1. Trang chủ
  2. » Luận Văn - Báo Cáo

Traduction de corneille

9 5 0

Đang tải... (xem toàn văn)

THÔNG TIN TÀI LIỆU

Cấu trúc

  • La traduction de Corneille en vietnamien dans la revue Nam Phong

  • PHÙNG Ngọc Kiên

Nội dung

La traduction de Corneille en vietnamien dans la revue Nam Phong Les deux premières tragédies de Corneille, qui sont traduites en vietnamien par Phạm Quỳnh : Le Cid et Horace1 apparaissent successivement dans la revue Nam Phong 38-39 (78/1920) et Nam Phong 73-74 (1923) Pour étudier ces traductions, nous partons de l’idée qu’une traduction littéraire est toujours effectuée en réponse aux questions explicites concernant le contexte et aux questions implicites qui s’inscrivent profondément dans le texte Si le contexte des traductions s’associe la revue Nam Phong tạp chí (Vent du Sud, 19171934) dirigée par Phạm Quỳnh, les textes d’arrivée nous montreront la manière d’interpréter Ainsi les questions explicites et implicites s’imbriquent inséparablement Néanmoins les questions posées, qui sont relatives les unes aux autres, seront étudiées successivement La revue Nam Phong compte parmi les quelques périodiques en vietnamien qui sont financés directement par les autorités coloniales dans l’objectif principal d’exalter la France et l’harmonie franco-indochinoise ; tous les débats politiques concernant le Việt Nam en sont exclus bien sûr Mais pour Phạm Quỳnh, cette occasion précieuse permet de moderniser le pays et, plus tard, de conquérir l’indépendance nationale Il a alors pratiqué un double jeu en tant que rédacteur en chef de la revue financée par le gouvernement colonial : adjuvant dans la propagande de la culture franỗaise et mộdiateur pour la vulgarisation des idées modernes européennes dans la société vietnamienne de l’époque En fait, Phạm Quỳnh a voulu commencer chercher l’Indépendance nationale de manière prudente par la culture, dont la traduction en quốc ngữ (caractère national) est le catalyseur Pour lui, si le franỗais a ộtộ forgộ pour moderniser la France du XVIIe siècle, il en est de même pour l’écriture latinisée en vietnamien, le quốc ngữ du XXe siècle Ce caractère d’origine européenne, selon lui, peut sortir le Viờtnam du monde sinisộ comme le franỗais la fait pour la France du XVIIe siècle Le souci permanent de Phạm Quỳnh concerne les menaces chinoises envers le Viêtnam2 : […] « entre le péril démographique chinois, le péril militaire japonais et le pộril politique franỗais On peut consulter l’intégralité de la revue Nam Phong en ligne l’adresse suivante : http://www.nguoiviet.com/thuviennguoiviet/namphong.asp?thuvien=Quy%E1%BB%83n%207 Phạm Quỳnh a déclaré dans une conférence l’École coloniale de Paris (1922) : « Il était dans la destinée de notre peuple de subir, même dans les domaines les plus inattendues, l’influences chinoises », (Nam Phong, supplộment en franỗais 67, p 5) Ainsi, il faut faire une distinction entre la volonté de moderniser et la chinophobie qui n’existe pas chez Phạm Quỳnh C’est lui qui a encouragé la conservation des héritages chinois au Viêtnam […] ce dernier est encore le moindre, et nous l’acceptons avec toutes ses conséquences » Paradoxalement, alors que le Viêtnam subit le colonialisme franỗais qui sattribue le prộtendu devoir de la civilisation, les idộes franỗaises en particulier et europộennes en général, avec Rousseau, Montesquieu, Voltaire, pénètrent au Vietnam par le biais du chinois Dans un article en franỗais, Phm Quỳnh critique de front les lettrés réformistes qui citent tout propos et hors de propos des philosophes occidentaux « sans bien comprendre les théories de ces écrivains et saisir exactement leurs portộes philosophiques et sociales ằ (Influence franỗaise)5 Cest dans le numéro 103 que se déploie une série d’articles qui encouragent l’emploi du quốc ngữ comme moyen de sauver l’identité nationale, de sauvegarder la culture nationale et de vulgariser la connaissance Phạm Quỳnh avance même l’idée que la situation colonisée du pays d’alors est due partiellement l’emploi de lộcriture ộtrangốre, tant le chinois dhier que le franỗais daujourdhui : « Chez nous, les intellectuels ne s’enthousiasment que pour l’écriture étrangère, peu de gens pensent l’écriture vulgaire du pays »6 Les deux tragédies de Corneille traduites en quốc ngữ s’inscrivent ainsi dans le contexte d’un mouvement culturel de recherche de la fondation d’un État indépendant et moderne Il est ainsi facile de déterminer dans les pièces traduites les sujets qui intéressent Phạm Quỳnh : patriotisme, devoir civil, rôle de la monarchie absolue et volonté nationale Les sujets, nettement politiques, des deux œuvres choisies révèlent la dimension héroïque dans l’œuvre cornélienne, comme Lanson l’a écrit : « La tragédie cornélienne c’est peu près la France de Louis XIII ce que le Rouge et le Noir ou les romans de Balzac sont la France de Charles X et de Louis-Philippe »7 Certainement, « la question du politique est centrale en ce siècle qui produit tant de tragédies et d’œuvres tragiques »8 En outre, le choix des pièces de Corneille est d’autant plus justifié que « [l]a littérature franỗaise ne sest ộtablie que depuis Nous soulignons Dans une intervention lors de la Journée d’étude sur « Rousseau dans la modernisation asiatique » (ParisSorbonne 15.12.2012), nous avons montré que les efforts de traduction de Rousseau réalisées par Phm Qunh partir du franỗais sinscrivent dans la stratộgie tacite de cette revue afin d’affranchir la culture vietnamienne du monde sinisé Nam Phong, 108 « […] nước hàng trí thức cịn say đắm chữ nước người, không người nghĩ đến tiếng nôm na tổ quốc », ibid Toutes les citations en vietnamien sont traduites avec nos soins Cité d’après J Rouhou, « Corneille : dramaturgie et politique », Lectures de Corneille, Presses universitaire de Rennes, 1997, p 17 Cf P Bénichou, « Le drame politique dans Corneille », Morales du grand siècle, Gallimard, 1948 Si Georges Forestier hésite encore devant ces conclusions, on peut invoquer facilement la phrase célèbre du premier Discours de Corneille, selon lequel la dignité de la tragédie « demande quelque grand intérêt d’État ou quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour », cf G Forestier, Passions tragiques et règles classiques, Paris, Armand Colin, coll « U », 2010 J Rouhou, op cit., p 21 quatre cents ans, savoir partir de la même époque que notre dynastie Trần »9 Malgré le décalage chronologique évident, cette comparaison de Phạm Quỳnh sous-entend un orgueil national en mentionnant l’égalité culturelle entre le pays colonisé et celui du colonisateur D’un côté, c’est la dynastie la plus éblouissante de l’histoire vietnamienne, de l’autre c’est la dynastie du Roi Soleil l’apogée de la monarchie absolue franỗaise Ce point commun entre les deux nations justifie les critères de choix des textes qui semblent apparemment conservateurs Ils concernent le début des nations modernes quand les deux champs, politique et littéraire, s’entremêlent : « Notre pays est encore loin des pays occidentaux : par exemple dans le domaine littéraire, nous sommes encore l’époque où la littérature s’attache plutơt la morale, pas encore au moment ó la littérature tende vers l’autonomie ; si nous voulons apprendre et suivre les pays européens, il faut commencer par l’apprentissage du modốle franỗais de quatre cents ans antộrieurs [] Si on se précipite, sans tenir compte de notre capacité, dans l’imitation romanesque et théâtrale de l’Occident contemporain, on risque d’être grotesque et de faire la littérature qui outrage les usages et la morale »10 Ce n’est pas un hasard si, dans le no 74 de Nam Phong, où est traduit Horace, Phạm Quỳnh traduit « Qu’est-ce qu’une nation ? » d’Ernest Renan (1881) S’inspirant de cet exposé, Phạm Quỳnh est l’auteur des articles du numéro 103 sur l’esprit de la fondation nationale et la traduction de Bouglé sur le patriotisme Il est clair que Phạm Quỳnh est souvent tenté par l’orgueil, le sublime, et la passion dans les œuvres de Corneille non seulement en tant que lecteur, mais aussi en tant qu’écrivain Si Corneille, pour reprendre la formule de P Bénichou propos du théâtre classique, « ressuscite le mythe médiéval », et si le contact de l’antiquité païenne lui a permis une affirmation plus audacieuse que jamais des valeurs aristocratiques modernisées dans une glorification de la puissance humaine 11, le contact du Grand Siốcle franỗais et les figures hộroùques de Corneille ont attisé la passion patriotique chez Phạm Quỳnh tel point qu’il veut ressusciter l’atmosphère éblouissante du « Văn chương Pháp kể thành khoảng bốn trăm năm thôi, nghĩa vào đời nhà Trần nước ta thời nước Pháp bắt đầu có văn chương », Nam Phong, n°53, p 384 Traductions avec nos soins À noter que la dynastie Trần du Viêtnam finit en 1400, c'est-à-dire deux siècles avant Louis XIV en France Dans le numộro 73 du supplộment en franỗais, oự appart la traduction d’Horace, il y a un article de Đặng Đình Phúc, sur Trần Hưng Đạo, grand général de la dynastie Trần, qui « a sauvé la Patrie de l’invasion étrangère » de l’armée de Gengis Khan (p 16) 10 « Nước ta ngày nay, thiết đường, châu Âu xa : đường văn học ta đương thời kỳ văn chương phải phụ thuộc vào luân lý, chưa đến thời kỳ văn chương khuynh hướng mỹ thuật, ta có muốn bắt chước Âu châu cịn phải bắt chước vào ba bốn trăm năm trước […] vội vàng vượt trình độ mà mơ lối tiểu thuyết lỗi diễn kịch tối tân bây giờ, thời sai lầm hết cả, không khỏi mang tiếng làm văn chương tổn hại đạo đức, bại hoại phong tục », Nam Phong, n° 51, p 183 Nous traduisons et soulignons 11 Voir P Bénichou, op cit., p 21 passé du pays Ce patriotisme appelle l’action et refuse la faiblesse pour insister sur la virilité (Doubrovski) En fait, dans le théâtre de Corneille, « le mal résidait dans la faiblesse » et les héros sont l’incarnation de la virilité dans les conquêtes du soi et d’autrui 12 C’est justement ce que Phạm Quỳnh veut valoriser comme il l’écrit dans ses articles en 1923 (la même année que la traduction d’Horace) encourageant l’action chez la jeunesse vietnamienne : « Si on ne trouve pas le médicament traitant la mélancolie, elle affectera gravement notre race […] Alors que le pays est en péril, il y a des gens qui soufflent et se plaignent, qui se posent des questions inutiles au sujet de la raison de la vie, sont-ils les ingrats et égoïstes ? Faut-il que la jeunesse soit triste ? Bien que triste, la situation actuelle du pays ne le lui permet »13 La conquête du pouvoir (Cinna) et les questions théologiques (Polyeucte) n’intéressent pas encore Phạm Quỳnh Chez Racine, P Bénichou insiste sur ce thème, il se produit une « dégradation de l’hérọsme » et « le drame politique tient si peu de place » parce que le dramaturge a transféré l’héroïsme du politique au privé C’est pourquoi il est facile de comprendre pourquoi Racine, enseigné l’école coloniale, n’est pas encore choisi pour être traduit alors en vietnamien par Phạm Quỳnh Ses tragédies, bien qu’elles soient la « violence pessimiste des peintures du cœur », éveillent les tendances d’une nouvelle époque « diverse et contradictoire dans sa nouveauté, où achève de mourir et de se transformer une société ancienne »14 Pour citer H Heine, si « dans Racine les sentiments du moyen âge sont complètement éteints », dans Corneille « respire encore le moyen âge »15 Situé ainsi dans la perspective historique, le choix du genre et du sujet introduit implicitement le discours politique dans le discours littéraire au profit de l’action des personnages Dans ses présentations des traductions en vietnamien, Phm Qunh souligne des ô leỗons morales ằ16 par lesquelles il entend traditionnellement les devoirs familial et national, 12 Ibid., p 23-24 Cf S Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros, Gallimard, 1963, p 37 13 « Cái bệnh u sầu kia, khơng tìm phương liệu trị, thời không khỏi phương hại đến sức mạnh tinh thần giống nòi […] Đương lúc nước nhà việc, mà cịn có kẻ ngồi thở vắn than dài, ngâm sầu vịnh thảm, khởi câu hỏi vô vị lẽ đời người có đáng chán hay khơng thời thật kẻ vơ tình, lồi máu lạnh q […] Thanh niên có nên buồn khơng ? Dẫu đáng chán mười mươi, mà nước khơng nên đáng chán ; đáng buồn mười mươi mà vị nước không nên buồn », Nam Phong, n°68 (2 1923), p 92-97 Nous traduisons et soulignons 14 Voir P Bénichou, op cit., p 203 et 200, p 209 15 Cité d’après P Bénichou, ibid., p 209 16 « L’idée générale de ses tragédies est de raconter les actes héroïques et le conflit entre le devoir et l’amour, et où le devoir finit par lemporter Ses tragộdies sont des leỗons morales sur les valeurs » [« Đại ý tuồng ông tả thủ đoạn anh hùng bậc siêu quần bạt tụy, thường tả dục tình phản đối nghĩa vụ, mà sau nghĩa vụ thắng đoạt Các tuồng ông cho dạy đạo đức cao thượng »], Nam Phong n°53, « Pháp quốc văn học đại quan » [« Précis de l’histoire littéraire de la France »], exposé devant l’Association des intellectuels, 24.11.1921, p 393 La traduction est faite avec nos soins l’éthique des hommes en face de la situation de la Patrie Il s’agit d’une situation sociale particulière qui l’obsède : le pays colonisé Le « devoir familial » a ainsi motivé le devoir national De même, S Doubrovsky remarque que Rodrigue de Corrneille n’est pas encore le Mtre après avoir triomphé du Comte et de Chimène, que son acte héroïque demeure inutile « tant que l’énergie amoureuse n’est pas convertie en énergie historique »17 Alors, il n’y a aucun conflit entre les relations privées et publiques qui est mis en évidence dans la traduction C’est le grand intérêt d’État, dit les mœurs sociales, dont Phạm Quỳnh s’occupe particulièrement dans le texte cornélien : « Mais si la traduction de cette tragédie ne sert pas la mise en scène, elle est utile indirectement aux mœurs sociales »18 Pour Phạm Quỳnh, l’amour familial devient le socle de l’amour patriotique 19, comme le remarquent les critiques franỗais20 Cest pourquoi il lui semble facile d’accepter que le conflit familial s’associe au conflit d’État, la valeur suprême n’est plus l’honneur de la famille, mais le salut de la patrie Le choix d’Horace de Phạm Quỳnh réaffirme qu’Horace n’est pas brutal, voire qu’il « continue où Rodrigue s’arrête » comme le démontre Doubrovsky Horace dans le texte vietnamien devient une sorte de la figure du Maợtre dun Temps qui souhaite ô remplacer la vertu ordinaire par une vertu extraordinaire »21 Dans la perspective générique, choisir la traduction de la tragédie au lieu de la poésie est signifiant et même provocant Bien que la poésie domine le champ littéraire du Viêtnam d’alors, Phạm Quỳnh ne choisit pas les auteurs poétiques du XVIIe siècle qui ne sont pas moins connus22 Privilégier la tragédie, un genre nouveau et étranger dans le paramètre générique du champ littéraire au Viêtnam, montre ses efforts de renouveau La tragédie se voit ne plus être enchnée par les canons traditionnels En réalité, son choix n’appart pas soudainement du jour au lendemain Phạm Quỳnh ne soccupe particuliốrement du thộõtre franỗais et de Corneille qu l’issue de la mise en scène avec succès de la comédie de Molière Il s’agit d’une traduction (Malade imaginaire) de son confrère Nguyễn Văn Vĩnh quelques 17 S Doubrovsky, op cit., p 120 Nous soulignons 18 « Song dịch khơng có ích lợi trực tiếp cho việc cải lương diễn kịch, có ích lợi gián tiếp đường xã hội phong hóa », Nam Phong, n°103, p 149 La traduction est faite avec nos soins 19 « Hai người chịu hy sinh tình trả thù cho cha Như tuồng Horace, nghĩa vụ lịng quốc mà dục tình tình gia đình, hai đàng xung đột nhau, mà kết cục người chủ động hy sinh tình gia đình tận trung nghĩa quốc gia », Nam Phong, n°103, p 148 20 « Le devoir de Chimène n’est plus de venger son père ; c’est de reconntre en Rodrigue le sauveur de la communauté » S Doubrovsky, op.cit, p 23 21 S Doubrovsky, op cit., p 145-146 Une adaptation de cette tragédie sera mise en scène trente ans après (1951) H Ni, occupộ alors par larmộe franỗaise 22 La revue laisse une place significative aux poèmes vietnamiens et présente la poộsie franỗaise des autres siốcles (Baudelaire par exemple) mois antộrieurs Certes il pense l’effet considérable de la mise en scène théâtrale devant le public L’apparition successive des articles sur le thộõtre franỗais dans la revue confirme cette hypothốse23 Mais si la préoccupation de Nguyễn Văn Vĩnh s’attache particulièrement aux traductions concernant la vie bourgeoise des auteurs tels La Fontaine, Molière, Hugo ou Balzac, la traduction de Corneille révèle une autre préoccupation chez Phạm Quỳnh Il s’agit de la légende de fondation de l’État moderne Son choix différent peut avoir pour but de mettre en relief l’idéologème de la tragédie travers l’effet, qui s’associe clairement au contexte historique et la dimension politique : « L’effet de la tragédie est de faire craindre et d’exciter la pitié »24 De plus, on doit prendre en compte la hiérarchie générique : « Mais notre traduction ne se sert pas la mise en scène comme on l’a fait avec la comédie de Molière, puisque la représentation tragique est plus difficile, tel point que nous n’arrivons pas encore le faire »25 Il faut bien insister sur la reconnaissance progressive du théâtre tragique chez Phạm Quỳnh Les termes traduits qui apparaissent pour la première fois dans la présentation générale sur le thộõtre franỗais ne sont pas encore forgộs, comme cest le cas de « la règle des unités » par exemple Il les traduit en phép hợp dans l’acception de « qualité d’un ensemble », de qualité « d’une composition » Ce n’est que dans la présentation suivante sur Corneille, attachée la traduction, qu’il met au point ce terme en forgeant l’expression en vietnamien utilisée jusqu’à maintenant : phép tam nhất, dont le sens est : « qualité de ce qui est un, indivisible »26 Ainsi il faut la traduction du texte cornélien pour que Phạm Quỳnh réponde justement aux questions implicites en mettant au point son expression en vietnamien de cette règle S’agissant des questions implicites, par lesquelles nous entendons les problèmes inhérents au texte, tout d’abord c’est la manière de la représentation littéraire En fait, la traduction théâtrale, nouveau genre dans le champ littéraire du Việt Nam, réveille la 23 En 1920, juste après la mise en scène du Malade imaginaire par l’Association Khai Trí tiến đức, Phạm Quỳnh fait partre, dans Nam Phong no35, la traduction d’un chapitre de l’ouvrage de Lanson Histoire de la littộrature franỗaise sous le titre ô Lch s ngh din kịch nước Pháp Bàn hí kịch ơng Moliốre ằ (Histoire du thộõtre franỗais Sur la comộdie de Molière) Il n’y a pas fait une présentation exclusive de Corneille Un an après, Phạm Quỳnh publie des articles sur le métier de la mise en scène (45 et 51) La prộsentation gộnộrale de la littộrature franỗaise paraợt dans six numéros (92, 96, 103, 113, 137, 142) La revue Nam Phong présente également la traduction des pièces de Marivaux (54-55) et de M Donnay (50) 24 « Cơng hiệu bi, sợ, thương, sợ trông thấy tội ác bày cách ghê gớm, kẻ gian mắc phải nguy nan ; thương trơng thấy người hiền phải khốn khổ, kẻ chịu hiểm nghèo, bi làm cho người ta run sợ, thương khóc », Nam Phong no 51, p 187-188 La traduction est faite avec nos soins 25 “Song chủ ý dịch giả định dịch để đem diễn sân khấu, hý kịch Molière, lối diễn bi kịch khó nhiều, người chưa có tư cách làm », Nam Phong n°38, p 88 26 Nam Phong n°35, p 381-382 préoccupation de Phạm Quỳnh envers la forme Dans sa présentation du Cid, il a fait remarquer : « Vu ainsi, l’intrigue [de Corneille] et de notre tuồng ne se différencient pas, avec les sentiments familiaux et filiaux, avec les vengeances et les combats contre les ennemis etc La différence ne se situe que dans la composition »27 Le sujet de l’œuvre est universel, et sa composition, qui marque la différence, valorise la pièce La différence formelle est essentielle pour motiver l’acte de traduction Il est évident que Phạm Quỳnh trouve importante la mise en forme de l’œuvre théâtrale au profit de la signification Pour le traducteur, le renouvellement de la forme s’associe clairement au rôle de la composition de la pièce Phạm Quỳnh en parle plusieurs reprises, par exemple dans sa présentation générale de la traduction d’Horace : « C’est pourquoi, même s’il y a dans notre tuồng (théâtre traditionnel vietnamien) beaucoup d’intrigues intéressantes, favorable une grande pièce, la mise en scène est moins signifiante »28 Par cette pensée, il est évident que Phạm Quỳnh ne néglige pas la forme lors de son acte de traduction Il trouve au contraire importante la mise en forme de l’œuvre au profit de la signification Ce qui est « forme » tourne ainsi au « contenu », ce qui est littéraire imbrique le social et politique, ce qui est moral devient la représentation Le renouvellement de la composition va de pair avec la réforme de la pensée, le changement du littéraire se déroule parallèlement avec celui du politique Sans aller trop loin dans les détails, qui mériteraient un travail plus complet, on peut remarquer le choix de la prose pour traduire les vers tragiques de Corneille Ce choix est signifiant puisque le genre lyrique domine le champ littéraire vietnamien au début du siècle tel point que la création poétique, ou plutôt l’expression versifiée, tant dans la littérature que dans la vie quotidienne, est préférée la prose 29 En fait, héritée de la tradition des romans versifiés (truyện thơ Nôm) tel Truyện Kiều, la forme poétique favorise mieux l’expression de la vie intérieure des personnages tragiques Ce choix intentionnel de Phạm Quỳnh vise nettement forger l’expression en prose dans la littérature moderne en vietnamien Il s’agit la fois d’une « conquête de soi » et d’une « conquête d’autrui » (Doubrovsky) comme un double effort du traducteur Tout d’abord, cet effort souligne la recherche de la forme littéraire moderne et l’idée de forger un nouveau langage vietnamien Ensuite, par la prose Phạm Quỳnh a débarrassé, spontanément peut-être, la tragédie cornélienne de son contexte générique pour la mettre dans une forme différente du nouveau contexte Ainsi naturalisée, la 27 « Xét trên, thời truyện chẳng khác tích tuồng ta, có trung hiếu tiết nghĩa, báo thù trả ngãi, đánh giặc bình phiên, v.v Khác cách kết cấu » Nam Phong, no 38, p 89 28 « Bởi nên tuồng ta có tích hay, đáng làm kịch tuyệt tác, mà coi diễn thật lạt lẽo khơng có ý nghĩa », Nam Phong, no 38, p 88 29 L’expression versifiée est une habitude fréquente chez les intellectuels vietnamiens du début du XXe siècle, même dans la vie quotidienne, dans les échanges entre eux tragédie cornélienne contribue la modernisation de la littérature vietnamienne Clairement cet effort de la prose choisie pour la traduction de la tragédie en vers confirme l’imbrication de deux discours, politique et littéraire Dans une lecture approfondie du processus de traduction, on peut découvrir les imbrications un peu plus complexes entre les actes de lecture et d’écriture, entre expérience acquise et projet d’écriture Puisque le choix rationnel de la traduction en prose n’empêche pas parfois l’émergence spontanée des expressions lyriques et versifiées dans le texte en vietnamien Par exemple, dans le monologue de Rodrigue au moment du dilemme, apparaợt un couple de vers connu: ô Percộs jusques au fond du cœur / D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle » (« Sự đâu sét đánh rụng rời, tin đâu tên bắn rã rời tâm can »)30 Cette anomalie montre que, malgré sa volonté, la perception du lecteur Phạm Quỳnh échappe parfois au contrôle du traducteur et dicte spontanément son projet d’écriture Le traducteur, embrassant les sentiments du héros, revient ses habitudes d’expressions versifiées qui étaient très forts dans la représentation de la vie intérieure Il s’agit vraiment d’une trahison involontaire du traducteur, d’une transgression textuelle Cette transgression textuelle montre nettement la distance entre l’effet et la compréhension lors de la lecture, entre le projet et le résultat de l’écriture Cette distance est d’autant plus signifiante qu’à ce moment de la pièce le héros cornélien est ce point écartelé entre le devoir et l’amour que le traducteur est renvoyé ses habitudes, ses traditions Le co-auteur, qui réécrit en vietnamien l’interprétation du lecteur chez le traducteur, ne se prive pas de s’incarner dans la parole du personnage Emporté ainsi par l’émotion, le co-auteur en vietnamien fait appel aux habitudes de l’expression versifiée pour s’exprimer, pour montrer les mouvements intộrieurs subtils Autrement dit, cette transgression perỗue du point de vue de l’homogénéité textuelle de la version en vietnamien montre les efforts du traducteur Phạm Quỳnh pour percer les normes anciennes, pour s’affranchir des expressions habituelles, des expériences acquises en vue d’atteindre une perfection de la mise en forme dans la représentation intérieure en prose du personnage La traduction de Corneille en prose devient une occasion de forger le vietnamien littéraire moderne pour exprimer en prose la vie intérieure qu’on avait l’habitude d’exprimer en vers Par ce choix, Phạm Quỳnh a mis la tragédie cornélienne dans le nouveau contexte signifiant Il s’agit non plus de la traduction mais de l’appropriation, de la création, non plus du transfert mais de l’acquisition, non plus de l’imitation mais de la recréation Cette 30 Nam Phong n°38, p 106, scène 6, acte I Il faut insister sur le fait que le besoin de s’exprimer en prose est une tendance privilégiée de l’époque Dans un article propos de « l’opinion dun jeune ằ (Nam Phong n73, supplộment en franỗais, p 5), Nguyễn Nho traduit également les vers de Musset en prose contribution l’évolution littéraire vise établir la légende de la fondation du Viêtnam moderne L’acte littéraire porte ainsi la dimension politique Les valeurs de famille sont rehaussées au niveau des devoirs envers la Patrie travers la glorification de l’action et de la « virilité » Alors on peut dire que les « conquêtes de soi » et « conquête d’autrui », pour emprunter les expressions de S Doubrovsky propos de Corneille, se produisent en même temps dans les deux actes de la traduction : lecture et réécriture La conquête de soi libère le lecteur de Phạm Quỳnh des préjudices sur l’inégalité entre deux nations La conquête d’autrui lui rapporte la virilité en lui confiant la passion comme moteur de laction Les tragộdies franỗaises du XVIIe siốcle rejoignent alors les valeurs vietnamiennes du XX e siècle pour stimuler le patriotisme./ PHÙNG Ngọc Kiên Institut de Littératures du Viêtnam ... expressions de S Doubrovsky propos de Corneille, se produisent en même temps dans les deux actes de la traduction : lecture et réécriture La conquête de soi libère le lecteur de Phạm Quỳnh des préjudices... particuliốrement du thộõtre franỗais et de Corneille qu’à l’issue de la mise en scène avec succès de la comédie de Molière Il s’agit d’une traduction (Malade imaginaire) de son confrère Nguyễn Văn Vĩnh... préoccupation chez Phạm Quỳnh Il s’agit de la légende de fondation de l’État moderne Son choix différent peut avoir pour but de mettre en relief l’idéologème de la tragédie travers l’effet, qui s’associe

Ngày đăng: 02/08/2022, 16:24

TÀI LIỆU CÙNG NGƯỜI DÙNG

TÀI LIỆU LIÊN QUAN

w