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Réception de sans famille au việt nam

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Réception de Sans famille au Việt Nam Phùng Ngọc Kiên1 Résumé Sans famille, juste écrit aux enfants, est bien surestimé par le lectorat enfantin vietnamien Notre analyse textuelle d’un paragraphe sur la rencontre regroupant tous les personnages du roman dans son dernier chapitre (42) qui nous relève le réaliste Il s’agit d’une rencontre relatée et mise en scène par le même narrateur Nous avons alors affaire une scène moins réaliste de la rencontre entre des personnages, mais théâtrale Il s’agit de la relation entre la réalité et la fiction, entre la réalité sociale et l’idéal littéraire Les traductions en vietnamien de Sans famille de Malot durant près d’un siècle nous dit beaucoup de différentes compréhensions des lecteurs modèles dans un autre contexte culturel L’article révèle encore la relation entre la structure du récit et son réception au Việt Nam Huit sur dix enfants franỗais cherchent lire Sans famille Livre couronnộ par lAcadộmie franỗaise Un grand chef-d’œuvre pour les adolescents Livre dans le répertoire des livres meilleurs du monde Une aventure par courage et par sentiment familial Un livre de chevet pour les instituteurs franỗais DEA, Despartement des Littératures étrangères, Institut de la littérature du Việt Nam, Académie des sciences sociales du Việt Nam Le roman le plus lu du temps moderne en France etc On pourrait trouver de telles lignes dans un chapeau de publicité de la traduction de Sans famille (Hector Malot), si la dernière était publiée pour la première fois au Việt Nam dans les années vingt du XXe siècle Nous avons néanmoins affaire un livre publié en France il y a plus de cents ans, et traduit en vietnamien depuis les années soixante du XX e siècle Ce livre, qui nentre pas dans le rộpertoire classique des critiques franỗais 2, est pourtant traduit et retraduit, édité et réédité intégralement selon notre statistiques pas encore complètes, au moins, quatre fois en quarante ans Dans les années soixante, on avait déjà connu deux traductions publiées en même temps (1960), l’une par le traducteur, professeur Huỳnh Lý dans le Nord, et l’autre par le traducteur Huỳnh Mai Anh dans le Sud Reste rappeler que c’est la période de partition du pays La traduction par Huỳnh Lý est rééditée quatre fois jusqu’en 1987 l’édition Giáo Dục, et celle par Hà Mai Anh trois fois en 1967 aux éditions Sống Mới Et on ne peut pas compter le nombre des adaptations en BD dans les années quatre-vingt-un.3 Avant 1945 – fin de la colonisation franỗaise en Indochine le lecteur vietnamien avait déjà lu une adaptation par Hồ Biểu Chánh (Cay đắng mùi đời – Que soit la vie périlleuse), et une autre traduction sommaire par le biais du chinois, faite par Nguyễn Đỗ Mục et Đào Hùng (1931) Celle-ci est parue dans le hebdomadaire Trung Bắc Tân văn Il est intéressant que la traduction du chinois soit titrée non pas Khổ nhi lưu lãng ký (Aventure d’un pauvre enfant) comme le texte source, mais titrée en vietnamien comme traduit directement du franỗais : Vụ gia ỡnh Il sagit vraiment Cf Histoire de la littộrature franỗaise depuis 1789 nos jours, Éd Stock 1936 Nous avons la statistique sommaire suivant : Khơng gia đình Hà Mai Anh traduit, réédité pour la quatriốme fois, ed Thanh niờn, 1996; rộsumộ, narrateur Denis-Franỗois, traduit par Minh Tân, ed Văn nghệ Tp Hồ Chí Minh, 2000; adaptation par Marie Francoise Perat, Nguyệt Áng traduit, éd Kim Đồng, 2002, collection des classiques résumés; Huỳnh Lý traduit, éd Văn học réédité pour la cinquième fois, 1987; Phạm Văn Vĩnh dịch, VHTT 2003 d’un record par rapport aux auteurs classiques étrangers tels Balzac, Hugo déjà traduits en vietnamien depuis le début du vingtième siècle Quelle est alors horizon d’attente des lecteurs vietnamiens ? Il y a des approches pour le définir et dans cet article, nous le décrirons en empruntant la théorie de traduction Beaucoup de questions alors se posent nous : pourquoi ce roman a-t-il été traduit si diversement au Việt Nam ? Qu’est-ce qui lie ces traductions les unes aux autres, qu’est-ce que qui les différencie ? Quel est le rôle de l’horizon de réception politique, social et personnel dans ces traductions ? À notre avis, il s’agit de grands problèmes littéraires et sociologiques, qu’un article seul ne peut résoudre en son entier Sur la réception littéraire, nous faisons appel d’abord au terme d’horizon de réception dont H R Jauss propose une définition : Le concept d’horizon est devenu une catégorie fondamentale de l’herméneutique philosophique, littéraire et historique : en tant que problème de la compréhension du différent face l’altérité des horizons de l’expérience passée et de l’expérience présente, comme aussi face l’altérité du monde propre et d’un monde culturel autre ; en tant que problème de l’expérience esthétique au moment de la reconstruction de l’horizon d’attente que la lecture d’une œuvre littéraire fait surgir chez le lecteur contemporain comme chez le lecteur ultérieur ; en tant que problème d’intertextualité face la question de fonction d’autres textes qui sont également présents dans l’horizon d’une œuvre littéraire et acquièrent une nouvelle signification par cette transposition ; en tant que problème de la fonction sociale de la littérature lors de la conciliation entre les horizons de l’expérience esthétique et de l’expérience du monde vécu ; en tant que problème du changement d’horizon quand le concept de tradition, qu’il soit téléologique ou évolutionniste, perd sa substance et que des processus historique doivent être, également en art, rattachés une dialectique de l’appropriation et de la réception, de la permanence et du nouveau ; en tant que problème de la critique de l’idéologie quand il s’agit d’éclairer l’horizon latent des intérêts dissimulés et des besoins refoulés qui font qu’aujourd’hui la confiance humaine dans la transparence de la communication artistique part sujette caution4 Cette notion générale de H R Jauss nous suggère des pistes de recherches en considérant d’abord les textes traduits sous d’autres angles : altérité esthétique, expérience vécue, intertexte, conciliation des expériences, fonction sociale de la littérature… La réception fait toujours penser l’influence, qui « contribue en faire ntre une autre»5 comme le cas de Baudelaire influencé par le poème le Corbeau et les contes de Poe Pour cela, il faut procéder l'examen littéraire et sociologique en vue d'évaluer l'influence La réception d'une œuvre étrangère dans un nouveau contexte est pratiquée travers deux moyens de contacts : soit texte en langue étrangère, soit texte en langue nationale Le traducteur devient alors un medium entre les deux espaces, les deux aires culturelles C’est pourquoi, en espérant réaliser dans l'avenir une recherche plus complète sur la réception de Malot au Việt Nam, nous devrions délimiter avant toute chose dans le domaine textuel : évaluer la réception de Malot au Việt Nam travers ses traductions Le traducteur en effet existe d'abord en tant que lecteur du texte source Ensuite, il doit concrétiser ses interprétations dans le texte cible Il devient ainsi un lecteur modèle (nous reprenons le mot d'Eco6) de l’époque, qui s'est inscrit dans le texte traduit Il doit l’actualiser par son appropriation et son individualisation Son actualisation est relative la structure du texte et réglée par les éléments socio-culturels de l’époque, et par lui-même (ce que la sociologie de P Bourdieu appelle habitus7) Les étymologies du mot traduire dans les langues occidentales et dans les langues orientales, toutes nous suggèrent que H R Jauss Pour une herméneutique littéraire (traduit de l’allemand par Maurice Jacob) Gallimard nrf 1982, p 27 Cf : Qu’est-ce que la littérature comparée ? (P Brunel, Cl Pichois, A.-M Rousseau) Armand Colin, collec U 1983 p.53 U Eco, Lector in fabula, (traduit de l'italien Myriem Bouzahar) Grasset 1985, pp 65-86 P.Bourdieu, La Logique des champs in Trả lời (Les Réponses), Seuil, 1992 l’activité de traduction est d’abord une sorte d’interprétation, de révélation H R Jauss répète le point de vue de Gadamer, pour qui (la) compréhension inclut toujours l’amorce d’une interprétation et que celle-ci est donc la forme explicite de la compréhension, tout comme l’idée que le processus de la compréhension réalise toujours quelque chose qui ressemble une application du texte la situation présente de l’interprète Semblablement, M Heidegger et G Steiner considèrent qu’il n’y a pas deux entités, bio-social ou bio-génétique, identiques10 Créateur d'un nouveau texte l'appui de son décodage du texte étranger, le traducteur est celui qui procède la fois la lecture, l'interprétation, et la concrétisation Lecteur modèle du texte source, il devient co-auteur du texte cible Inscrit dans l'horizon d'attente de l'époque, son texte montre le premier signe de la réception dans la communauté cible Pour reprendre l’expression de Jaus, nous pensons que le traducteur doit avant toute chose redevenir lui-même un lecteur, avant de pouvoir comprendre et situer une œuvre11 Parmi des lecteurs idéaux proposés par l’auteur, il y aurait ainsi, le traducteur luimême Il devrait disposer des informations principales (objet, style ) sur l’écrivain et sur l’œuvre avant son travail Il a la tâche de transposer au public ce que l’écrivain a écrit, de récréer un autre lecteur idéal avec le concours d'un autre système de langage d'un autre nouveau milieu Il y a d'ailleurs, clairement et inévitablement, une distance spatiale, temporelle et bien sûr culturelle entre l’auteur initial et l’auteur secondaire Car, « si la Le dictionnaire Larousse nous présente cinq définitions de traduction, dont la troisième est : « Litt Manière d’exprimer, de manifester qqch la traduction musicale d’un sentiment» La traduction d’une œuvre signifie son interprétation En viêtnamien, on utilise le mot dịch thuật dans l’acception qui provient du mot chinois 譯 (dịch) Ce mot veut dire la traduction, et a encore une autre signification relative l’argument Autrement, le sens du mot 譯 (dịch) traduction s’attache aussi la compréhension du 譯 (dịch) Voir Grand Usuel Larousse 1996 ou Từ điển Tiếng Việt (Dictionnaire du vietnamien) éd KHXH 2005 H Robert-Jauss, op cite p 15 10 Voir A Berman, La Traduction et la Lettre l’Auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999 p 19, et G Steiner, Après Babel (tr de l’anglais par Lucienne Lotringer et Pierre-Emmanuel Dauzat), Paris, ed Albin Michel 1998, p 89 11 Cf H R Jauss Pour une esthétique de réception (traduit de l’allemand par Claude Maillard), Paris Gallimard nrf 1978, p.47 culture est une structure fonctionnelle, c’est bien parce qu’avant tout autre élément, elle oriente l’interprétation du texte »12 Partant de cette base théorique, nous nous engagerons dans l’analyse du texte Lhistoire de Malot raconte laventure dun garỗon vendu une compagnie de cirque, le padrone de laquelle semble être originaire de haute classe Ils s’aventurent ensemble partout en France, et même en Angleterre Le vieillard Vitalis – le patron - trouve la mort dans la carriốre Gentilly, et le garỗon Rémi doit alors survivre seul pour retrouver enfin sa propre mère, une dame anglaise Cette dernière est riche, et grâce sa fortune Rémi pourrait manifester ses remerciements aux bienfaiteurs qui l’aidaient déjà quand il était petit et pauvre C’est pour cette fin du roman – un happy-end - que le traducteur Huỳnh Lý en tant que le lecteur modèle trouve nécessaire de présenter au lecteur les critiques dans la préface de l’édition en 1987 : Pourtant, Sans famille, sous nos yeux, n’est pas du tout un jade sans tâche Écrit par un écrivain bourgeois – malgré ses aspects engagés – ce roman ne manque pas des tâches d’erreurs inscrites dans sa société du temps L’écrivain contemple les riches et de la haute société Il a laissé Rémi avoir une mère grand-bourgeoise, pour qu’après la reconnaissance, il puisse profiter de ses biens en vue d’exprimer sa gratitude C’est comme l’on ne peut rien faire d’autres pour les bienfaiteurs ! Sous sa plume, Rémi respecte les travailleurs, les bienfaiteurs, mais pour les nobles, les hommes de haute rang, les polis, brièvement devant les hommes dont l’apparence est de luxe, Rémi écarquille vraiment ses yeux Son rêve, un aspect négatif du roman, est la volonté de bénéficier d’une vie luxueuse comme eux13 12 Annie Brisset, Palimpseste, No 11 Traduire la culture, Presse de la nouvelle Sorbonne 1998 « Nhưng Khơng gia đình mắt viên ngọc không vết Do nhà văn tư sản viết – dù nhà văn tiến - sách không khỏi mang sai lầm tư tưởng quan niệm xã hội ông ta Tác giả tôn sùng người giàu sang, có danh vọng lịch Ông dành cho Rê-my bà mẹ đại tư sản với gia tài kếch sù, nhận mẹ, Rê-mi có sẵn cải mà đền ơn trả nghĩa Làm khơng có tiền mn bạc triệu người ta khơng có cách tỏ lòng biết ơn ! Dưới ngòi bút tác giả, Rê-mi quý trọng người lao động, người có lịng tốt, người có địa vị xã hội, có cử lịch sự, nghĩa có vỏ đẹp đẽ cao sang, Rê-mi thật trố mắt khâm phục Ước mơ Rê-mi – mà mặt hạn chế tác phẩm – hưởng sống vàng lụa họ, trở thành người sang trọng họ » Traduction par nos soins Huỳnh Lý, op cit., p 6, nous soulignons 13 Nous avons alors affaire un paratexte concernant tous les éléments du texte, dans l'espace du texte édité d’un même volume comme la préface, le titre, les notes Selon G Genette, les préfaces des traductions classiques sont évidemment des préfaces allographes, qui sont chargées d’informations et de recommandations C’est une « séparation entre le destinateur du texte (l’auteur) et celui de la préface (préfacier) »14 Dans une certaine mesure, on peut les considérer comme les premières indications du balisage d’un lecteur modèle en vue d’orienter la compréhension du lecteur La préface d’un livre ressemble ainsi non seulement une présentation de l’auteur mais encore une lecture modèle destinée au lecteur dans la culture cible Elle nous en dit alors beaucoup sur le point de vue du traducteur ainsi que sur son lecteur modèle La remarque d’Huỳnh Lý, dans le paragraphe ci-dessus, pourrait notre sens facilement critiquée Néanmoins, ce qui compte est comment l’on la commente, pas ce qu’on déja écrit Des évaluations telles une critique politisé, une critique enfantine, une critique catéchisée n’apportent rien l’interprétation de la réception du roman dans la perspective de la culture cible De plus, de telles critiques sont simples et retracent encore une fois la critique par Huỳnh Lý lui-même C’est du pareil au même Il vaut mieux que nous analysions la structure du roman en révélant la distance entre l’horizon d’attente du lecteur modèle en tant que traducteur et lecteur du XX siècle En réalité, Huỳnh Lý est d’abord professeur l’Ecole Normale Supérieure, où on assure la formation et l’enseignement des éducateurs C’est pourquoi, il n’est pas difficile d’expliquer son but de choisir cet ouvrage pour le traduire en vietnamien L’idée de la traduction par Huỳnh Lý est de contribuer l’éducation des adolescentes, des écoliers Il fut aussi des premiers traducteurs après 1945 choisir Balzac - l’écrivain réaliste le plus remarquable du XIXe siècle selon les critiques marxistes La lecture influencée par le 14 Cf Genette, op cit p 256 marxisme domine alors les critiques au Nord du Việt Nam Suivant ce chemin, on accentue la relation entre le monde créé et le monde réel, entre le milieu et le personnage, entre la fiction et la diction, sur le reflet, sur la mimésis En appliquant cette lecture au texte de Malot, Huỳnh Lý a orienté une compréhension en insistant sur l’image de la réalité dans le roman Il a mis en relief ce que le héros obtient vers la fin du récit : la fortune laissée par sa propre mère anglaise Le ton du commentaire nous laisser entendre le mécontentement du traducteur avec cette fin (C’est comme l’on ne peut rien faire d’autres pour les bienfaits !) Ce commentaire nous montre aussi sa bonne compréhension envers le problème intertextuel, bien qu’il n’en donne pas plus d’explications En fait, le vieillard Vitalis et son métier nous évoquent la figure des artistes mandant d’autrefois préférée par le romantique Vitalis devient la figure du passé révolu Huỳnh Lý bien sûr considère bien le réel dans le roman de Malot Mais il exige même trop du feuilletonniste qu’est Malot Ce caractère s’attache vraiment au rôle du métier en tant que profession dans la société Comme indique E Auerbach dans son étude , 15 le métier est un trait concernant l’existence des personnages dans le monde fictif du réaliste Dans ce roman, le métier n’est plus l’arrière plan en tant que décoration du roman, mais tient un rôle important Le vieillard Vitalis et après Rémi – héros du roman – peuvent et doivent gagner leur vie par le métier de saltimbanque Nous trouvons alors un déplacement, ou plus exactement une oscillation, du rôle de métier depuis l’arrière-plan jusqu’au premier plan dans ce roman D’autres personnages tels les mineurs par exemple travaillent quotidiennement pour gagner leur vie Voilà les traits réels du roman satisfaisant au traducteur Huỳnh Lý, qui veut chercher le réalisme dans le roman de Malot Pourtant, l’on rencontre dans ce roman d’autres personnages qui vivent sans métier comme la mère propre de Rémi – comme on le voit la fin dernière de son aventure Personne ne sait d’où 15 Voir chapitre Le Faux dévot in Mimésis, Gallimard 1996 vient sa fortune, comment la mère de Rémi peut maintenir cette richesse Mais cela n’est pas important Ce qui compte, c’est grâce la richesse sans travail que Rémi manifeste ses gratitudes Huỳnh Lý est donc bien fondé dans sa critique Pourtant, Huỳnh Lý a déjà laissé passer un autre élément de la structure du livre pour comprendre bien le pacte de lecture présenté par le narrateur chez Malot Examinez par exemple cette paragraphe, qui se situe au chapitre 42 du roman – chapitre dernier où se produit la rencontre de tous les personnages : À ce moment, un roulement de voiture arrive jusqu'à nous, puis presque aussitôt un second ; nous courons la fenêtre et nous apercevons le break dans lequel Lise reconnt son père, sa tante Catherine, sa sœur Étiennette, ses frères Alexis et Benjamin ; près d'Alexis est assis un vieillard tout blanc et voûté, c'est le magister Du côté opposé, arrive aussi le landau découvert dans lequel Mattia et Cristina nous font des signes de mains Puis, derrière le landau, vient un cabriolet conduit par Bob lui-même ; Bob a toute la tournure d'un gentleman, et son frère est toujours le rude marin qui nous débarqua Isigny »16 Ce paragraphe nous expose les actions qui se déroulent pendant une scène de rencontre de tous les personnages du roman On peut y trouver de bons personnages comme Catherine, Étiennette, les frères Alexis et Benjamin, contraires aux mauvaisx personnages tels ceux de la famille de Driscoll Cette scène, bien qu’appartenant au roman, ressemble complètement une scène théâtrale Autrement dit, l’auteur a clairement manipulé le plan du roman Pour reprendre une expression de Barthes, le narrateur ne masque plus son visage En narrant cette histoire avec cette mise en scène, il a démontré que c’est une fiction, non le réel Ainsi ce roman demande-t-il au lecteur de ne pas trop y croire Nous avons alors affaire un pacte de lecture des fictions établi par le narrateur dans le texte par Malot dédié au narrataire du XIX siècle ; et celui-ci est transgressé par un lecteur modèle dans un environnement étranger En observant ce discours, nous trouvons encore l’emploi des verbes utilisés au présent Cela nous permet de le considérer comme le 16 Sans famille, Hachette 1933, tome 2, p 281 discours du monde commenté, du réel, du premier plan, qui est au jeu avec le discours du monde créé, en arrière-plan Même le vieillard Vitalis, mort la carrière de Gentilly, est présent également au premier plan, travers le dialogue prononcé par le héros Rémi Il parle avec lui, par chuchotements Alors que les personnages négatifs, mauvais, tels ceux de la famille Driscol, Mr James Miligan ne sont évoqués que par les dialogues entre les personnages Ils sont, pour ainsi dire, dans l’arrière plan Cette composition trie ainsi dles personnages en fonction de leur qualité On peut dire quil sagit dun happy-end la faỗon du conte féérique dans le genre romanesque Les deux voitures, un landau et un break, suffisent aux bons personnages, les bienfaiteurs - les adjuvants, reprenons le terme de V Propp et de Greimas - qui ont déjà aidé le héros dépasser les épreuves, les difficultés dans la vie : Mattia, Cristina, le père de Lise - femme de Rémi -, sa tante Catherine, sa sœur Étiennette, ses frères Alexis et Benjamin, d'Alexis, magister, les deux frères Bob Le temps de la narration naturellement n’est pas le temps réel, donc les personnages semblent pouvoir venir au but en même temps, dans un même break L’ellipse du temps joue encore le rôle symbolique dans la narration des actes d’Arthur : peine reỗoit-il la lettre annonỗant larrivộ de Cristina, avec son frốre Mattia, Chegforg, que le landau de Mattia se présente au regard de Rémi Même le jeu du verbe au passé simple ne joue plus le rôle de dialogue comme le veut la tradition de narration, mais le règle dans la causerie de conte Il s’agit d’une structure de conte Cette structure ne permet pas au lecteur de considérer ce monde fictif comme le monde réel dans le roman réaliste, mais de le traiter comme la sphère de conte de fée Malgré les références réelles du roman qui peuvent faire au lecteur penser au réalisme, les commentaires par Huỳnh Lý alors nous montrent une interprétation qui défigure le pacte 10 de lecture prévu par le narrateur Le lecteur modèle Huỳnh Lý a une vision trop exagérée sur la fortune hérité par Rémi C’est du décalage de l’époque et de la société que nt la distinction spatiale, temporelle, culturelle et sociale entre le lecteur modèle de l’écrivain et celui du traducteur Le public dominant du roman franỗais du XIX e siốcle, dont Balzac et ensuite Flaubert y compris, est la femme au foyer Ce ne sont plus des femmes aristocratiques tenant salon comme au siècle précédent Autrement, le roman ne serait qu’un divertissement Sans famille parut pour la première fois sous forme de feuilleton dans la revue Le Siècle, pendant cinq mois (décembre 1877 – avril 1878) C’est donc le lectorat réel, qui se situe dans son propre horizon de l’époque, qui décide l’existence du roman feuilleton Le lecteur des traductions en viêtnamien est tout différent Le roman au Việt Nam est alors un genre littéraire dominant par rapport aux autres genres Pour lui, le monde fictif dans le roman réaliste – préféré par les critiques du temps – est le monde réel Ce qui se produit dans le roman ressemble – selon le lecteur – la réalité Alors que pour le lectorat au Việt Nam dans les années soixante du XX e siècle, le roman tient une bonne position dans le domaine mental pour l’éducation et le cognitif Le nom « réaliste » consolide encore la croyance la relation restrictive entre la réalité et le roman Nous comprenons alors pourquoi le traducteur Huỳnh Lý commente ainsi Les traces, très claires, du roman-feuilleton du XIXe siècle ne s’inscrit pas dans l’horizon d’attente de Huỳnh Lý Nous pouvons les révéler par exemple travers de la construction du roman Pour répondre au besoin de parution périodique, Malot devrait découper son roman en 42 chapitres équivalents Chaque chapitre contient un fait entier, et devient une unité du récit Le chapitre 21 relate l’événement de la rencontre entre Rémi et Lise, la faillite de la famille de Lise – où Rémi avait trouvé son propre « nid » Ce chapitre 11 devient alors l’axe du roman Ce pivot divise le roman en deux parties symétriques Avant cet événement, Rémi vit sous un certain patronage Après, il doit vivre tout seul, gagner sa vie et décider seul de son destin Cette construction est typiquement celle des romans feuilletons de l’époque écrits toujours par un tel schéma, très vite Cette démonstration ne vise pas sous-estimer l’auteur ou le traducteur, mais nous révéler la différence nées des procédures différentes de réceptions travers les échanges culturels *** Il y a au moins quatre traductions de Malot, y compris les BD, les adaptations, les résumés Pourtant dans cet article, nous nous bornons de considérer la traduction des deux versions qui paraissent en même temps, pendant la période de partition du pays, l’une par Huỳnh Lý dans le Nord, l’autre par Hà Mai Anh dans le Sud Nous ne sommes pas des traductologues, donc les analyses visent plutôt la réception du roman qu’à l’évaluation de la qualité textuelle Nous devons mettre côté une série de questions telles pourquoi deux traductions de Sans famille sont-elles publiées dans un laps de temps si court ? Qu’est-ce qui les lie l’une l’autre, qui les différencie l’une et l’autre ? Quel est le rôle de l’horizon de réception politique, sociale et personnelle dans ce travail de traduction ? À notre avis, il s’agit de grands problèmes littéraires et sociologiques, qu’un article seul ne peut résoudre en son entier17 Notre travail consiste déceler “l’intentionnalité” du traducteur en tant que lecteur modèle dans une aire culturelle différente envers le nom propre Comme le nom propre n’a pas de référence l’objet, il n’a pas de sens Mais il peut se référer au cadre socio-culturel Quand le traducteur est face au nom propre, il doit traiter les traces formelles comme moyen d’identification culturelle du texte-source C’est un élément constituant le paradigme culturel qui a la place intermédiaire entre le nom commun et le déictique Il y a donc deux tendances pour le nom propre L’une de Stuart 17 La Littérature générale et comparée, Armand Colin 1994, p 47 12 Mill qui le considère comme une marque sans signification L’autre de George Moore qui demande de respecter rigoureusement le nom propre18 Au niveau du texte, Si l’on songe que certains textes prétention littéraire ne présentent aucune difficulté pour la traduction, en vertu de leur caractère biographique, documentaire (discours d’homme politique, de vedettes de variétés, de joueurs de football), le texte littéraire, philosophique est d’autant plus compliqué que sa structure même est polysémique »19, C’est pourquoi, notre avis, il n’est pas nécessaire ni possible de comparer mot mot les deux traductions de roman Juxtaposer la lettre les traductions sans prendre en compte leur propre structure interne n’apporte rien la compréhension du texte autant que l’intentionnalité du traducteur Chaque traduction existe indépendamment comme un système en soi Chaque système de texte a d’innombrables éléments fonctionnant sur sa propre structure, qui vient de la compréhension du traducteur pour le texte source Donc, les éléments dans le texte cible constituent une structure interne Les mêmes éléments ont de différentes valeurs dans les systèmes différents Alors, le choix de mot est la fois la première action et la dernière de la traduction Comme dit P Ricœur : Il existe des structures cachées qui, soit portent la trace d’une langue originaire perdue qu’il faut retrouver, soit consistent en codes a priori, en structure universelle, ou, comme on dit, transcendantale qu’on doit pouvoir reconstruire »20 Pour le nom propre, Huỳnh Lý emploie la transcription phonétique telle : Ga- ron (Garonne), Mông-mac-săng (Monmartchamp), Py-rê-nê (Pyrénées), Booc-đô (Bordeaux) C’est une transcription habituelle dans toutes les traductions dans le Nord du 18 Cf Michel Ballard, La traduction du nom propre comme négociation, Palimpseste no11-Traduire la culture 19 Cité d’après A Berman, op cit p.14 20 P Ricoeur, Sur la traduction, Bayard 2004, p 29 13 pays du temps Avec cette transcription, le nom propre occidental n’est plus étranger aux oreilles du lecteur vietnamien, mais garde toujours l’atmosphère exotique Reste savoir que le Việt Nam après neuf ans de la Résistance vient de connaitre une paix et l’analphabètisme est encore grave De plus, les directives du gouvernement insistent sur l’unification des traducteurs, des littérateurs, la demande de la Résistance contre les franỗais davant et amộricains dalors Cest pourquoi, le texte par Huỳnh Lý avec son principe de transcription du nom propre semble répondre bien l’horizon d’attente du lecteur du temps dans le Nord Mais Hà Mai Anh utilise encore dautres traitements Soit il remplace les noms en franỗais - étrangères aux oreilles vietnamiennes - par les noms en vietnamiens purement Bảo Liên (la mère adoptive de Rémi), Hảo Tâm (le singe Jolie-Cœur), Hiệp Nhi (le chien Carpi), làng Tả văn ông (le village Chavanon), Ba Lê (Paris) Soit il emploie littộralement les noms en franỗais tels Dijon, Naples Nous ne parvenons trouver les règles de ces choix, en donner les explications dans quel cas le traducteur choisi quelle traduction Mais nous pouvons expliquer comment Hà Mai Anh vietnamise les noms en franỗais De plus, H Mai Anh se situe parmi des traductions qu’on rencontre dans le Sud du Việt Nam pendant la période de partition Avant 1954 au Việt Nam, les traducteurs choisissent deux solutions face au nom propre occidentale L’une est de garder l’écriture initiale dans la langue étrangère, ou, pour la plupart, de la transcrire la franỗaise Lautre suit la transcription la chinoise, même pour les noms propres occidentaux La première apporte au lecteur viêtnamien le climat exotique des traductions, surtout dans le cas des traductions occidentales comme Don 14 Quijote par exemple21 La deuxième approche la traduction étrangère du lecteur viêtnamien D’abord c’est une correspondance phonétique entre les noms dans le texte source et les noms vietnamisés dans le texte cible : Bảo Liên et Barbarin, Vỹ Tiên et Vitalis, Tả văn ông et Chavanon, Hảo Tâm et le singe Jolie-Cœur Auprès de cette correspondance, nous trouvons également une interprétation du nom des personnages selon leurs fonctions dans le roman : Bảo Liên est un nom dont le premier élément bảo implique le sens de patronage Vỹ tiên comporte deux éléments signifiants, dont le premier évoque le violon (le vieillard Vitalis, non seulement un bon chanteur, joue bien le violon), le deuxième implique la fée Alors la vietnamisation des noms du roman nous dit l’interprétation du traducteur Hà Mai Anh en tant que lecteur modèle Cette interprétation tient la lecture simple du marché de livre Mais ce qui compte est l’hétérogène de l’interprétation du nom propre Cet hétérogène ne concerne pas seulement le nom propre mais d’autres instances du texte Nous rencontrons par exemple ce phénomène dans l’emploi du pronom personnel – un phénomène linguistique complexe en vietnamien : « Vỹ Tiên hỏi tơi : -Gì thế, mày điên ? … Nhưng ông cầm cổ tay tơi dắt xuống nói : - Con ! Chúng ta nghỉ lâu Bây đi ».22 Les mots mis en italiques, dans certains cas sont synonymes concernant la deuxième personne dans la conversation, mais indiquent deux attitudes envers l’interlocuteur Le 21 L’on traduit ce roman en viêtnamien par le biais du chinois avec la transcription phonologique : Don Quijote (dki∫ɔt) en Đông ky khốt hiệp sĩ (Don Quichotte chevalier) 22 Cf Hà Mai Anh, op cit, p 43 Nous soulignons 15 premier, avec l’intonation de la question du vieillard, est normalement dans ce cas-là un peu choquant, même malséant Le deuxième est plus familier, plus affectueux, plus aimable Un lecteur vietnamien distinguera facilement de différentes nuances de l’emploi de ces pronoms personnels Du même dialogue, Huỳnh Lý donne une autre traduction : « Ơng già hỏi : - Cháu ? … Nhưng ơng cầm cổ tay tơi dắt xuống nói : - Con ! Chúng ta nghỉ lâu Bây đi » Les deux soulignés sont bien sur synonymes, non seulement sous l’aspect du sens, mais encore de la nuance Il y a alors une discordance dans le jeu de mày et dans la version par Hà Mai Anh par rapport au jeu de celle de Huỳnh Lý Le hétérogène de la transcription du nom propre nous révèle, en tout cas, la qualité des traductions En fait, la traduction par Hà Mai Anh est plus un produit du marché que celle de Huỳnh Lý Elargissons au passage en prenant l’exemple de la traduction de Madame Bovary par Hoàng Hải Thủy23 Le traducteur viêtnamise les noms propres en supprimant des sons impropres pour la composition des noms la viêtnamienne, par exemple : Charles/ Bovary en Trần Văn/ Bô Ici, le traducteur s’appuie sur l’origine du personnage pour constituer un nouveau nom la viêtnamienne En franỗais, Bovary est le nom du personnage, dont le prộnom est Charles Dans le nom du personnage, Trần Văn est le nom, Bô (bɔ) est le prénom L’ordre du nom et du prộnom en franỗais est le contraire de celui-ci en viờtnamien Si le franỗais, comme la plupart des langues européennes, a l’habitude d’employer normalement le nom 23 Hoàng Hải Thủy, Người vợ ngoại tình (adaptation du roman Madame Bovary), Ed Chiêu Dương, Sài Gịn 1973 16 plutơt que le prộnom, cest le contraire en viờtnamien Si le franỗais utilise le nom dès la première rencontre pour une raison de politesse, le viêtnamien le fait rarement, sauf dans des circonstances officielles Le changement entre le nom et le prénom au fil de la narration franỗaise montre le changement du point de vue narratif Que le traducteur respecte le texte original ou non, ce changement ne signifie rien pour le lecteur viêtnamien Parce que dans le récit fictif viêtnamien, il est rare d’employer le nom pour le personnage : on utilise le prénom Le prénom du personnage Charles, qui est populaire en franỗais, paraợt ộtranger, exotique aux oreilles viờtnamiennes Le nom du protagoniste Bovary en franỗais suggốre le buf, la paysannerie normande La prononciation franỗaise de ce nom ộvoque lair campagnard du garỗon Le traducteur Hong Hi Thy ne connaissait sans doute pas la genèse de ce nom Mais la scène de la classe et le rire des écoliers, tous les deux éléments, lui suggèrent l’étrangeté et le ridicule du nom Bovary De plus, le traducteur ne veut pas choquer son propre lectorat par des sonorités inhabituelles, difficiles prononcer Il cherche donc une solution de conciliation Le traducteur veut continuer donner l’impression de ridicule par la prononciation du nom propre du nouveau pour les écoliers Surtout la sonorité du nom du personnage dans le texte-source lui suggère le choix du nouveau prénom Bô Il crée ainsi le prénom viêtnamien en sinspirant de la prononciation en franỗais Aprốs, il ajoute un nom purement viêtnamien : Trần Văn Il s’agit d’un nom très populaire, répandu au Việt Nam Depuis, le prénom Bô, au lieu du nom Bovary dans le texte source, devient l’appellation du personnage comme dans n’importe quel récit en viêtnamien Au long du récit, le traducteur emploie un autre prénom pour ce personnage : Đốc Bô Le premier élément indique le métier, la position sociale ; et le deuxième est son prénom C’est une appellation quotidienne la viêtnamienne, surtout dans le Việt Nam du Sud avant 1975 17 Une telle comparaison ne veut pas dire que la version par Hà Mai Anh est aussi un simple produit du marché Mais la vietnamisation du nom propre, l’incohérence de sa transcription dans le texte pour autant diminuent la valeur de cette version Autrement, il y a deux tendances dans cette traduction du roman D’une part le traducteur veut dédier au lecteur un produit pédagogique, d’autre part il est tenté par le marché Huỳnh Lý, au contraire, ne s’occupe pas du tout du marché Ces problématiques exigent d’autres analyses plus approfondis concernant le domaine sociologique sur la relation entres des objets culturels dans le marché, que nous espérons aborder dans une prochaine occasion./ Hà Nội 17 Juillet 2008 18 ... moderne en France etc On pourrait trouver de telles lignes dans un chapeau de publicité de la traduction de Sans famille (Hector Malot), si la dernière était publiée pour la première fois au Việt. .. recherche plus complète sur la réception de Malot au Việt Nam, nous devrions délimiter avant toute chose dans le domaine textuel : évaluer la réception de Malot au Việt Nam travers ses traductions... parmi des traductions qu’on rencontre dans le Sud du Việt Nam pendant la période de partition Avant 1954 au Việt Nam, les traducteurs choisissent deux solutions face au nom propre occidentale

Ngày đăng: 02/08/2022, 16:24

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