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Lập luận trong quyết định của tòa án pháp

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1 INTRODUCTION Depuis une pộriode relativement rộcente, lenseignement du franỗais de spécialité est donné dans de nombreux établissements universitaires L’enseignement du franỗais juridique est ộgalement effectuộ dans les ộtablissements qui forment des professionnels du droit Cet enseignement pose des difficultés majeures tant aux apprenants qu’aux enseignants En effet, le droit s’exprime par un langage spécifique qui n’est pas facile comprendre D’ailleurs, les sources utilisées l’appui de cet enseignement sont des documents authentiques dont la jurisprudence (ensemble de décisions rendues par les juridictions) est connue comme cauchemar pour les étudiants Or, la familiarisation avec le vocabulaire utilisé, le style rédigé, le raisonnement entrepris par le juge dans ces documents constituent des conditions préalables permettant aux apprenants de travailler, plus tard, en franỗais, dans leur domaine de spộcialitộ Lenseignement effectuộ est donc un enseignement qui ne se contente pas de donner des équivalents en langue maternelle (qui n’existent pas toujours, d’ailleurs) par la simple traduction textuelle mais de faire acquérir en mờme temps la culture juridique, la faỗon de raisonner en droit Cela semble aller de soi car le vocabulaire juridique véhicule en soi non seulement son contenu sémantique mais encore la culture juridique d’un Etat déterminé, la logique et le raisonnement du juge quand il doit résoudre un problème juridique C’est ainsi qu’on travaille souvent sur des jugements des juridictions franỗaises Ces documents ne sont pas faciles comprendre car ils sont rédigés dans un style spécifiquement juridique et l’argumentation développée par le juge n’est pas non plus facile saisir, même si le vocabulaire semble connu par le lecteur En effet, quand nos étudiants doivent analyser une décision de justice, ils n’arrivent pas distinguer les arguments allégués par les parties de ceux avancés par les juges Ils n’arrivent pas comprendre, non plus, pourquoi le juge a pris telle ou telle décision, quelle est la position du juge vis-à-vis de la thèse prétendue, quelle est la démarche qu’il va suivre lorsqu’il y a une affaire portée devant lui, quelle est son argumentation, etc Le terme “argumentation” n’est pas étranger pour nos étudiants mais “l’argumentation entreprise par le juge” ne leur part pas évidente car elle implique tout une démarche intellectuelle qu’il doit suivre en répondant une question de droit En quoi consiste l’argumentation ? Quel rôle a-t-elle joué dans la décision du juge ? Comment l’argumentation s’articule-t-elle dans le discours juridictionnel ? Telles sont les questions auxquelles nous tenons répondre en menant notre recherche qui porte sur l’argumentation dans la décision de justice Dans le cadre de ce mémoire, nous avons étudié seulement la dộcision de justice des juridictions judiciaires franỗaises Faute de temps et d’accès aux documents vietnamiens, nous ne pouvons pas travailler sur la décision des juridictions vietnamiennes, ce qui ne nous a pas permis de faire une comparaison, dans ce domaine, entre deux systèmes Mais nous espérons l’aborder dans les prochaines recherches Pour réaliser cette étude, nous adoptons une méthodologie descriptive, analytique : décrire et analyser la décision de justice travers des jugements, des arrờts rendus par les juridictions franỗaises afin de dégager le schéma argumentatif entrepris par le juge quand il doit se prononcer sur une question de droit, ce qui pourrait être bénéfique nos étudiants dans l’acquisition des techniques d’argumentation en général et en droit en particulier au cours de leur apprentissage du franỗais juridique Au fil de notre recherche, nous tenons analyser, dans le premier chapitre, la décision de justice (ou le discours juridictionnel) sous différents aspects (ses particularités, ses composants, sa structure) ; une étude globale sera consacrée, dans le deuxième chapitre, la théorie de l’argumentation ; et dans le troisième et dernier chapitre, nous mettons plus de temps pour examiner l’articulation de l’argumentation dans le domaine du droit et tout particulièrement dans le discours juridictionnel Le plan de notre recherche est donc le suivant : Premier chapitre : La décision de justice Deuxième chapitre : L’argumentation Troisième chapitre : L’argumentation juridique Chapitre LA DÉCISION DE JUSTICE Avant d’explorer comment l’argumentation se voit jouer dans la décision de justice, il nous conviendrait d’examiner, en premier lieu, ce que c’est une décision de justice (I), ses particularités (II), ses composants (III), sa structure (IV) ce qui induit la spécificité de son argumentation que l’on va traiter dans les chapitres qui suivent I Notions Au point de vue institutionnel, la décision de justice est un acte officiel par lequel un organe étatique investi du pouvoir de juger (dont le juge est le représentant) rend justice aux justiciables, c’est-à-dire la réponse du juge la demande des parties Au point de vue communicationnel, la décision de justice est connue sous un autre nom : le discours juridictionnel qui se voit sous deux aspects linguistique et juridique La notion de décision de justice est donc abordée ici tant en perspective communicationnelle qu’en perspective institutionnelle Le discours juridique “Le discours juridique est, en fait, la mise en oeuvre de la langue naturelle, par la parole, au service du droit Il est donc, tout la fois, un acte linguistique et un acte juridique”1 Selon les sujets du discours, le type de message et le mode d’expression, le discours juridique se range en trois types principaux : - Le discours législatif (le texte de loi) - Le discours coutumier (les maximes et adages du droit) - Le discours juridictionnel (la décision de justice) Dans le cadre du présent mémoire, seul le discours juridictionnel entre dans notre champ de recherche qui étudie principalement le raisonnement du juge dans sa décision, c’est-àdire l’argumentation engagée par le juge en tranchant une question de droit Nous n’avons donc pas examiner les deux premiers types qui font l’objet d’une autre recherche G Cornu Linguistique juridique, Montchrestien, 2000, p 211 Le discours juridictionnel Le discours juridictionnel est un discours juridique qui s’exprime principalement par écrit, constituant le corps de la décision de justice Au point de vue linguistique, le discours juridictionnel appartient l’usage de la langue “Il existe du fait qu’à un moment donné, dans des circonstances données, quelqu’un exprime quelque chose par des signes linguistiques qu’il destine quelqu’un d’autre”2 Comme tout discours, le discours juridictionnel entre dans le schéma de la communication verbale3 - > Emetteur canal > code Enoncé -> ou Message Destinataire -> Référent Au point de vue juridique, le discours juridictionnel porte la marque de celui qui parle (le tribunal dont son représentant, le juge pour l’essentiel, l’avocat, le ministère public) : sa personnalité, le vocabulaire qu’il emploie, le style qu’il utilise (tournure, présentation, etc.) Il est bien vrai que le langage juridictionnel se signale, et même se singularise souvent, par ses traits stylistiques qui dictent toutes ses particularités II Les particularités du discours juridictionnel Le discours juridique s’exprime principalement par écrit (1) et porte en soi toutes les marques d’authenticité (2), de régularité (3), de logique (4) qui constituent les particularités du discours juridictionnel qu’on présente ci-après : Le discours juridictionnel est un acte écrit “Si le jugement, pris comme action de juger, est un ensemble d’opérations intellectuelles, l’accomplissement de ces opérations donne corps un énoncé linguistique qui est nécessairement exprimé par écrit Le jugement est rédigé Il en reste un écrit, dressé en bonne et due forme par le greffier (le secrétaire) de la juridiction”4 L’origine de l’acte, nommé “minute” est conservée au secrétariat de la juridiction qui a rendu le jugement Gérard Cornu, Linguistique juridique, Montchrestien 2000, p 211 Gérard Cornu, Linguistique juridique, Montchrestien 2000, p 222 Gérard Cornu, Linguistique juridique, Montchrestien 2000, p 355 Et chaque plaideur peut s’en faire délivrer une copie, nommée expédition, revêtue de la formule exécutoire Bien entendu, le jugement emprunte aussi le canal de l’expression orale : un jugement n’existe que s’il est prononcé (il prend date ce jour) Mais le jugement n’appart dans sa totalité que dans l’acte instrumentaire “Pris comme énoncé linguistique, le discours juridictionnel n’est au complet que dans l’instrumentum”5 Considéré dans sa teneur intégrale, le discours juridictionnel forme un tout Il contient tous les éléments qui nouent les parties du discours et réunit toutes les marques qui font voir le jugement sous toutes ses facettes Les marques d’authenticité du discours juridictionnel L’énoncé du jugement porte les marques qui permettent de reconntre en lui la force probante, la force d’un acte authentique En effet, le jugement réunit dans son texte des éléments qui l’authentifient : des indications de date (la date laquelle le jugement est prononcé, celle laquelle l’affaire avait été plaidée, jour de débat) et des indications d’origine : la juridiction avec toutes références nécessaires (Tribunal de Nantes, première chambre ; Cours d’appel de Paris ; 1ère chambre civile, Cour de cassation), le nom des juges qui en ont délibéré (M X, Mme Y), la signature du président et du greffier, la mise en forme de l’acte (en bonne et due forme) par le juge et le greffier dont la signature est figurée au bas de l’acte, après la formule : “Fait et jugé, le ” Toutes ces marques d’authenticités forment un discours d’attestation greffé sur le discours principal Les marques de régularité du discours juridictionnel Le discours juridictionnel porte en lui des marques qui permettent d’apprécier la régularité formelle du jugement Il contient l’indication du nom du représentant du ministère public, de la dénomination des parties en cause, du nom des avocats ou des personnes qui ont représenté ou assisté les parties, du nom du greffier Le jugement indique également la forme sous laquelle l’audience a eu lieu (en audience publique ou en chambre du conseil) “L’énoncé du jugement marque un dédoublement typique du discours juridictionnel Pour l’essentiel, (et au premier degré), le juge statue (c’est lui qui parle) Du surcrt (au second degré), il indique lui-même comment il statue”.6Comme les marques d’authenticité, les marques de régularité concourent forger Gérard Cornus, Linguistique juridique, Montchrestien 2000, p 356 Gérard Cornus, Linguistique juridique, Montchrestien, 2000, p 358 l’autonomie du discours juridictionnel Elles permettent de reconstituer un programme de théâtre ou un générique de film “Mais voici que, dans le texte même du jugement, sont rendues présentes toutes les actions des autres protagonistes du procès, les plaidoiries des avocats, les interventions du ministère public, etc.”7Alors, le tribunal redevient un théâtre sur la scène duquel jouent les acteurs dans les rôles distribués par le jugement La pièce judiciaire fait toujours intervenir les mêmes personnages : le juge, le ministère public, le greffier, les avocats, les parties “L’indication des rôles et des acteurs unit l’aspect institutionnel et l’aspect personnel du discours juridictionnel.”8 Les marques logiques du discours juridictionnel L’énoncé de la décision fait toujours appartre le jugement comme un raisonnement : Il désigne celui qui raisonne (le tribunal, la cour) Il détaille les maillons du raisonnement (attendu que , considérant que ) De ces motifs, il fait découler la conclusion (par ces motifs, débute la demande ; par ces motifs, condamne ) Le raisonnement juridictionnel fait intervenir alors des opérations intellectuelles qui concourent au choix de la solution du juge : La démonstration Tout jugement doit être motivé en fait et en droit La motivation correspond un type de discours qui donne corps un développement tendant une démonstration Mais ce n’est qu’un canevas Dans ses composantes, les motifs de faits et de droit, la motivation s’appuie sur un riche éventail de références qui s’expriment par des marques comme : “Attendu ”, “Considérant ” La formule “Considérant ” indique la prise en considération, et l’autre prend appui sur l’acquis du résultat de l’examen qu’elle implique Dans le discours juridictionnel, ces deux formules reviennent plusieurs reprises Elles le structurent : chaque en-tête introduit une unité de pensée, unité logique du raisonnement Elles ordonnent le discours et le font progresser Avec d’autres termes : ainsi, donc, en conséquence, les “attendu” forment le plus souvent des suites déductives Par ailleurs, certains outils grammaticaux : “sur” et autres chevilles (en, au, etc.) indiquent, en tête d’un développement, le moyen ou le point dont la juridiction aborde l’examen : “sur le premier moyen”, “sur le deuxième moyen”, “sur la recevabilité”, “sur la compétence”, Gérard Cornus, Linguistique juridique, Montchrestien, 2000, p 358 Gérard Cornus, Linguistique juridique, Montchrestien, 2000, p 358 “sur le fond”, “en fait”, “en droit”, etc Ces signaux codifiés annoncent des développements qui regroupent en général plusieurs motifs Ils servent de repères aux questions qui divisent l’objet du litige La motivation est donc exprimée par le langage de la logique Le jugement, dans ces rapports est un discours explicatif : il explique pour convaincre La persuasion La persuasion est la fin évidente de l’explication La persuasion suppose une démarche intellectuelle du juge : “il passe de la réfutation l’affirmation Il dénonce une erreur pour affirmer la vérité (sa vérité, la vérité juridicière de la res judicata)”9 Il est capital de repérer, dans la structure de l’énoncé, ce mouvement de la pensée : le juge saisit l’argument qu’il va secouer : “attendu, sur le premier moyen que X soutient ou fait valoir que ” Puis il intervient : “mais attendu que ”, “attendu cependant ” Le signal de sa sentence, c’est le “mais” qui introduit la doctrine du juge Le développement qui suit contient sa pensée même Dans les arrêts de la Cour de cassation, sa doctrine est exprimée par la locution : “Alors que ” Ce signe permet de distinguer les trois discours contenus dans l’énoncé de l’arrêt de la Cour suprême : la doctrine de la Cour, de celle de la décision attaquée et de celle du pourvoi L’interprétation Pour justifier sa décision, le juge doit invoquer la loi qui a vocation s’appliquer au cas d’espèce Si la loi est suffisamment précise et claire, le juge affirme directement la règle applicable Mais il est fréquent que le juge ait interpréter la loi Cette démarche fait appel des opérations intellectuelles du juge : la recherche du sens (sens des mots : clarté, équivoque, ambiguïté), de l’intention du législateur ; la portée de la règle ; la prise en compte des données sociales, économiques, juridiques et humanitaires ; la considération d’opportunité ; l’interprétation stricte ou par extension ; l’analogie ; le comblement des lacunes, etc Les appréciations Prise dans son acceptation plus large, l’appréciation désigne toute opération de l’esprit par laquelle le juge introduit dans les motifs de son jugement des données autres que la Gérard Cornus, Linguistique juridique, Montchrestien, 2000, p 347 simple constatation de fait, ou la qualification de celui-ci, ou l’affirmation de la règle de droit : appréciation du fait (gravité du dommage, gravité d’une faute, la valeur d’un bien) ; l'appréciation d’opportunité (poids des circonstances économiques, sociales ou autres) Dans ce genre d’appréciation, on peut englober le pouvoir modérateur que la loi confère parfois au juge (de déroger la loi pour des raisons d’équité ou d’ humanité) et, plus généralement, la marge de réflexion que la loi attend du juge pour l’application des notions-cadre (bonne fois, bonnes mœurs, ordre public, intérêt de la famille, du mineur, etc.) Le jugement est souvent le produit de telles appréciations Au moins, elles entrent dans le choix de la solution Cette observation est d’une grande importance : le syllogisme judiciaire ne se réduit pas un exercice de la logique formelle, il dépasse la rigidité du syllogisme mathématique “C’est en vertu du droit que la logique juridictionnelle est une logique souple”10 La qualification C’est l’opération la plus savante qui fait entrer les faits qualifiés dans la sphère d’application de la règle de droit Il s’agit d’aller de l’un l’autre, du concret l’abstrait, pour l’application du général au particulier Cette opération fait intervenir un ensemble de démarches intellectuelles : l’analyse qui décompose la notion juridique en éléments constitutifs ; la synthèse qui, par abstraction, relève dans le fait les éléments qui rattachent la notion ; la définition ; le classement ; la constitution des éléments, etc A tire d’illustration, nous prenons un jugement (extrait) rendu par le tribunal de grande instance de Montluỗon (Allier), le 26 avril 199711 Faits et procộdure Le 24 août 1996, Nicolas Lebrun, alors âgé de 10 ans, se rendit la fờte de Montluỗon Il acheta trois jetons au manège forain d’auto-tamponneuses exploité par Julien Divon et monta, seul, dans une voiturette Ce véhicule ayant été heurté violemment en arrière, l’enfant fut projeté sur le volant et blessé la bouche Son père, Pierre Lebrun, imputant Divon l’entière responsabilité de l’accident, l’a, par exploit de Mtre Durand, huissier de justice Moulin, en date du 16 septembre 1996, assigné en réparation du préjudice subi Julien Divon, concluant au débouté de la demande, rétorque qu’il avait apposé sur son manège une pancarte ainsi libellée : “les 10 11 Gérard Cornus, Linguistique juridique, Montchrestien, 2000, p 350 J-L Penfornis, Le franỗais du droit, CLE International, 1998, p 28 enfants sont autorisés sous la responsabilité des parents”, et qu’il avait ainsi dégagé, par avance, sa responsabilité Sur quoi, le tribunal : Attendu que l’exploitant d’un manège d’auto-tamponneuses est lié son client par un contrat assimilable un contrat de transport de personnes ; qu’il a donc l’obligation de conduire le voyageur et d’assurer sa sécurité ; qu’il ne peut dégager sa responsabilité par avance, par une simple pancarte Attendu que Julien Duvon doit donc réparer intégralement le dommage subi par le jeune Nicolas Lebrun.” Pour arriver la conclusion, le raisonnement du juge doit passer plusieurs étapes Tout d’abord, pour faire jouer l’article 1382 (Tout fait quelconque de l’homme, qui cause autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, le réparer)12, il faut un dommage, une faute et le lien de causalité entre la faute et le dommage et que ce lien soit direct En l’espèce, il y a un dommage (Le petit Nicolas a une blessure), il reste établir la faute de Julien Divon (mais ce dernier a-t-il commis une faute ? De quel type de faute s’agit-il ?) Pour classer le contrat que Divon a passé son client dans la catégorie des contrats de transport de personnes, le juge doit analyser les éléments constitutifs de l’objet du contrat de transport de personnes (déplacer quelqu’un d’un endroit un autre dans un temps déterminé), puis il fait la synthèse en confondant les objets de deux contrats pour retrouver des éléments similaires (c’est déplacer une personne dans un temps déterminé) De ce fait, il a assimilé le contrat qui relie Divon et son client un contrat de transport de personne Divon est donc tenu par une obligation de résultat envers son client (c’est l’obligation en vertu de laquelle le débiteur est tenu d’un résultat précis, y compris l’obligation de sécurité) En l’espèce, il y a un dommage provoqué par le manège Nicolas, Divon n’a donc pas respecté son obligation contractuelle Il a commis une faute (manquement l’obligation de sécurité) Les conditions de la responsabilité civile sont ainsi réunies Julien Divon est responsable du dommage subi par le petit Nicolas et est tenu le réparer au sens de l’article 1382 du code civil Toutefois, ces opérations intellectuelles du juge n’attestent nullement qu’il a bien raisonné, ni, d’ailleurs, qu’il a bien jugé en fait et en droit Il peut se tromper en fait ou en droit ou mal raisonner C’est ainsi qu’un jugement peut toujours fait l’objet d’un appel devant une cour d’appel ou d’un pourvoi en cassation 12 Code civil, Dalloz, 2004, p 1178 10 III Les constituants du discours juridictionnel Dans cette partie, on va analyser les composants du discours juridictionnel, savoir l’émetteur (1), le destinataire (2) et l’énoncé (3) du discours L’émetteur du discours juridictionnel Dans le schéma de la communication juridictionnel, le seul émetteur de l’énoncé est le juge qui est, d’ailleurs, formellement désigné, par l’acte écrit, comme sujet parlant et auteur de la décision C’est lui qui statue sur l’affaire, qui examine le fait, qui déclare la recevabilité des modes et des moyens de la preuve C’est encore lui qui écoute les prétentions et les moyens des parties, qui qualifie le fait, qui interprète la loi, qui fait entrer le fait dans la catégorie juridique Et après tant d’opérations intellectuelles, le juge décide, prononce la résolution qui doit être légalement justifiée On note toutefois qu’au tour du juge, il y a la présence de l’avocat (qui formule ses conclusions et sa plaidoirie), du représentant du ministère public (qui introduit son réquisitoire, ses observations), du greffier (qui authentifie la décision en bonne et due forme), du témoin, du technicien (qui donne ses avis ou ses constatations), mais ces auxiliaires de la justice ne sont pas auteurs de la décision bien que leur discours soit retransmis dans la décision du juge Le destinataire du discours juridictionnel L’énoncé du juge vise agir sur un auditoire composite, des destinataires multiples : ce sont les plaideurs (très souvent leurs avocats), les instances supérieures, et l’opinion publique “Le juge ne s’adresse pas seulement aux parties, ni seulement au juge qui, sur recours, exercera un contrôle La motivation s’adresse tous et, au-delà de l’instance, tout interprète La motivation n’est pas établie ad personam Elle est censée avoir une valeur universelle.”13 Les plaideurs en cause Ce sont les parties au procès Pendant les séances, ils font entendre leur voix devant le juge : le demandeur réclame, le défendeur conteste, l’un ou l’autre conclut, fait valoir, invoque, etc Mais ils ne sont pas auteurs de la décision même si leurs prétentions et leurs 13 Gérard Cornus, Linguistique juridique, Montchrestien, 2000, p 347 67 interlocuteur d’identifier le sens de l’argumentation du juge afin de comprendre sa décision 1.1 Les marques axiologiques juridiques Ce sont des verbes performatifs qui sont utilisés pour introduire la conclusion, c’est dire la décision rendue Tels sont les verbes : condamner, débouter, infirmer, confirmer, recevoir, rejeter, déclarer, casser, annuler qui servent orienter la décision vers une conclusion positive ou négative vis-à-vis aux thèses posées (la demande et la défense initiale en première instance ; les prétentions et les arguments de l’appelant et de l’intimé en appel ; la décision attaquée et la prétention du pourvoi en cassation) Dans cette catégorie, on cite également des adjectifs tels que : recevable, irrecevable, opérant, inopérant, fondée, mal-fondé, relevant, irrelevant, légale, illégale, nul En fonction des termes utilisés, on reconnt la position qu’a adoptée le juge en faveur de telle ou telle thèse soutenue 1.2 Les connecteurs juridiques On trouve dans la décision de justice des connecteurs introducteurs d’arguments et de conclusion (Attendu que ), de comparaison (de même que, ainsi que, etc.), de cause (comme, en effet, , de sorte que, etc.), d’opposition (sauf que, moins que, toute fois, encore que, etc.) d’addition (outre que, en outre, de plus, d’autant que, etc.) de conséquence (donc, ainsi, etc.) Mais ce qui nous intéresse le plus, c’est la locution “Attendu” qui se présente plusieurs reprises dans la décision et qui est servie introduire la fois l’exposé de faits, l’argument des parties, celui du juge, la conclusion de la décision attaquée, et celle de la juridiction qui statue sur l’affaire Cette particularité nous exige un examen plus détaillé selon les différentes fonctions qu’elle remplie dans le discours juridictionnel 1.2.1 Les connecteurs introduisant les arguments Les connecteurs introduisant les arguments juridiques sont les “Attendu” ou “Considérant” qui servent introduire les arguments des parties ainsi que les arguments du juge Il faut distinguer les “Attendu” introduisant les arguments des parties de ceux du juge Les premiers sont souvis de l’exposé de faits, le plus souvent sous cette formule : 68 “Attendu qu’il résulte du jugement attaqué (exposé de fait), alors que, selon le moyen (argument des parties) Par exemple : “Attendu que M R reproche au jugement attaqué (TGI Nice, 30 avril, 1997) d’avoir désigné Mme S comme gérant de la tutelle de son épouse, alors que, premièrement, en statuant comme il a fait, sans constater qu’il n’était pas en mesure de gérer correctement les bien de son épouse dans l’intérêt de celle-ci [ ]”.81 Les locutions : “Mais, attendu que ” expriment les arguments du juge : Par exemple : “Mais attendu que le tribunal a constaté l’existence d’une situation conflictuelle existence entre M R et sa belle-famille et décidé que, pour préserver la paix des familles, il convenait de maintenir un tiers neutre en qualité de gérant de la tutelle ; qu’il a ainsi caractérisé la cause interdisant de confier la tutelle l’époux et légalement justifié sa décision [ ]”82 Ces connecteurs juridiques ordonnent ainsi le discours et le font progresser Ils forment des “suite” argumentatives 1.2.2 Les connecteurs introducteurs des conclusions Les connecteurs introduisant la décision attaquée Ils se présentent sous cette formule : “Attendu que pour rejeter (ou pour accueillir) cette demande, (pour confirmer le jugement entrepris, pour déclarer l’appel irrecevable, ), l’arrêt attaqué (après avoir constaté que ) retient que ; (qu’il énonce également que et ajoute que )83 Les connecteurs introduisant la réponse du juge qui statue sur l’affaire Dans les arrêts de rejets, la réfutation du moyen commence toujours par la conjonction : “Mais attendu que ”qui est accompagnée des locutions : “d’une part, d’autre part, en outre , enfin” ou “en premier lieu, en deuxième lieu , enfin” La conclusion est exprimée par des locutions telles que : “D’où il suit que le moyen manque en fait ” ou “Que le moyen est donc irrecevable, qu’il n’est pas fondé, qu’il ne peut être accueilli, etc.” JCP, La Semaine juridique, Edition générale, n°35, 1er septembre 1999 – Cass 1er civ.,11 mai 1999 82 JCP, La Semaine juridique, Edition générale, n° 35, 1er septembre 1999 – Cass 1er civ.,11 mai 1999 81 83 A Perdriau, La pratique des arrêts civils de la Cour de cassation, Litec, 1993, p 402 69 Dans les arrêts de cassation, la réfutation de la décision ou de la disposition attaquée qui aboutit une censure, suit immédiatement, dans un paragraphe distinct, l’énoncé de celleci Ce paragraphe commence habituellement par les mots : “Attendu qu’en statuant ainsi, alors ” ou “qu’en se déterminant ainsi ” ou encore “Attendu cependant qu’en statuant ainsi ” La conclusion suit immédiatement la réfutation : “Attendu que la cour d’appel a dès lors violé (ou méconnu) le texte susvisé…”, ou “Que, par suite, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses énonciations ”, ou tout simplement : “En quoi, la cour d’appel a dénaturé un document (s’est contredite)” 1.3 Les commentaires métadiscursifs Ce mécanisme est souvent utilisé dans les arrêts de cassation rendus par la Cour de cassation Il permet de reconntre immédiatement l’orientation argumentative de la Cour - Tout arrêt de cassation commence par un visa des textes ou un énoncé du principe général qui sont en cause dans l’affaire “[ ] Vu l’article 1315 du Code civil ; - Attendu que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation [ ]” (Civ 1er 25 février 1997) 84 “[ ] Vu l’art 1382 c civ.; - Attendu que l’exercice du droit de propriété, qui a pour limite la satisfaction d’un intérêt sérieux et légitime, ne saurait autoriser l’accomplissement d’actes malveillants, ne se justifiant par aucune utilité appréciable et portant préjudice autrui [ ]” (Civ 1re 20 janvier 1964)85 - Le plus souvent, l’arrêt de cassation est divisé en quatre parties, précédant le dispositif, dont la première comportant le visa et attendu de principes, la deuxième contenant l’exposé des circonstances de fait et de la procédure ayant abouti la décision frappée de pourvoi, la troisième comportant le contenu de la décision attaquée, la quatrième contient des indications des raisons pour lesquelles l’arrêt attaqué encourt la cassation en ce qu’il a méconnu le principe rappelé en tête de l’arrêt Cette structure obéit au syllogisme selon lequel le juge tranche une question de principe - Majeure : le visa, énoncé du principe de droit H Capitan, F Terré, Y Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile – Tom 1, Dalloz, 2000, pp 67, 68 85 I Defrénois-Souleau, Je veux réussir mon droit, 1996, p 56 84 70 - Mineure : rappel des circonstances de fait - Conclusion : application du droit au fait ou qualification des faits qui constitue la conclusion, c’est dire la décision elle-même Le schéma argumentatif Pour toute affaire, civile ou pénale, le juge est toujours saisi, c’est-à-dire, il est appelé se prononcer sur une question de droit En tout état de cause, il doit donner sa réponse la question qui lui est posée Il n’est pas difficile d’imaginer une série de questions successives qui se posent en lui : de quoi s’agit-il ? Comment les choses se sont-elles passées ? Quel est le champ juridique dans lequel se situe l’affaire en cause ? Quelle règle est-elle censée s'appliquer au cas d’espèce ? Quel mode de preuve faut-il admettre ? Quelle question de droit est-elle posée ? Quelle conséquence faut-il en tirer ? Quels arguments pourraient-ils sous-tendre la décision prise ? etc Ces questions sont d’ailleurs étroitement liées les unes aux autres de faỗon corrộlative : la rộponse la premiốre question suscite la deuxième qui permet son tour de déterminer la troisième et ainsi de suite Arriver répondre toutes ces questions revient donc résoudre le problème posé au départ Pour trouver la réponse chaque question posée, le juge doit passer par des opérations logiques qui font appels aux syllogismes juridiques, qu’ils soient formels ou dialectiques Ainsi, le raisonnement du juge consiste en une série de syllogismes dont chacun conduit répondre une question précise Selon Bergel : le syllogisme judiciaire décompose, le plus souvent en plusieurs syllogismes successifs On peut donc le concrộtiser de faỗon suivante : • Première phase : situer l’affaire en cause dans un champ d’application d’une branche de droit déterminée Il s’agit de délimiter le cadre juridique général dans lequel se situe le contentieux Pour réaliser cette tâche, le juge doit examiner les données de faits En prenant connaissance des faits, il détermine le champ juridique dans lequel se situe l’affaire en cause Le syllogisme juridique de cette phase est donc la suivante : L’affaire A met en présence la situation s Or, le domaine juridique D régit les situations S qui impliquent la situation s Donc l’affaire A se trouve dans le champ d’application du domaine juridique D Prenons par exemple, l’affaire qui a été soumise au juge de la Cour de cassation le 10 mars 1999 : 71 Données de fait : les Éditions Dubray ont mis en vente des cartes postales représentant le “Café Gondrée” photographié sans l’autorisation de son propriétaire, Mme Pritchett qui estime que son droit de propriété est ainsi lésé Cette affaire met en présence une situation concernant l’exploitation de l’image d’un bien par un tiers Or, l’utilisation de l’image d’un bien par un tiers fait partie des droits subjectifs (les droits reconnus aux sujets de droit) Donc, l’affaire en cause entre dans le champ d’application du domaine des droits subjectifs • Deuxième phase : Repérer la règle applicable La détermination du champs juridique renvoie automatiquement aux concepts qui s’y rattachent et permet au juge de repérer la ou les norme(s) applicable(s) En effet, les normes applicables sont invoquées par les parties au soutien de leurs prétentions Le juge n’a qu’à expliciter la norme en se référant aux concepts de droit qui la compose, c’est-àdire aux éléments constitutifs de la norme Dans l’affaire qu’on a cité ci-dessus, le champs d’application du domaine des droits subjectifs renvoie automatiquement aux droits patrimoniaux (les droits établissant le lien entre une personne et les éléments constitutifs de son patrimoine) et extra-patrimoniaux (les droits au respect de l’intégrité physique et morale reconnus toute personne humaine) Les droits patrimoniaux se composent des droits réels (droits qu’on exerce sur une chose), des droits personnels (droits qu’une personne exerce sur une autre personne en lui demandant d’exécuter une obligation ou une prestation) et des droits intellectuels (droits établissant un lien entre une personne et une chose immatérielle qui confère son auteur le monopole d’exploitation) ; les droits extra-patrimoniaux sont composés des droits l’intégrités physiques qui protègent contre les atteintes au corps humain et des droits l’intégrité morale qui englobent le droit au nom, l’honneur, l’image, au respect de la vie privée, la liberté de pensée, d’expression, de mariage En décomposant ces droits en éléments constitutifs, le juge arrive repérer la norme applicable En l’espèce, le juge peut retenir deux normes susceptibles régir la situation en cause : le droit de propriété et le droit au respect de la vie privée Les éléments constitutifs du droit de propriété sont l’usus (le droit d’user de la chose), le fructus (le droit de percevoir les fruits de la chose) et l’abusus (le droit de disposer de la chose) Le droit au respect de la vie privée 72 comprend les droits au respect des éléments constitutifs de la vie privée d’une personne savoir son adresse, son domicile, sa résidence secondaire, l’état de son patrimoine, ses relations affectives, • Troisième phase : Qualification des faits en dégageant le problème de droit auquel il doit répondre et les éléments constitutifs définis par la norme Il s’agit, en effet, d’une reconstruction interprétative des faits en fonction des éléments constitutifs de la norme C’est la mise en relation entre les éléments de fait et les éléments de droit C’est établir entre les faits une relation de causalité pour pouvoir en tirer une conséquence factuelle qui correspondra l’un des éléments descriptifs de la norme En l’espèce, l’utilisation de l’image d’un bien par un tiers peut constituer un instrument d’une atteinte aux droits de la personnalité de son propriétaire, parce qu’elle peut menacer sa tranquillité, son intimité, ou encore sa réputation C’est le cas, par exemple, d’un bien dont l’image utilisée est le domicile ou la résidence secondaire de l’intéressé Mais l’utilisation de l’image d’un bien par un tiers peut constituer également une atteinte au droit de propriété (au fructus, un démembrement du droit de propriété – le droit de percevoir les fruits de la chose) • Quatrième phase : Interpréter la règle applicable et en tirer les conséquences Avant d’appliquer la norme au fait, le juge doit l’interpréter pour en tirer les conséquences Cette phase est très importante car la fausse interprétation entrnera une fausse application de la règle En effet, la règle applicable est toujours invoquée par les parties Mais c’est au juge de trouver le sens exacte des termes vagues, de préciser la portée, les conditions d’application de la norme En l’espèce, deux textes sont invoqués : l’article du Code civil et l’art 544 du Code civil Les juges du fond les ont interprétés et appliqués différemment que la Cour suprême D’après les juges du fond, “L’image d’un bien n’étant pas protégée par la loi, son utilisation n’est fautive que dans le cas d’atteinte la vie privée ou d’abus manifeste dont la preuve n’était pas rapportée”86 De ces arguments, ils ont tiré la conclusion : “La photographie prise sans l’autorisation du propriétaire d’un immeuble exposé la vue du public et réalisée partir d’un domaine public, ainsi que sa reproduction fût-ce des fins commerciales, ne constituent pas une atteinte aux prérogatives reconnues au propriétaire”87 Alors que la Cour de cassation a procédé une interprétation stricte de l’article 544 du Code civil qui énonce que : “Le H Capitan, F Terré, Y Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile – Tom 1, Dalloz, 2000, p 327 86 73 droit de propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements” La Cour de cassation a interprété Comme suit : “le propriétaire a seul le droit d’exploiter son bien sous quelque forme que ce soit 88” En conséquence, “l’exploitation du bien par un tiers sous la forme de photographie porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire” En effet, la Cour prend appui sur le caractère exclusif du droit de propriété qui confère au propriétaire le monopole d’exploitation de son bien En effet, il n’est pas interdit un tiers de photographier ou de reproduire un bien mais d’exploiter cette reproduction Ce droit est reconnu exclusivement au propriétaire du bien La Cour suprême a cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Caen le 18 juin 1996 On peut donc reconstituer les étapes de l’argumentation du juge comme suit : Examen des faits → Choix du champ juridique déterminé → Explicitation de la norme applicable → Qualification des faits selon la norme → Interprétation de la norme et application aux faits A chaque phase, le juge est emmené répondre une question précise La réponse obtenue est le résultat d’une opération intellectuelle sous forme d’un syllogisme dialectique ou formel Au cours de son argumentation, le juge peut recourir tout type d’arguments pour justifier sa position vis-à-vis des thèses soutenues par les parties A titre d’illustration, nous examinons maintenant l’arrêt de la Cour de cassation qui a été rendu le 23 mars 198389 “La Cour ; - Sur le moyen unique : - Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué (Bordeaux, 23 mars 1982), qu’après divorce prononcé aux torts réciproques des époux PriotonRoques, qui s’étaient mariés en 1952 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, M Prioton a réclamé Mme Roques la restitution de bijoux de famille qu’il déclarait avoir mis la disposition de sa femme pour la durée de leur vie commune ; que Mme Roques s’est opposée cette demande en invoquant la propriété de ces bijoux en vertu d’un don manuel ; - Attendu que Mme Roques reproche la cour d’appel d’avoir accueilli la demande en restitution de ces bijoux alors, selon le pourvoi, que les bijoux donnés la femme pendant le mariage restent, après divorce, sa propriété s’ils constituent des présents d’usage et ne sont restitués au mari que s’ils sont des bijoux de famille, si bien qu’en se bornant relever que le mari n’avait pas acheté les H Capitan, F Terré, Y Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile – Tom 1, Dalloz, 2000, p 327 88 H Capitan, F Terré, Y Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile – Tome 1, Dalloz, 2000, p 328 87 74 bijoux pendant le mariage, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ; - Mais attendu que dans le dernier état de ses écritures, Mme Roques ne contestait pas le caractốre familial des bijoux litigieux, quelle admettait avoir reỗus de son mari ou de sa belle-mère, sans invoquer d’événement particulier qui eût pu motiver cette remise ; que l’arrêt donne de ces bijoux une énumération descriptive qui en fait ressortir la valeur d’apparat ; qu’ainsi, de ces constatations, la cour d’appel a pu déduire qu’il s’agissait de bijoux de famille, comme il est dit dans le dispositif de son arrêt, ce qui impliquait, dans les circonstances de la cause, l’existence du prêt usage allégué par M Prioton et leur retour la famille de celui-ci la fin de la vie commune, que l’arrêt est donc légalement justifié et que le pourvoi ne peut être accueilli ; Par ces motifs, rejette le pourvoi ” En l’espèce, selon les faits rapportés par la cour d’appel de Bordeaux (Après le divorce prononcé aux torts réciproques, M Prioton a réclamé Mme Roques la restitution de bijoux de famille qu’il déclarait avoir mis la disposition de sa femme pour la durée de leur vie commune ; que Mme Roques s’est opposée cette demande en invoquant la propriété de ces bijoux en vertu d’un don manuel), le juge qualifie une donation entre époux Et cette première qualification lui permet situer l’affaire dans le champ d’application du régime matrimonial qui englober des normes régissant les donations entre époux dont l’article 1096 du Code civil “Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre vifs, seront toujours révocables” confirme la recevabilité de la prétention de M Prioton Il convient donc savoir si les bijoux mis la disposition de la dame Roque doivent être reconstitués Cette question lui indique une autre norme liée au régime juridique de donations C’est l’article 852 du Code civil qui dispose que “les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noce et présents d’usage, ne doivent pas être rapportés” Alors, si les bijoux litigieux sont qualifiés présents d’usage, la dame Roque peut les garder au terme de cet article Ainsi, le juge est emmené examiner la notion “présents d’usage” D’après la définition du Lexique de termes juridiques, (Dalloz, 1993), les présents d’usage sont des “cadeaux faits l’occasion d’événements importants de la vie (mariage, anniversaire, etc ) mais qui ne doivent pas appartre comme excessifs par rapport la situation de fortune de l’auteur de la libéralité” Selon cette définition, pour qu’il y ait présent d’usage, deux conditions sont exigées : il faut que la donation soit proportionnelle la situation pécuniaire du donateur Il convient, en outre, qu’il existe un usage consistant, en certaines occasions, faire des cadeaux Or, la dame Roque 75 admettait avoir reỗus de son mari ou de sa belle-mốre ces bijoux, sans invoquer d’événement particulier qui eût pu motiver cette remise Donc, les bijoux litigieux ne peuvent pas être considérés comme présents d’usage Dès lors, l’article 852 ne joue pas Ces bijoux sont révocables au regard de l’article 1096 Il reste savoir si ces bijoux sont considérés comme bijoux de famille En quoi consiste un bijou de famille ? La Cour de cassation a éclairé cette notion en relevant deux éléments constitutifs : il s’agit de bijoux de valeur comportant un élément d’ostentation ; ils sont destinés une parure en des occasions solennelles Or, l’arrêt attaqué donne de ces bijoux une énumération descriptive qui en fait ressortir la valeur d’apparat Par ailleurs, le caractère familial de ces bijoux n'est pas contesté par Mme Roque Donc, ces bijoux sont des bijoux de famille Alors, Il y a bien lieu de se demander si un bijou de famille peut faire l’objet d’une donation ou d’un prêt usage Si ces bijoux font l’objet d’une donation entre époux, ces bijoux sont toujours révocables (au terme de l’art 1096 c civ.) Mais en regardant la situation en cause, le caractère de ces bijoux, la Cour a retenu qu’ils ont été remis au titre d’un prêt usage (“Le prêt usage ou commodat est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose l’autre pour s’en servir, la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi”89) Donc, ce titre, les bijoux de famille qui ont été mis la disposition de la femme pendant la vie commune doivent être restitués la famille après le divorce prononcé aux torts réciproques On peut représenter l’argumentation du juge comme suit : • Syllogisme : M Prioton a-t-il la qualité de réclamer les bijoux qu’il avait mis la disposition de sa femme ? Majeure : Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre vifs, seront toujours révocables (l’article 1096 du Code civil ) Mineure : Or, Mme Roque admettait avoir reỗus de son mari ou de sa belle-mère des bijoux (faits en cause) Conclusion : Ces bijoux sont donc révocables • Syllogisme : Les bijoux litigieux sont-ils considérés comme présents d’usage ? Majeure : Les présents d’usage sont des cadeaux faits l’occasion d’événements importants de la vie (mariage, anniversaire, etc.) et qui ne doivent pas appartre comme excessifs par rapport la situation de fortune de l’auteur de la libéralité 89 Code civil, Dalloz, 2004, art 1875, p 1673 76 Mineure : Or, la dame Roque admettait avoir reỗus de son mari ou de sa belle-mère ces bijoux, sans invoquer d’événement particulier qui eût pu motiver cette remise Conclusion : Les bijoux en cause ne sont donc pas des présents d’usage • Syllogisme : Mme Roque peut-elle garder les bijoux comme sa propriété en alléguant l’article 852 du Code civil ? Majeure : Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noce et présents d’usage, ne doivent pas être rapportés (art 852 C.civ.) Mineure : Or, les bijoux litigieux ne peuvent pas être considérés comme présents d’usage Conclusion : L’article 852 du Code civil ne peut pas jouer Mme Roque ne peut pas se prévaloir de l’article 852 • Syllogisme : Les bijoux en cause sont-ils des bijoux de famille ? Majeure : Les bijoux de famille sont considérés comme bijoux de valeur comportant un élément d’ostentation Ils sont destinés une parure en des occasions solennelles (Traits caractéristiques retenus par la Cour de cassation en se basant sur les lieux communs) Mineure : Or, l’arrêt attaqué donne de ces bijoux une énumération descriptive qui en fait ressortir la valeur d’apparat Par ailleurs, le caractère familial de ces bijoux n’est pas contesté par Mme Roque Conclusion : Les bijoux en cause sont des bijoux de famille • Syllogisme : Les bijoux litigieux sont restitués au titre d’une donation entre époux au sens de l’article 1096 du Code civil ou au titre d’un prêt usage au regard de l’article 1875 du Code civil ? Majeure : Le prêt usage ou commodat est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose l’autre pour s’en servir, la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi (l’article 1875 du Code civil) Mineure : Or, les circonstances du fait, le caractère d’apparat des dits bijoux font présupposer qu’ils avaient été remis au titre d’un prêt usage Conclusion : Donc, les dits bijoux doivent être restitués la famille En pratique, le juge part toujours de la question qui lui est soumise laquelle il essaie de répondre affirmativement ou négativement A chaque hypothèse, il doit examiner l’affaire en cause pour voir si elle comporte des éléments nécessaires qui vérifient les conditions 77 d’application de la norme pour qu’elle soit applicable au cas d’espèce Le fait de réunir les conditions d’application de la norme l’emmène donc d’autres examens éventuels qui font appel d’autres normes jus qu’au moment où il trouvera la réponse Conclusion du troisième chapitre Le juge a pour mission de traiter des faits humains et sociaux en fonction des normes préétablies, autrement dit, de soumettre aux règles de droit des réalités mouvantes de la société humaine Cette opération implique un jeu de miroirs entre la réalité et la loi qui s’y applique Ce va et vient incessant nécessite un mécanisme flexible qui permet d’atteindre l’objectif du droit, c’est de mieux régler la vie des hommes en société Cette nécessité fait appel des modes de raisonnement la fois formels et dialectiques qui utilisent, pour l’essentiel, des arguments empruntés la théorie de l’argumentation Les arguments empruntés la logique formelle concourent également, bien entendu, cette opération Ils permettent de garantir l’objectivité nécessaire de l’activité juridictionnelle Bien que la décision de justice ne soit pas facile comprendre mais elle contient en soi des marques qui facilitent la compréhension du lecteur Grâce ces marques, on peut dégager l’orientation argumentative dans le raisonnement du juge ainsi que les phases qu’il doit passer en rendant sa décision 78 CONCLUSION GÉNÉRALE Au cours de cette étude, nous avons étudié “L’argumentation dans la décision de justice” en nous basant sur la théorie de “l’argumentation” et de “la décision de justice” des linguistes connus tels que : C Plantin, O Ducrot, J Moeschler, R Amossy, C Perelman, J-L Bergel Pour éclaircir les théories et les analyses, nous avons analysé les décisions de justice rendues par différentes juridictions franỗaises, tirộes dans les publications telles que : Les grands arrêts de la jurisprudence civile” (tome 1), “La semaine juridique”, et des manuels Grâce ces études, nous sommes arrivés aux conclusions suivantes : L’argumentation se définit comme effort de conviction Tout discours cherche persuader celui auquel il s’adresse Elle intervient, en effet, dans tous les cas où les hommes doivent prendre des décisions, faire des choix réfléchis, chaque fois qu’ils doivent délibérer ou discuter, critiquer ou justifier C’est ainsi qu’elle s’articule dans plusieurs domaines et surtout en sciences humaines dont le droit Le droit, tel qu’il se pratique, est celui qui est né de la controverse, au procès, et qui se cristallise dans les décisions du juge Rendre justice aux justiciables, le travail du juge nécessite la mise en oeuvre des opérations intellectuelles qui se situent dans le champ de la théorie de l’argumentation L’application de la norme par le juge au cas particulier se présente, en général, sous forme d’un syllogisme dont la majeure énonce une règle générale de droit, la mineure présente le cas particulier de l’espèce et, la conclusion tirée est la décision prise en appliquant la règle générale au cas particulier Le syllogisme judiciaire reste le support général du raisonnement juridique mais la difficulté essentielle réside dans la détermination des prémisses dont le choix suppose chaque fois une controverse C’est dans cette perspective que le juge doit recourir la logique de l’argumentation, une logique de “l’acceptabilité” La logique du raisonnement juridique repose donc essentiellement sur la logique de l’argumentation qui n’est pas contraignante mais vraisemblable En rendant sa décision, le juge doit passer par des opérations intellectuelles telles que l’interprétation, la persuasion, la qualification et l’appréciation, tendant motiver sa décision Ces démarches opérationnelles ne peuvent pas être contenues dans la 79 logique formelle car sa raideur est incompatible avec la complexité du réel et la souplesse de la vie Entrée dans la vie du droit, l’argumentation conserve toutes ses particularités qui s’articulent d’une autre manière Cette différence s’explique par la spécificité de la vie juridictionnelle qui n’est pas tout fait rigide comme on le pensait, ni totalement libre Elle est encadrée par des contraintes mais reconnt au juge certaines libertés dans la qualification des faits, l’interprétation des textes, l’appréciation des comportements C’est ainsi que le syllogisme judiciaire n’est pas un syllogisme formel mais flexible, c’est-à-dire la conclusion qu’on tire des prémisses n’est pas contraignante Elle est vraisemblable et donne lieu une réfutation éventuelle Pour trouver la solution la question posée au départ, le juge doit répondre de petites questions qui concourent la recherche de la solution Le raisonnement juridique consiste en une série de syllogismes dont chacun conduit répondre une question précise A travers des analyses que nous avons a effectuées au cours de cette étude, nous souhaitons avant tout apporter nos étudiants des techniques qui facilitent la compréhension d’une décision de justice ainsi que l’argumentation développée par le juge en traitant une situation juridique Notre travail présente, en effet, un vif intérêt et tout particulièrement au profit des étudiants qui s’initient l’étude du droit, au rêve qu’il les aide franchir la barre des mots et des textes et afin qu’à leur tour, ils deviennent orateurs du droit Il est inévitable que notre travail comporte des lacunes et des imperfections Il serait souhaitable par exemple d’analyser plus d’arrêts et de jugements afin de pouvoir construire le schộma argumentatif de faỗon plus dộtaillộe et de tirer des conclusions plus précises et pertinentes, d’aborder les différents aspects de l’argumentation juridique tant au niveau juridictionnel qu’au niveau socioculturel Nous aurions voulu examiner les moyens extradiscursifs qui permettent également l’accès l’argumentation juridique et plus particulièrement les topoï juridiques Nous souhaitons recevoir des remarques, des suggestions, des conseils afin de pouvoir améliorer et approfondir ce sujet dans les prochaines recherches 80 REFERENCES BILIOGRAPHIQUES Livres en vietnamien ĐỖ HỮU CHÂU, Cơ sở ngữ dụng học – Tập 1, NXB Đại học Sư phạm, 2003 ĐỖ HỮU CHÂU, Đại cương ngôn ngữ học – Tập 2, NXB Giáo dục, 2003 NGUYỄN ĐỨC DÂN, Ngữ dụng học, Tậpp 1, NXB Giáo dục, 1993 NGUYỄN ĐỨC DÂN, Lô gích tiếng Việt, NXB Giáo dục, 1998 NGUYỄN THIỆN GIÁP, Cơ sở ngôn ngữ học, NXB Khoa học xã hội, 1998 NGUYỄN THIỆN GIÁP, Dụng học Việt ngữ, NXB Đại học Quốcgia Hà nội, 2004 Livres en franỗais AMOSSY R., Largumentation dans le discours, Paris, Nathan, 2000 ANSCOMBRE J.C., DUCROT O., L’argumentation dans la langue, Bruxelles, Mardaga, 1983 BERGEL J-L., Théorie générale du droit, Dalloz, 2003 BEZIO P., DRAI P., PERDRIAN A., La pratique des arrêts civils de la Cours de cassation, Paris, Litec, 1993 CORNU G., Linguistique juridique, Paris Montchestien, 2000 DEFRENOIS-SOULEAU I., Je veux réussir mon droit, Armand Colin, 1996 DIJON X., Méthodologie juridique, Bruxelles, Story-Scientia, 1996 DUCROT O., les échelles argumentatives, Paris, Minuit,1980; “Notes sur l’argumentation et lacte dargumenter, in Cahier de linguistique franỗaise,1982; Opộrateurs argumentatifs et visộes argumentatives in Cahier de linguistique franỗaise, 1983 GRIZE J.B., De la logique l’argumentation, Genève Droz, 1982 10 JOBARD M.N., BACHELLIER X., La technique de cassation, Paris, Dalloz, 1994 11 MARTINEAU F., Petit Traité d’argumentation judiciaire, Dalloz, 2006 12 MEYER M., Logique, langage, et argumentation, Paris, Hachette, 1982 13 MOESCHLER J., Argumentation et conversation, Paris, Hatier, 1985 14 OLERON P., L’argumentation, Paris, Presse universitaire de France, 3e éd., 1993 15 PERELMAN Ch., Ethique et Droit, Edition de l’Université de Bruxelles, 1990 16 PLANTIN C., Essaie sur l’argumentation, Paris, Kimé, 1990 17 PLANTIN C., L’argumentation, Edition du Seuil, 1996 81 18 TERRE F., LEQUETTE Y., CAPITANT H., Les grands arrêts de la jurisprudence civile, tome et 2, Paris, Dalloz, 2000 19 TRAVERSI A., La défense pénale, Bruyllant Bruxelles, 1999 Manuels, magazines, dictionnaires AUDOUIN L., FORGEAT T., LE JEUN M-C., Droit première STT, Nathan, 2002 AUDOUIN L., FORGEAT T., LE JEUN M-C., Droit première STT, Livre du Professeur, Nathan, 2002 Code civil, Dalloz, 2004 FIBLEC Y.L., BOLLOCH P.L., VAUDREY J., VANHOUTTE 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Ngày đăng: 29/01/2014, 14:38

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