II.1 Tel dans la structure consécutive
II.1.2.2 Epithète du nom qui est un des éléments essentiels de la phrase
Nous trouvons que dans les phrases T6, T8, T10, T19, T20, T30, T33, T37, T38, T39, T42, T48, T51, T53 et T59, tel appartient aux groupes nominaux qui sont peut-être sujet ou complément d’objet. De plus, le sujet et le prédicat des propositions principales sont assez précis, cela est au contraire à la section II.1.2.1 (chapitre 2, B) dans laquelle tel, qui possède une caractéristique vague, joue le rôle du prédicat. C’est pourquoi, dans cette section, quand cet adjectif fonctionne comme épithète du nom, nous pensons que nous le pouvons tout à fait abandonner sans que la signification de toute la phrase soit changée. Nous essayons de voir ensemble quelques phrases après avoir enlevé tel :
T6. Les évènements prennent une telle ampleur qu’il n’est plus possible de les réduire à simples affaires de brigandage
→ Les évènements prennent de l’ampleur qu’il n’est plus possible de les réduire à simples affaires de brigandage.
T42 : De telles poussées se ruaient dans la porte, qu’Etienne craignait de blesser quelqu’un, à chaque volée de la hache.
→ Les poussées se ruaient dans la porte, qu’Etienne craignait de blesser quelqu’un, à chaque volée de la hache.
T51 : Une telle crainte le prit d’entendre le coron entier sortir pour lui crier sa misère, qu’il rentra, frémissant.
→ La crainte le prit d’entendre le coron entier sortir pour lui crier sa misère, qu’il rentra, frémissant.
En détachant l’adjectif tel des noms qu’il qualifie, nous pensons, selon l’emploi générique ou concurrentiel des noms, qu’il nous faut leur rendre la forme initiale des dộterminants avant qu’ils reỗoivent la qualification de cet adjectif.
C’est pourquoi, dans les phrases reformulées, les déterminants des noms apparaissent sous une nouvelle forme. Au premier coup d’œil, nous croyons que seule la forme des déterminants est changée quand l’adjectif tel est supprimé. Mais quand nous partons chercher la relation entre la proposition principale et la subordonnée, nous estimons que nous ne pouvons trouver aucune preuve qui permet de reconnaợtre la cohộrence entre ces deux propositions. C'est-à-dire, dans ce cas, la présence de la subordonnée est impossible. Alors, il nous faut continuer à supprimer des propositions subordonnées qui deviennent maintenant des superflus. A présent, il ne reste que des phrases courtes et simples dont la nuance demeure très fade. De plus, il nous semble que toute l’émotion, tout le sentiment qui s’expriment dans des phrases d’origine sont disparus : Les évènements prennent de l’ample ; Les poussées se ruaient dans la porte ; La crainte le prit d’entendre le coron entier sortir pour lui crier sa misère. En conséquence, le retour de tel, qui est le corrélatif du marqueur que qui introduit la subordonnée, devient indispensable afin d’établir la relation corrélative entre la principale et la subordonnée consécutive. De plus, il existe une vérité qui n’est pas difficile de reconnaợtre, c’est que, dans n’importe quel emploi, un nom est toujours introduit par un déterminant indéfini quand tel en est épithète. A partir des ces arguments, bien que l’adjectif tel fonctionne comme épithète, nous apprécions vraiment son rôle par rapport à d’autres éléments essentiels de la phrase.
En observant des témoignages T33, T37, T48, nous estimons qu’il y a encore une chose qui attire notre attention, c’est la relation syntaxique entre le nom de qualité et son SIEGE. Tout d’abord nous essayons de chercher le SIEGE des noms de qualitộ qui peut apparaợtre soit comme un complộment du nom ; soit
dans une relative ; soit comme sujet du verbe support dont le nom de qualité dộpend. Mais dans ces phrases ci-dessus, nous ne pouvons pas reconnaợtre le SIEGE des noms de qualité en recours à des indications mentionnées dans des articles de Knittel (M.L) et alli. Selon nous, le nom de qualité et son SIEGE ont changé, dans ce cas, leur statut syntaxique : le SIEGE devient complément d’objet direct du verbe dont le sujet est le nom de qualité.
Avant de découvrir une autre fonction de l’adjectif tel, nous voulons maintenant analyser en détail un témoignage pour mettre en relief le rôle indispensable de cet adjectif remarquable pour la construction syntaxique et sémantique de la phrase. Nous avons choisi alors T59 qui est présent dans le Théâtre de chambre de Tardieu (J) :
LE SAVANT: [Ma vie s’écoulait, paisible en somme,] et ma collection de crâne avait pris de telles propositions qu’il fallut acheter un hangar pour la contenir… (p.112)
Dans cette phrase, tel-adjectif qualificatif joue le rôle d’épithète et il qualifie le nom au pluriel proposition. Il s’accorde évidemment en nombre et en genre avec ce nom. Et sa présence avant le nom au pluriel effectue tout de suite la forme du déterminant “des”. C’est à dire que ce dernier devient “de” quand il est suivi immédiatement d’un adjectif qualificatif antéposé à un nom au pluriel. Mais ce à quoi nous nous intéressons vraiment est ceci : quel est le vrai rôle de tel dans cette phrase ? Si nous y essayons de le supprimer, la cohérence entre la principale et la subordonnée est tout de suite coupée. Et un écart blanc concernant le syntaxique et la sộmantique apparaợt.
Ex: […] et ma collection de crâne avait pris des propositions qu’il fallut acheter un hangar pour la contenir.
Il n’y a aucune relation établie entre ces deux propositions. Pour quelle raison doit-on acheter un hangar ? Alors, la subordonnée risque d’être abandonnée. De plus, la principale perdra certainement ses valeurs propres quand elle est séparée de son expansion.
C’est pour toutes ces raisons que la présence de l’adjectif tel est indispensable pour l’existence de la subordonnée ainsi que pour la compréhension complète de toute la phrase. Nous savons que l’hangar est le lieu ó l’on peut contenir en nombre des objets, des marchandises… Alors, cela nous permet de proposer que la principale doit contenir au moins un indice de quantité qui induit la nécessité d’acheter un hangar. En fait, le syntagme nominal ma collection de crâne, qui joue le rôle du sujet, ne contient aucun signe marquant la quantité. Donc, la dernière chance semble se situer dans le syntagme nominal de telles propositions, qui joue la fonction d’objet du verbe support prendre. D’après nous, l’emploi du nom proposition au pluriel ne suffit pas de nous permettre d’affirmer combien de fois l’acte de proposer se réalise et combien de crânes sont offerts chaque fois. Car le nombre de deux indique aussi la pluralité. Et en fondant sur la signification de la subordonnée, nous pouvons affirmer que tel est l’élément unique qui a la capacité d’attribuer à proposition une propriété distincte: cette caractéristique semble être la cause dominante, qui induit l’accroissement sans limite des crânes, qui oblige le professeur à acheter un hangar pour les contenir. Dans ce cas, à notre avis, tel signifie probablement si fort (fort = important en quantitộ) (Dictionnaire franỗais- franỗais-vietnamien, 2001). A travers cette phrase, nous trouvons que la caractéristique véhiculée par l’adjectif tel ne peut être déterminée qu’au moyen des éléments présentés dans la proposition subordonnée. Ou, comme on dit souvent : C'est au fruit qu'on connaợt l'arbre.
Au début, nous avons l’intention d’analyser seulement le T59, mais la place de tel épithète dans le T37 nous évoque une question portant sur la position de cet adjectif par rapport au nom auquel il se rapporte. Observons cette phrase :
T37 : Un élan tel les charriait, qu’ils ne sentaient pas la fatigue atroce, leurs pieds brisés et meurtris. (p.331).
En rộalitộ, tel ộpithốte apparaợt trốs rarement aprốs le nom qu’il qualifie. Bien des grammaires signalent fréquemment que la signification de certains adjectifs en fonction d’épithète dépend parfois de sa place par rapport au nom auquel il veut
attribuer une caractéristique : (un homme grand (grand désigne la taille) ; un grand homme (qui a réalisé beaucoup de choses comme Ho Chi Minh). Alors, pour le cas de tel épithète, ce changement se passe-t-il ou non, quand cet adjectif se place après le nom? Sur le plan syntaxique, tel est toujours épithète lié du nom élan et le déterminant du nom demeure évidemment indéfini. Cependant, sur le plan sémantique, il y a une réalité que nous ne pouvons pas nier, c’est que la caractéristique désignée par tel dépend toujours de la subordonnée consécutive.
C'est pourquoi, d’après nous, la caractéristique codée de tel qui se trouve avant le nom et celle après le nom sont toujours pareilles : un tel élan/ un élan tel qu’ils ne sentaient pas la fatigue atroce, leurs pieds brisés et meurtris.