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TRADUCTIONS DE « MADAME BOVARY » AU VIỆT NAM, VUES DES MARQUEURS DE PERSONNES DANS LES DIALOGUES Phùng Ngọc Kiên Institut de Littérature (Hà Nội) Académie des Sciences sociales du Việt Nam Partant d’une observation connue de Walter Benjamin sur la fidélité illusoire dans la traduction littéraire, idée également partagée par un écrivain polyglotte comme Louis Borges, nous proposons une hypothèse sur l’interprétation multiple dans la traduction littéraire En fait, comme la « traductibilité [des œuvres traduisibles – PNK] exprime une certaine signification, immanente aux originaux »1, chaque traducteur en tant que lecteur devrait concrétiser en traduction sa propre compréhension confinée dans un autre contexte culturel Il s’agit de la compréhension toujours partielle, fortement limitée par le contexte et par le sujet de l’acte d’interprétation Une traduction ne couvre jamais tous les sens potentiels et éventuels d’un texte comme représentation totale portant une vérité unique Ce point de vue changé fait appel au remplacement de la doctrine de l’écriture polysémique par l’hypothèse des différentes Walter Benjamin, « La tâche du traducteur », Œuvres 1, Gallimard, p 246 Nous soulignons Cf Hans-Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard 1978, p 268 manières d’interpréter dans la traduction Ainsi dans cette communication nous voulons attirer l’attention sur les différentes concrétisations, dues l’interprétation partielle, des dialogues de Flaubert traduits en vietnamien au niveau des marqueurs de personnes L’une est faite par Tr ọng Đ ức et l’autre par Bạch Năng Thi2 Ce vocabulaire, avec la catégorie du temps, fait partie des catégories fondamentales du discours pour constituer et pour révéler des « relations interpersonnelles »3 Se composant de signes « vides », « non référentiels par rapport la ‘réalité’, toujours disponibles, et qui deviennent ‘pleins’ dès qu’un locuteur les assume dans chaque instance de son discours »4, ce type d’embrayeur constitue une sorte de l’autoréférence5 En franỗais, hors contexte, en labsence de renseignements complộmentaires fournis par le contexte, le déictique de pronom dans l’énoncé devient opaque pour le lecteur On manque de Cf Antoine Berman dans Pour une critique des traductions : John Done (Gallimard, 1999), U Eco dans Dire presque la même chose Expériences de traduction (Bernard Grasset, 2007, p 177) Ines Oseki-Dépré dans De Walter Benjamin nos jours… Essais de traductologie (Honoré Champion, 2007, p 20) Traduction=Interprétation, Interprétation=Traduction Actes du colloque international de l’Université de Ratisbonne (Honoré champion éditeur, 1998, p 81) Dans cette communication, nous avons comme corpus les traductions faites respectivement, en même année (1976) et dans un même éditeur (Ed Văn học, Hà Nội), par Trọng Đức et Bạch Năng Thi Pour qu’on se concentre dans le travail traductologique, il faut bien noter que ces deux traducteurs sont tous sortis du lycée et ont été professeurs avant 1945 Donc leur niveau de linguistique ne serait pas mis en doute Émile Benveniste, « Le Langage et l’expérience humaine » in Problèmes de linguistique générale 2, Gallimard, 1974, p 67 Émile Benveniste, « La nature du pronom », Problèmes de linguistique générale 1, Gallimard, 1966, p 257, et Roman Jakobson, « Les embrayeurs, les catégories verbales et le verbe russe », Essais de linguistique générale, Minuit, 1963 (2003), p.179 ibid repères pour la relation dans la conversation Aussi le lecteur a–t–il du mal établir les relations sociales entre des personnages s’il veut déchiffrer leur lien social et narratif Le vietnamien, au contraire, contextualise plus strictement les pronoms, au point que le locuteur doit obligatoirement montrer son évaluation, implicite ou explicite, dans l’énonciation Le pronom alors implique toujours l’attitude subjective du locuteur et les positions supposées des interlocuteurs au cours du dialogue C’est dans ces valeurs ajoutées des pronoms vietnamiens que nous envisagerons les interprétations multiples des dialogues traduits de Flaubert DIALOGUES FLAUBERTIENS C Gothot-Mersch remarque que, jusqu’au début des années 80 rares sont les études sur la parole des personnages de Flaubert, qui a accordé de l’importance au dialogue romanesque Au début, il pense aux temps forts où les nœuds de l’histoire sont développés, comme sa lettre George Sand, Amélie Bosquet Mais son idée sur le rôle du dialogue change au fur er mesure tel point qu’il y a des contradictions Il se plaint parfois d’une part de la difficulté du dialogue tout en affirmant sa nécessité, et d’autre part il « manifeste ainsi une méfiance de plus en plus poussée l’égard du style direct »2 Pour Flaubert d’alors, un dialogue « ne représente pas plus la vérité vraie (absolue) que tout le reste » et il vaut mieux de servir de la description Effectivement, Flaubert est de plus en plus économe dans la restitution de la parole des personnages Pour C Duchet, ses dialogues sont vides, monotones, et ne représentent pas les moments forts comme dans le roman de Balzac Ils signifient Cf Béatrice Didier, prộface de Madame Bovary, Librairie gộnộrale franỗaise, 1983, p 388 Claudine Gothot-Mersch, « La parole des personnages », Travail de Flaubert, Le Seuil, 1983, p 202 Nous soulignons Cf Claudine Gothot-Mersch (1983), op cit., p 201 plutơt les « insignifiants »1 puisque les répliques sont indifférentes la situation d’interlocution, et « ne caractérisent pas les personnages » Ce critique renonce l’opinion d’Albert Thibaudet alors couramment admise sur la variété du dialogue de Flaubert2 Se produit dans ce dispositif du récit la coïncidence au niveau temporel entre le temps de lecture, de perception et le temps réel3 C’est grâce ce rapprochement de la durée que le dialogue semble devenir plus « objectif » linguistiquement et peut émerger au premier plan4 Ainsi les pronoms des dialogues « sortent » du contrơle du narrateur pour être régis par l’auteur implicite, qui « choisit, consciemment ou inconsciemment, ce que nous lisons »5 L’autonomie due la sortie du contrôle du narrateur permet d’établir les rapports directs entre les personnages En considérant cette « autonomie », on peut voir comment les auteurs implicites des traductions ont différemment construits le monde flaubertien dans le contexte d’arrivée DES INTERPRÉTATIONS PARTIELLES EN MOUVEMENT On se focalise ici sur les changements particuliers, sur les transformations éventuelles des pronoms au cours de la lecture concrétisée en vietnamien, dite traduction Les valeurs des termes sont en mouvement en fonction du contexte et du locuteur pour Philippe Dufour, Flaubert et le Pignouf, Essais sur la représentation romanesque du langage, Presses Universitaires de Vincennes, 1993, p 69 Cf la discussion sur les italiques comme indice sociale dans l’écriture de Flaubert, Revue Europe, 1969 Voir Gérard Genette, « Frontières du récit », Figures II, Le Seuil, 1966 Henri Mitterand, Dialogue et littéralité romanesque, cité d’après Yves Stalloniy, op cit., 2006, p 61 Wayne Booth, The Rhétoric of Fiction, Chicago, 1961, p 74-74, cité d’après Jaap Linvelt, op cit, José Corti, 1981, p 19 déterminer la signification en vietnamien Il s’agit des valeurs ajoutées des pronoms vietnamiens, qui varient au fur et mesure de la concrétisation de la traduction Par conséquence nous aurons les analyses textuelles comparatives entre le debut et la fin de l’histoire Nous focaliserons sur ce qu’on peut appeler « événement traductologique » en tant qu’une définition limitée de la traduction littéraire a Au début de l’histoire Dans le texte romanesque en franỗais,, on a gộnộralement deux groupes de pronoms en fonction des relations, intimes et sociales, qui sont tutoiement et vouvoiement Il en est complètement différent dans le texte en vietnamien où les pronoms du dialogue révèlent en même temps les attitudes des locuteurs, leurs allusions, leurs positions sociales, leurs tons, les caractéristiques dans leurs relations, etc Ainsi, la mờme formule dexpression intime en franỗais serait éventuellement concrétisée par différentes formules d’expression et par différents pronoms en vietnamien en fonction de l’interprétation des traducteurs Considérons de près une conversation entre deux personnages principaux lors de la décision de renvoyer la bonne Le texte de Trọng Đức fait employer Charlesle le [toi conjugal] envers Emma selon la coutume campagnarde, et le texte de Bạch Năng Thi le em [toi conjugal] mais plus nuancé dans le sens amoureux Les deux Charles s’appellent dans la relation familiale Le Charles de Trọng Đức est donc moins bourgeois que celui de Bạch Năng Thi dans la vie conjugale : Thế đuổi thật ? Cuối hỏi Ừ Ai cấm tôi! Cô ta đáp (Trọng Đức, p 89) – Est–ce que tu bon ? dit–il enfin Thế em đuổi cô ta thật ? Cuối hỏi Thật Ai cấm ! Nàng đáp (Bạch Năng Thi, p 77) l'as renvoyée pour tout de – Oui Qui m'en empêche ? répondit–elle Le pronom de la première personne, employé par les deux Emma de Trọng Đức et de Bạch Năng Thi [moi], dans ce dialogue se refère un « moi social », donc ce terme évoque l’attitude hautaine qu’elle adopte l’égard de son mari On remarque deux aspects de ce pronom singulier dans la définition, selon le Dictionnaire : « dans le rapport avec l’interlocuteur de même rang » qui veut « ne pas exprimer clairement l’attitude et sentiment individuel » Force est de constater que ce « pronom social » n’est utilisé dans la vie conjugale des bourgeois par la femme qu’il y a des différences importantes et même une rupture éventuelle au sein du couple Comme Nguyễn Phú Phong décrit le système de pronoms vietnamien, « dans le système de termes de parenté employés comme substantifs pronominaux la place de je et de tu dans un contexte interlocutif de type familial, il ne peut et ne doit pas exister un terme étranger, nommément EGO, qui est en situation de rupture avec tout autre terme du système »2 On n’entend pas vraiment dans ce dialogue l’écho du tutoiement de la vie conjugale la vietnamienne C’est avec ce pronom vietnamien que la situation narrative insiste sur l’air hautain impliqué dans l’attitude de l’héroïne l’égard de son mari Le son discordant retentit fortement dans leur conversation en vietnamien Ce décalage fait découvrir ce que le proverbe vietnamien dit souvent sur la discordance dans la vie conjugale : « đồng sàng dị mộng » [on est dans un même lit aux rêves différents] Confrontons les pronoms utilisés dans la conversation entre le couple modèle de la bourgeoisie provinciale, les Homais Ils emploient le couple de pronom rộversible, mỡnh-tụi Leur tutoiement en franỗais est traduit en [tutoiement conjugal] pour exprimer l’attachement conjugal : Hoàng Phê, dir., Từ điển tiếng Việt [Dictionnaire du Vietnamien], Ed Khoa học xã hội (Sciences sociales), Hồ Chí Minh ville, 1990, p 1042 : « Tơi : đ, từ cá nhân dùng để tự xưng với người ngang hàng không cần bày tỏ thái độ tình cảm » Nguyễn Phú Phong, « Les substituts pronominaux », in Questions de linguistique vietnamienne, les classificateurs et les déictiques, Presse de l’EFEO, 1995, p 208 Vậy định biến chúng thành dân Caraip hay Bôtôquyđôt ? (Trọng Đức, p 167) Vậy định biến chúng thành dân Caraip hay Bơtơquyđơt ? (Bạch Năng Thi, p 155) Tu prétends donc en faire des Caraïbes ou des Botocudos ? (Flaubert, p 207) Madame Homais emploie également le même pronom (toi conjugal) l’égard de son mari : Khơng đừng mó vào (Trọng Đức et Bạch Năng Thi) Non ! n'y touche pas ! (Flaubert, p 378) Visiblement les deux auteurs implicites, de Trọng Đức et de Bạch Năng Thi, ne se diffèrent pas quand ils traitent ce dialogue conjugal du couple de pharmacien Cette ressemblance dans cette situation n’est pas vraiment hasarde puisqu’elle montre clairement que dans ce détail, qui ne joue pas vraiment un rôle diégétique, ils suivent facilement les normes langagières de la traduction Au contraire, la différence d’interprétation survenue spontanément ou consciemment ne se tient que quand le traducteur se situe face au couple du médecin L’attitude d’Emma convient l’exclusion de Charles dans son soliloque avec le pronom de la troisième personne [lui méprisé] Les deux Emma, de Trọng Đức et de Bạch Năng Thi, ne résistent pas la tentation de « murmurer » ce pronom dans la visite de la filature On a affaire un « événement sémiotique » dans le récit travers la transformation des pronoms : À, nàng thầm nghĩ, ta mang dao túi người nhà quê ! (Bạch Năng Thi, p 124) À, cô ta nghĩ thầm, mang dao túi người nhà quê ! (p Trọng Đức, 135) Ah ! se dit-elle, il porte un couteau dans sa poche, comme un paysan ! (Flaubert, p 189) Les deux traducteurs emploient le pronom (ta) [lui méprisé] pour traduire le « il ằ, censộ neutre en franỗais, de Charles Sa nuance annonce clairement l’exécration de la femme envers son mari, donc implique visiblement son exclusion de la perspective du locuteur Ce pronom ne contient pas seulement l’atmosphère campagnarde, mais aussi insiste sur la dégradation axiologique de Charles dans la perspective de sa femme La différence d’interprétation s’intensifiera au fur et mesure de la traduction On s’occupe ensuite des traductions des pronoms dans la fin du récit b Vers la fin de l’histoire Dans le monde diégétique de la version de Trọng Đức, il n’y a rien de changé au fil du roman Quand Charles, dans la Troisième Partie, ne se contient plus et va Rouen chercher Emma qui reste toute la nuit dans la ville après la rencontre avec Léon : - Qui t'a retenue hier ? - J'ai été malade (Flaubert, p 412) Ai giữ lại, hôm qua ? Tôi ốm (Trọng Đức, tr 374) Ai giữ em, hôm qua ? Em ốm (Bạch Năng Thi, tr 366) L’auteur implicite de Trọng Đức garde intact leur appellation employée du début du récit, qui annonce la distance existant toujours entre eux L’auteur implicite propose aux personnages le couple mình-tơi [toi conjugal – moi social] dans lequel on entend une discordance entre deux voix, de Charles et d’Emma D’un côté c’est une voix pleine de souci que Charles adresse sa femme avec le pronom de la deuxième personne [toi conjugal] De l’autre, c’est une voix indifférente, peut-être un peu embarrassée mais « étrangère », que la femme accorde son mari Son attitude hautaine dans la relation conjugale est même renforcée Différemment pour l’interprétation de Bạch Năng Thi, son Emma, la question du mari, répond par le pronom em [moi conjugal] Ce pronom convient au couple réversible de pronom anh-em [tutoiement conjugal] plein d’affection qu’elle adopte également avec ses amants Au moins, travers l’emploi de ce pronom du couple anh-em [tutoiement conjugal], l’Emma de Bạch Năng Thi témoigne d’un attachement formel avec son mari Cet attachement formel se lie une sorte de transformation intérieure de l’héroïne, qui annonce peut-être un double mouvement paradoxal dans les dernières étapes : le mensonge conscient l’égard du mari et le commencement de la réconciliation entre eux dans le lien conjugal Cette transformation sort-elle du dessein du traducteur ? On n’en est pas sûr Il est certain que dans la vision de l’auteur implicite de Bạch Năng Thi, il se produit tacitement une transformation inattendue représentée par des pronoms du dialogue Veut-il annoncer le changement intérieur chez la femme du médecin comme le repentir, la réconciliation après les illusions, ou la velléité ? Veut-il justifier les erreurs de l’héroïne ? La différence d’attitude de l’Emma de Bạch Năng Thi est alors d’autant plus importante et plus sensible si on fait la comparaison avec celle de Trọng Đức dans les derniers moments À la réponse de Charles la vue de la porcelaine, l’Emma de Trọng Đức dit en continuant le couple anh-tôi [tutoiement social avec distance], qui évoque le ton sec de la femme envers le mari : Ồ, để yên (Trọng Đức, p 424) - Oh ! laisse-moi ! (Flaubert, p 459) Không phải, anh lầm (p 425) Non, tu te trompes ! (Flaubert, p 460) Il faut attendre les dernières répliques pour que, plus douce dans le réconfort adressé son mari, l’Emma de Trọng Đức n’emploie que le couple mình-tơi [tutoiement conjugal] La transformation dans leur lien conjugal représentée par les pronoms survient vraiment au dernier moment : Đừng khóc ! – cô ta bảo – Sắp tới - Ne pleure pas ! lui dit-elle Bientôt je ne te chẳng làm khổ (p 426) tourmenterai plus ! ! (Flaubert, p 462) Le [moi social] dans le rapport avec le [toi conjugal] est nuancé On entend cette fois-ci la même nuance que le pronom [toi conjugal] utilisé par son mari Ce changement signifie un virage intérieur chez elle dans la traduction de Trọng Đức Cette transformation mérite d’être considérée comme événement au sens sémiotique La femme emploie le même [toi conjugal et d’affection] que son mari C’est ce moment que l’héroïne revient au rôle habituel de la femme dans la famille Cet événement sémantique marque visiblement la perte de l’illusion dont elle est consciente ce moment important Peut-on parler de la réconciliation conjugale, qui ne se produit qu’au dernier moment de sa vie, ou seulement du retour d’Emma au rôle conjugal dans la traduction de Trọng Đức ? On se souvient de la remarque du traducteur Trọng Đức dans la préface : « En fait, Emma Bovary est une hérọne complexe, la fois pitoyable et blâmable, donc l'attitude de Flaubert envers elle est ambivalente »1 Pour Trọng Đức, elle est pitoyable car elle a osé résister la vie morne, itérative de la province C’est partiellement cause de son mari imbécile qu'elle a souffert sa tragédie Mais au contraire, « elle est blâmable d’abandonner sa famille » L’hérọne de Bạch Năng Thi semble être plus douce dans cette réponse, avec le retour du couple em-anh [tutoiement conjugal] comme on le voit Dans cette circonstance particulière de la vie, le couple de em-anh [tutoiement conjugal] de Bạch Năng Thi n’est plus parole de mensonge comme leur rencontre surprise le matin Rouen Il est plein de l’affection éprouvée de la femme envers le pauvre mari : Đừng khóc ! – nàng bảo anh – Chẳng em khơng cịn làm khổ anh (p 421) Ne pleure pas ! lui dit-elle Bientôt je ne te tourmenterai plus ! (Flaubert, p 462) L’Emma de Bạch Năng Thi avait employé ce couple de pronoms em-anh [tutoiement amoureux] pour ses amants dans sa quête de l’amour idéal puisqu’elle croit « l’effet » du langage Mais cet effet n’est qu’un mirage, l’amour idéal n’existe pas dans l’adultère Ainsi chez l’Emma de Bạch Năng Thi, les pronoms anh-em [tutoiement conjugal] coïncident avec le tutoiement amoureux Ils révèlent visiblement le réveil de l’idée de retour la famille, l’amour conjugal dans les derniers moments de sa vie Trọng Đức, Bà Bôvary, Ed Văn học, Hà Nội, 1976, p 17 10 Enfin se rencontrent deux pauvres âmes dans le sentiment conjugal Ce dernier remplace le sentiment romanesque dans le texte de Bạch Năng Thi Si Charles est totalement refusé avec le pronom [lui méprisé] dans les deux versions, de Trọng Đức et de Bạch Năng Thi, la différence des appellations concernant le lien conjugal, comme motivation du récit, montre le clivage dans leur interprétation au cours de la traduction Les deux Charles dans le dialogue conjugal se comportent différemment par rapport aux deux Emma L’un est plus bourgeois et moins exclu que l’autre L’Emma dans la relation conjugale interprétée par Trọng Đức semble plus froide, et donc moins abordable que celle de Bạch Năng Thi Pour l’auteur implicite de Bạch Năng Thi, l’héroïne semble revenir l’amour conjugal, alors que pour celui de Trọng Đức c’est seulement le retour de l’hérọne aux rơles conjugaux Pour une Emma c’est la retrouvaille du sentiment conjugal, pour une autre, c’est juste la réconciliation de son caractère avec le rôle conjugal On dirait qu’il y a deux voix differentes dans deux textes Comme le remarque Lê Hồng Sâm, qui est aussi traductrice d’Un cœur simple, propos de la confrontation de deux traductions du pronom dans Madame Bovary, il existe dans les traductions en vietnamiennes « la nuance du pronom personnel [qui] annonce initialement au lecteur l’évaluation envers le personnage »1 Ce qui « annonce initialement » dans la traduction, selon nous, s’attache sa propre voix Il s’agit de la voix subjective de l’interprétation partielle On peut insister ici sur le rôle de l’auteur implicite qui révèle les compréhensions des traducteurs en tant que lecteur modèle dans un contexte culturel différent C’est lui qui décide de l’apparition des paroles des personnages et organise le système de pronoms dans le discours direct Si ce système représente la Lê Hồng Sâm, Chi tiết nhỏ hàm chứa vấn đề lớn (hay Dịch thuật văn hoá), Colloque international, Hà Nội, 4.2007 http://vienvanhoc.org.vn/print/thongtin/107/chi-tiet-nho-ham-chua-van-de-lonhay-la-dich-thuat-va-van-hoa.aspx 11 société de l’héroïne, le changement de pronom, comme événement sémantique, accusera les virages de sa vie comme événement diégétique Ce changement est d’autant plus marqué dans la traduction qu’il « trahit » l’interprétation de l’auteur implicite On examinera de près les situations ó les personnages, forcés « spontanément » par l’auteur implicite dans les traductions, changent des pronoms comme « évènement sémiotique » c Évènements traductologiques C’est le changement des groupes de pronom qui entraine la signification diégétique lors de la traduction En fait si le vouvoiement de la société bourgeoise provinciale ne pose pas le problème dans les versions en vietnamien, la motivation diégétique se situe justement dans des relations intimes, dans le tutoiement employé par Emma avec tous les trois hommes de sa vie : Charles, Léon, Rodolphe Cette motivation est d’autant plus marquant qu’avec les événements dits traductologiques Nous entendons ici par « évènement traductologique » dans les traductions les différences interprétatives, volontaires ou spontanées, qui ne proviennent pas des fautes linguistiques Ces évènements traductologiques sont d’autant plus importants qu’ils font parties des changements diégétiques, donc ils relèvent les interprétations, intentionnelles ou implicites, chez des traducteurs Dans la Troisième Partie, Emma vient demander Rodolphe une aide financière Tout d’abord ils se vouvoient dans les dix premiers répliques, et puis il semble y avoir une réconciliation des deux amants Le « nous » les assemble C’est Emma qui s’obstine modérer la situation par le tutoiement amoureux Rodolphe n’a que deux répliques où il veut atténuer le chagrin de la femme par le tutoiement Sitụt quil perỗoit lambiguùtộ de la requête d’Emma (rêve d’amour et besoin d’argent), le vouvoiement de politesse revient dans son discours comme un mur infranchissable : 12 Rodolphe: - Vous n'avez pas changé Vous êtes toujours charmante! (p 452) Emma : - Ô Rodolphe ! Si tu savais ! je t'ai bien aimé ! (p 453) Rodolphe : - Mais tu as pleuré ! dit-il Pourquoi ? […] pardonne-moi ! tu es la seule qui me plaise (p 453) Emma : - Tu sais, continuait-elle vite, que mon mari avait placé toute sa fortune chez un notaire ; il s'est enfui ! (p 454) Rodolphe : Je ne les pas, chère madame (p 454) Les deux traductions en vietnamien proposent deux manières différentes de représenter ce couple amoureux dans la dernière rencontre : Cô [vous] không thay đổi, cô [vous] xinh đẹp! (p 416) Anh [toi] Rơđơnphơ ! ví anh [toi] biết ! … [moi] yêu anh đến ! Nhưng [toi] khóc – y nói – ? […] tha lỗi cho tơi ! [toi] người mà tơi ưng Anh [vous] biết – ta tiếp tục nói nhanh – chồng [moi] đặt tất nhà viên quản khế, trốn ! (p 417-418) Thưa bà thân mến, tơi khơng có (p 419) (Traduction de Trọng Đức) Bà [madame] không thay đổi, bà [madame] xinh đẹp! (p 410) Rôđônphơ ! anh [toi] biết ! … em yêu anh [toi] đến ! (p 411) […] Tha thứ cho anh ! Em [toi] người độc anh ưa ! (p 411) Anh [toi] biết – nàng nhanh chóng tiếp lời – chồng em đặt tất nhà viên quản khế, trốn ! (p 411-412) Tơi khơng có thưa q bà (p 413) (Traduction de Bạch Năng Thi) Au début de la rencontre dans la version de Trọng Đức, l’auteur implicite fait Rodolphe appeler Emma cô [vous social] avec la distance de la politesse et, après [toi intime et amoureux] avec affection, tout en gardant le [moi social] C’est 13 justement le couple de pronoms de tutoiement de politesse qu’il avait déjà employé dans la lettre d’adieu Le changement de cô [vous social] de politesse contre [toi amoureux] montre une approche, une réduction de la distance de la part de l’amant La position supérieure, l’orgueil et l’amour propre, peut-être, d’un amant ne lui permettent pas de revenir totalement au rapport d’avant avec anh –em [tutoiement amoureux] Le dialogue finit par le titre traduit littộralement du franỗais: b [madame] Ce cụ [vous social] de Trọng Đức au début de la scène évoque l’oscillation du locuteur, entre l’intimité résistante et la distance proposée Il en résulte le pronom neutre et de politesse cô adressé Emma Cet emploi de pronom permet au locuteur soit de continuer de nouveau la liaison abandonnée, soit de la refuser La prudence perplexe de ce Rodolphe se dévoile dans le couple de pronoms du tutoiement amoureux tơi-mình [mois social – toi amoureux] lors de l’excuse et du réconfort L’Emma de Trọng Đức n’est pas vraiment moins fine que son ex-amant pour arriver ses fins puisque l’auteur implicite a « transgressé » l’original en laissant Emma s’appeler [moi social] et nommer Rodolphe anh [vous social], ce qui est un peu ambigu dans toute cette scène de rencontre Ces pronoms sont en même temps neutres et distants comme ceux qu’Emma utilisait avec son mari Bien qu’elle manifeste chaleureusement son amour et ses sentiments dans la parole, cette distance du pronom constitue nettement une certaine position réservée l’égard de l’ancien amant Dans toutes les répliques de ce dialogue, l’auteur implicite de Trọng Đức, par perplexité, ne laisse pas l’héroïne recourir aux pronoms amoureux anh-em [tutoiement amoureux], et ainsi refuse les changements, le rapprochement de l’héroïne dans ce rapport Le jeu de pronoms en vietnamien chez Trọng Đức permet l’héroïne au moins de garder la distance, donc l’honneur ultime dans l’ultime rencontre Certes, le traducteur Trọng Đức ne manque pas de reconntre les changements saisissants, qui sautent aux yeux, du vouvoiement au tutoiement dans les pronoms en franỗais utilisộs par Emma Par consộquent, ce refus du changement est clairement une transgression traductologique, qui provient de l’intention d’interprétation de l’auteur implicite de Trọng Đức Cette 14 transgression intentionnelle révèle mieux le processus de lecture Cet auteur implicite, malgré son objectivité et son désaccord avec l’adultère de l’héroïne, ne veut pas la dévaloriser devant l’examant En maintenant la distance entre deux personnages au degré acceptable avec le vouvoiement amoureux, qui « trahit » sensiblement le texte de départ, il veut éviter Emma ce dont il ne veut pas : l’humiliation Derrière la condamnation de l’adultère par le traducteur et derrière l’objectivité très rude du système de pronoms, qui entraine une voix sèche, de la narration de ce texte se cache l’attendrissement de l’auteur implicite de Trọng Đức accordé Emma Sa perception a affecté la compréhension et surtout l’expression pour constituer la transgression sémantique dans sa traduction Il en va autrement dans la version de Bạch Năng Thi En appelant Emma bà [madame - littéralement] comme il faut au début de la rencontre (bien que ce titre ne soit pas dans le texte en franỗais), le Rodolphe de Bạch Năng Thi veut toujours garder leur distance À l’écoute des confessions de l’amante, ce Rodolphe s’attendrit peut-être au point de revenir tout de suite aux pronoms amoureux : anh – em [tutoiement amoureux] Alors les deux amants se replongent de nouveau dans le passé, dans leur propre monde plein de passion, « dans le rêve le plus magnifique et le plus suave ! » Dans cette version, ils sont tous les deux comédiens sincères « si bien qu'elle [et lui] fit semblant de croire » L’héroïne de Bạch Năng Thi semble moins conflictuelle Cette Emma semble ne pas refuser de reconntre la réalité en réutilisant le couple de pronoms amoureux em-anh [tutoiement amoureux] jusqu’à sa sortie Pourtant, dans la version de Bạch Năng Thi l’on découvre une autre « transgression » inattendue et remarquable travers la représentation des pronoms vers la fin de cette scène : Thế em trở lại với anh, với anh, anh giàu có, sung sướng, tự để khẩn cầu cứu giúp mà người sẵn sàng, em van xin mong tới anh với mối tình Et puis, quand je reviens vers lui, vers lui, qui est riche, heureux, libre ! pour implorer un secours que le premier venu rendrait, suppliante et lui rapportant toute ma tendresse, il 15 thắm thiết em, anh xua đuổi em, điều làm cho anh ba ngàn quan ! (p 414) me repousse, parce que ỗa lui coỷterait trois mille francs ! (p 455) Le texte de départ de Flaubert se porte vers le type du soliloque théâtral dont Rodolphe est soudainement « absent » Les derniers mots d’Emma ne sont plus adressés son ex-amant, mais plutôt elle-même, elle substitue le « lui » au « toi » S’agit-il de l’humiliation ou du refus indirect d’Emma envers Rodolphe ? Elle ne tient plus compte de Rodolphe même quand ils sont encore dans la scène Elle l’exclut définitivement de sa vie, de son rêve Le texte de Bạch Năng Thi emploie ici le anh pour traduire le « lui » référent Rodolphe Le lecteur de la traduction pourrait alors se demander quel est le pronom Comme ce pronom vietnamien parmi autres s’utilise dans trois personnes Logiquement, il s’agit de la troisième personne qui est ainsi une « faute » évident de la traduction Mais ce pronom constitue une autre signification L’Emma de Bạch Năng Thi, malgré le refus de Rodolphe, continue dans ce paragraphe exposer son amour devant Rodolphe Elle conserve toujours le couple de pronoms amoureux, anh-em [tutoiement amoureux] Elle ne cache pas ses sentiments sincères C’est qu’apparaissent la crédulité et la générosité d’Emma dans l’aberration de l’amour Ces qualités justifient ses erreurs passées Comme l’écrit Trọng Đức dans la préface des deux traductions, elle est « la fois pitoyable et condamnée » La supplication de cette Emma devient alors la condamnation contre Rodolphe L’auteur implicite de Bạch Năng Thi, certes emporté par l’agitation amoureuse d’Emma, par la puissance de sa parole envoûtée, remplace le pronom de la troisième personne par la deuxième personne L’erreur, si on veut le dire, de Bạch Năng Thi, ne concerne pas ici ni le niveau de langage ni l’éthique traductologique Elle est une autre transgression, peut-être automatique mais vraiment importante On dirait qu’il s’agit d’une sorte de tropisme Cet exemple convaincant montre que la Cf Émile Benveniste (1966), « La nature du pronom », op.cit 16 traduction comme lecture est concrétisée par une réécriture La réécriture est réciproquement influencée par la lecture Pour le narrateur de Bạch Năng Thi, Emma est une hérọne « romantique » en qte de l’amour idéal qui ne change pas du sentiment, représenté par le couple de pronoms, malgré le refus de son ancien amant Il s’agit du processus intéressant qu’on rencontre ailleurs dans d’autres types de discours : influence interactionnelle inhérente la traduction Il est évident que celle-ci, composée de la compréhension, de la perception et de la concrétisation, n’est pas une lecture simple avec la substitution, pas non plus un processus non circulaire « La compréhension [du texte littéraire – PNK] est successive et ne cesse de se préciser mesure qu’avance la lecture »1 La traduction devient un mouvement des va-et-vient entre ce qui est fait, ce qui est acquis et ce qui est supposé être attendu lors de la réécriture dans le texte arrivé Plus objectivement, peut-être, l’auteur implicite de Trọng Đức met en relief encore l’amertume d’Emma en ce changement subtil : Thế trở lại với hắn, với hắn, giàu có, sung sướng, tự ! để van xin cứu giúp mà sẵn lòng, khẩn khoản đem tới lòng nồng thắm tơi, cự tuyệt tơi, ba ngàn quan ! (p 420) Le pronom de la première personne [moi social] d’Emma ne correspond pas au pronom de la troisième personne [lui méprisé] de Rodolphe Il s’agit du de distance, mais aussi le d’orgueil, supérieur C’est le intérieur Le [lui méprisé] est totalement dévalorisé devant ce [moi social] Le d’Emma s’est affranchi de [lui méprisé] de Rodolphe, de l’illusion d’amour forcée par un homme rusé Michel Meyer, Langage et littérature, PUF 1992, p 121 17 Ainsi le système de pronoms dans les traductions vietnamiennes n’est pas statique, mais toujours en mouvement la base de rapports mutuels entre lectures et réécritures pour présenter les mondes diégétiques différents La mutation intérieure de ce système a concrétisé le changement axiologique, et entraine les « blancs », ou les « transgressions », dans les dialogues en vietnamien Il s’agit des images perỗues et ensuite reconstruites diffộremment par les auteurs implicites Deux traductions deux différentes interprétations proposent alors deux figures féminines en fonction de la compréhension partielle de chaque auteur implicite Les personnages de Bạch Năng Thi sont plus transparents et moins conflictuels que ceux de Trọng Đức L’Emma de Bạch Năng Thi est la fois ingénue et passionnée L’héroïne de Trọng Đức est plus perplexe et plus rationnelle Ces diversifiations, qui sont traditionnellement appelées trahision de traduction, ont bien enrichi l’héritage flaubertien vu de la perspective de la rộception littộraire Les pronoms franỗais traduits en vietnamien concrộtisent alors non seulement la polysémie textuelle, mais aussi montrent la pluralité de lecture lors des échanges culturels Cette vision jouera un rôle de plus en plus important dans le monde moderne./ 18 ... envisagerons les interprétations multiples des dialogues traduits de Flaubert DIALOGUES FLAUBERTIENS C Gothot-Mersch remarque que, jusqu? ?au début des années 80 rares sont les études sur la parole des. .. révéler des « relations interpersonnelles »3 Se composant de signes « vides », « non référentiels par rapport la ‘réalité’, toujours disponibles, et qui deviennent ‘pleins’ dès qu’un locuteur les. .. cette « autonomie », on peut voir comment les auteurs implicites des traductions ont différemment construits le monde flaubertien dans le contexte d’arrivée DES INTERPRÉTATIONS PARTIELLES EN