place aufrancais »' Des écoles franco-annamites et des établissements congrégationnistes furerit mis

en place afin de former pour la colonie un corps de cadres suffisamment qualifiés Ces écoles

et établissements attirérent les enfants des chefs de cantons et des mandarins, |’élite du pays.

Plus tard, ce fut cette méme élite, influencée fortement par la culture et civilisation frangaise,qui ne cessa de lutter pour faire valoir ses droits de citoyens et le droit a l’indépendance du

Vietnam, les écoles devinrent « le lieu par excellence de la confrontation entre « colonisés » ct« colonisateurs » »° II s’agissait de combats d’inspiration patriotique, au cours desquels etavec le role d’une personnalité célèbre, Nguyen Ai Quoc, devenu plus tard Ho Chi Minh,Pidéologie communiste fut introduite au Vietnam La création du Parti Communiste en 1930,la révolution d’aotit 1945 dirigée par le Parti et la victoire de Dien Bien Phu en 1954 mirentfinalement un terme a la colonisation francaise, ouvrant la voie a l?influence ultérieure deI*Union Soviétique et des autres pays socialistes sur la société vietnamienne.

Bien avant cette date, les Américains avaient l’ambition, plus ou moins claire, de remplacerles Frangais en cas d’échec de leur politique Les Accords de Genéve, dont le contenu fut de

regrouper les forces adverses de part et d’autres du 177 paralléle cn attendant les élections

Pierre-Richard FERAY, op cit., pp 22-23

7 Nicole-Dominique LE, Les missions étrangéres et la pénétration francaise au Vietnam, Publications de |’ Institutd'Etudes et de Recherches Interethniques et Interculturelles, Mouton, 1975, p 8

* Thid., pp 86-87

* [bid., p 87

* Pierre-Richard FERAY, op cit., p 39

Trang 10

générales devant être organisées avant le 20 juillet 1956 pour décider du régime definitif, ont

éle remis en cause, d’une part, lors de la création, le 8 septembre 1954, de ?POTASE(Organisation des Territoires de I°Asie du Sud-Est), l’alliance atlantique comprenant, entreautres, les Etats-Unis et la France et, d’autre part, par le refus en juillet 1956 de Ngo Dinh

Diem, homme fort des Américains!, d’organiser les élections prévues a Genève La ligne de

démarcation temporaire se transforma en ligne de division des deux Vietnams La RépubliqueDémocratique du Vietnam, au Nord, dirigé par le Parti du Travail (ultéricurement le Parti

Communistc) s’est orientée vers le socialisme a partir de 1959, se rapprochant ainsi de laChine et de l’Union Soviétique La Republique du Vietnam au Sud adopta un régime de type

presidenticl, était en réalité un protectorat américain La présence américaine prit la forme de

missions «experts et de conscillers pour aider administration Les Etats-Unis évincèrent lesFrangaises et américanisérent la société vietnamienne du Sud’ Les Américains participérentprogressivement au combat a compter de 1961 pour maintenir le régime du Sud du Vietnam,

et ne se retirérent du Vietnam qu”après avoir constaté que leur politique de bombardements

par les B.52 sur les grandes villes du Nord du Vietnam étaient inefficaces, ce qui les obligea a

signer, le 27 janvier 1973, les Accords de Paris sur la cessation de la guerre et le

rétablissement de la paix au Vietnam La présence américaine n’a pas laissé de tracesprofondes dans la société vietnamienne.

La chute du gouvernement de Saigon en avril 1975 a conduit finalement à la réunification dupays A lissue d’une longue guerre avec des ressources épuisées, une croissancedémographique forte et une inexpériences de la gestion économique, le Vietnam s’est trouvéconfronté aux réalités d’une crise importante de 1978 4 1986, connues comme étant « lesannées noires »”,

3 Le Parti Communiste de la République Socialiste du Vietnam est sorti de la crisepar la mise en place d’une nouvelle politique, dite Doi moi (Rénovation), adoptée endécembre 1986 lors de son Vle congrés Cette politique se caractérise par |’abandon dusysttime de subvention des entreprises Ctatiques, la reconnaissance du secteur privévictnaimien ct Pouverture aux investissements étrangers En 1992, la nouvelle Constitution a

prévu le dévcloppement dune « économic marchande a plusicurs composantes, [onetionnant

‘Avant la sipnature des Accords de Geneve, les Américains avaient imposé Ngo Dinh Diem au poste de Premier

ministre: de Bao Dai, Diem dépouilla ce dernier du pouvoir supréme par suite d'un référendum truqué en octobre1955

> NGUYEN Khac Vien, Histoire du Victnam, Editions Sociales, 1973, p 239` Pierre-Richard FERAY, op cit., pp 94-96

Trang 11

selon le mécanisme du marché placé sous la direction de |’Etat et suivant [orientationsocialiste »' pour remplacer une économie de planification centralisée prônéc durant lesannées précédentes.

4 La politique de Rénovation est loin d’avoir les pouvoirs d’une baguette magique.Des années après la guerre et six ans aprés le début de la politique de la Renovation, lapauvreté, surtout rurale, était encore le probléme le plus important, le plus réel Ju Vietnam.Une enquéte réalisée cn 1992-1993 a constaté un taux de 51% de la populatilo+ vivant au-dessous du seuil de pauvreté Parmi les pauvres, 90% étaient des ruraux et ils représemtaient

80% de la population totale” De nombreuses causes ont été identifiées dont la plus importanteétait le manque đe capitauxỶ.

5 Le Gouvernement du Vietnam prenait conscience de cette situation Ainsi, dés lelendemain de la Rénovation, le 29 décembre 1987, unc loi sur les investisscments ctramgers aété adoptée Cette loi, amendée à plusieurs reprises et refondue entièrement en 1°96, a assuré

un flux d’investissements directs étrangers ‘importants’ représentant environ un tiers del’ensemble des investissements du pays.

Avec le méme objectif, la loi relative aux entreprises privécs et la loi relative aux sociétiés ontété adoptées le 2F décembre 1990 lors de la Ville session de l’Assemblée Natonale de laRepublique Socialiste du Vietnam, le tout constituant un instrument juridique essetiel pour lamobilisation de capitaux investis dans les sociétés et entreprises privées Plus tard, la lloi sur

les entreprises étatiques a été adoptée le 20 avril 1995 Cette loi, en distinguant le: entreprises

d’Etat 4 mission de service public et les entreprises 4 vocation commerciale, visaità améliorer

l’efficacité des investissements étatiques Les deux premiéres lois furent remplacẻ:s par lla Loi

13/1999/QH10 sur les entreprises datée du 12 juin 1999 La derniére loi sur les entreprisesétatiques a été récemment remplacée par la Loi 14/2003/QH11 adoptée le 26 novenbre 2:003.

` Art 15 de la Constitution de 1992 de la République Socialiste du Vietnam

7 Enquéte sur les standards de vie au Vietnam réalisée par le Comité d’Etat au Plan et l’Offie Général deStatistiques du Vietnam, voir Marie LAVIGNE, Economie du Vietnam : Réforme, ouverture et dvveloppiement,PHarmattan, 1999, pp 23-24

*M LAVIGNE, op cit., p 101

* Jusqu`à 31 octobre 1998, 2.492 projets d`investissements étrangers représentant 37.203 miliatds «dollars

américains ont recu une licence d”investissement Voir NGUYEN Hai Ha, Le droit des investissenents ¢treangers

au Viemam, Thése Paris II, 2000 (non publié), p 10

Trang 12

Avec aide des experts japonais ct dans le cadre du plan quinquennal 1996-2000, un projet de

création de la premiére Bourse des valeurs a été élaboré en détail en 1997' A la suite d la

promulgation, le 11 juillet 1998, du décret 48 du Gouvernement sur les valeurs et la Bourse

des valeurs’, une Bourse a été ouverte en juillet 2000 4 Ho Chi Minh Ville, facilitant ainsi

acces du Vietnam aux nouvelles sources de financement nécessaires a sa croissanceCCOnømique.

6 Le droit vietnamien des sũrctés a été instauré avec le méme objectif de faciliter lamobilisation des capitaux dans le cadre du projet de production et de développement En effet,méme avant adoption du Code Civil, trois modes de garantie, a savoir ?hypotheque desimmeubles, le yaye des meubles et le cautionnement, ont été prévus d’une maniére succincte

par [Ordonnance sur les contrats économiques et l'Ordonnance sur les contrats civilspromulgués respectivement le 25 septembre 1989 et le 21 avril 1991 Sur la base de ces textes,un grand nombre de contrats de crédit ct de sũreté ont été conclus, surtout entre banquiers etcmprunteurs, permettant la mobilisation, jusqu’a la fm de 1997, d’approximativement 85.000

milliards de dongs vietnamiens (équivalent à 5,6 milliards d’euros) et de centaines millions de

dollars américains”, contribuant à la stabilisation économique ct sociale, à Pindustrialisationdu pays et a Ja lutte contre la pauvreté.

Compte tenu de léconomie traditionnellement agricole, la terre était habituellementsurévaluéc au Vietnam et ]*hypothèque du droit d’usage de la terre’ était donc le mode le plusutilisé car il était toujours percu comme mode de garantie le plus efficace Or, il s’agissaitune croyance trompcusc Il en résulte, au niveau national ct cn 1998, que sur pres de 9.000milliards de dongs (0.6 milliards en équivalent euros) de créances non-performantes (nonréalisables) des banques commerciales, plus de 6.000 milliards de dongs (équivalent à 0.4milliards curos) étaient garantis par le droit d’usage de la terre et la propriété des structures yafférentes>.

Jeremy GRANT, Plan for Vietnam's first stock exchange, Financial Times, 27 mai 1997

“Ce đếcret est actucllement remplacé par le Décret 144/2003/ND-CP du Gouvernement, en date du 28 novembre

2003, portant sur les valeurs mobilieres ct la bourse des valeurs mobilièrcs

ở PHAN Le, Essai sur les causes des créances non-performantes, Revue de presses TECHCOMBANK, n° 1998, p 11

11-"par effet de là Loi sur la terre du juillet 1993 et conformément a la Constitution de 1992, la terre appartient à la

propriété de tout le peuple et est gérée par I’Etat Ainsi,.le droit d’usage de la terre seul et non la terre elle-même

peut étre l'objet des transactions, y compris des sũretés, entre les citoyens

` NGUYEN Due Hoan, Les créances non-performantes et le poids des bicns hypothéqués, Revue de pressesTECHCOMBANK, n° 11-1998, p 17

Trang 13

Les raisons de cette inefficacité étaient nombreuses Tandis que les constituants des sôretés

reprochaient un systeme d’enregistrement! incomplet et inaccessible, ainsi que le đésordre des

textes, qui ralentissaient la constitution des nantissements portant sur les immeubles, les

banquiers critiquaient une procédure de réalisation longue et gênante, d’autant que le prix

: HỆ ‘ i 2

pour la conservation et la gestion des immeubles hypothéqués est toujours colteux

7 Dece fait et sur la base d’un Code Civil d’inspiration francaise en date du 28octobre 1995, le Gouvernement du Vietnam a promulgué, le 19 novembre 1999, un Décrct

165/1999/ND-CP sur les transactions de sôreté, et le 29 décembre 1999, un autre Décret

178/1999/ND-CP sur la garantie des créances souscrites auprès des organisations de crédit(Ce décret a été modifié et amendé par le Décret n° 85/2002/ND-CP daté du 25 ociobre 2002du Gouvernement) Le Décret 165/1999/ND-CP, élaboré avec l’aide des consultants

américains, précise l’article 326 du Code Civil’ en listant un nombre important de biens

susceptibles d’étre donnés en garantie, de meuble à immeuble, de chose existante a chosefuture et de bien corporel à bien incorporel En outre, il vise 4 unifier toutes les transactions de

im 5 š ab ae : š LG AT 4sũreté, qu’elles soient civiles ou économiques, en les mettant sous le méme régime juridique

Cetle variété de biens nantis et Punification du régime juridique ne garantissent pas pour

autant le succés du droit vietnamien des sfiretés En ce qui concerne lhypothcque des

immeubles, si le systeme d’enregistrement a été considérablement amélioré après la

promulgation de ces textes et tout particuliérement depuis le Décret 08/2000/ND-CP du 10mars 2000 du Gouvernement sur |’enregistrement des transactions de sôũreté, les autres textesrelevant du droit de la terre et concernant la constitution et la réalisation de ce type de sôretérestcnt incohérents, voire contradictoires, ce qui rend difficile leur application Le gage desmeubles corporels, quant a lui, bénéficie d’un mécanisme de constitution et de 1éalisation

dressé avec minutie Cela étant, les créanciers inaccoutumés de ce nouveau mécanisme ont

toujours tendance a ne pas laisser les biens grevés entre Ics mains du débiteur, quandl bien

meme la loi le permettrait En conséquence, tandis que le créancier doit supporter ¢ énormes

frais de conservation des biens nantis, le débiteur dépossédé est privé de la charce de les

utiliser et d’en tirer un profit lui permettant de payer sa dette.

' Le mot đ` « enregistrement » en droit vietnamien des sũretés signifie la publicité

; Voir une série d’articles dans la Revue de presses TECHCOMBANK, n° 11-1998, pp 67-79

` Cet article, portant sur les choses pouvant étre mise en garantie, dispose : « La chose qui garantit|"exécution

dune obligation civile doit étre la propriété du débiteur ou celle de tout autre garant et doit ére dlans le

commerce »

* Art Lal 2 du Décret n° 165, voir Annexe 2

Trang 14

8 — De ce point de vue, les parts sociales et les actions, appelées communement droits

sociaux, susceptibles d’étre dématérialisécs surtout par suite des innovations informatiques au

cours des dernières annécs, méritent d’étre percues comme des biens de garantie

extraordinaires S’agissant des droits sociaux, leur valeur fluctuante exige en outrc que lescréanciers veillent au bon fonctionnement des entreprises ou sociétés en question, imposant dece fait des « dirigeants sociaux » diligents supplémentaires Or, étant soumis au mécanisme deconstitution et de réalisation élaboré pour le nantissement des biens corporels, le nantissementde droits sociaux en tant qu’ institution est quasiment inappliqué : les contractants domestiques

ne Pinvoquent guére, les contractants étrangers, quant à eux, font référence au droit d’autres

pays à chaque fois qu’ils y recourent.

9 Pour encourager la mobilisation des ressources nécessaires au développement dupays, un mécanisme de la sôreté de parts sociales et d’actions plus adapté, cohérent etconvenable au contexte du Vietnam est vivement souhaité, ce qui est l’objectif de cette these.[)°ailleurs, le succes de la Loi sur les entreprises de 1999 et la création récente au Vietnam de

la Bourse des valeurs devront en faciliter I’établissement du mécanisme Notre tache n’estcependamt vuere atsée Les cludes juridiques vicnamiennes sont éparses ct dérisoires Elles

s’absticnnent, cn plus, d’aborder la stireté dle parts sociales ct d’actions en raison de son

abstraction ct de sa sophistication Mais ce qui est plus dramatique est l’incohérence entre le

Code Civil d’inspiration frangaise et ses textes d’application élaborés avec |’aide des expertsamecricains, source d’incompréhension tant pour la doctrine que pour la pratique.

10 Cette étude essaic modestement d’apporter une réponse à ces difficultés Pour cela,

il convient d’abord d’analyser, avec une approche comparative, le droit positif du Vietnam surle nantissement en général et plus particulicrement celui portant sur les parts sociales et lesactions, ainsi que les difficultés rencontrées par la pratique dans |’application de ces régles

(Premiere Partic) pour ensuite proposer, à la lumière d’exemples étrangers, un nouveau

régime de la stireté de parts et d’actions qui-soit facile à appliquer, cohérent et adapté auxconditions du Vietnam (Deuxi¢me Partie) Au préalable, afin de micux expliquer les causes

profondes des lacunes et imperfections du droit victnamien des sôretés sous |’influence

(autres cultures juridiques, ainsi que d’identifier la situation du Vietnam pour éviter touteincompatibilité du système proposé, un Titre Préliminaire sera consacré a la description

sommaaire de Pévolution juridique du Vietnam depuis 1858, date du commencement de la

colonisation frangaise et donc de la pénétration de la conception civiliste au Vietnam, jusqu’a

Trang 15

la date de l’adoption d’un Code civil propre a la République Socialiste du Vietnam, et sesimplications vis-a-vis du droit des sôretés.

Trang 16

TITRE PRELIMINAIRE :

LEVOLUTION JURIDIQUE AU VIETNAM

AVANT LE CODE CIVIL DE 1995 ET SES CONSEQUENCESSUR LE DROIT DES SURETES

Trang 17

II Pour bien comprendre |’évolution juridique au Vietnam avant le Code civil de1995, il faut retracer cette évolution de maniere historique.

Deux dates clés seront alors utilisées : 1858, parce qu’avant cette date, la conception civiliste

n’existait pas au Vietnam', et 1995, date de l'adoption du Code civil par l’Assemblée

Nationale du Vietnam Entre ces deux dates, les évènements de l’histoire du Vietnam? ont eu

pour Conséquence de fractionner son évolution juridique cn trois phases distinctes : de 1858 a1954, période pendant laquelle l’influence du droit frangais était prépondérante dans les

annces trente du vingtième siecle puis progressivement a été atténuée a partir de la déclaration

de l’imdépendance du Vietnam en 1945 (Chapitre Premier) ; de 1954 à 1975, période de ladivision du pays, le Sud du Vietnam continuait a êtrc influencé par le droit francais tandis quele Nord s’orientait vers le droit socialiste (Chapitre Deuxiéme) et de 1975 a 1995, le Vietnamreunifré a choisi d’abord léconomie planifiée centralisée selon le modèle soviétique et aévolué ensuite vers l*économie de marché (Chapitre Troisième) Tout a eu des répercussionssur le dlroit des sũrectés.

Ỷï vo ;© Vow in/máa n° 15

= Voir supara, n° 2

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TRUNG TAM THONG TIN THU VIE

-Section I : TRƯỜNG ĐẠI HOC LUẬT HA NfPHONG BOC — ALLEL

LE TEMPS DE LA COLONISATION FRANCAISE —

13 Les occidentaux découvrirent les côtes du Vietnam (Dai-Viet) au XVIe siècle.Leurs premiers contacts avec les autochtones, d’ordres religieux et commercial’, furent établisau XVIle siècle, sous la dynastie des Lê (1428-1788) alors que Ics descendants des Lê avaientperdu tout pouvoir réel qui restait entre les mains de deux scigneuries Trinh (au nord) et

Nguyen (au sud) Ces derniers, en lutte incessante, désireux de percevoir davantage impôts

pour leurs budgets et se procurer des armes auprès des puissances occidentales, ouvrirent la

porte aux commergants et missionnaires étrangers Toutefois, cela ne dura pas longtemps A lafin du XVIIe siécle et au début du XVIlIle siécle, les deux seigneuries changérent leur attitude.Constatant que les missionnaires menaient une politique de déstabilisation intérieure ets’apercevant que les occidentaux ne leur accordaient pas d’aide pour anéantir leur adversaire,ils s’opposérent aux activités commerciales et religieuses des occidentaux, interdirent le cultecatholique, détruisirent les églises, détinrent les missionnaires et les chrétiens ou les tuérent’.L’assistance de Mgr Pigneau de Béhaine” donné a Nguyen Anh (le future Gia Long) pendantla guerre civile Tay Son — Nguyen Anh a la fin du XVIIIe siécle améliora Ics relationspendant les premieres années de la dynastie des Nguyen (1902-1883) Pourtant, lessuccesseurs dc Gia Long, fortement influencés par la culture chinoise et n’ayant pas desentiment de :econnaissance a |’égard des Francais, menérent une politique draconienne

' Les commercant; les plus actifs 4 l’époque furent des Portugais et Hollandais, NGUYEN Ngoc Huy, Le Code

des Lê dans V’histeire de la codification du Vietnam, Volume A, Viet Publisher Thu Quan, 1989, p 97

“NGUYEN Ngoc Huy, op cit., p 97-98 —

* Pere des Missions Etrangéres de Paris (17411799) | m

-7 Maison du DroitMietnamo-Frangaise

BIBLIOTHEQUE

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contre I’expansion catholique et occidentale a partir de 1832' Cette politique donna un

prétexte 4 la France pour intervenir au Vietnam en 1858, en coopération avec |’Espagne LaCochinchine (le Sud du Vietnam) devint colonie frangaise par la signature du traité du 25 juin1867° Deux régions restantes furent soumises à des régimes juridiques différents par suite du

Traité Patenôtre du 6 juin 1884° et des ordonnances royales de 1888 et 1897: IAnnam (le

Centre) devint un protectorat frangais ct le Tonkin (le Nord) bénéficia d’un statut colonial/demi-protectorat.

demi-14 Le territoire étant saisi, l’instauration du droit fut l'une des premièrespréoccupations des Frangais Pourtant, ils n’imposérent pas leur systeme au Vietnam d’une

maniére précipitée Bien au contraire, dans un premier temps, ils décidérent la traduction enlangue francaise des ceuvres originaires du droit vietnamien Ainsi, le Code des Nguyen (CodeGia Long), alors appliqué, fut traduit par Garbriel AUBARET en 1865 (Lois et règlememts duRoyaume d’Annam, 2 vol., Paris 1865) puis par Paul Louis PHILASTRE en 1876 (Le Codeannamite, 2 vol., Paris 1876), et le Code des Lê (Quoc Trieu Hinh Luat) par Raymond

DELOUSTAL en 1908”.

Très vite, influence de la culture juridique frangaise au Vietnam a été de plus en plus grande.

Un auteur frangais a l'époque constatait: " le droit francais gagne I'Indochine presque aussi

rapidement que la langue franeaise"” I! avait raison, du moins en matière du droit ciwil ottl’inspiration frangaise s’est fait fortement sentir tant dans le droit commun (§1) que dams ledroit des sũretés (§2).

§1.- L'influence du droit frangais sur le droit commun du Vietnam

1Š Jusqu’en 1858, en raison de mille années d’occupation chinoise ct malgré la

presence, depuis le dix-septième siècle, des commergants d’autres nationalités (firangaise,

anglaise, portugaise, hollandaise et japonaise) 4 Pho Hien et Hoi An’, la société vietn.amiienne

etait influencée exclusivement par la civilisation chinoise et par le confucianisme.

TRAN Ngọc Them, Les fondements de là culture Viclnamienne, Universite de Ho Chi Minh Vilk, 199¢6, pp.337-343

? Pp —R FERAY, op cit., p 23) Ibid., pp 22-23

* Voir tmƒra, n° 20 ’

° Insun YU, Law and Society en Seventeenth and Eighteenth Century Vietnam, Asiatic Research C:ntter, KoreaUniversity, Seoul, la traduction en vietnamienne de I’Université Nationale de Hanoi, Editions ces SciiencesSociales, 1994, pp 67-68

° André DURETESTE, Cours de droit de I'Indochine, Larose Editeurs, Paris, 1938, op 9-14

” PHAM Duy Nghia, Vietnamese Business Law in Transition, op cit., p 173

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La conception confucéenne du droit! était de remplacer le gouvernement de la loi fazhi (phap

trì) par le gouvernement de la vertu dezhi (duc tri) en indiquant que l’imposition des lois,méme garantics par la force militaire, n’était pas suffisante pour assurer la paix durableindispensable a la vie commune Le confucianisme accentuait donc le réle des cadres d’élitejunzi (quan tu) bienfaiteurs, fidéles au monarque, respectueux des ancétres, des traditions et

des particularismes, et leur reconnaissait l’autorité pour maintenir lordre de la société’,

L’ auto perfection et persuasion devenait par conséquent un art de vie dominée et la loi, en tant

qu’ensemble des regles régissant les relations entre les citoyens, perdait significativement son

: 3

Intportance

La conquéte [rangaise a marqué une rupture avec cette tradition juridique victnamiennedirectement inspirée de la conception confucéenne Le Vietnam colonisé quitta l’orbite de laculture chinoise, reconnut progressivement l’importance du droit privé dans la vie sociale et

ouvrit a la pénétration de la conception civiliste occidentale dans toutes les sources du droit

que Ce soient législatives (A) ou interprétatives (B).

A - L'introduction du droit francais dans les sources législatives

16 l.introduction du droit frangais dans les sources législatives vietnamiennes nétait

pas di au hasard Bien au contraire, il s’agissait du fruit d’un effort de codification entrepris

par les colonisateurs pour deux raisons* La première était d’ordre administratif : la présencefrancaise dans un pays asiatique of la conception juridique était complétement différente aprovoqué de nombreuses difficultés pour les administratcurs coloniaux Ces dernicrspercewaient, analysaient le systeme autochtone comme un système incohérent, désordonné etincomplet, notamment en matière civile ó les anciennes règÌes constituaient soit un « cours

de morale nề, soit des dispositions répressives’, d°ó la volonté d’entamer une réforme

législative cn ordonnant le droit pour mieux administrer et contrơler la population D’ailleurs,

' L'idée: du confucianisme, lancée par un philosophe chinois — Confucius (551-479 avant J — C) et introduit auVietnann au fur et a mesure de l’occupation chinoise ct plus activement sous la derni¢re dynastic chinoise tentantlassimiilation du pays, les Tang de Vie a IXe siécle Cette dynastie fut reconnue en Chine pour I’élimination dubouddhnsme au niveau national en faveur du confucianisme, voir Ph, LANGLET, op cit., p 26 Au Vietnam, lebouddhiisme et le confucianisme se sont dévcloppés simultanément jusqu’d la dynastie des Tran (1225-1400) onle confuicianisme se substitua le bouddhisme comme idéologie d’Etat victnamicn, voir P, - R FERAY, op cit.,p 11

ˆ Ph LANGLET, op cit., pp 16-17

`PHAMI Duy Nghĩa, Vietnamese Business Law in Transition, op cứ., p 26

* Voir aussi Bernard DURAND ct al., Histoire de la Codification Juridique au Vietnam, Collection Temps et

Droits, F*aculté de Droit de I?Université Montpellier I, 2001, 396 p.

* B DUJRANT, La codification de la procédure civile, indigéne en Indochine sous la troisieme République, in

Histoire de la Codification Juridique au Vietnam, op cit, p 288

° A DUIRETESTE, op cit., p 59

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à l'occasion d’une telle réforme, la puissance coloniale était affirmée par écrit et la tache desmagistrats, qui étaient pour la plupart francais, était considérablement facilitée La deuxiemeraison, quant a elle, était d’ordre moral : traitant les Vietnamiens avec mépris, les conquerantsse sentaient leur devoir de civiliser la population de ce pays ct de garantir la justice cn fixantles règles 4 suivre pour déterminer et assurer les droits, surtout en matiére civile, de leursprotẻgés La réforme s’est poursuivie alors à deux niveaux : lélaboration de la legislationcivile dans les trois régions du Vietnam au niveau central (1) et au niveau local,

"harmonisation des coutumes de différents villages (2).

1 - L’élaboration de la législation civile dans les trois régions

du Vietnam

17 Lélaboration de trois législations civiles distinctes dans les trois régions était uneparticularité de l’évolution du droit vietnamien 4 lépoque Des raisons surtout politiquesl°expliquemt, les trois régions étant soumises a dcs régimes juridiques différents En

conséquence, les textes n’ont pas été promulgués par les mémes organes: alors que pour la

Cochinchine et les concessions frangaises de Hanoi, Haiphong et Tourane, un décret du

Gouverneur Général de I’Indochine a promulgué le Précis de Législation Civile’, les Codescivils du Tonkin et de l’Annam ont été promulgués lun par un décret du Résident Supérieur,Pautre par des ordonnances royales’.

Malgré ces distinctions, la situation réelle était celle de la prééminence de |’influencefrancaise sur le droit vietnamien durant cette période puisque les trois codes étaient inspirésd’un méme modèle — le Code civil frangais.

18 Le Précis de Législation Civile, en date du 26 avril 1884”, du Gouverneur Général

de I'Indochine' en est la premicre preuve Ce décret rendit applicable, avec quelquesmodifications, les titres préliminaires, I et II du premier livre du Code civil métropolitain etmodifia ses titres IV a XI inclus en les adaptant aux coutumes annamites Son plan généralcorrespondit parfaitement a celui du premier livre du Code civil francais La référence auxlivres II et suivantes étant omise, pour toutes les questions des obligations et des contrats, desrégimes matrimoniaux et des successions, les juridictions furent alors invitées à appliquer le

A DURETESTE, op cit., p 17, voir infra, n° 18

; VU Van Mau, Dan luat khai luan (Le droit civil général), op cit., p 285-292, voir infra, n° 19-20

_ VU Van Mau, Dan luat khai luan (Le droit civil général), op cit., p 262 Ce décret a été complété par un autre

décret du Gouverneur Général du 30 mai 1932, A DURETESTE, op cit., p 17* Le représentant au plus haut niveau du gouvernement francais en Indochine

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droit francais aux procès concernant les Francais ou assimilés et le Code des Nguyen auxaffaires centre les indigenes ou assimilés, à moins que (là encore) ces derniers aient

express¢ment opté pour application du droit frangais.

En matiére de propriété immobiliére et de droits qui s’y rattachent, y compris les sñretésimimobilières, un décret du Président de la République frangaise fixant les régles relatives au

régime de la propriété fonciere fut promulgué le 24 juillet 1925' Ce Décret fut la preuve d’un

cffor dụ gouvernement colonial pour unificr Ics législations divergentes relatives aacquisition, la transmission et la conservation de la propriété immobili¢re qui étaient«longtemps considérées comme étant une source de difficultés graves pour tous les

bénéficiaires de droits réels »” A travers des régles précises concernant la vente avec faculté

de rachat, le nantissement immobilier et ’hypothéque, les rédacteurs ont pu favoriser lescrédits immobiliers et atténuer ainsi les inconvénients et |’anomalie de la situation d’usuredans la région Ses régles ont été applicables en Cochinchine et dans les concessionsfrangaises de Hanoi, Haiphong et Tourane d’une maniére uniforme, quel que soit le statut desdétenteurs ct bénéficiaires L’influence du droit frangais sur ce texte n’était pas a discuter, ledécret étant, selon son rapport explicatif, « fruit d’une longue et compétente élaboration »

Cour d’Appel de Hanoi Ce code fut rédigé a lorigine en langue francaise pour étre

promulgué le 30 mars 1931 par un Décret du Résident Supérieur au Tonkin puis un comité,chargé de la traduction de ce code en langue annamite, ne fut institué qu’a cette méme date’.Comme le modele, le Code civil du Tonkin commenga par un Titre préliminaire fixant lesprincipes généraux en matière de promulgation, d’application et d’abrogation des lois Le' Decrets précédés d’un rapport fixant les réyles relatives au régime de la propriété fonciére en Cochinchine,

Penant 1925, pp 297-323 Ce décret ful cité par A DURETESTE dans son ouvrape (op cit.) comme đécret du21 juillet 1925 3

: Rapport du Ministre des colonies présentant le Décret en cause, Penant 1925, p 297* Tbid.

* Jean-Pierre ROYER, Le Code civil du Tonkin 4 l’usage des juridictions indigenes promulgué le 30 mars 1931,in [Iistoire de ja Codification Juridique au Vietnam, op cit., pp 323-332

* Jbid., p 332

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corps de ce code était composé de 1455 articles, divisés cn quatre livres dont le premiertraitait des personnes, le second des biens, le troisième des obligations et contrats et lequatrième des preuves A la différence du Précis de Législation Civile donc, le plan général dece code n’était pas celui du Code civil frangais Quelques autres divergences cntre ces deuxderniers textes pourraient étre relevées, en particulier parce que les rédacteurs du Code civildu Tonkin, encouragés par Albert Sarraut, alors Gouverneur Général de l”Indochine, avaientpris conscience de ne pas « bouleverser de fond en comble la législation interne de Il’ Annamite

ni dintroduire dans cette Iégislation des innovations qui ne seraicnt pas cn harmonic avec

l’état social du pays »'.

C’est dans cet esprit que fut désignée la premiére commission des 1910 et sa tache fut deréunir tous les renseignements sur les coutumes indigénes en vue de préparer pour une refontegénérale de la législation annamite La capacité du Code civil du Tonkin d’absorber les

conceptions civilistes métropolitaines a dépendu largement de la force des coutumes Lorsqueces derniéres étaient résistantes, comme en matiére de famille et de successions, le droit

francais lui céda le pas, et vice versa’ Cela signifie qu’en matiére du droit des biens, des

obligations, des contrats et des preuves, |’influence frangaise fut importante, puisque le droit

vietnamien sur ces questions était par trop sommaire® D’ailleurs, comme l’ont avoué lesmembres de la commission de rédaction du texte, quand les coutumes et les traditions étaient

« muettes, obscures ou inecrtaines, i] était nature! de s’inspirer des dispositions du Code civil

francais que les tribunaux ont I’habitude d’appliquer, non comme législation positive, maiscomme raison écrite»”.

20 Bien que les droits de la France sur les deux territoires se fondent sur le méme

Traité du 6 juin 1884, le Tonkin disposait d’un statut demi-colonial/demi-protectorat alors quel’Annam était un simple protectorat” Au Tonkin, les territoires des villes de Hanoi et deHaiphong avaient été cédés en toute propriété au Gouvernement francais par l’Ordonnance du

3 octobre 1888 du roi d’Annam qui avait renoncé à tous ses droits sur les mémes territoires,et, par |’Ordonnance royale du 26 juillet 1897, les fonctions de Kinh-luoc, haut fonctionnaire

' Phid., p 328° Ibid., p 332

: VU Van Mau, Le droit civil général (Dan Tuất khai luan), op cit., p 288

Rapport de la commission chargée d’élaborer un projet de Code civil 4 Pusape des juridictions indigtnes du

Tonkin du 27 mars 1931, Penant 1931, documents, p 311

Voir supra, n9 13

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délégué des pouvoirs du Souverain d’Annam situé au Tonkin, avaient été supprimées, lesé : Ầ Ề : P : tant 2h ` roe I

attributions de ce fonctionnaire étant dévolucs au Résident Supéricur a cette region

En Annan, la dynastie des Nguyen préserva ses prérogatives du moins sur le territoire qu’elle

avail pris pour capitale, et l’autorité francaise n’eut donc pas la faculté de procẻder a

I*adininistration directe de lt justice indigène” Cette faculté ctait propre à la Cour de Hue quipromulgua, par trois ordonnances royales de 1936, 1938 et 1939, le Code civil de Annam.

Meémie si le Code civil de l’ Annam était composé de 1709 articles, soit 245 articles de plus quele Code civil du Tonkin, mais au fond, le premier était une quasi-copie du second’ Les

disstmilitudes éventuelles se sont inspirées du droit frangais Ainsi, le Code civil de lAnnam

alla plus loin en traitant des contrats d’une maniére plus précise que celui du Tonkin Par

contre, il nc régit pas les sociétés commerciales qui, selon ses rédacteurs, appartenaient au

droit commercial et non au droit civil.

Cela est curicux, là ó la Cour de Hue avait une certaine autonomie de compétence législative,

Pinspiration francaise s’est fait sentir plus vigourcuscment qu’ailleurs (!) En effet, tout étaitdans une logique dite coloniale : l’organisation administrative de la dynastie des Nguyen

nétal( a Pepoque rien dautre qu'une machine pour exécuter les décisions des autorités

lrangaises H ne pouvait en étre autrement, puisque c’était le Résident Général en Annan” quiprésidlait le Conseil des Ministres de la Cour et sans son accord, aucun projet de textes nepouvait étre présenté au Souverain d’Annam pour approbation”.

21 L’influence frangaise était évidente sur le droit civil du Vietnam a travers ses codes

pré-contemporains Néanmoins, des commentateurs contemporains du droit vietnamien

pourraicnt la contester avec facilité en citant le dicton : « La loi du roi céde devant la loi du

village » D'aprés eux, les villages vietnamiens disposaient d’une autonomie tellement forte

que pour leurs membres, les coutumes villageoises étaient les seules régles applicables, laplupartt de là population victnamienne restant ainsi imperméable à toute tentative

d’assimilation entreprise par les autorités coloniales”.

CA, DUIRETESTE, op cit., p 25 et NGUYEN Ngoc Huy, op cit., pp 116-118` A, DUIRETESTE, op cit., p 25

“VU Vian Mau, Le droit civil général (Dan luat khai luan), op cữ., p 292 et Robert LINGAT, Pour un droit

compare: indochinois, Faculté de droit de Saigon, Saigon, 1955, p 13, note n° 18

ở Le Réssident Général en Annam fut le représentant du Gouvernement francais auprès de la Cour de Hue Cedernier flut soumis lui-même sous l’autorité du Gouverneur Général de Il’ Indochine

NGUY’EN Ngoc Huy, op cit., pp 116-118

“ Dans cee sens voir PHAM Duy Nghia, Vietnamese Business Law in Transition, The Gioi Publishers, 2002, p 33

= Đổ +

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2 - Les coutumes

22 — Les coutumes villageoises ont joué un rôle non négligeable dans le fonctionnement

de la société vietnamienne Depuis la fin du XIVe siécle jusqu’a la révolution d°aoôt 1945, lescoutumes régissaient tous les aspects de la vic quotidienne et existaient dans Ics villages

vietnamiens parallélement au systéme juridique du gouvernement central A Vorigine, ils‘agissait des règles orales relatives au mainticn de Pordre dans le village, 4 Porganisation duculte et aux principes de comportement entre les différentes catégories de villageois Lescoutumes se sont enrichies quand les villages sont devenus plus nombreux ct Ics rapportséconomiques et sociaux plus complexes Elles ont été alors transformées en conventionsécrites et les villageois étaient tenus de les respecter sous peine de sanctions sévères, pouvant

aller jusqu’a l’exclusion du village’.

23; L’existence des coutumes, sous forme des conventions villageoises, indépendantesde la loi de I'Etat ainsi que l’attachement de la population a ces coutumes fut alors

indéniable? Toutefois, si nous observons leur application de très prés, nous nous apercevonsque ces coutumes portaient aussi des traces de la culture juridique frangaise D’une part, un

grand nombre des régles coutumiéres d’ordre privé ont été incorporées au Code civil du

Tonkin et de l’Annam lors de la rédaction de ces codes’, d’autre part, dans le cadre d’uneréorganisation de 1|’administration communale entreprise en 1921 au Tonkin et enCochinchine’, ces conventions ont été refaites, sur P initiative des autorités coloniales et selonun méme modèle rédigé par les fonctionnaires du Résident Supérieur’.

24 Ce modèle, existant en trois langues - vietnamienne, francaise et chinoise, était

composé de deux parties La premicre appelée « dispositions d’ordre général (ou politique) »comportait une centaine Carticles relatifs aux principes d’organisation et de fonclionnementdes autorités villageoises, au budget du village, 4 la perception des impéts et aux plaintes en lamatière, a la sécurité dans le village, a la protection des produits agricoles, au maintien de

' BUI Xuan Dinh, Les conventions villageoises au Vietnam, in Histoire de la Codification Juridique au Vietnam,op cit., pp 125-138

*R LINGAT, Pour un droit comparé indochinois, op cit., p 8* Voir supra, nos 19-20

* Cette reorganisation débuta avec les arrétés du 12 aoôt 1921 (pour le Tonkin) et du 3 octobre 1921 (pour laCochinchine), son objectif était de renforcer le contrôle'des autorités coloniales vis-a-vis les villages vietnamiensface au mouvement révolutionnaire a la campagne Pour le contenu de ces textes, voir A DURETESTE:, op cit,p 139

* BUI Xuan Dinh, op cit., p 140

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Vhygicne, à l’entretien des infrastructures, à la défense des biens communs, a la lutte contrealcoolisime et les jeux de hasard, a l’accucil des mandarins dans le village, à l’ouverture desclasses pour les enfants et 4 Vinhumation des défunts La deuxiéme partie appelée « usages »

consistait, clant donné |’impossibilité d’harmoniser ces régles trés variées entre les villages’,

en des textes généraux encourageant les autorités villageoises a simplifier les régles anciennes

relatives ala préséance, au mariage, à Penterrement, ct aux fetes ct culte.

Les copies de 4870 conventions de ce type, dites « réformes » pour distinguer des conventionsanciennes, sont archivées jusqu°à maintenant’ Si la premiére partie de ces conventionsconcernant Ics questions de droit public était totalement influencée par Vidéologie des

autorites coloniales, sa deuxiéme partic d’ordre privé restait tres différente, a tel pointquabors, les fonctionnaires du Résident Supérieur n’ont pu édifier aucun modéle commun etqu’aujourd’hui, les cherchcurs contemporains ne peuvent en dégager aucune image du droit

coutumier du Vietnam de I’époque.

25 C’est pourquoi les rédacteurs des Codes civils du Tonkin et de l’Annam, par sageprécaition, précisèrent dans article 4 de ces deux textes qu’a défaut de dispositions légales,le jug;c se référerait aux usages et coutumes et 4 défaut des coutumes, il jugerait selon la raisonet P’equité, if pourrait d’aillcurs s’inspirer des solutions de doctrine et de jurisprudence’.

B - L'introduction du droit francais dans les sources

2 Aux termes de laricle 4 des Codes civils du Tonkin et de lAnnam, lajurisprudence (1) et la doctrine (2) ont été formellement intégrées comme sources du droitvietnaimien pré contemporain et constituérent en ce sens des instruments complémentaires dessources législatives fort efficaces pour |’introduction du droit francais au Vietnam.

1 - La jurisprudence

27 Méme si l’inspiration frangaise s’est fait sentir vigoureusement dans les sourceslégislattives du droit victnamicn sous la colonisation, et que des preuves de son existence dans

' Pbid.` Thid., pr 144

`A, DUIRETESTE, op cit., p 69

Trang 27

lcs sources interprétatives pourraient être découvertes par-ci, par-là, elle n’apparait pas d’unemanière évidente, à moins qu’une voie de pénétration soit montrée systématiquement.

Cette voie, en ce qui concerne la jurisprudence, si nous la qualifions d° «cnsemble des

décisions de justice rendues »' par les différentes juridictions, a été concue par les magistrats,

pour la plupart Francais, car c’étaicnt ceux seuls qui disposaient de la faculté de rendre desdécisions de justice Ces dernicrs avaicnt d'ailleurs, grace a Vorganisation du système

judiciaire a l’époque, la possibilité de participer aux jugements pour lesquels la justiceindigéne s’est trouvée compétente.

28 Cette situation se vérifiait plus en Cochinchine que dans les autres régions Dès

1879, la reconnaissance des contestations entre indigénes et assimilés a été attribuée aux

tribunaux composés d’un magistrat et de deux administrateurs francais’ Ensuite, par effet deParticle 107 du Décret du 16 février 1921, les juridictions Írancaises devinrent seules

compétentes pour connaitre toutes les contestalions entre toutes personnes sans distinction.

F mie lus a š tank "` 4 ome b :

Les juges de paix Indigènes gardaient leur mission de conciliation’, mais ils Wavaient pilus lafaculté de rendre des décisions faisant partie de la jurisprudence.

29 Au Tonkin et en Annam, les juridictions francaise et indigéne existiaient

parallèlement, une étant compétente pour connaitre les contestations entre les étrangeirs detoute nationalité entre eux ou avec les indigénes, |’autre pour connaitre celies entre les

o eles See S29 74

indigénes ou assimilés”.

La justice frangaise’, cammune pour les deux régions, était assurée au premier ¢egré pair lestribunaux de premiére instance, les juges de paix 4 compétence étendue, les tribumauxrésidentiels et les justices de paix ordinaire Au deuxieme degré, ils existaient deux Ciours

d’appel de 1TM classe créées par le Décret du 19 mai 1919, l’une siégeant a Saigon, I”auttre a

Hanoi Bien évidemment, toutes ces juridictions étaient composées uniquement d› margisitrats

coloniaux, sauf la 2° chambre de la Cour d’appel de Hanoi qui était présidée par le [Premier

president ou un président de Chambre ou de section avec lassistance d’un consei ler iframeais °

' Vocabulaire juridique, Assoc H Capitant, Jurisprudence, 1, cité par Francois Terré, Introduction géméralle audroit, 5” édition, Dalloz, 2000, 681 p.

> A DURETESTE, op cit., p 16* Jbid., pp 42-43

“A DURETESTE, op cit., pp 26-27

` Pour plus de détails, voir /bid., pp 34-44

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et Wun memdarin indigéne'’ Néanmoins, la présence de ce dernier na pas diminué

l'inspiration frangaise de la jurisprudence vietnamienne de l°époque, d’une part, parce que la

délibération a la chambre a été baséc sur la régle de la majorité simple’, or, il n’était pas seul,

et que @autre part, ee mandarin indigéne n’a été recruté par la hiérarchie que s’il possédait

soit d'un diplơme de docteur en droit délivré par les Facultés de France ou d’Indochine, soitdune licence de droit ou d'un dipléme délivré par P Ecole des Hautes - Etudes indochinoises,

, ~ + r , Ay: "v = 3

ces écoles ou ficultés étant toutes instituées ct contrơlées par les autorités coloniales’.

La justice indigene, quant a elle, est différente entre 1’Annam ct le Tonkin Si le principe de lanon-immixtion de la nation protectrice dans les jugements de la justice indigéne était respectépour l’Annam, il était ignoré au Tonkin’ Ici, sauf la juridiction du 1°” degré ó les tribunauxClaicnt tenus par un juge indigéne unique avec mission générale de conciliation’, lesl x a › › : : * : : 6

juridictions du 2° et du 3° degré comprenaient des magistrats ou fonctionnaires frangais’.

Alors que la présence d’un mandarin indigéne dans la justice frangaise était symbolique, celle

des mmagistrats francais dans les juridictions indigénes tonkinois, surtout au tribunal du 3°

degré, qui disposait des prérogatives d’annulation des décisions des tribunaux inféricursentachées Werreur de droit’, était loin de P’@tre, car ce tribunal était la 2° chambre de la Courd’appel de HanoiŸ.

30 Lc contrơle des autorités coloniales vis-a-vis de la justice indigéne était totale Surlc plan administrauif, un directeur (francais) de l’administration judiciaire était chargé de lasurveillance de la justice indigéne au Tonkin En Annam, cette méme charge était confic¢e a unconseiller juridique auprès du Résident Supérieur de lAnnam, choisi parmi les magistrats(frang:ais) des Cours d’appel de Saigon ou Hanoi’.

“Avant 1921, ce pouvoir a été conliẻ a la 4° chambre de la Cour đ°appel de Plndechine (il nexistait alors qu'une

scul €oiur d’appel pour toute Indochine), sa composition fut la méme que celle de la 2° chambre de la Courđ appel de Hanoi ultérieurement établie, voir /bid., p 28

“A DUIRETESTE, op cit, p 46

” Thid., po 48

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31 — Lintroduction de la culture juridique frangaise dans la jurisprudence vietnamiennề l’époque était inévitable, puisque les auteurs de cette jurisprudence, que ce soient desmagistrats francais ou des mandarins judiciaires annamites, avaient forcément tendance a

s’inspirer d’un modèle auquel ils étaient habitués au cas ó ils ne trouveralent pas, pour une

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question de droit, la réponse adéquate ni dans la loi écrite ni dans les coutumes indigènes.

Tel était le cas, surtout avant la promulgation des Codes civils du Tonkin et de ?Annam.Ainsi, trouvait-on fréquemment, parmi les courriers circulant au sommet de la justice, dessignes d’alarme indiquant qu’il fallait «mettre en garde contre un penchant naturel desmagistrats francais qui, nourris des principes du droit métropolitain, ont tendance a s’yreporter et 4 y puiser par simple transposition la solution des difficultés qui surgissent en

matiére purement indigéne»’ Néanmoins, cette tendance devint progressivementincontournable, à tel point qu’elle a été finalement admise par la commission chargée deI’élaboration du Code civil du Tonkin’, qui à son tour a été pris pour base lors de la rédactiondu Code civil de l’ Annam.

2.- La doctrine

32 Comme la jurisprudence, la doctrine était également qualifiée d’une sourceinterprétative du droit vietnamien, et de cẻ fait, elle servait de canal subsidiaire pourintroduction du droit frangais au Vietnam pendant les premiéres années de contact de cepays avec la civilisation occidentale.

33 La doctrine ancienne du droit vietnamien ne consistait qu’en des commentaires

épars dans les mémoires historiques nationales car, sous le régime monarchique, les critiques

sur le contenu ou l’exercice du droit ctaient qualifies de manque de respect vis-à-vis de

IEmpereur au sommet de tous les pouvoirs* C’était une faute impardonnable, lune desrégles principales des conduites sociales initiées par le confucianisme étant la /oyauté (trung)

: - §

envers la dynastie au pouvoir’.

' D'ailleurs, ces deux sources sont elles aussi influencées par la coutume juridique métropolitaine, voir supra, n°16-24

*B DURAND op cit., p 305, note n° 29‘Voir supra, 19

- VU Van Mau, Dan luat khai luan [Le droit civil général], op cit, pp 311-312

ÀP.LANGLET, op cit., p 42, voir aussi supra, n° 15

Trang 30

34 — Elaborée par les autcurs, pour la majorilé frangais, sur ce vide absolu des étudesprécédentes, la doctrine de |’époque était extrémement francisée, a tel point pourrait-on dire

qu'il faisait partie plutét du droit francais que du droit vietnamien.

Ainsi, remarque-t-on que les ouvrages juridiques à lépoque ont été tous rédigés en languefrancaise, sous forme soit de cours ou de traités destinés aux éléves de |’Ecole Nationale de laFrance d’Outremer, de la Faculté d’Indochine (établic en 1908), de l?Ecole des Hautes —

Etudes indochinoises ; soit darticles, chroniques ou commentaires d’arréts parus dans lesrecucils de doctrine, de législation ct de jurisprudence, dits indochinois ou coloniaux, tcls que« Dareste », « Penant » ou Bulletin de l’Ecole Francaise d’Extréme-Orient (établie en 1901) ;

soit de theses soutenues dans les facultés de droit frangaises Bref, il s’agissait d’un monde

juridique purement francais ou les auteurs ainsi que les lecteurs étaient tous Francais ou dumoins parfaitement francophones, et les éditcurs tous Írancais ou du moins franco-annamites.

Les premières oeuvres de droit en langue vietnamienne moderne (le guoc ngu)'

napparaissaient qu’ultérieurement, durant les années 50 du vingtiéme siécle, quand les

jJuristes victnamiens, diplômés en France ou dans les écoles franco annamites”, sont devcnusplus nombreux et ont commencé à avoir une certaine autonomie et maturité pour pouvoirécrire en leur propre langue.

§2.- L'influence du droit francais sur le droit de stiretés du Vietnam

35 Etant Pune des matiéres du droit des obligations, le droit vietnamien des sũretéssous la colonisation frangaise fut influencé lui aussi par le système métropolitain Ce droit,

bien simple au départ (A), a connu rapidement, au contact des conceptions civilistes

occidentales, des notions aussi complexes et sophistiquées que celles créées dans leur paysdorigine (B).

|! Voir supra, n9 2

LÝ Sous la colonisation francaise, seulement un nombre limité des Vietnamiens avaient accés a la formation du

Ldroit, car les facultés de droit n’existaient pas au Vietnam avant 1931 alors que les bourses d’études octroyéesj aux enfants de la classe sociale d’élite leur permettant d’aller en métropole n’étaient pas abondantes

Trang 31

A - L’ancien droit vietnamien des stiretés

36 Les premières dispositions du droit vietnamien des stiretés relatives à la mise engarantie de la terre ont été élaborécs en 1142, sous la dynastic de Ly Anh Tong (l1 128 -

1175)' Malheureusement, les traces des ces oeuvres n’étant pas conservées, les juristes de nos

jours ne connaissent le droit ancien que par Pintermédiaire de deux codes promulgués plustardivement’, à savoir le Code des Lê (Quoc Trieu Hinh Luat) et le Code des Nguyên (le CodeGia Long)’.

L’étude des dispositions de ces deux codes relatives aux moyens de garantie, malgré lesefforts de précision des rédacteurs de l’ancienne époque, montre l’existence d’un droit desstiretés rudimentaire (2) qui s’explique par l’influence du conÑicianisme et la pratique d’une

économie agricole peu développée (1).

1 - Un contexte défavorable pour le développement du droitdes stiretés

,37 Un millénaire de domination chinoise’ et l’influence du confucianisme’ firent que,

d’un côté, les contenus du droit vietnamien dans Il’ancien temps se reposaient essenticllement

sur la notion de sanction Ceci est juste méme cn ce qui concerne le droit des contrats : lesdébiteurs qui échouaient a payer leurs dettes a I’échéance étaient passibles de peincs SévÈrcscorrespondant aux différents niveaux de leurs fautes”.

D’un autre côté, sous l’influence du confucianisme dont l’une des régles de conduite de baseest fondée sur la confiance, la société vietnamienne traditionnelle reconnaissait un adagefameux : « Le père emprunte, le fils rembourse » L’obligation pour le fils de rembourser les

dettes de son pÈre n’ctait pas sculement morale, mais lépale, car elle étút prévuc

expressément par Particle 590 du Code des Lé Cette régle fut respectée pendant des siécles

‘VU Van Mau, Co luat Viet Nam luoc khao [La géneéralité du droit ancien du Vietnam], volume 2, Saigon 1970,n° 69

ˆ Isun YU, op cit, pp 12-19 et NGUYEN Chanh Tam, op cit, p L7Ñ* Voir supra, n° 14

; Voir supra, n° 2

` Voir supra, n° 15 ;

* Art 588 du Code des Lê, VU Van Mau, Co luat Viet Nam luoc khao [La généralité du droit aiciem du

Vietnam], op cit., n° 46-47

Trang 32

jusqu°à la colonisation frangaise : elle fut conservée par la jurisprudence’ et transcrite dans ledroit positifde l'époquc”.

Des lors, le créancier n’avait pas à chercher une sôreté réelle, cette double protection semblantpour lui suffisante : les défaillances contractuelles de son débiteur seraient sanctionnées parEtat, ct il pourrait dans la majorite des cas trouver une caution légale”, et de ce fait, accroitresa chance de revendiquer la dette sans recourir uniquement au patrimoine de son débiteur

38 Mais linfluence du confucianisme n’était pas la seule cause d’un droit sommaire

des sôrctés Il faut rappeler que la société féodale vietnamienne ¢tait essentiellement agricole.En plus, il s’agissait d’une agriculture élémentaire, sans instruments de travail efficaces etavec des terres morcelées a l’infini Les cultivateurs se nourrissaient a peine, ils étaient loin derecourir a une créance pour développer leur production car ils n’avaient pas de biens a mettrecn garantic D’ailleurs, ils n’y pensaient guére, les contrats de prêt éventuellement souscritsI’étamt plutôt pour les besoins familiaux, entre connaissances ou voisins, afin de faire face a la

faim et au froid Dans une telle situation, les créanciers, s’ils étaient bons, ne demanderaient

pas die garanties à leurs débiteurs Les autres avaient par contre toute raison pour pratiquerPusuire,

2.- Les modes de siretés connus par l’ancien droit vietnamien39, Les moyens dc garantics n’avaient pas de chance de se développer dans unesociété Cconomiquement primitive et culturellement confucéenne C’est pourquoi, le droitanciem du Vietnam ne reconnaissait que trois modes de siiretés: le cautionnement,l’engagement des personnes pour dettes et ma-lai-thuc ou dien-mai Le gage, sans mémeparler du gage portant sur les parts sociales et les actions, fut absolument ignoré par leslévislateurs féodaux.

4) Le cautionnement II n’y a pas de définition légale du cautionnement dans le droitanciem du Vietnam: le Code des Nguyén ne contient qu’un passage succinct sur la caution(Art 1134), le Code des Lê précise davantage les obligations de cette personne sans pour autantla défiinir (Art 590).

: R OL.[VIER, Evolution, en droit annamite, de la notion d’héritier nécessaire, Penant 1939, Doct., pp 31-35

° Les artticles de 374 4 376 du Code Civil du Tonkin et 352, 378 et 382 du Code Civil de l’ Annam

- VU Vian Mau, Co luat Viet Nam luoc khao [La généralité du droit ancien du Vietnam], op cit., n°112

« 31 s

Trang 33

Des siècles après, la doctrine fit des efforts pour dégayer un éclaircissement des clémentsépars de la loi et de la coutume Ainsi, le cautionnement a été défini comme engagement

k¿ * ` L4 i Íd'un tiers de payer une dette à la place du débiteur’.

Le tiers n'est engagé, selon le Code des Lê, que lorsque le débitcur principal s’est enfuit, etcette obligation ne portait que sur le principal de la dette Pourtant, ce n’était pas un principeferme : le contrat de prét sur lequel ce tiers a signé en tant que témoin-caution pouvait prévoirl’élargissement de son obligation aux intéréts de la dette En d’autres termes, l’obligation de lacaution pouvait être, selon les termes conventionnels, soit une obligation subsidiaire résultantdu contrat de cautionnement, soit une obligation solidaire (avec le débiteur principal) resultantdu contrat de prét.

Une disposition du Code des Lê relative au droit du créancier de demander le paiement de ladette au fils du débiteur a été interprétée par la doctrine comme I’institution du cautionnement

légal? La coutume, en se fondant sur la notion d’ « héritier nécessatre », est allée méme plus

loin en étendant lobligation de rembourser la dette non seulement pour le fils, mais aussi

lépouse veuve ou lépoux veuf, et le petit-fils du débiteur défaillant La jurisprudence

coloniale a accentué cette tendance favorable aux créanciers à l’extréme : lors du partage du

patrimoine du débiteur, pour éviter la concurrence avec les créancicrs des héritiers, i] suffisaitque le créancier présente sa demande en justice au bénéfice de la séparation avant le partage etavant l’inscription au registre cadastral au nom des héritiers’.

41 L’engagement des personnes pour dette Ainsi organisé, le cautionnementsemblait bien protecteur pour les créanciers Pourtant, en l’absence de confiance sur lasolvabilité du débiteur et sur celle de sa caution, les créanciers ne l’invoquaient pas dl’une

maniére fréquente Ceux qui étaient plus sages” proposaient à leur débiteur d’engager sa

personne ou celle des membres de sa famille qui, sans aucun choix, l’acceptaient malgré leur

' [bid., n° 110

š [bid., n° 112, voir supra, n° 37

*R OLIVIER, op cit '

* Un auteur du temps de la colonisation francaise a pu constater que le contrat engagement des persounes pourdettes peut aboutir en fait a cents fois la restitution du capital prété Voir Camille BRIFFAUT, I.'esclaVatpe etengagement pour dettes dans le droit sino-annamite, Lyon, Storck et Cie Imprimeurs-Editeurs, 1907, p.33

Trang 34

Il esi difficile de déterminer la date des premières dispositions relatives à l’engagement des

perscnnes pour dette dans histoire législative du Vietnam I] reste que ce type de contrat afigurs tant dans le Code de l’Empire des Lê que dans celui de l’Empire de Nguyên Entre cesdeux textes, le premier, bien qu’il soit promulgué quatre siècles avant l’autre, semble

toy XẾU 8 — 5 “ t

nettenent plus complet et plus adapté a la société victnamienne

Selon ce code, engagement des personnes était concu comme une mesure de garantie pourdistinguer avec la vente définitive ou temporaire de l’esclave Les personnes engagées étaient

soit les gens endettés eux-méme soit leurs enfants Elles devaient rester dans la maison ducréancicr ct travailler pour payer ainsi l’intérét de la dette ou quelquefois le capital Le contrats’éteignait soit par le paiement du scul capital, les intéréts étant acquittés par le travail desgens engagés, soit par la simple échéance de la dette, grace a la compensation entre lessalaires devant étre payés par les créanciers bénéficiaires de |’engagement et le montant de ladette incluant le capital et les intéréts.

La nature du contrat de l’engagement des personnes fut source des discussions de la doctrine.Pour les uns, il s’agissait d’un récl contrat de nantissement dont objet n’était pas d’un bien

quelconque mais d’une personne avec toute qualité humaine respectable’ Pour les autres, il ne

s”apissalt que d’un moyen d’acquitter, par le travail du débitcur ou celui de quelqu’un de sa

famille, des salaires anticipés* La doctrine moderne a trouvé un compromis entre les deuxtheses cn qualifiant cet engagement soit de fait d’exécution du contrat de prét soit de contrat

de nantissement selon s’il permet le débiteur de payer la dette en totalité ou pour uniquement

contraignante dans la Iégislation de ? Empire de Ly Anh Tong (1128-1175), sclon laquelle les

‘VU Van Mau, Co luat Victnam va tu phap su dien giảng (Le droit ancien et histoire de la justice du Vietnam),

Saigon 1975, p 72phid., p 73

'M SILVESTRE, Rapport sur Pesclavage du 6 mai 1880, Périodique Excursions et Reconnaissances, n° 4,

Saigon, 1880, p 119

* NGUYEN Ngoc Dien, Quelques réflexions sur les moyens de garantie en droit civil vietnamien [Mot so suy

nghỉ ve dam bao thục hien nghia vu trong luat dan su Viet Nam], Edition de la Jeunesse, Ho Chi Minh Ville,

1999, n° 141

` Voir supra, n° 36

2 33 =

Trang 35

terres cultivées, si elles n’avaient été vendues que d’une manière provisoire, pouvaient étre

dégagées pendant un délai de 20 ans Ce texte précise ensuite que tout acte que ce soit du

vendeur ou de lacheteur entravant l’exercice du droit de dégagement est puni de 80 coups de

rotins! Le Code des Lê, le Code des Nguyên, ct les textes royaux accompagnant ces deux

codes développérent cette disposition sur quelques détails Ainsi, par le đien-mai, lc vendeur,en contrepartie d’une somme qu’il a touché, met soit unc terre soit un objet quelconqus entreles mains de Pacheteur Ce pour un délai préalablement fixé, ne pouvant dépasser toute’ois 30ans, à la fin duquel le bien, objet du contrat, retournerait au vendeur, contre géneralement leremboursement soit du seul prix, soit du prix augmenté des intéréts Si le dégagement n’avaitpas eu lieu au terme échu et que les parties n’avaient pas convenu d’un retour automatique dubien vendu sans aucun remboursement, la chose suivait l’acheteur qui la gérait.

A vrai dire, les législateurs anciens, s’appuyant sur les idées du confucianisme dont la notion

de sanction’, ne prirent pas soin de préciser le régime juridique de ce moyen de garantie, Déslors, la pratique eut toute liberté d’application, et le dicn-mai comme institution civile connuttoutes les variations La doctrine et la jurisprudence pré-contemporaine, trompées pair la

traduction de PHILASTRE’, les qualifièrent ultérieurement, de maniére erronée, tantôt devente avec faculté de rachat ou vente à réméré”, tantôL de nantissement’, certains crurent queces deux derniéres institutions existaient parallèlement tou! au long du passé".

Or, il semble que ce n’était pas le cas La ressemblance de la technique utilisée comme dle lasanction prévue par les deux codes anciens prouve la volonté des rédacteurs de se référer a laméme institution Si le Répertoire des contrats et testaments types (Chuc thu van khe cuu chi)conservé par lEcole Frangaise d’Extréme-Orient a pu collecter certains contrats intitiulés

autrement et qui utilisèrent le terme de dien-co (nantissement)’, ils n’étaient rien đ?autre

' Cette disposition fut transcrite dans Dui Vier su Ay toan thu de Ngo Sy Lien et Kham dinh Viet su thong iamcuong muc de Phan Thanh Gian, voir VU Van Mau, Co luat Viet Nam luoc khao [La généralité du droit amciendu Vietnam], volume 2, Saigon 1970, n° 69

* Voir supra, nos T5 et 37

` PHILASTRE traduit dien-mai par « vente avec faculté de rachat » ou « engagements rachetables », voir supra,

n° 14, voir aussi VU Van Mau, Le dien-mai et le nantissement immobilier dans le droit annamite moderne,extrait de la Revue Indochinoise juridique et économique, 1940-]I, p 7

“Voir A DURETESTE, op cit., pp 59-65

* DURRWELL, Doctrine et jurisprudence, Saigon 1900, p 123; E VILLARD, Etude sur le droit civil annamiite,

Périodique Excursions et Reconnaissances, n° 5, Saigon, Imprimerie du Gouvernement, 1880, pp 321-372

* Entre autres, VU Van Mau, Co luat Vietnam va tu phap su dien giang [Le droit ancien et histoire de la justice

du Vietnam], op cit., pp 43-48 et pp 65-69

TNGHIEM Xuan Viet, La technique juridique du crédit immobilier en droit vietnamien, thése Saigon 1963, m 83

els.

Trang 36

qu une application par la coutume des dispositions des codes féodaux relatives a la méme

instituion — le đien-mal.

Cette :nstilution dans sa forme originale ne fut certainement pas la vente a réméré du droitfrangais, car d’une part, à la différence du droit frangais, la legislation vietnamienne n’avaitpas prévu pour le dien-mai le remboursement des frais cotits de la vente, les réparations

necessaires et celles qui ont augmenté la valeur du fonds jusqu’a concurrence de cette

augmentation et d’autre part, dans le dien-mai, la faculté de rachat peut s’étendre jusqu’a un

terme de 30 ans Le dien-mai ne fut pas non plus le nantissement du droit faneais, puisqu’illui fut conferé le caractére autonome d’un contrat principal, contrairement aux sôretésfrangaises qui ne sont que des contrats accessoires 4 un contrat đe prêt Ainsi, dans le dien-

mal, conformément à une ordonnance royale de la 20° année de Minh Mang, |’acquéreurdevemail définitivement le propriétaire du bicn remis si le rachat n’avait pas eu lieu a Parrivé

du terme’, sans qu’il faille une promesse de vente au moment de la conclusion du contrat ouune attribution judiciaire au terme échu.

Pour conclure sur la nature du dicn-mai, il convient de rappeler Panalyse cxacte de M P.-JSILV ESTIREỶ : « H s’agit d’une obligation sui generis, qui n’a pas d’équivalent exact en droitfrangais, mais qui réunit les caractéres principaux des hypothèques, vente à réméré etnantigsement ».

B - Les contributions francaises au droit vietnamien des siiretés

43 Les années trente du vingticme siecle marquent un progrès considérable du droit

civil du Vietnam en général et du droit vietnamien des sôretés en particulier : les codes civilsclaborés pendant cette période, par les groupes de travail dont les membres sont francais etvictnaumicns, mettent en oeuvre une technique législative beaucoup plus sophistiquée que celledu tenaps léodal,

Ainsi, ala différence du Code des Lé et du Code Gia Long, les nouvelles dispositions du droitdes sũirctCs sont presque toutcs regroupées dans le méme chapitre intitulé « Des contrats deA ce point de vue, le dien-mai se distingue également de la ffducie du droit romain Pour la fiducie, voir Claude

WITZ, ILa Hducle sdreté en droit frangais, R.J-Com, 1982, n9 spécial févricr, L*évolution du droit des stiretés, pp.67-75, surtout p 68

ˆ VỤ Vain Mau, Le đien-mai et la nantissement immobilier dans le droit annamite moderne, op cit., pp 10-11

Vor PLS SILVESTRE, Considération sur étude du droit annamite, 2 ed., Saigon 1923, p 361

Trang 37

garantie » En plus, chaque institution dispose d’une définition propre et de régles précisesrelatives A sa constitution et a sa réalisation Enfin, dans le cadre de ces deux codes, I égalité

et l'équité pour les deux parties dans les contrats de garantie furent, dans la plupart des cas,

assurées par différentes clauses prévoyant les droits et obligations non seulement du débiteur

constituant et ses héritiers mais aussi du créancier bénéficiaire ct ses heritters.

44 — L’esprit plus humain est le deuxiéme caractére positif de la législation de l’cpoque.

Le contredit n’est plus possible en cas de «louage de travail pour amortissement d’uncdette » Plus qu’une nouvelle appellation de «l’engagement des personnes pour dette »

traditionnel, il s’agissait d’une nouvelle institution car sa nature était complètemen: différente

de la précédente Ainsi, un serviteur amortissait sa dette par son travail chez son créancier' et

non plus par sa personne même” En outre, le louage de travail pour amortissement d’une dettene pouvait être conclu que pour une durée prédéterminée par la loi : deux ans au Tonkin’, et

trois ans en Annam* Cette nouvelle disposition permettait aux pauvres paysans de faire faceaux difficultés momentanées de trésorerie sans pour autant étre prisonniers a vie chez leur

creancier, surtout 8 compter de la date de l’entrée en service du débiteur chez son créancier, la

: a : Ẹ hình

créance cessaIt đe produire intérét”.

45 Le droit des sdretés du temps de la colonisation fut aussi un droit très précis En

effet, toutes les institutions du droit des sfretés francais furent introduites dans les Codes

civils du Tonkin et de l’Annam: de la sôreté personnelle aux stiretés réelles, ces sũretés

mobilières aux stiretés immobiliéres, et des sũretés proprement dites aux sôretés resultant dela propriété Parmi ces institutions, quelques-unes furent le résultat d’un perfectionrement des

dispositions éparses de la législation traditionnelle du Vietnam (1), les autres fuirer adoptées

sur le modèle du droit frangais (2), le tout constituant la premiére csquisse du droit es sũretésdu Vietnam.

| - Les efforts des Frangais dans le perfectionnement ¢es

institutions préexistantes

46 Presque toutes les institutions traditionnelles du droit des sũretés du Vistnam ont

été introduites dans les codes civils du Tonkin et de |l’Annam, mais sous unc nouvelle

' Art 1062 du Code civil du Tonkin, art 1236 du Code civil de ’Annam* Voir supra, n9 41

* Art 1063 du Code civil du Tonkin* Art 1228 du Code civil de l’Annam

* Art 1064 du Code civil du Tonkin et art 1237 du Code civil de PAnnam

-

Trang 38

30-appellalion, qui n’était d’aillcurs pas l’unique’ changement Les rédacteurs de ces deux codes

ont fait cn sorte que les institutions préexistantes de notre droit soient dotées d”un esprit

nouveau, tout en conservant leurs particularités anciennes scrupuleusement De la sorte, à cơtẺdes dispositions familiéres, de nouvelles clauses furent édictées afin d”assurer Vexactitude de

langage et la cohérence de l'ensemble de l’ouvrage.

47 Le cautionnement Dans l’histoire du développement de cette institution, lesCodes civils du Tonkin ct dc ’ Annam marquaient un progres: Alors que les Codes des Lê etdes Nguyen ne contenaient de passages épars et succincts sur le cautionnement, ceux-ci sontregroupeés dans Iles nouveaux Codes dans une méme section commengant par un article dedefinition, Cette définition était tres proche de celle du cautionnement du droit frangais dans lamesure ó clle Pentendait comme un contrat par lequel la caution s’engage envers le créancier

à satisfaire à une obligation si le débitcur n’y satisfait pas’.

Micux encore, le contrat de cautionnement était séparé du contrat de prét (ou un autre contratprévoyanL généralement |’obligation portant sur une somme d’argent) en gardant bien

évidemment son caractère accessoire La caulion devenait ainsi une partie dans le contrat de

caulionnement, et ne restait plus tout simplement comme un témoin dans Je contrat de prét,comme cela avait été le cas autrefois Le contrat de cautionnement devait étre rédigé par écrit,

il était soit un acte notarié, soit un acte sous-seing pri vé” Etant un acte accessoire, i] ne

pouvait pas cn tout cas remplacer le contrat principal : son existence était subordonnée a lavalidité de l’obligation principale’, son extension ne devait pas dépasser les limites convenuesdans lic contrat principal’, ct son cxigibilité dépendait de celle de la dette pour laquelle i! avait

rye rã

cle acccomplr.

I] est à noter que, selon lartiele 1314 du Code civil du Tonkin ainsi que l’article 1494 duCode civil de ’Annam, le cautionnement pouvait être conclu par plusieurs cautions pour laméme dette L’idée n’étant pas nouvelle, ses racines ont pu étre trouvées a l’occasion de lanoliom d’« hériticr nécessaire » cl de la reconnaissance du cautionnement Iégal dans la o - ` 6 ' Ả - rdJurisprudence ancienne’ Pourtant, les législateurs du temps de la colonisation ont modernisécette institution en affirmant que la responsabilité des cautions d’une dette ne se présumait"Art 1.311 du Code civil du ‘Tonkin et 1493 du Code civil de PAnnam

Art 1311 du Code civil du Tonkin et 1497 du Code civil de Annam‘Art 1311 dụ Code civil du Tonkin et 1496 du Code civil de l’Annam

* Art 1B13 du Code civil du Tonkin et 1497 du Code civil de ’Annam* Art 1315 du Code civil du Tonkin

“Voir siupra, nos, 37 et 40

= 39 =

Trang 39

point’ Dés lors, lépouse veuve ou l”époux veuf, les fils, ainsi que les petits-fils du dcbiteurprincipal ne seraient désormais responsables solidairement avec ce dernier envers son

créancier que s’ils s’y sont engagés expressément par un contrat.

Le régime de protection de la caution était aussi plus complet Si les législateurs féodaux, enprévoyant les obligations de la caution, n’avaient pensé qu’a la protection des intcréts ducréancicr, les rédacteurs des Codes civils du Tonkin et de ’ Annam, prirént plus de soins pourprotéger la caution dans son rapport non seulement avec le créancicr, mais aussi avec ledébiteur et les autres cautions de la méme dette, s’il y en avait Ainsi, (i) la caution pouvaitexiger que le créancier fasse préalablement saisir et vendre les biens du débiteur principal,

avant de poursuivre l’exécution envers elle? ; (ii) la caution ne pouvait en aucun cas étre tenue

au-dela des limites de I’obligation principale’ ; (iii) la caution qui avait payé pour le débiteur

se trouvait subrogée dans tous les droits du créancier, elle bénéficiait notamment des stiretés

réelles garantissant la dette” ; (iv) la caution avait droit au remboursement, par le dcbiteur, du

montant de ce qu’elle avait payé, des intéréts de cette somme a compter du jour du paiement

et des frais® ; et (v) dans le recours des cautions entre elles, lorsque l’une d’elles avait payé,

$ ` ` h Oper al

les cautions se trouvaient soumises aux régles de la solidarité’.

48 La vente avec faculté de rachat était une autre institution dont la dénomination

était nouvelle mais qui trouvait son origine dans le dien-mai traditionnel” Définic par les

codes du temps de la colonisation comme un acte par lequel le vendeur se réserve la faculté de

reprendre la chose vendue moyennant la restitution a l’acheteur du prix principal et leremboursement des dépenses par lui faites, la vente avec faculté de rachat conservait soncaractére principal et ne pouvait donc pas être qualifiée de sôreté proprement dite De ce fait,

elle figurait non pas au chapitre « Des contrats de garantie »® mais au chapitre relatif a la

` Art 1313 du Code civil du Tonkin et 1497 du Code ciyil de | Annam

~ Art 1317 du Code civil du Tonkin et sous une autre forme mais dans le méme sens, art 1499 du Cciv, deAnam

‘Art 1313 du Code civil du Tonkin et 1498 du Code civil de PAnnam" Art 1320 du Code civil du Tonkin et 1502 du Code civil de ’ Annam

` Art 1321 du Code civil du Tonkin et 1503 du Code civil de !Annam

* Art 1322 du Code civil du Tonkin et sous une autre forme mais pour le méme objectif, Art 1501 dị Code civil

de !’Annam"Voir supra, n° 42

Ÿ J1 s*agit du chapitre XI du Code civil du Tonkin et chapitre XII du Code civil de 'Annam, Pour le Lécret du 24Juillet 1925, tl s’agit du titre VI (de Ja premiere partie) intitulé « des stiretés immobili¢res »

Trang 40

vente!, les deux chapitres faisant partie du même livre portant sur des obligations et des`

Cette réalité n’a pas empéché les autochtones de l’invoquer aussi réguliérement que possible

comme un mode de garantie Ils y ont trouvé tout avantage Pour le vendeur, familier du

dien-mai traditionnel, la vente avcc faculté de rachat semblait deja plus protectrice avec unremboursement limité au prix principal, majoré de certains frais énumérés par la loi Pour

Pacheteur, en dehors đe lintérét d’exercer tous les droits de son vendeur tout au long du délai

de rachat, dont droit aux fruits et produits”, l*opération constituait un moyen de dissimuler unpacte comimissoire lui permettant devenir plus tard proprictaire de la chose a son prix present,minore, le cas échéant, certains frais.

La vente avec faculté de rachat du droit vietnamien a l’époque était ainsi trés proche de lavente à réméré du droit frangais D’ailleurs, bien que les rédacteurs du Code Civil de l’Annam

alent cu occasion, dans Icur article 1089, d'affirmer expressément que l’une n’était pas

autre, ils n’ont pas pu nier les ressemblances apparentes entre les deux institutions D’unepart, le đélai de rachat dans la vente avee faculté de rachat, a la différence du dien-maitraditionnel, fut significativement raccourci (de 30 à 10 ans)* pour approcher le délai

quinguennal du droit frangais D’aulre part, comme dans la vente à réméré du droit frangais,

pour xerccr la faculté de rachat, le vendeur ainsi que ses héritiers et ses créanciers devaientrembourscr non sculement le prix principal, mais aussi les frais de la vente, les réparationsnécesisaires faites 4 V’immeuble vendu et celles qui ont augmenté sa valeur’ Enfin, faut-ilajouter que larticle 962 du Code civil du Tonkin disposant que l’acquéreur a réméré devientproprictaire définitif 4 Pexpiration du délai fixé si le rachat n’est pas exercé ne s’agit rien

d”autre qu’une copie de l’article 1662 du Code civil frangais.

49, Le nantissement immobilier I] est intéressant de noter que la vente avec facultéde rac:hat n’ctait pas le seul dérivé du dien-mai, le nantissement immobilier ]’était aussi.

' Chapittre H du Code civil du Tonkin et chapitre If du Ceiv de PAnnam, titre If (de la deuxi¢me partie) intitulé

« des c@ntrats en mattere immobiliére » du Déeret du 24 juillet 1925` Livre /IH du Code civil du Tonkin et livre 1V du Code civil de I'Annam

“Art 9165 dụ Code civil du Tonkin et 1098 du Code civil de ?Annam

"Art 9559 du Code civil du Tonkin, 1091 du Code civil de ’Annam, et 209 du Décret du 24 juillet 1925` Art 9(67 du Code civil du Tonkin, 1100 du Code civil de l’Annam et 208 du Décret du 24 juillet 1925

Ngày đăng: 27/05/2024, 10:53

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