Raisons du choix
Les locutions imagées nous intéressent vivement depuis les premières années d‟apprentissage du franỗais car elles reflốtent la culture et la civilisation franỗaises On les rencontre chaque jour dans les articles de journal, dans les poèmes, dans les nouvelles et surtout dans le parler quotidien de tous les Franỗais D‟une locution à l‟autre, on dộcouvre de belles histoires qui donnent sur un nouveau monde, et ces histoires nous ont inspirés la passion pour les locutions imagées D‟autre part, les expressions imagées sont souvent un bon moyen pour formuler des notions abstraites ou pour aborder un sujet délicat comme la mort, l‟argent, etc On les utilise aussi pour atténuer des propos qui risquent de choquer ou de blesser les interlocuteurs Les expressions idiomatiques sont liées au contexte culturel, matériel et social d‟une aire linguistique Elles traduisent la culture typique d‟un peuple C‟est pour toutes ces raisons que l‟étude des locutions imagées devient le but de tous les apprenants du franỗais Et c‟est aussi la premiốre motivation qui m‟incite à choisir ce sujet
Il y avait bien des travaux de recherche sur les locutions imagées, comme ceux qui portaient sur les parties du corps humain, les chiffres, les phénomènes naturels, etc Par contre, ces recueils sommatifs des locutions imagộes n‟aident pas les apprenants à les rộemployer de faỗon efficace En effet, ils répertorient des expressions imagées en un index, c'est-à-dire par ordre alphabétique des mots-clés de chaque expression De plus, ces études apportent une compréhension globale et complète des expressions imagées sans tenir compte des contextes dans lesquels ces expressions ont été utilisées
Dans ce mémoire, nous essayons d‟analyser expressions imagées portant sur le thème "sentiment et émotion" permettant aux apprenants de les réutiliser en fonction de ce qu‟il veut exprimer Par exemple, pour exprimer une forte tristesse, les apprenants peuvent utiliser les expressions telles que „fondre en larmes‟ ou "être à bout de souffle"…
D‟abord, les exemples tirés d‟œuvres littéraires contemporaines qui sont proches du langage courant aideront efficacement les apprenants étrangers à mieux communiquer
La langue, comme les autres produits de la société, se développe très rapidement En rédigeant mon mémoire de fin d‟études universitaires intitulé
"Les locutions imagées formant avec le mot cœur", je constatais que les exemples tirés d‟œuvres littéraires classiques sont déjà vieux par rapport au franỗais contemporain Analysons maintenant le cas de l‟expression "casser sa pipe" ; on l‟a trouvée dès le XVIIe siècle, dans les mazarinades, dans le sens de "se mettre en colère", "avoir un accès de colère" Par glissement sémantique inexpliqué à ce jour, on est passé de cette première acception à une seconde, seule aujourd'hui admise : "mourir" En ce sens, on retrouve l'expression ancienne employée sous le premier empire durant les guerres napoléoniennes Sur les champs de bataille de l‟époque, les médecins militaires ne disposaient pas du matériel nécessaire pour anesthésier le soldat avant de l'amputer Pour résoudre ce problème, on avait trouvé une bien maigre solution Il s‟agissait de donner une pipe en terre cuite au patient qu‟il place entre ses dents, pour éviter que ce dernier ne crie Dans le cas ó le médecin échouait lors de l‟opération et que le soldat succombait, il lâchait alors la pipe qu‟il tenait entre ses mâchoires, et celle-ci tombait en se brisant
Actuellement dans le langage familier, cette expression signifie donc
“mourir” mais on la rencontre très rarement Ainsi, l‟évolution de la langue en général et celle des expressions idiomatiques nous ont poussés à choisir un corpus dans le franỗais contemporain qui pourrait faciliter la comprộhension ainsi que la production chez les apprenants
Olivier ADAM est un jeune auteur contemporain qui est connu par beaucoup de romans dont certains ont été adaptés au cinéma Ses œuvres parlent de la vie quotidienne des Franỗais portant des ộtats sentimentaux lourds… Ces romans et nouvelles apportent une vision d'un monde qui n‟est pas rose, remplie de conflits intérieurs, de désespoirs et de doutes Il y a donc un nombre considérable des expressions imagées exprimant des sentiments et des émotions qu‟aborde notre travail de recherche
Bref, notre travail a pour un simple objectif de contribuer à l‟approfondissement d‟un vieux sujet et de fournir une faỗon efficace de comprendre profondément des expressions idiomatiques : c‟est une analyse descriptive des locutions imagées dans des contextes précis
Notre mộmoire se compose de trois chapitres Le premier prộsente un aperỗu théorique des locutions avec la définition, les caractéristiques et la classification des locutions imagées en fonction des critères différents
La deuxième est réservée à une présentation des locutions figées exprimant des sentiments/émotions dans les deux œuvres "Passer l‟hiver" et "Falaises" du jeune ộcrivain franỗais Olivier ADAM tout en classifiant ces expressions sur le plan sémantique et grammatical De plus, on analyse des difficultés des apprenants étrangers dans la compréhension de ces locutions
La troisième partie traite un corpus des vingt-trois locutions imagées qui expriment des sentiments/émotions D‟abord, on va essayer de les comprendre grâce à leurs origines et sous l‟effet des procédés stylistiques Et puis, l‟analyse de ces expressions idiomatiques dans des contextes courants de la communication quotidienne nous aidera à comprendre parfaitement des nuances de chaque variante Cette compréhension permettra aux apprenants de réemployer ces locutions pour exprimer leurs propres sentiments/émotions
A l‟appui de ce corpus, nous appliquons la méthode descriptive et analytique du contenu langagière pour en tirer des remarques sur les locutions imagées exprimant des sentiments.
Questions de recherche
Il est indộniable que les locutions sont des "faỗons de s‟exprimer et des formes figées du discours, formes convenues, toutes faites, héritées par la tradition ou fraợchement crộes, qui comportent une originalitộ de sens par rapport aux règles normales de la langue." (Rey, A : Préface du Dictionnaire des expressions et locutions P VII.) Ces expressions sont le plus souvent imagées et elles mettent dans le discours une couleur que les énoncés régulièrement produits n‟ont pas En même temps, elles ont un degré de figement plus ou moins important Certes les locutions imagées ont une forte fréquence mais Bien qu‟on les rencontre chaque jour dans la vie quotidienne ainsi que dans la littérature, on a du mal à bien comprendre les locutions imagộes et encore moins de les rộemployer de faỗon pertinente
Comme les unités lexicales simples, les locutions ont aussi souvent changé au niveau du signifiant ou au niveau du signifié Nous avons suivi ces changements dans notre travail Dans ce but, nous avons consulté ces dictionnaires modernes de locutions : Le dictionnaire des expressions et locutions de Rey-Chantreau, Dictionnaire du franỗais contemporain de Jean Dubois, Le bouquet des expressions imagées de Duneton, le Dictionnaire de compréhension et de production des expressions imagées de Robert Galisson et le Dictionnaire des locutions franỗaises de M Rat
Dans ce mémoire, nous cherchons à répondre aux trois questions suivantes :
2.1 Question 1: Quelles sont les difficultés des interlocuteurs non natifs dans la compréhension et l’utilisation de ces expressions figées ? 2.2 Question 2 : Comment les locutions imagées se comprennent-elles ? 2.3 Question 3: Est-ce que les mêmes locutions expriment-elles la même émotion dans des contextes différents ?
Méthodologie de recherche
Nous avons répertorié dans notre travail des locutions figées et des expressions figurées figées ou créatives verbales, adjectivales et adverbiales, y compris des expressions à verbe support, qui ne sont pas considérés par certains lexicologues comme locutions verbales
Cependant, nous allons nous intéresser plutôt à leur forme figée qu‟à leur contenu
En revanche, notre étude ne porte pas sur les locutions conjonctives, prépositionnelles et les mots composés simples qui sont plutôt des mots complexes déjà lexicalisés ; comme par exemple des prépositions (en vue de), des conjonctions (quand bien même) ou des groupes de mots à valeur stable, techniques, scientifiques ou simplement usuels (chemin de fer) en allant du plus métaphorique au plus plat car l‟essentiel devait concerner des expressions toutes faites et figurées, qui ont pris naissance d‟une image, d‟une métaphore, d‟un glissement de sens Ainsi notre travail ne porte pas sur les emplois figures des mots simples
Une fois les locutions citées, nous allons analyser leur système syntaxique et les relations sémantiques entre leurs composants, les classer et les étudier du point de vue lexical dans le but de pouvoir distinguer une locution figée d‟une expression figurée figée ou créative, etc
Pour bien répondre à ces questions ci-dessus, plusieurs méthodes de recherche ont été utilisées de recherche telles que :
3.1 Méthode descriptive 3.2 Méthode synthétique 3.3 Méthode analytique
Le rapport de notre recherche est divisé en trois chapitres : Puisque le premier porte sur le fondement théorique sur lequel se base l‟analyse de notre corpus, cela est une synthèse de l‟ensemble des définitions et cadres de références des concepts liés au phénomène linguistique des expressions idiomatiques
Le deuxième chapitre met l‟accent sur les facteurs pour bien comprendre des locutions ainsi que des difficultés des locuteurs non natifs dans la compréhension et le réemploi de ces expressions
Le troisième chapitre constitue la partie analytique du corpus des locutions imagées dans les nouvelles d‟Olivier Adam qui répond aux questions suscitées en se basant sur le socle théorique.
FONDEMENT THEORIQUE
Définition
1.1 Définition de “locution imagée" et ses synonymes
Le mot locution venant du latin “locutio, loqui” (parler, parole) marque en général, “la manière de former le discours, d‟organiser des éléments disponibles dans la langue pour produire une forme fonctionnelle” (A Rey et
S Chantreau - Dictionnaire des expressions et locutions figurées)
En linguistique, ce terme désigne une “forme particulière de la langue, arrangement, groupe de mots figộs” La langue franỗaise connaợt en effet plusieurs définitions de locution au cours de son histoire dont les suivantes font partie :
En grammaire traditionnelle, “La locution est un groupe de mots (nominal, verbal, adverbial) dont la syntaxe particulière donne à ces groupes le caractère de groupe figé et qui correspondent à des mots uniques (J Dubois et al – Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, p.289)
Selon L Guilbert, une locution est un groupe de mots figé, occupant la même fonction d‟un mot simple dans l‟organisation syntaxique de la phrase: tenir tête est une locution verbale, au dessus de une locution prépositive, en vain est une locution adverbiale…” (Grand Larousse de la langue franỗaise, p.3097)
Locution est un groupe de mots ayant une valeur grammaticale particulière:
Locution verbale : formé d‟un verbe, suivi d‟un nom généralement sans article
Locution conjonctive : à valeur de conjonction
Locution prépositive : à valeur de préposition
Une locution imagée est une unité fonctionnelle plus longue que le mot graphique, fondée sur une image, appartenant à la langue comme forme stable susceptible d‟assumer la fonction d‟intégrant et dont le sens global ne résulte pas de la juxtaposition du sens de ses constituants
Les locutions imagées ont pris naissance d‟une image et par la suite, d‟une métaphore, d‟un glissement de sens “elles impliquent une rhétorique et une stylistique Elles supposent le plus souvent le recours à une figure: métaphore, métonymie Elles ont dans l‟usage social une vitalité” (A Rey et S
Chantreau - Dictionnaire des locutions et expressions, p.7)
Le mot “locution imagée” a bien des synonymes tels que "expression imagée" (C Duneton 1981, R Galisson 1984), "locution verbale idiomatique"
(Vittoz Canuto 1983), "idiotisme" (A Rey 1987), "locution figurée" (C
Duneton 1990, M Heinz 1993), "figement lexical" (C Bally 1905),
"syntagme figé" (F de Saussure 1967), "stabilité formelle" (A.J Greimas
1960), "forme globale" (P Guiraud 196, E Coseriu 1966), “en bloc" (Pottier
1969, A Rey 1989, Burger 1982, Gross 1996) Ces mots portent une seule notion mais chacun insiste sur une des caractéristiques des locutions imagée qu‟on va aborder dans la deuxième partie (unité de forme et de sens, écart de la norme grammaticale et lexicale)
1.2 Distinction entre “locution” et “expression”
Essayons dans cette partie d‟éclaircir la terminologie qu‟on va utiliser dans les parties qui suivent : locution et expression Il n‟est pas facile de définir ces deux termes, mais c‟est absolument nécessaire Les termes “locution” et
“expression” sont souvent considérés comme synonymes car la différence entre les deux est, en effet très subtile Alain Rey nous fournit une explication convaincante de la locution : “la locution est une unité fonctionnelle la plus longue que le mot graphique, appartenant au code de la langue en tant que forme stable et soumise aux règles syntaxiques de manière à assumer la fonction d’intégrant.” On pourrait recopier la même phrase complexe pour dộfinir l‟expression, mais une lộgốre distinction apparaợt lorsqu‟on met l‟accent sur la genèse de chaque terme
La locution est “une unité fonctionnelle plus longue que le mot graphique, appartenant au code de la langue (devant être apprise) en tant que forme stable et soumise aux règles syntactiques de manière à mesurer la fonction d‟intégrant (au sens de Benveniste)” et, ayant recours à l‟étymologie, il ajoute : "Locution […] est exactement "manière de dire", manière de former le discours, d‟organiser les éléments disponibles de la langue pour produire une forme fonctionnelle C‟est pourquoi on peut parler de "locutions adverbiales" ou "prépositives", alors que ces mots grammaticaux complexes ne seraient jamais appelés des “expression”
L‟expression est la "manière d’exprimer quelque chose, elle suppose le plus souvent le recours à une "figure", métaphore, métonymie, etc."
Les locutions relèvent alors de deux catégories, l‟une correspondant à des groupes de mots formant une unité et ne pouvant pas être modifiée à volonté, renfermant en particulier des groupes nominaux et, l‟autre, à des groupes de mots grammaticaux complexes, également non modifiables, mais qui correspondent à des catégories linguistiques bien établies comme par exemple : locution adverbiale, locution verbale, locution adjective Dubois généralise ainsi : "La locution est un groupe de mots (nominal, verbal, adverbial) dont la syntaxe particulière donne à ces groupes le caractère d‟expression figée et qui correspondent à des mots uniques" (1994 : 289)
Selon le Dictionnaire du franỗais contemporain – Larousse (J Dubois et al.), on constate que locutions et expression sont deux notions différentes En effet, locution est "un groupe figé de mots constituant une unité sur le plan du sens" tandis que expression est "un mot, groupe de mots qui exprime une pensée ou un sentiment" Par contre, une "expression imagée" porte la même notion que "locution" C‟est-à-dire "expression imagée", comme "locution" est figée, on ne peut donc pas ajouter ou supprimer un élément dans l‟"expression imagée" ni changer leur ordre tandis que l‟autre qui contient des procédés stylistiques demeure plus flexible La signification de toute l‟expression n‟est pas toutefois établie par le sens des éléments ; ces éléments se comportent en effet comme de faux constituants puisqu‟ils n‟ont de sens que dans leur combinaison Ainsi, cela explique pourquoi la compréhension des locutions imagées ne peut pas se faire dans presque tous les cas d‟une manière linéaire et cumulative à partir de leurs constituants.
Les caractéristiques des locutions imagées
2.1 Unité de forme et de sens
Sur le plan formel, les constituants des locutions créent entre eux une cohésion absolue, si bien qu‟ils accordent aux locutions le même statut qu‟une unité lexicale On peut parler dans ce cas d‟unité syntaxique indissoluble La manifestation linguistique de cette unité de fonctionnement se traduit donc par l‟impossibilité de séparer, de changer les éléments combinés ou d‟ajouter un autre élément dans ce bloc Ainsi, la locution “faire chou blanc” n‟accepte pas noir ou rouge… à la place de blanc bien qu‟ils appartiennent tous au même champ lexical de couleur sur l‟axe paradigmatique Nous ne pouvons pas non plus y ajouter des adverbes comme complètement, bien, …C‟est pourquoi, il est possible de considérer qu‟une locution se comporte comme un mot simple et qu‟il faut le mémoriser dans son ensemble, fonctionnant comme tel
Sur le plan sémantique , les locutions forment une unité sémique Leur signifié est global Il ne résulte pas de la somme des significations de ses composantes C‟est-à-dire que la combinaison de plusieurs mots peut donner naissance à une unité nouvelle dont la signification ne se réduit pas au produit des significations des unités combinées mais fonctionnant comme une unité simple
Prenons l'exemple de "Mettre le cœur sur le carreau"
En tant qu‟un groupe verbal libre
Signifiant Mettre le Cœur sur le carreau
Signifié SE 1 SE 2 SE 3 SE 4 SE 5 SE 6
La signification du groupe est constituée par la combinaison de celle de 6 éléments : poser le cœur sur la nappe à carreaux de la table
En tant qu‟une locution Signifiant Mettre le cœur sur le carreau
La signification de toute l‟expression n‟est pas établie par le sens de 6 éléments mais correspond au sens de “vomir” Ces constituants ne fonctionnent plus comme éléments autonomes, indépendants, ils ne gardent plus leurs valeurs linguistiques potentielles : leur vraie valeur se reconnaợt dans l'ensemble de la combinaison
Ainsi, cela explique pourquoi la compréhension des locutions imagées ne peut pas se faire dans presque tous les cas d‟une manière linéaire et cumulative à partir de leurs constituants
En résumé, considérées comme des blocs de signifiants correspondant à un seul signifié, les locutions présentent un caractère idiomatique Cela veut dire qu‟elles sont intraduisibles telles quelles dans une langue étrangère, autrement dit la traduction par transcodage des locutions figées dans une langue étrangère est quasiment impossible
2.2 Ecart de la norme grammaticale ou lexicale
Les locutions sont des faỗons d'exprimer et des formes figộes du discours, formes convenues, toutes faites, héritées par la tradition ou fraichement crées, qui comportent une originalité de sens par rapport aux normes lexicales et grammaticales de la langue Ces locutions sont le plus souvent imagées et elles apportent aux discours une couleur que les autres expressions n'en ont pas mais ỗa ne les empờche pas d'en apporter au discours
Ainsi, les locutions présentent souvent des particularités dans leur forme, leur contenu et constituent des idiotismes intralinguistiques Ces anomalies résultent principalement d‟archạsmes lexicaux et morphosyntaxiques
2.2.1 Les particularités lexicales a) Les locutions sont souvent formées avec les mots du vocabulaire de tous les jours Il s‟agit d‟abord des mots qui concernent
- les activités quotidiennes : + lever le coude : boire beaucoup + avoir un verre dans le nez : être un peu ivre + piquer un somme : faire une petite sieste
- les animaux : + rire comme une baleine : rire sans retenue + avoir mangé du cheval : faire preuve d‟une énergie inhabituelle + avoir un mal de chien de faire quelque chose : avoir beaucoup de difficultés pour faire quelque chose
- les émotions : + boire du petit lait : être très satisfait de soi-même, se réjouir + se mordre le doigt de quelque chose : se repentir vivement, amèrement d‟avoir fait quelque chose
+ avoir du vague à l’âme : se sentir un peu triste, mélancolique
- les parties du corps : + avoir quelqu’un sur le bras : avoir quelqu‟un à charge, entretenir quelqu‟un + de bouche à l’oreille : de faỗon non officielle, des rumeurs ou des confidences + la bouche en cœur : faire des moues, des manières Ils sont le plus souvent monosyllabiques, faciles à prononcer et à retenir
Créées il y a bien longtemps, les locutions contiennent encore des traces lexicales du passé Il s‟agit d'archạsmes, c‟est-à-dire des mots qui ne sont plus employés Il existe dans les locutions un très grand nombre de mots archạques qui n‟est plus figuré sur la liste des mots contemporains dans le dictionnaire Prenons l‟exemple “en guise de”, le mot guise a disparu du vocabulaire du franỗais moderne Dans “au fur et à mesure”, le mot fur (taux, proportion) est sorti de l‟usage depuis le XVIII e siècle Dans “à la queue leu leu”, le mot leu est éliminé par le nouveau terme loup au XI e siècle Ainsi, le lexique franỗais comporte effectivement une sộrie de mots qui ne sont conservés que dans les locutions De plus, certains de ces archạsmes ont survécu dans les substitutions qui ne sont plus reconnaissables “Tomber dans les pommes” vient de “tomber dans les pasmes” issu de “se pâmer”, ou
“copains comme cochons” ó cochons est issu de socon qui signifiait à l‟époque compagnon
A cơté des archạsmes de mots, il existe aussi des archạsmes de sens Prenons par exemple la locution “Il n’y a pas le péril en la demeure” (plutôt : il n'y a pas péril en la demeure) Le mot “demeure”, en tant que le mot isolé est vivant aujourd‟hui, mais il n‟est plus utilisé dans le sens que suppose la locution : attente Il n‟y a donc pas perte de mot mais perte de sens
2.2.2 Les particularités grammaticales Une bonne quantité des locutions survivent en marge de la syntaxe vivante et constitue également des archạsmes
Il s‟agit d‟abord de l‟omission de l‟article Ce phénomène est très fréquente, surtout dans les locutions verbales: tenir parole, rendre justice, prendre froid, mettre fin, faire mouche… Si on ajoute l‟article dans ce groupe, il ne s‟agit plus d‟une locution et le sens change aussi Comparons “prendre part à” et
“prendre une part” Le premier signifie participer tandis que le seconde exprime le fait de tenir une partie de quelque chose
L‟ordre syntaxique est parfois renversé: le complément d‟objet peut précéder le verbe comme “sans coup férir” Au lieu de suivre le verbe, le complément d‟objet direct “coup” se trouve avant “férir” “A son corps défendant” s‟évade de la norme grammaticale avec l‟utilisation de “à” à la place de “en” pour exprimer le gérondif et le réfléchi “son corps” au lieu de “se” (en se défendant)
Une autre particularité grammaticale concerne l‟absence de préposition dans les structures ó elles auraient dû figurer On rencontre souvent des compléments de nom sans préposition comme dans “à la queue leu leu” (leu
= loup) Et il faut interpréter la formule comme “à la queue le leu”, (c‟est-à- dire à la queue du loup) ou même comme “ à la queue le leu le leu (c‟est-à- dire à la queue du loup le loup, un loup à la queue de l‟autre, tous les loups, l‟un derrière l‟autre)
En outre, le subjonctif dans “à Dieu ne plaise” et le gérondif sans préposition comme dans “Tambour battant” ou “Chemin faisant” se voient souvent dans les locutions
Des formes et des valeurs stylistiques remarquables sont toujours exprimées dans les locutions La plupart des locutions sont prises dans un sens stylistiques
La métaphorisation de l‟abstrait est une des fonctions essentielles du langage et les notions abstraites, dans leur presque totalité, sont exprimées à partir d‟images concrètes
- Découvrir le pot aux roses 2.3.2 Hyperbole
L‟hyperbole consiste à exagérer sa pensée, soit inconsciemment sous le coup d‟une émotion et d‟un sentiment très vif, soi délibérément en vue d‟en marquer l‟importance et l‟urgence
- Etre mort de peur/de fatigue
- Couper un cheveu en quatre
- Suer sang et eau 2.3.3 Antiphrase L‟antiphrase est une forme affective du discours ; elle exprime tout particulièrement l‟ironie Sous sa forme la plus simple et la plus populaire, elle consiste en une comparaison du type :
- Aimable comme une porte de prison
- Clair comme de l‟eau de vaisselle
2.3.4 Ellipse L‟ellipse est liée à des figures de langue, à des constructions et tours de phrase particuliers
- En dire de belle, en voir de dures
- Joindre les deux bouts 2.3.5 Comparaison
Sous la forme la plus fruste, articulée sur l‟adverbe comme, la comparaison est la figure essentielle dans les constructions locutives
- Riche comme Crésus 2.3.6 Assonnance L‟allitération est un ornement de style qu‟on retrouve dans de nombreuses locutions ; et tout porte à penser que le plus souvent les hasards de la forme phonétique suggèrent le choix d‟une image par ailleurs indifférente
Classifications des locutions imagées
D‟aprốs la classification sộmantique, on peut rộpartir les locutions franỗaises en trois types essentiels:
- les groupements synthétiques (unité indécomposable)
- les groupements intermédiaires (synthético-analytique)
Ces groupes se caractérisent par le plus haut degré de la fusion de leurs parties composantes Les significations des mots isolés y cessent d‟avoir une existence indépendante et forment un tout sémantique indissoluble
Ne pas être dans son assiette Tirer le diable par la queue 3.1.2 Les groupements synthético-analytiques
Les groupements synthético-analytiques occupent une position intermédiaire entre deux types polaires de locutions Ils ne sont pas entièrement indécomposables mais ils ne sont non plus conformes à la norme grammaticale du franỗais d‟aujourd‟hui On peut dộduire du sens des parties composantes le sens global de la locution
Le franỗais à nos jours abonde en pộriphrases de toutes sortes (verbales, nominales, adverbiales, prépositives, conjonctives) La majeure partie de ces pộriphrases est entiốrement conforme à la syntaxe du franỗais d‟aujourd‟hui, ce qui permet de les rapporter aux locutions analytiques Pourtant, ce sont des locutions dont les significations sont phraséologiquement liées et dont l‟alliance avec les autres mots est traditionnellement consacrée par l‟usage
Subir un échec Subir une défaite Subir un interrogatoire
On trouve en franỗais un nombre considộrable de locutions à valeur expressive plus ou moins fortement prononcée, fondée sur l‟emploi métaphorique, plus rarement métonymique de toute la locution Il en est de même pour les locutions contenant une hyperbole ou des pléonasmes Ce sont pour la plupart des locutions proverbiales:
- tomber de la poêle dans la braise
- donner la brebis à garder au loup
- le jeu ne vaut pas la chandelle
- œil pour œil, dent pour dent
- donner un œuf pour avoir un bœuf
- à tort et à travers 3.2 Sur le plan structuro-grammatical
Outre la classification sémantique basée sur le degré de la fusion des composantes d‟une locution, il y a la classification structuro-grammaticale des groupements stables On peut répartir toutes les locutions phraséologiques en:
Locutions nominales: coup de main, arme blanche, colombe de la paix…
Locutions verbales: avoir soif, se mettre en colère, voir clair, garder le silence…
Locutions pronominales: tout le monde, quelque chose…
Locutions adverbiales: tout-à-coup, sur-le-champ, jamais de la vie, à belles dents…
Locutions prépositives ou conjonctives: à cause de, histoire de, de peur que, de crainte que…
Les sources de création des locutions imagées
La langue, mode d‟expression de la réalité, reflète les choses qu‟elle nomme : la nature, l‟homme, la vie, ses mœurs, ses institutions, ses techniques et aussi ses faỗons de sentir, de concevoir le monde et ses semblables
Ceci dit, il est clair que la langue est un produit de l‟histoire et traduit un milieu et une expérience dont elle est issue Mais si les causes d‟origine externe (géographie, économie, histoire, etc.) sont de très loin les plus nombreuses, une minorité de faits qui prennent leur source dans la forme même de la langue sont les plus caractéristiques ; les plus obscurs aussi et partant les plus intéressants du point de vue du linguiste Ceci est particulièrement vrai des locutions
Commenỗons cependant par les examiner dans leur rapport avec la collectivité qui les a crées, ses modes de vie, son histoire Dans cette première partie, on rassemble quelques expressions nées de la vie quotidienne, des techniques, des institutions
Les activités quotidiennes se reflètent dans les mots qui les expriment, elles sont la source d‟images, de faỗons de dire, qui en traduisent les caractốres objectifs ou subjectifs
- Voler de ses propres ailes : agir sans le secours d‟autrui
- Avoir le bras long : avoir de l‟influence, du pouvoir
- Rentrer dans sa coquille : se retire prudemment d‟une discussion 4.1.2 La vie économique et sociale (la féodalité, l’Eglise, la chasse, l’équitation et la guerre, les jeux)
Si les expressions tirées de la vie quotidienne sont claires et évidentes, il en va autrement d‟images qui dérivent de la vie sociale En effet, les institutions, les techniques, voire les coutumes et les mœurs évoluent et en tombant en désuétude abandonnent dans la langue des mots et des métaphores qui ont perdu tout contact avec la réalité dont ils sont issus
- Se porter garant : garantir la vérité d‟une affirmation
- Faire amende honorable : avouer ses torts
- Avoir voix au chapitre : avoir le droit de donner son avis
- Faire de gorges chaudes de quelqu’un : se moquer de quelqu‟un
- Tirer au flanc : échapper à sa tâche
Si le langage reflète la vie, l‟homme et la société, il a sa source aussi dans les livres ; non seulement dans notre littérature sous sa double forme, cultivée et populaire, mais encore et surtout dans la littérature ancienne à travers laquelle nous a été transmise une culture dont nous sommes des héritiers La Bible, d‟autre part, nous a été une source inépuisable d‟exemples, de paraboles et partant de métaphores et de locutions L‟histoire enfin avec ses grands faits, ses personnages, alimente la sagesse ou la verve de la communauté – beaucoup moins qu‟on le croit, d‟ailleurs, comme on le verra
Cette deuxième partie présente quelques locutions qui sont issues de l‟Antiquité grecque et latine, de la Bible, de la littérature et de l‟histoire
Les Grecs et les Latins ont, comme tout les peuples, une abondance phraséologie basée sur leur mœurs, leurs techniques, leur histoire Beaucoup de leurs locutions sont passộes en franỗais sous forme de calques dont il n‟est pas toujours facile d‟établir ou de retracer l‟origine Mais ces locutions qui sont complètement assimilées par notre langue réfèrent à une sagesse universelle et sans patrie On ne mentionnera que ce qui a gardé un caractère indigène
- Etre ravi au septième ciel : éprouver un immense ravissement
- Jurer ses grands dieux : faire un serment solennel
- Tomber de Charybde en Scylla : de mal en pis 4.2.2 La Bible
La Bible est le livre par excellence, ô le commencement et la fin ằ, la source de toute sagesse et de toute connaissance Aussi les situations, les personnages, les paraboles et les métaphores bibliques sont la source de nombreuses locutions
- Pauvre comme Job : être très pauvre
- Adore le veau d’or : faire bassement sa cour aux riches et aux puissants
- Porter sa croix : être sujet à des peines journalières
- Séparer le bon grain de l’ivraie : séparer les bons des méchants 4.2.3 La littérature
Beaucoup de locutions sont d‟origine littéraire ; les une sont des créations des grands écrivains, d‟autres appartiennent à la fable et au folklore
- Voilà pourquoi votre fille est muette : réponse caractérisant des explications obscures
- Vous êtes orfèvre, Monsieur Josse : se dit quelqu‟un qui donne un conseil intéressé
- Tu l’as voulu Georges Dandin : ce qui vous arrive est de votre faute 4.2.4 L’histoire
Contrairement à ce qu‟on croit, l‟histoire ne nous a légué qu‟un petit nombre d‟expressions C‟est un fait notable que les grands événements, les grands personnages de l‟histoire ne laisse pratiquement aucune trace dans la langue
Chaque fois qu‟on est tenté de rattacher quelque mot, quelque métaphore à un individu qu‟on s‟aperỗoit qu‟il est impossible d‟en trouver la trace ou qu‟il est très postérieur à la naissance de l‟expression
- Faire comme le nègre : continuer
- Aller à Canossa : faire amende honorable d‟une faỗon humiliante
Beaucoup d‟expressions se sont figées à partir du moment ó les choses qu‟elles désignent ont disparu et ont cessé d‟être connues
Mais indépendamment de la réalité nommée, l‟évolution de la langue aboutit au même résultat Dans chercher noise, cherche querelle, nous ne reconnaissons plus un vieux mot autrefois très vivant ; et dans n‟avoir pas un sou vaillant, nous ne sentons pas une forme nominale du verbe valoir
Ainsi, non seulement la vie mais la langue elle-même déposent dans le langage des formes mortes et qui ont cessé d‟être comprises ; les unes appartiennent au lexique, les autres à la grammaire
4.3.1 Le lexique (le vocabulaire opérationnel, les mots disparus, les formes marginales)
Le vocabulaire opérationnel est formé d‟un petit nombre de mots, tous très anciens et d‟un usage très fréquent ; des verbes comme dire ou faire, des adjectifs comme beau ou bon, etc
Le lexique se renouvelle et abandonne nombre de mots au cours de son histoire (les mots disparus) Certains disparaissent à jamais et nous n‟avons plus d‟occasion de les employer, mais d‟autres se conservent isolés dans des locutions comme noise (qui signifiait autrefois ô bruit, dispute, querelle ằ) dans chercher noise
Les formes marginales est une autre source d‟obscurité et de confusion et partant de survie et de succès de la locution, qui est dans une forme excentrique : argot, dialecte, emprunt étranger dont le sens et la valeur primitive ne sont pas compris Le malentendu ne tient plus ici à l‟évolution chronologique, mais au passage entre deux groupes sociaux sans contact
- Mourir de sa belle mort : mourir au moment ó il convient et comme il est naturel de la faire
- Un beau matin : un matin, au milieu de la matinée
- Aller à vau-l’eau : péricliter, courir à sa perte
- Etre de mèche : être complice
- Faire la pige : surpasser quelqu‟un dans une compétition 4.3.2 La grammaire
La cristallisation de certaines expressions a aussi sa source dans la grammaire ; il s‟agit de constructions archạques aujourd‟hui arriérées et souvent à l‟origine de confusions ou d‟obscurités qui survivent en marge de la syntaxe vivante On peut facilement les repérer, les expliquer et les classer dans le cadre des principales évolutions qui caractérisent l‟histoire de notre grammaire
- N’avoir pas un sou vaillant : n‟avoir la valeur d‟un sou
- Le diable m’emporte, cỏte que cỏte : que cela cỏte ce que ỗa peut bien cỏter
- Echapper belle : échapper par chance d‟un péril imminent
LA COMPREHENSION DES LOCUTIONS IMAGEES
Les difficultés des interlocuteurs non natifs dans la compréhension et le réemploi des locutions imagées
et le réemploi des locutions imagées
Pour les natifs, il n‟est pas toujours évident de bien comprendre des locutions imagées car cela demande des connaissances extralinguistiques comme les légendes, les dialectes, les contes, etc Il est d‟autant plus difficile pour les locuteurs non natifs de saisir le sens des locutions Dans cette première partie du deuxième chapitre, on cherche à relever les difficultés les plus fréquentes dans la compréhension des expressions idiomatiques qui nous empêchent de rộemployer de faỗon correcte et naturelle
1.1 Les différences de traits culturels des deux pays
Le franỗais comme le vietnamien est une langue trốs riche en locutions et les œuvres littéraires constituent effectivement un trésor inépuisable d‟expressions imagées D‟autre part, chaque pays a sa propre culture, son propre mode de vie, sa propre vision du monde qui ont recours aux locutions considérées comme un "miroir d‟un peuple" Il est donc très difficile de les comprendre correctement avec les seules connaissances purement linguistiques Alors, pour bien comprendre ces expressions, les apprenants doivent s‟équiper des connaissances linguistiques et extralinguistiques Les malentendus proviennent de leur ignorance de tel ou tel élément culturel dans la langue source Prenons l‟exemple du proverbe "un travail de Pénélope"
Les Vietnamiens proposent des interprétations comme :
- Làm việc như trâu (Travailler péniblement comme le buffle)
- Hùng hục như trâu húc bờ (Travailler sans réfléchir comme le buffle heurtant le bord du champ)
Ce sont là des confusions regrettables dues à une méconnaissance de la mythologie grecque, selon laquelle Pénélope, femme du héro Ulysse, attend le retour de son mari de la guerre de Troie causée par l‟enlèvement d‟Hélène, la plus belle femme de cette époque Pendant les vingt années d'absence d'Ulysse, durant et après la guerre de Troie, Pénélope garde une fidélité absolue à l'épreuve de toutes les sollicitations Jour après jour, mois après mois, pendant dix ans elle n‟a aucune nouvelle d‟Ulysse Plusieurs hommes puissants dans son pays natal lui demandent en mariage Pour les refuser, Pénélope promet que dès elle finira la toile qu‟elle tisse, elle décidera de se remarier avec le meilleur d‟entre eux En fait, Pénélope fait sa toile toute la journée pourtant le soir elle la défait, alors elle ne l‟a pas finie malgré le temps passé Ainsi, "un travail de Pénélope" doit être interprété comme un travail qui n‟abouti jamais au résultat attendu malgré la peine qu‟on s‟est donné Nous pouvons maintenant trouver sans difficulté l‟équivalence du proverbe en vietnamien C‟est peut-être le proverbe :
"Dã tràng xe cát biển Đông Nhọc nhằn mà chẳng nên công cán gì"
Il est évident que la méconnaissance de la mythologie grecque constitue un piège pour la compréhension quoique nous manipulions les moyens d‟expression connus
Quant aux francophones interrogés, ils ont connu la même situation : on révèle peu de personnes qui comprennent correctement le vouloir-dire du proverbe : "Nói dối như Cuội" (mentir comme Cuội) et "Nợ như chúa Chổm"
(Endetté comme le seigneur Chổm) Ils sont nombreux à ignorer "Cuội" et
"Chổm" Ces derniers sont-ils les personnages de la mythologie ou de la lộgende vietnamienne ? En fait, "Cuội" apparaợt dans la littộrature orale populaire comme un homme intelligent, mais son nom est souvent utilisé pour désigner ceux qui trompent les autres, ce qui rapproche ce proverbe de celui en franỗais "mentir comme un arracheur de dents"
A ce propos du "seigneur Chổm", endetté dans sa jeunesse, il menait une vie dure, est néanmoins devenu plus tard seigneur Quand il est rentré dans son pays natal, il a rendu de l‟argent à ses créditeurs Cette histoire réelle a donné naissance au proverbe : "endetté comme le seigneur Chổm" dont l‟ộquivalence franỗais "pauvre comme Job"
En conclusion, pour trouver de bonnes ộquivalences, on doit bien connaợtre la culture dont la langue est issue pour que les expressions ne résonnent pas faussement ou illogiquement
1.2 Les différences entre le sens "littéral" et le sens métaphorique des locutions
Nous savons que lors du passage d‟une langue à une autre, il ne suffit pas toujours de traduire mot à mot pour comprendre le sens global de la locution
De plus, les locutions comprennent des anomalies lexicales donc ils ont fréquemment perdu le lien sémantique avec le sens primitif des mots constituants Prenons un exemple :
- Bán mặt cho đất, bán lưng cho trời
La traduction mécanique ou littérale de ce proverbe : "vendre le visage à la terre, le dos au ciel" reflète l‟incompréhension chez les francophones Au contraire, le vouloir-dire de cette formule proverbiale est de travailler péniblement aux champs En effet, le mot "bán", employé métaphoriquement, doit être interprété par être exposé à ou être face à Littéralement, cette locution sera traduite en franỗais "le dos exposộ au ciel, le visage face à la terre"
D‟autres exemples affirment aussi que le vouloir-dire d‟un proverbe ne tient pas compte de sens des mots constituants Plusieurs francophones ont mal compris la locution "đắt như tôm tươi" littéralement traduite "être cher comme des crevettes fraỵches" D‟aprốs eux, cette formule veut dire "ỗa cỏte la peau des fesses" ou "ỗa cỏte les yeux de la tờte" pourtant ceci donne l‟équivalence "partir comme des petits pains" Concernant le proverbe "rồng đến nhà tôm", ils sont tombés dans la même confusion de compréhension
Les francophones, ils pensent en majorité que le dragon signifie la personne
"grande", puissant et que la crevette désigne la personne pauvre et "petite" Il résulte les mauvaises interprétations :
- le riche vient chez le pauvre
- le dragon drague la crevette
- l‟éléphant dans un magasin de porcelaine (l‟éléphant cassera tout à cause de sa grande taille) L‟expression exprime la joie, la surprise et plus au moins le reproche de l‟hôte ou de la maợtresse de maison adressộs à l‟invitộ qui ne vient pas chez eux depuis longtemps Pour cela, en franỗais on a "quel vent t‟amốne ?"
Bref, le signifié d‟une locution est global, il ne correspond pas à la somme des signifiés des composants La locution ne conserve son sens et son identité que sous sa forme figée, elle ne se laisse donc pas librement décomposer
1.3 L’ignorance des situations d’utilisation des expressions proverbiales
Nous citons en exemple le proverbe : "dao sắc không gọt được chuôi", proposé dans son contexte
Ex : Etant un bon médecin, il a sauvé la vie de plusieurs personnes mais il est mort lui-même d’une maladie étrange Dis donc "Le couteau aiguisé ne peut pas couper sa manche"
Grâce au contexte précis, le lecteur trouve sans peine l‟équivalence franỗaise "les cordonniers sont souvent les plus mal chaussộs" C‟est le mờme cas pour la locution "éléphant en montant, chien en descendant" si le contexte est précis dès le début
Ex : Pierre, acteur principal dans le film "Danse avec la nocturne" a bien joué son rôle Suite à son succès brillant, il est devenu drogué et a perdu sa carrière, son bien Un jour, il a croisé Marie, et une nouvelle vie a commencé pour lui Donc, on dit en franỗais : "avoir des hauts et des bas"
Les erreurs dans la traduction et l‟interprétation sont dues à des divergences culturelles, à l‟absence des connaissances du contexte d‟utilisation et au fait que la totalité du sens des mots constituants ne donne pas celui de toute l‟expression Alors, une fois examiner tous ces facteurs pour comprendre le vouloir-dire de la locution, nous constatons une transmission, une transposition esthétique et expressive d‟une langue à une autre
Comme son nom l‟indique, les locutions imagées peuvent véhiculer ou évoquer des messages culturels ou illustrer des notions abstraites, qui colorent le langage et frappent l‟imagination
Mais revenons à la définition d‟"expression imagée" proposée par Robert Galisson Le linguiste définit les expressions imagées comme des expressions toutes faites qui présentent à la fois des particularités de forme et de contenu
Comment les locutions imagées se comprennent-elles ?
Les locutions naissent et vivent en marge de la norme linguistique Pour la première fois, on trouve dans Les locutions imagées de Paul Guiraud une analyse des trois grandes sources qui alimentent l‟idiomatologie : l‟héritage social (dont la vie quotidienne, la vie économique et sociale), l‟héritage culturel (dont l‟Antiquité grecque et latine, la Bible, la littérature, l‟histoire) et l‟héritage linguistique (dont le lexique et la grammaire)
Comme le dit ci-dessus, chaque locution imagée est une unité de forme et de sens qui comprend des anomalies lexicales et grammaticales ainsi que des valeurs particulières, il est donc nécessaire de classifier les locutions sur les plan sộmantique et grammatical pour bien pouvoir les examiner de faỗon raisonnable
Par ailleurs, après avoir pris connaissance des difficultés dans la compréhension des expressions imagées, on doit les étudier en tant qu‟un tout au lieu d‟un ensemble de mots tout en remontant à la culture dont elles sont issue et en tenant compte du contexte dans lequel elles sont utilisées
Dans cette partie, on cherche à mettre les expressions imagées dans un ordre en fonction de leur fréquence dans les deux œuvres d‟Olivier ADAM Après, on classe ces locutions selon les critères grammaticaux et sémantiques qui nous aideront dans l‟analyse des locutions dans des situations précises
1 Rire aux éclats et ses variantes (éclater de rire, un éclat de rire)
3 Etre à bout de souffle 2 fois
5 Jeter un coup d‟œil 2 fois
6 Avoir le cœur qui bat/saute dans la poitrine 2 fois
7 De tout (son) cœur 2 fois
8 Avoir un mal de chien 1 fois
10 Avoir un fou rire 1 fois
11 Se balancer des vannes 1 fois
13 Faire mal au cœur 1 fois
15 Dormir d‟un sommeil de plomb 1 fois
17 Faire les cent pas 1 fois
18 Apparaợtre/Disparaợtre comme un fantụme 1 fois
21 Craindre comme la peste 1 fois
22 Avoir le cœur au bout des doigts 1 fois
"On progressait lentement, les filles éclataient de rire, se chamaillent, Marion chipait dans les cheveux de Lila des élastiques multicolores qu’elle fourrait dans les poches de sa doudoune rose." (Pialat est mort,
"J’ai éclaté d’un rire incontrôlable, un truc nerveux qui me tordait le ventre" (Pialat est mort, Passer l‟hiver, page 21)
"Je l’avais prise pendant les vacances Elles riaient aux éclats et derrière elles, on voyait le tissu bleu de la tente." (Lacanau, Passer l‟hiver, page 123)
"J’ai en ma possession des dizaines de photos, quelques bobines de super-huit, ó l’on me voit enfant, ó on la voit telle que je ne l’ai jamais connue Riant aux éclats, lumineuse" (Falaises, page 28)
"Très lentement il nous mettait en joue, avant de partir dans un grand ộclat de rire qui nous glaỗait." (Falaises, page 84)
"Lorette éclatant de rire, son curieux rire de petite fille en pleurs, dans le vacarme d’un McDo, dans le quartier des Halles ou le long de la nationale, hurlant debout sur le remblai du Pont-Neuf, en équilibre par- dessus la Seine, hurlant de rire au-dessus des péniches et des eaux sombres, hurlant de rire dans le gros fauteuil défoncé ó Nicolas attendit son père, le fusil posé sur ses genoux, ó le voyant apparaỵtre il hésita un instant, et préféra offrir à ce bouffant le canon d’un fusil, de sa cervelle explosée aux quatre coins de la cave." (Falaises, page 93,94)
"Sur plusieurs d’entre elles, il (mon père) tient ma mère par la taille, ils se promènent ou bien il l’embrasse, ou encore ils rient aux éclats tous les deux, lui seulement vêtu d’un short et elle en maillot de bain, un foulard dans les cheveux au volant d’un DS ou allongée dans un transat, sur la terrasse d’une maison de vacances dans le Lot ou les Pyrénées."
"Dans le couloir, j’ai croisé mon voisin russe Il a éclaté d’un rire sonore en me voyant à demi nu." (Falaises, page 144)
"Tout me paraissait si clair et si inéluctable tout à coup, je n’ai pas pu me retenir, j’ai fondu en larmes." (Pialat est mort, Passer l‟hiver, page
"Et j’ai fondu en larmes devant eux, c’était la première fois qu’ils me voyaient pleurer et j’ai eu honte." (Cendres, Passer l‟hiver, page 55)
"Je me retiens mais je sais très bien qu’il suffirait d’un rien pour que tout explose, que je hurle et que je fonde en larmes." (En douce, Passer l‟hiver, page 141)
"Qu’un jour, avant d’être trop diminué, avant d’être un légume, il se tuerait, qu’il fallait que je comprenne, qu’il m’aimait Mon père a dit ỗa et j’ai fondu en larmes et nous avons continuộ à marcher en
"Fondant en larmes en plein repas, en présence de la famille de mon père, ou bien devant les programmes alors qu’elle se contente de se lever entre nous sur le canapé de velours sans rien suivre." (Falaises, page 31)
"J’ai trente et un ans et rester en vie a longtemps été pour moi une activité à plein temps, un programme, un horizon Garder un semblant d’équilibre Ne pas tomber en miettes ni fondre en larmes." (Falaises, page 184)
"J’aurais voulu être capable de lui dire des choses sur son père
J’aurais voulu pouvoir lui dire des choses sur la mort mais je n’en savais pas plus que lui Il était à bout de souffle et se tenait le ventre, je l’ai lâché et il s’est immédiatement collé un doigt dans la bouche et a repris son dinosaure." (Bouche cousue, Passer l‟hiver, page 93)
"Plusieurs fois de suite, nous nous sommes endormis ainsi, à bout de souffle, de larmes et de hurlements." (Falaises, page 167)
"Martine m’a fixộe drụlement et ỗa m’a gonflộe son air de bonne sœur
C’est rien, merde Juste une bière Tu fais chier, Martine."
(Nouvel an, Passer l‟hiver, page 72)
"Tu fais chier, maman, elle avait dit C’est nul à midi Moi ce que j’aime c’est le réveillon, la nuit, le sapin allumé, je sais pas Et qu’est ce que je vais lui dire à Margot, elle me gave depuis ce matin avec le pốre Noởl et ses patins à roulettes qu’elle a commandộs Et puis on avait fait des pâtes d’amandes C’est nul Si j’avais su, on serait allées chez papa." (De retour, Passer l‟hiver, page 120)
"Elle n’y jetait qu’un œil distrait, quittait le fauteuil et laissait le téléviseur allumé, juste pour le bruit." (Falaises, page 34)
"Plus silencieux et opaque encore Antoine lui jetait des coups d’œil inquiets." (Falaises, page 86)
2.1.6 Avoir le cœur qui bat (saute) dans la poitrine
"Mon cœur a sauté dans ma poitrine, j’ai eu peur que ce soit des filles, qu’il leur soit arrivé quelque chose, un cambrioleur ou le feu à l’appartement." (Lacanau, Passer l‟hiver, page 126)
LES LOCUTIONS IMAGEES EXPRIMANT DES EMOTIONS
Rire aux éclats
Etre à bout de souffle
5 Jeter un coup d‟œil 2 fois
6 Avoir le cœur qui bat/saute dans la poitrine 2 fois
7 De tout (son) cœur 2 fois
8 Avoir un mal de chien 1 fois
10 Avoir un fou rire 1 fois
11 Se balancer des vannes 1 fois
13 Faire mal au cœur 1 fois
15 Dormir d‟un sommeil de plomb 1 fois
17 Faire les cent pas 1 fois
18 Apparaợtre/Disparaợtre comme un fantụme 1 fois
21 Craindre comme la peste 1 fois
22 Avoir le cœur au bout des doigts 1 fois
"On progressait lentement, les filles éclataient de rire, se chamaillent, Marion chipait dans les cheveux de Lila des élastiques multicolores qu’elle fourrait dans les poches de sa doudoune rose." (Pialat est mort,
"J’ai éclaté d’un rire incontrôlable, un truc nerveux qui me tordait le ventre" (Pialat est mort, Passer l‟hiver, page 21)
"Je l’avais prise pendant les vacances Elles riaient aux éclats et derrière elles, on voyait le tissu bleu de la tente." (Lacanau, Passer l‟hiver, page 123)
"J’ai en ma possession des dizaines de photos, quelques bobines de super-huit, ó l’on me voit enfant, ó on la voit telle que je ne l’ai jamais connue Riant aux éclats, lumineuse" (Falaises, page 28)
"Très lentement il nous mettait en joue, avant de partir dans un grand ộclat de rire qui nous glaỗait." (Falaises, page 84)
"Lorette éclatant de rire, son curieux rire de petite fille en pleurs, dans le vacarme d’un McDo, dans le quartier des Halles ou le long de la nationale, hurlant debout sur le remblai du Pont-Neuf, en équilibre par- dessus la Seine, hurlant de rire au-dessus des péniches et des eaux sombres, hurlant de rire dans le gros fauteuil défoncé ó Nicolas attendit son père, le fusil posé sur ses genoux, ó le voyant apparaỵtre il hésita un instant, et préféra offrir à ce bouffant le canon d’un fusil, de sa cervelle explosée aux quatre coins de la cave." (Falaises, page 93,94)
"Sur plusieurs d’entre elles, il (mon père) tient ma mère par la taille, ils se promènent ou bien il l’embrasse, ou encore ils rient aux éclats tous les deux, lui seulement vêtu d’un short et elle en maillot de bain, un foulard dans les cheveux au volant d’un DS ou allongée dans un transat, sur la terrasse d’une maison de vacances dans le Lot ou les Pyrénées."
"Dans le couloir, j’ai croisé mon voisin russe Il a éclaté d’un rire sonore en me voyant à demi nu." (Falaises, page 144)
"Tout me paraissait si clair et si inéluctable tout à coup, je n’ai pas pu me retenir, j’ai fondu en larmes." (Pialat est mort, Passer l‟hiver, page
"Et j’ai fondu en larmes devant eux, c’était la première fois qu’ils me voyaient pleurer et j’ai eu honte." (Cendres, Passer l‟hiver, page 55)
"Je me retiens mais je sais très bien qu’il suffirait d’un rien pour que tout explose, que je hurle et que je fonde en larmes." (En douce, Passer l‟hiver, page 141)
"Qu’un jour, avant d’être trop diminué, avant d’être un légume, il se tuerait, qu’il fallait que je comprenne, qu’il m’aimait Mon père a dit ỗa et j’ai fondu en larmes et nous avons continuộ à marcher en
"Fondant en larmes en plein repas, en présence de la famille de mon père, ou bien devant les programmes alors qu’elle se contente de se lever entre nous sur le canapé de velours sans rien suivre." (Falaises, page 31)
"J’ai trente et un ans et rester en vie a longtemps été pour moi une activité à plein temps, un programme, un horizon Garder un semblant d’équilibre Ne pas tomber en miettes ni fondre en larmes." (Falaises, page 184)
"J’aurais voulu être capable de lui dire des choses sur son père
J’aurais voulu pouvoir lui dire des choses sur la mort mais je n’en savais pas plus que lui Il était à bout de souffle et se tenait le ventre, je l’ai lâché et il s’est immédiatement collé un doigt dans la bouche et a repris son dinosaure." (Bouche cousue, Passer l‟hiver, page 93)
"Plusieurs fois de suite, nous nous sommes endormis ainsi, à bout de souffle, de larmes et de hurlements." (Falaises, page 167)
"Martine m’a fixộe drụlement et ỗa m’a gonflộe son air de bonne sœur
C’est rien, merde Juste une bière Tu fais chier, Martine."
(Nouvel an, Passer l‟hiver, page 72)
"Tu fais chier, maman, elle avait dit C’est nul à midi Moi ce que j’aime c’est le réveillon, la nuit, le sapin allumé, je sais pas Et qu’est ce que je vais lui dire à Margot, elle me gave depuis ce matin avec le pốre Noởl et ses patins à roulettes qu’elle a commandộs Et puis on avait fait des pâtes d’amandes C’est nul Si j’avais su, on serait allées chez papa." (De retour, Passer l‟hiver, page 120)
"Elle n’y jetait qu’un œil distrait, quittait le fauteuil et laissait le téléviseur allumé, juste pour le bruit." (Falaises, page 34)
"Plus silencieux et opaque encore Antoine lui jetait des coups d’œil inquiets." (Falaises, page 86)
2.1.6 Avoir le cœur qui bat (saute) dans la poitrine
"Mon cœur a sauté dans ma poitrine, j’ai eu peur que ce soit des filles, qu’il leur soit arrivé quelque chose, un cambrioleur ou le feu à l’appartement." (Lacanau, Passer l‟hiver, page 126)
"Mais jamais mon cœur ne s’est mis à battre dans ma poitrine en croyant le voir Jamais, mon frère a disparu et au fond, d’année en année, de rencontre en rencontre, d’escale en escale, c’est ce qu’il semblait faire." (Falaises, page 104)
"Je la regarde et je me dis que de tout mon cœur, j’ai aimé cette femme, mais c’était il y a si longtemps que je m’en souviens à peine." (En douce, Passer l‟hiver, page 146)
"A l’expression de son visage, j’ai compris qu’après six semaines hors du monde, il espérait de tout son cœur avoir fait un mauvais rêve."
2.1.8 Avoir un mal de chien
"J’avais eu un mal de chien à les laisser seules, là-haut, dans le noir de leurs chambres, à m’arracher à leurs visages paisibles, leurs fronts pâles, leurs mains fines posées sur la couverture." (Pialat est mort, Passer l‟hiver, page 13)
"Marion ne voulait pas se coucher, elle disait qu’elle n’avait pas sommeil
J’ai dỷ me fõcher, j’ai dỷ ộlever la voix, je dộtestais cela, vraiment ỗa me déchirait." (Pialat est mort, Passer l‟hiver, page 16)
"Rien, rien, excusez-moi, je sais pas pourquoi, mais j’ai un fou rire, je suis désolé." (Pialat est mort, Passer l‟hiver, page 21)
"Après j’ai marché jusqu’au McDo, les voitures me frôlaient A l’intérieur, les murs couverts de joueurs de basket et l’odeur de sauce industrielle, le ketchup et la viande, le monde et la chaleur m’on fait du bien Des gamins s’apostrophaient en criant et se balanỗaient des vannes." (A l‟usure, Passer l‟hiver, page 34)
Avoir le cœur qui bat (saute) dans la poitrine
"Mon cœur a sauté dans ma poitrine, j‟ai eu peur que ce soit des filles, qu‟il leur soit arrivé quelque chose, un cambrioleur ou le feu à l‟appartement."
Lacanau raconte une nuit de Noởl ú la mốre doit rester au bureau pour finir son travail Dans ce contexte, ce sont donc souvent des solitudes qui se frôlent, se touchent, interagissent L'amour physique est l'une des manières de l'exprimer, donc un thème récurrent du recueil On songe aussi à “Lacanau”, ó la narratrice surprend, dans un immeuble voisin de celui ó elle travaille un soir de Noởl pour boucler un dossier, un couple d'amants en train de faire l'amour au bureau Osera-t-on prêter à l'auteur l'idée que s'étreindre en plein hiver tient chaud? Brusquement, le téléphone sonne, la mère effarouchée, retourne à la rộalitộ avec son regret de ne pas pouvoir passer la nuit de Noởl avec ses deux filles comme promis, avec la peur qu‟il y a quelque chose avec ses petites L‟image du cœur qui saute dans sa poitrine reflète la peur et alors l‟imagination de mauvaises choses qui pourraient arriver comme : un cambrioleur ou le feu, etc Tous ces risques qui viennent de son état de détresse obsède la pauvre femme
"Mon cœur a sauté dans ma poitrine, j’ai eu peur que ce soit des filles, qu’il leur soit arrivé quelque chose, un cambrioleur ou le feu à l’appartement."
"Mais jamais mon cœur ne s‟est mis à battre dans ma poitrine en croyant le voir Jamais, mon frère a disparu et au fond, d‟année en année, de rencontre en rencontre, d‟escale en escale, c‟est ce qu‟il semblait faire."
Après la mort de sa mère, de Lorette, le suicide de son copain Nicolas, le grand frère Antoine est son seul complice face à un père d‟une brutalité sans borne, un père qui voudrait les réduire au silence, à l‟immobilisme comme
"morts et empaillés" Ensemble, ils vont le fuir, chercher des échappatoires en forme d‟excès ó se noyer pour oublier Il y a d‟abord les "années de meute" ó l‟alcool et la sexualité Alors après le départ de son frère, Olivier reste dans une solitude absolue Lui aussi, il est parti pour sortir de l‟ombre d‟une famille tragique avec une mère défunt et un père froid, brutal Au fond, il y a toujours en lui, l‟espoir de croiser son frère quelque part, dans une petite ville portuaire ou dans une brasserie bon marché Mais jamais il ne l‟a jamais trouvé, jamais son cœur n‟a fortement battu de retrouvaille, de joie, de bonheur familial…
Avoir le cœur au bout des doigts
"Une lumière dorée caressait les pelouses impeccables, une atmosphère de printemps régnait sur Paris et j’avais le cœur au bout des doigts." (Falaises,
Le cœur de la personne bat tellement fort qu'il va jusqu'au bout de ses doigts, dans le même registre que l'expression plutôt familière : "mon cœur va lâcher" La douleur de perdre sa mère trop tôt, le manque, le désir d‟avoir la mère auprès de lui ont poussé à avoir des illusions Quand il voit "sa mère" dans le métro et dans la voiture qui filait dans les rues de Paris, sa poitrine palpite de joie, d‟étonnement, d‟émotions mélangées, le pauvre fils est au bout de ses limites de tolérance L‟image d‟un cœur qui sort de la poitrine pour aller jusqu‟au bout des doigts exagère les palpitations de l‟auteur comme il a des troubles du rythme cardiaque, met l‟accent sur son frissonnement.
Tomber en miettes
"J’ai trente et un ans et rester en vie a longtemps été pour moi une activité à plein temps, un programme, un horizon Garder un semblant d’équilibre Ne pas tomber en miettes ni fondre en larmes." (Falaises, 2005, page 184)
"Tomber en miettes" exprime une chute sentimentale, une perturbation psychologique Cette locution a bien conclu l‟histoire d‟un homme de 31 ans, qui est à la recherche de son enfance dérobée par sa mère suicidée
Heureusement, à la fin du roman, il a trouvé son équilibre, son "semblant d‟équilibre" qui l‟attache à la vie, qui l‟a sorti du fond du trou noir ó il a tombé depuis la mort de sa mère Il a surmonté le plus grand défi de sa vie, et comme ỗa, rien ne pourra le faire "tomber en miettes" encore une fois
Maintenant, la vie présente plus sereine (aux côtés de sa compagne Claire et de sa petite fille Chloé) permet de reprendre un peu d‟oxygène entre les descentes en apnée du passé Et marque à la fin du récit sa renaissance Les souvenirs du passé douloureux ne peuvent plus l‟obséder car il a recommencé sa vie au lieu ó il l‟avait perdue
Bref, nous basant sur l‟étude des vingt-trois locutions dont sept ont été utilisées plusieurs fois, on peut conclure qu‟une expression imagée, malgré un petit nombre de variantes de formes, peut exprimer de différentes émotions dans des situations divergentes
Prenons l‟exemple de la locution "rire aux éclats" qui est la plus privilégiée dans les deux œuvres d‟Olivier Adam : elle reflète la joie, la nạveté des deux petites filles et par contre, la dépression du père après avoir appris la mort d‟une âme sœur (Pialat est mort, Passer l‟hiver)
Dans Falaises, cette expression est répétée cinq fois et à chaque fois utilisée, elle exprime un état émotionnel différent : des fragments de bonheur très rares de la mốre de l‟auteur auprốs de la famille avant sa suicide, le rire glaỗant de son copain Nicolas ou le rire libérant des sentiments refoulés de sa copine Lorette ou encore la surprise, la moquerie de son voisin russe en le voyant sortir demi nu de chez Léa
Les locutions imagées, produit de la société, reflètent la culture, le mode de vie et la vision d‟un peuple sur le monde Il n‟est pas évident pour les locuteurs qui ne sont pas issus de cette culture de bien comprendre ces expressions idiomatiques Les malentendus, les interprétations erronées sont dus à des traits culturels différents des deux pays, à des différences entre le sens littéral et le sens métaphorique et à l‟ignorance de la situation d‟utilisation des locutions
Après avoir mené des études sur les locutions imagées en général et celle portant sur les émotions en particulier, on constate que, pour bien comprendre une locution imagée, il est très important de l‟examiner en tant qu‟un tout indissoluble dans le contexte ó on l‟utilise On doit tenir compte également des sources de création de l‟expression ainsi que ses mots-clés pour déduire le sens de l‟ensemble si possible (surtout le cas des groupements analytiques ou synthético-analytiques)
Parmi les 23 locutions imagées portant sur des émotions dans le recueil de nouvelles Passer l’hiver et le roman Falaises d‟Olivier ADAM, rire aux éclats et ses variantes sont en tête avec 8 situations dans Pialat est mort,
Lacanau (Passer l‟hiver) et Falaises
Sur le plan sémantique, on constate que les groupements synthético- analytiques sont en tête avec 10 locutions contre 8 groupements analytiques et
5 groupements synthétiques Grâce à cette statistique, on peut tirer une remarque : On pensait que le sens des locutions imagées sont très difficiles à se rappeler mais en réalité, on peut se baser sur leurs mots-clés pour déduire leurs sens parce que la plupart des ces expressions sont des groupements synthético-analytiques
Sur le plan structuro-grammatical, les locutions verbales occupent la position leader avec 19 expressions contre 2 locutions adjectivales et 2 locutions prépositives
Une analyse descriptive nous aide à conclure que, dans des contextes différents, une locution imagée peut exprimer des états émotionnels distincts, voire contradictoires Cela a insisté encore une fois la nécessité d‟examiner la situation d‟utilisation des expressions figées
Par manque de temps ainsi que de connaissances de la langue et surtout de la culture franỗaise, notre ộchantillonnage reste encore trốs modeste et l‟analyse des données a bien des choses à compléter Nous espérons, dans les prochaines études, aller plus loin dans ce sens pour proposer des stratégies de compréhension raisonnables et efficaces pour atteindre le vouloir-dire des locutions imagées
1 C Cavalla et E Crozier, 2005, Émotions-sentiments, nouvelle approche lexicale du FLE, PUG (Presses Universitaires de Grenoble)
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