00_001et016-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 14:52 Page1 n° 65 - juin-juillet-août 2012 bimestriel © IRD / J.-C Pintaud É d i t o r i a l @ E Franceschi Pour une éthique du partenariat Par Michel Laurent Président de l’IRD Le journal de l'IRD I nscrire l’éthique du partenariat au premier plan de nos préoccupations est une volonté affirmée de l’IRD L’élaboration et la mise en œuvre d’une charte1 du partenariat de la recherche pour le développement comme l’un des objectifs de notre contrat 2011-2015 en a été la traduction Cette charte est désormais une réalité Elle est le fruit d’une large consultation dont plusieurs instances de l’IRD et de l’AIRD mais aussi des scientifiques du Nord et du Sud Méandre du Rio Ucayali Perou Première cartographie mondiale des zones humides Cette charte vise promouvoir des relations partenariales équilibrées et équitables fondées sur des engagements réciproques Sa finalité est de renforcer, par des actions de recherche, de formation et d’innovation, les politiques publiques favorables au développement des pays du Sud Elle s’articule autour de dix grands principes en faveur d’un développement social et économique durable, basé sur les préoccupations régionales de nos partenaires du Sud La cartographie par satellite des zones humides et de leur dynamique entre 1993 et 2007 révèle une perte de % de leur superficie l’échelle du globe L e CNRS et l’IRD viennent de livrer la communauté scientifique les résultats d’une étude de grande ampleur : la première vision complète sur les zones humides1 de notre planète Ces données l’échelle globale sont issues de l’analyse de toute une gamme d’observations satel- Outre associer et impliquer l’ensemble des parties prenantes, elle promeut notamment une participation accrue des femmes, le co-financement des programmes et la co-publication des résultats, en veillant la reconnaissance des savoirs locaux et au partage équitable des bénéfices Enfin, cette charte est complémentaire du guide des bonnes pratiques de la recherche pour le développement, élaboré par le Comité consultatif de déontologie et d’éthique de l’IRD Voir page 14 I n t e r v i e w d e cher ailleurs, raconte le chercheur Par contre la superposition est excellente entre le taux de diminution de surfaces humides et l’augmentation de population entre 1990 et 2005 Cela est particulièrement net pour la Chine, l’Inde, le Vietnam » Très logiquement, cette densification humaine entrne de plus forts prélèvements d’eau pour la consommation domestique, les activités agricoles ou industrielles Les loisirs et le tourisme sont également des secteurs gros consommateurs comme au sud de la Floride Par ailleurs, de grands bassins sont touchés sur les continents américain et asiatique : celui de l’Amazone (perte de presque %), de l’Orénoque (- 30 %) ou du Yangtsé (- 20 %) A contrario, C h a r l e s Définition des « zones humides » par la Convention Ramsar sur les zones humides d’importance internationale : marais et marécages, lacs et cours d’eau, prairies humides et tourbières, oasis, estuaires, deltas et étendues marée, zones marines proches du rivage, mangroves et récifs coralliens, sans oublier les sites artificiels tels que les bassins de pisciculture, les rizières, les réservoirs et les marais salants Contacts fabrice.papa@ird.fr UMR Legos (IRD / CNES / CNRS / Université Paul Sabatier - Toulouse 3) Catherine.Prigent@obspm.fr CNRS (Lerma-Observatoire de Paris) G r é m o n t H i s t o r i e n l ’ I R D , a u t e u r d e p l u s i e u r s o u v r a g e s s u r l e s To u a re g s Touaregs et peuples du Nord-Mali, d’hier aujourd’hui © DR Nos partenaires du Nord et du Sud peuvent adhérer cette charte au travers des accords institutionnels qu’ils contractent avec lIRD ce jour, plusieurs institutions franỗaises et étrangères comme l’AFD, l’Université de Bretagne Occidentale et l’Académie des Sciences Sociales du Vietnam ont rejoint nos valeurs Au moins 90 signatures sont attendues l’échéance du contrat d’objectifs, dont 60 partenaires du Sud et 30 d’Europe Par cette ambition partagée, plus forte encore sera notre exigence mettre en œuvre ces résolutions dans l’exercice de nos missions ● lites complémentaires et couvrent une période de 15 ans « Un premier constat s’impose : ces milieux liés l’eau ont vu leur surface diminuer de %, commente Fabrice Papa, spécialiste d’hydrologie spatiale l’IRD Sur le plan géographique, les régions proches de l’Équateur accusent le recul le plus important » En effet, les pertes cumulées des zones tropicales et subtropicales contribuent 57 % de la diminution totale observée Comment s’explique la réduction de ces milieux humides tels que marais, lacs, oasis, deltas ? « La comparaison des données de cette étude avec des paramètres hydrologiques ou climatiques n’a pas permis de conclure dans un premier temps Il a donc fallu cher- certaines régions comme en Afrique affichent un bilan positif Ce gain d’étendue en eau de surface peut être expliqué par l’apparition de nouvelles zones irriguées ou l’édification de retenues et lacs de barrage Ces ouvrages artificiels sont identifiés par les satellites comme « zone humide » et pris en compte par la définition internationale Même si cette perte globale est significative et traduit la dépendance des activités humaines vis-à-vis de ces milieux et en retour leur pression sur ceux-ci, les scientifiques ne prononcent pas l’adjectif « alarmant » pour qualifier le constat général « Impossible de relativiser pour savoir si ce recul s’est accéléré les deux dernières décades puisque cette cartographie est la première estimation disponible », ajoute Fabrice Papa Cette étude de grande ampleur apporte de l’eau au moulin des modélisateurs en climatologie D’une part, les eaux de surface sont la première source naturelle de méthane, ce puissant gaz effet de serre qui participe au réchauffement D’autre part, les variations de ce stock d’eau continentale contribuent, aux côtés des précipitations, aux apports en eau douce qui parviennent l’océan et ont forcément un impact sur le niveau de celui-ci « Nous n’avons pas encore tout expliq, reconnt Catherine Prigent, sa collègue du CNRS Aux autres disciplines de se saisir de ce jeu de données » ● Sciences au Sud : Qui sont les Touaregs au centre de l’actualité au Nord-Mali ? Charles Grémont : C’est un ensemble de populations issues de circulations plus ou moins anciennes, selon des axes nord-sud, nord-ouest et est-ouest, et partageant la même langue d’origine berbère, le tamasheq De ce fait, ils sont appelés localement Kel Tamasheq À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, quasiment tous les groupes dont on parle aujourd’hui étaient déjà là, installés dans la région Pour les distinguer les uns des autres, l’entrée la plus souvent utilisée est l’appartenance régionale, en fonction des trois régions administratives (Tombouctou, Gao et Kidal) : on dit les Touaregs de Gao, par exemple On a aussi recours aux noms des grandes tribus, comme les Ifoghas, une tribu anciennement dominante dans la rộgion de Kidal Ensuite, ỗa devient vite complexe car il y a des appellations communes aux trois régions, pour des groupes qui n’ont pas partout le même statut social… Enfin, contrairement une vision simpliste entretenue par les feux de l’actualité, les Touaregs ne sont pas les seuls habitants de la région, loin s’en faut… SAS : Quels sont les autres occupants de cette région du monde ? C G : Dans cet espace du sud du Sahara central, il y a, aux côtés des Touaregs, des Sonraïs, des populations arabophones, des Peuls et des Haoussas Leur répartition varie selon les lieux Les Sonraïs sont installés sur les rives du fleuve et dans les villes, principalement dans les régions de Tombouctou et de Gao, et les Haoussas se trouvent surtout autour de Ménaka… Parmi les arabophones, qui viennent en troisième place dans les effectifs après suite en page 16 Dans ce numéro Recherches Musiques du Sud : entre scène locale et mondiale Des pistes contre la chlordécone P 8-9 P 10 00_002_002_IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 12:43 Page2 Des talents sous-employés Suite au décès des parents, les grands-parents sont souvent en charge des enfants Vivre sa séropositivité l’adolescence Les enfants nés avec le VIH en Thaïlande atteignent aujourd’hui l’adolescence, un âge où leur survie est parfois remise en jeu Une enquête retrace leur parcours de vie afin d’identifier les interventions susceptibles de les aider surmonter cette période critique de leur vie L ’adolescence est une période critique pour les jeunes nés avec le VIH, ó un surcrt d’échecs thérapeutiques est observé Un problème délicat en termes de santé publique qui pose de nombreuses questions aux acteurs médicaux « Avant l’endiguement de l’épidémie dans les années 1990, de nombreux enfants sont venus au monde avec le virus, en particulier dans le nord du pays », témoigne Sophie Le Cœur, chercheuse l’Ined associée l’IRD Ceux-ci ont survécu grâce aux trithérapies « Mais la première génération de ces enfants séropositifs arrive aujourd’hui l’adolescence, un âge critique où leur survie est parfois remise en jeu », regrette l’épidémiologiste Comment expliquer de tels échecs thérapeutiques chez ces jeunes ? Pour comprendre cette situation alarmante et les aider ainsi que leur entourage mieux négocier ce tournant, la scientifique et son équipe mènent depuis 2010 une enquête, intitulée TEEWA1 Les chercheurs ont interviewé 800 adolescents séropositifs de 12 19 ans dans des hôpitaux de tout le pays, ainsi que leurs parents ou tuteurs – le plus souvent les grands-parents « Traitement contraignant, séquelles dues la maladie, difficulté aborder leur sexualité et se construire face aux discriminations sont autant d’obstacles surmonter en plus de leur infection, rapporte Sophie Le Cœur Ils ressentent alors parfois le besoin de lâcher prise et négligent leurs soins » Pour Éva Lelièvre, chercheuse l'Ined, « Ils abordent cette période sensible de l’adolescence après un parcours souvent difficile Situation familiale perturbée par le décès d’un ou des deux parents, L’enquête « Teenagers Living with Antiretrovirals » (TEEWA), financée par Oxfam et Sidaction, a été réalisée par des chercheurs de l’IRD, de l’Ined et de la Chiang Mai University Interruption provisoire du traitement Contact sophie.lecoeur@phpt.org UMR CEPED (Ined-IRD-Paris 5) L’effet de la fonte des glaces compensé ? Le journal de l'IRD Sciences.au.sud@ird.fr Le Sextant 44, bd de Dunkerque – CS 90009 13572 Marseille cedex 02 Tél : 33 (0)4 91 99 94 89 Fax : 33 (0)4 91 99 92 28 Des chercheurs franỗais et sud-africains avancent que laccộlộration du courant des Aiguilles pourrait atténuer l’éventuel ralentissement de la circulation thermohaline mondiale due au dégel arctique Directeur de la publication Michel Laurent Directrice de la rédaction Marie-Noëlle Favier L e courant des Aiguilles, au large de l’Afrique du Sud, s’accélère « Cela semble une assez bonne nouvelle pour le climat planétaire », affirme Pierrick Penven, chercheur l’IRD Et pour cause, ce phénomène atténuerait un des effets de la fonte des glaces Celle-ci menace de ralentir la circulation océanique du nord au sud dans l’Atlantique, qui redistribue et régule la chaleur sur l’ensemble du Rédacteur en chef Manuel Carrard (manuel.carrard@ird.fr) Comité éditorial : Robert Arfi, Michel Bouvet, Thomas Changeux, Bernard Dreyfus, Yves Duval, Jean-Marc Hougard, Jean-Baptiste Meyer, Stéphane Raud, Hervé Tissot Dupont, Laurent Vidal Rédacteurs Fabienne Beurel-Doumenge (fabienne.doumenge@ird.fr) Olivier Blot (olivier.blot@ird.fr) Ont participộ ce numộro Gaởlle Courcoux, Fanny Delachaux, Franỗois Rebufat Correspondants Mina Vilayleck (Nouméa) Photos IRD – Indigo Base Daina Rechner, Christelle Mary Photogravure, Impression IME, certifié ISO 14001, 25112 Baume-les-Dames ISSN : 1297-2258 Commission paritaire : 0909B05335 Dépôt légal : juillet 2012 Journal réalisé sur papier recyclé Tirage : 15 000 exemplaires Abonnement annuel / numéros : 20 € choc de la révélation de leur infection, interruptions de scolarité : un contexte dont il faut tenir compte » « En montrant l’importance de la stigmatisation des personnes séropositives en Thaïlande, notre étude révèle la nécessité de mieux informer la population pour lever les peurs suscitées par la maladie », poursuit Sophie Le Cœur L’enquête souligne aussi l’intérêt d’alléger les traitements avec des solutions adaptées aux jeunes : « réduire le nombre de prises, par exemple une fois par jour au lieu de deux, ou encore instaurer une fenêtre thérapeutique le week-end permettrait l’adolescent d’’’oublier’’ pour un temps son infection » ● mplois de service dans les banques ou dans le tourisme, téléopérateurs dans les centres d’appels, taxis… sont autant d’activités sous-qualifiées exercées par les diplômés latino-américains expatriés, essentiellement en Espagne et aux États-Unis « Le pourcentage d’ingénieurs, chercheurs et autres ’’élites’’ qui travaillent en inadéquation avec leur niveau de compétences s’est fortement accru entre 2000 et 2006 », affirme JeanBaptiste Meyer, coordinateur de l’observatoire Mical Ce nouvel outil de suivi de la diaspora permet de constater quel sort est réservé ces « cerveaux » dans leur pays d’accueil Ainsi, en 2006, « Trois quarts des migrants boliviens ou équatoriens étaient sousemployés », déplore le sociologue Un véritable « brain waste » selon l’expression consacrée Du gaspillage Durant la première moitié des années 2000, trois millions de personnes qualifiées quittent l’Amérique latine « Leur part a ainsi doublé en cinq ans », témoigne le chercheur En 2006, 10 20 % des diplômés de l’enseignement supérieur sud-américain se sont exilés Cette proportion atteint plus de 50 % dans les ỵles d’Amérique centrale En comparaison, sur la même période, le taux d’expatriation global – personnes qualifiées ou non – a relativement peu augmenté Cette émigration massive, jusque-là mal documentée faute de données précises, fiables et actualisées, peut être dommageable pour les pays d’origine, selon leurs conditions de développement Mais elle constitue surtout une déperdition générale de compétences, en raison du phénomène de sous-emploi « Certes, les diplômés souffrent moins du chômage que leurs compatriotes non qualifiés, précise le spécialiste, mais c’est au prix d’une dévalorisation de leur qualification » Les femmes sont les plus touchées Leur taux de chômage et de sous-emploi est supérieur celui des hommes Et cette différence augmente avec les diplơmes « Les migrantes sont Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 globe En s’intensifiant, le fameux courant stimulerait cette sorte de « tapis roulant » Le scientifique vient de co-publier dans la revue Nature Climate Change1 ce résultat qui détonne dans le paysage de la recherche sur le changement climatique Comme le montrent les mesures altimétriques par satellite de 1993 2009, « Les injections d’eaux chaudes et surtout très salées en provenance de l’océan Indien que provoque le courant des Aiguilles dans l’Atlantique se multiplient », explique le spécialiste Ce courant prend naissance dans le canal du Mozambique, entre Madagascar et l’Afrique Puis il descend le long des cơtes sud-africaines, « Avant de faire demi-tour de manière spectaculaire 200 km au large du cap de BonneEspérance, décrit-il Cependant, une partie du flux ne retourne pas dans l’océan Indien mais s’échappe vers l’ouest dans l’Atlantique » L’accélération du courant observée par les chercheurs intensifie cette « fuite des Aiguilles », matérialisée par de gigantesques tourbillons océaniques d’un diamètre pouvant aller jusqu’à 500 km dans l’Atlantique L’augmentation de ces flux d’eaux très salées atténuerait ainsi la désalinisation des eaux de surface due la fonte de la calotte arctique, entretenant la circulation thermohaline mondiale2, poursuit Mathieu Rouault, chercheur l’université de Cape Town et co-auteur de Le cap de Bonne-Espérance surreprésentées dans le secteur éducatif, les emplois de bureau, de la vente et ceux ne demandant aucune qualification », illustre-t-il Aujourd’hui, les données de l’observatoire dessinent une nouvelle tendance, insufflée par la crise économique que traverse entre autres l’Espagne « On assiste des retours de plus en plus nombreux – et même des départs de ressortissants de la péninsule ibérique – vers les nouveaux eldorados des pays émergents latino-américains tels que le Brésil », souligne Jean-Baptiste Meyer Quelle situation attend les candidats au retour dans leur pays d’origine ? Une incertaine question au cœur de l’attention des chercheurs ● L’observatoire « Migration internationale des diasporas et des professionnels latinoaméricains » est issu du projet CIDESAL mené avec le CNRS, le Centro Redes en Argentine, l’université de la République et la Fondation Polo Mercosur en Uruguay, le MAE colombien et l’OIM www.observatoriodiasporas.com Contact jean-baptiste.meyer@ird.fr UMR LPED (IRD / Aix-Marseille Université) © IRD / M Jegu E © IRD / E Deliry Antheaume © OXFAM / Mongkhonsawat Luengvorapun Actualités Quel travail exercent les migrants latino-américains dans leur pays d’accueil ? Le nouvel observatoire Mical1, coordonné par l’IRD, permet de suivre en continu le devenir de cette diaspora dans le monde entier Laboratoire d’ichtyologie au Brésil l’étude « Selon un scénario catastrophe, commente-t-il, les eaux de l’Atlantique Nord deviendraient de ce fait moins denses, jusqu’à ne plus alimenter la machine océanique d’ici plusieurs dizaines d’années » L’accélération du courant des Aiguilles, qui pourrait terme réguler le changement global, est elle-même une conséquence du réchauffement « Ce phénomène est en effet dû aux vents accrus au-dessus de l’océan Indien du fait du changement climatique », explique Mathieu Rouault L’élévation des températures des eaux de surface et l’augmentation des pluies l’équateur dans l’océan Indien accentuent la circulation atmosphérique audessus de ce bassin océanique « Par le passé, le courant des Aiguilles a déjà fait preuve de son influence sur le climat terrestre », souligne Pierrick Penven Des travaux de recherches paléoocéanographiques ont précédemment montré son impact majeur sur l’ampleur et la durée des périodes glaciaires3 ● Nature Climate Change, 2012 Travaux réalisés par Backeberg et al du nansen/Tutu Center et de l’Université de Cape Town en Afrique du Sud et du LMI IRD ICEMASA Circulation liée aux écarts de température et de salinité entre les masses d’eaux Dans les hautes altitudes, les froides et salées plus denses plongent vers le sud Voir SAS n° 57 Contact pierrick.penven@ird.fr UMR LPO (IRD, CNRS, Ifrermer, UBO), LMI ICEMASA 00_003_003-IRD65_SAS54.qxd 30/07/12 11:38 Page3 La fourmi Allomerus n’est pas prêteuse, pas du tout Elle est même assez féroce quand on tente de forcer sa générosité en volant ses proies S us aux guêpes chapardeuses ! Les fourmis Allomerus, installées en colonies sur certains arbustes tropicaux, ne sont pas tendres avec les insectes indélicats Elles s’emploient capturer, écarteler, découper et manger tous ceux qui tentent de voler les proies qu’elles ont piégées « Ces fourmis ont développé une relation symbiotique très étroite avec leur hôte végétal, explique l’entomologiste Olivier Roux Elles utilisent les poils qui couvrent sa tige pour tisser des galeries dans lesquelles elles s’embusquent afin d’attraper, par des orifices aménagés cet effet, les imprudents qui viennent se poser » L’arbuste comme les fourmis trouvent leur compte dans ces interactions qui s’apparentent presque un échange de bons procédés Le premier, appartenant une espèce myrmécophyte1 des sous-bois nommée Hirtella physophora, est préservé des attaques L e s Une des deux guêpes en train de piller la proie des fourmis s’est fait attraper son tour des fourmis leur profit » Généralement, elles tentent de s’emparer de l’abdomen de la proie, une partie facile arracher et emporter C’est le cas d’une des six espèces de guêpes vivant sur l’arbuste, abritées de la pluie par son feuillage et protégées des razzias des fourmis légionnaires par les pièges des Allomerus « Ces fourmis sont de redoutables prédateurs, et seule l’espèce de guêpes qui vit en colonies nombreuses sur Hirtella peut affronter le risque de perdre quelques individus lors de ces rapines, souligne le chercheur Les autres guêpes, dont les nids n’excèdent pas une dizaine de membres, se gardent bien d’affronter Allomerus » La coévolution entre guêpes et fourmis prend ici la forme d’un calcul original du coût et du bénéfice de leurs interactions mutuelles Pour les chapardeuses, l’enjeu est de trouver facilement des proies, sans chasser ni chercher, au risque de perdre quelques ouvrières piégées leur tour Pour les laborieuses fourmis, les dommages tiennent au vol de quelques morceaux de proies et les gains la capture des voleuses les moins habiles ● Une nouvelle technique permet de suivre pour la première fois la composition isotopique de la vapeur d’eau dans l’atmosphère Les nouvelles données obtenues Niamey permettent de mieux déchiffrer la variabilité climatique dans cette région de mousson L a vapeur d’eau est le premier gaz effet de serre1 Les processus nuageux qui lui sont associés demeurent un facteur d’incertitude dans les projections du changement des précipitations l’horizon 2100 dans les zones tropicales comme le Sahel « Aujourd’hui, moins des deux tiers des simulations numériques du climat saccordent sur lộvolution des pluies au Sahel ằ, explique Franỗoise Vimeux, chercheuse l’IRD Comprendre les mécanismes qui régissent sa concentration dans l’atmosphère est déterminant La climatologue et son équipe2 viennent de tester et de valider une nouvelle technique laser permettant d’aborder des processus aussi variés que le transport et l’origine des différentes masses d’air humides ou encore le fonctionnement de la convection ô Cette mộthode novatrice, encore peu maợtrisộe au niveau international, mesure la composition isotopique de la vapeur atmosphérique in situ », décrit la scientifique « Comme attendu, ce paramètre isotopique est beaucoup plus sensible aux processus atmosphériques que les simples variables météorologiques et présente l’avantage d’avoir une signature différente suivant le processus étudié » © IRD / J.-J Lemasson L Plusieurs individus d’Eidolon helveum sur leur site dortoir dans la région de Lambaréné au Gabon pas franchir Mais les programmes de lutte contre ces maladies devront tenir compte de cette nouvelle donnée écologique : « Jusque-là, les plans d’actions visant leur éradication n’envisageaient pas l’existence d’un réservoir animal », souligne le chercheur ● Avec des partenaires des universités de Bonn, Hanovre, Marburg, Cologne et Ulm, de Noctalis, du BNITM, de la Charité Medical School et de l’INEID en Allemagne, du Cirmf au Gabon, de l’AVČR en République tchèque, du Strandja en Bulgarie, des universités de Kumasi au Ghana, de Lubumbashi en RDC, de Bahia au Brésil et de Stellenbosch en Afrique du Sud, du RAMSc en Russie, du STRI au Panama, du KCCR au Ghana, de l’Institut Pasteur en République centrafricaine, du RIVM aux Pays-Bas, du MNHN et du CNRS L’OMS a annoncé en avril 2012 un plan stratégique visant éliminer la rougeole dans au moins cinq des six régions OMS d’ici 2020 Contact eric.leroy@ird.fr UMR Mivegec (IRD / CNRS / Universités Montpellier et 2) Grâce au soutien financier de l’IRD, la technique a été déployée sur le campus de l’Institut des RadioIsotopes (IRI) Niamey Depuis l’été 2010, les mesures sont effectuées en continu avec une résolution d’acquisition de l’ordre de quelques secondes « Relevées durant toute une année, les données ont permis de décortiquer les processus comme l’évaporation des gouttelettes en queue d’orage, particulièrement impliqués dans le déclenchement et la propagation des systèmes convectifs », raconte la spécialiste Elles ont aussi mis en évidence l’influence de la circulation atmosphérique l’échelle globale sur l’humidité de l’atmosphère sahélienne pendant la saison sèche « De telles téléconnexions entre le Sahel et les plus hautes latitudes pourraient influencer le démarrage de la mousson », avancet-elle Utilisé désormais en routine, l’instrument laser est disposition l’IRI pour d’autres laboratoires africains La méthode va être étendue des régions tropicales comme les Andes, où le relief rend aussi incertaines qu’au Sahel les projections sur l’évolution des précipitations Les données acquises permettront de pointer les causes possibles des biais observés d’un modèle climatique l’autre ● La vapeur d’eau assure elle seule environ 60 % de l’effet de serre terrestre Travaux réalisés par les chercheurs d’HydroSciences Montpellier (IRD-CNRS-UM1UM2), du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (CEA-CNRS-UVSQ) et de l’université Abdou Moumouni au Niger Les éléments oxygène et hydrogène possèdent plusieurs isotopes stables, qui diffèrent par leur nombre de neutrons Il en résulte des formes différentes de la molécule d’eau, plus ou moins lourdes La composition isotopique est la quantité relative de ces différentes molécules dans la vapeur d’eau Elle dépend des processus physiques subit par la vapeur © LSCE / G Tremoy la nouvelle étude, certaines de ces maladies que les autorités sanitaires pensaient pouvoir éradiquer d’ici quelques années, telles que la rougeole2, pourraient réémerger sous une forme légèrement différente « Nous avons en effet décelé dans les organes des chiroptères des espèces virales génétiquement très proches de celles observées chez les humains, signale le virologue, et qui seraient susceptibles d’infecter ces derniers » D’autres paramyxovirus, comme les dangereux Hendra et Nipah, que l’on croyait jusque-là circonscrits l’Asie et l’Australie, pourraient émerger quant eux dans d’autres régions du globe De fait, l’équipe de recherche les a découverts chez des chauves-souris africaines « Au Gabon et au Ghana, d’où venaient les spécimens que nous avons analysés, ces deux agents infectieux sont bel et bien présents », témoigne-t-il À ce jour, aucun cas humain des encéphalites mortelles qu’ils provoquent n’a été décelé Mais cette découverte dévoile l’existence d’un réservoir en Afrique De l’animal l’homme, ces formes latentes des virus ont encore quelques olivier.roux@ird.fr UMR Ecofog (AgroParisTech, Inra, Cirad, CNRS et Université Antilles-Guyane) et UMR Mivegec (IRD, CNRS, Universités Montpellier et 2) La vapeur d’eau atmosphérique passée au laser Un réservoir de virus réémergents es chauves-souris jouent un rôle significatif dans l’équilibre des écosystèmes, du fait des fonctions écologiques qu'elles assurent (dispersion des graines, pollinisation, régulation des populations d'insectes) Mais elles maintiennent également dans la nature des virus qui induisent des maladies chez les autres animaux Peste aviaire ou des petits ruminants, maladie de Carré chez le chien… « Tous ces virus de la famille des Paramyxoviridae proviendraient d’un seul hôte naturel : les chiroptères », révèle Éric Leroy dans une vaste étude internationale publiée dans la revue Nature communications1 Les indices concordent : « Nous avons pu observer la grande diversité génétique des paramyxovirus chez ces petits mammifères, affirme le spécialiste Cela suggère que les virus ont eu le temps de beaucoup évoluer chez les chauvessouris », décrypte-t-il Les espèces du monde entier sont infectées, qu’elles viennent d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie ou d’Europe « Cette répartition planétaire signifie qu’il s’est produit une diffusion intercontinentale partir d’un ancêtre commun, explique le chercheur D’après leur histoire phylogénétique, les chiroptères sont donc contaminés depuis des millénaires » Enfin, ils sont porteurs de presque tous les genres de cette famille de pathogènes, contrairement aux autres animaux « Une telle représentativité virale confirme qu’ils sont le réservoir naturel de ces virus », conclut-il L’homme est aussi touché par les paramyxovirus : rougeole, oreillons, pneumonie, grippe Comme le révèle aussi Contact c h a u v e s - s o u r i s Les chauves-souris seraient l’origine d’une famille de virus très répandus et de maladies que ceux-ci peuvent entrner chez l’homme et les autres animaux Végétaux vivant en symbiose avec les fourmis Actualités de ravageurs herbivores par la vigilance de ses invitées Les secondes ont le gỵte et le couvert assurés : elles disposent la fois d’un lieu de chasse fréquenté et adapté, de la fourniture d’un nectar extra floral sucré et d’un hébergement confortable, dans des poches accueillantes situées la base des feuilles « Lorsqu’un insecte se pose sur la tige, une fourmi saisit sa patte avec ses mandibules, en passant la tête par le trou le plus proche, raconte le chercheur Puis, toutes ses pattes sont immobilisées une une, par autant de fourmis Enfin l’infortuné est débité pour être acheminé vers le nid où ses protéines serviront au développement du couvain de la colonie » Les fourmis elles-mêmes se nourrissent de ressources sucrées, comme celles fournies par le nectar de l’arbuste, mais les larves ont besoin de protéines pour constituer leur corps La plupart des proies capturées sont des végétariens malavisés ou des insectes victimes du hasard malencontreux de leurs déambulations « Mais il arrive que des carnivores essaient de voler des morceaux du butin après la capture ou pendant le dộpeỗage, indique-t-il Des guờpes kleptoparasites se sont même fait une spécialité de détourner le travail © Alain Dejean Fourmis carnivores contre guêpes kleptomanes Contact L’instrument laser dans le laboratoire de l’IRI au Niger francoise.vimeux@ird.fr UMR HSM (IRD, CNRS, UM et 2) Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/aỏt 2012 © IRD / C Ollier 00_004_004-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 11:54 Page4 Archipel des Marquises, patrimoine du bout du monde Territoire la beauté singulière, les ỵles Marquises sont en bonne voie pour une inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco Entre nature et culture, la valeur exceptionnelle de l’archipel vient d’être confirmée par les résultats du Programme Marquesas Partenaires © IRD / J F Butaud L es ỵles Marquises forment l’un des archipels les plus isolés au monde À 000 km du continent le plus proche, elles ont tout pour être originales « Hot-spot » de biodiversité, aux paysages époustouflants, les Marquises sont un haut lieu de la culture polynésienne Les populations locales occupent donc une place de choix dans le Programme Marquesas mené par le Centre Polynésien de Recherche sur la Biodiversité Insulaire (CPRBI)1 Pendant trois ans, des chercheurs de différentes disciplines ont exploré le patrimoine biologique de l’archipel avec leurs partenaires de l’Académie des Marquises « Ce programme a été un formidable laboratoire d’échanges », témoigne Christian Moretti, ethnopharmacologue l’IRD et pilote du projet Couplés avec des ateliers en présence des communautés Rauvolfia nukuhivensis locales, les enquêtes de terrain et les travaux en laboratoire ont permis d’associer données scientifiques et © IRD / J Orempuller Des richesses marines inexplorées En 2009, le Programme Marquesas a profité d’une mission de l’Alis, le navire océanographique de l’IRD, pour avancer dans des domaines inédits aux Marquises Le premier inventaire des spongiaires a été mené bien, révélant une biodiversité originale avec 163 taxons récoltés et 36 espèces décrites, dont 13 Éponge, Polynésie endémiques Des résultats prometteurs pour une valorisation des propriétés pharmaco-chimiques de ces organismes ● points de vue des populations2 « Nous voulions croiser le regard des scientifiques avec celui des habitants, car les valeurs patrimoniales qu’ils accordent aux espèces ne sont pas forcément les mêmes », précise le chercheur La douzaine d’ỵles volcaniques de l’archipel regorge de plantes uniques au monde Sur les 314 espèces végétales composant la flore primaire, près de la moitié n’existe qu’aux Marquises Plus de 80 espèces ont même leur habitat restreint une seule ỵle Pour les habitants, les plantes qui comptent ne sont pas forcément des raretés botaniques « Sur les 110 plantes utilisées par les populations, 23 sont spécifiques aux Marquises, rapporte Christian Moretti Du point de vue du biologiste, l’endémisme est le critère numéro un À l’évidence, il n’est pas le seul prendre en compte pour estimer le patrimoine biologique de l’archipel » Les enquêtes ethnobotaniques, conduites selon une approche quantitative auprès de 120 personnes, ont révélé un aspect important : les usages de la biodiversité et les connaissances associées se sont enrichis au gré des échanges avec l’extérieur, au sein d’une culture dynamique Loin d’être figés dans la tradition, les savoirs restent aujourd’hui très actifs Les scientifiques n’en reviennent pas « Nous avons été impressionnés par le nombre de personnes qui connaissent et utilisent les plantes, s’enthousiasme le pilote du programme Les usages pour l’artisanat ou la médecine familiale sont très importants et souvent très complexes, avec des remèdes médicinaux qui combinent parfois 10 espèces différentes » Baie de Hatiheu sur l’ỵle Nuku Hiva dans l’archipel des Marquises En mettant l’accent sur l’importance biologique et culturelle des espèces, le Programme Marquesas n’a pas négligé les menaces qui pèsent sur les ressources naturelles Les travaux pluridisciplinaires montrent que les enjeux se croisent, comme l’illustre le Tueiao, Rauvolfia nukuhivensis Arbuste endémique, très utilisé par la médecine traditionnelle, cette plante bénéficie d’une grande renommée locale D’après les scientifiques, il ne subsiste plus qu’une cinquantaine d’arbres dans l’archipel et les premières analyses prouvent qu’ils renferment des molécules originales du type alcaloïdes Le Tueiao est unique au monde, extrêmement vulnérable, porteur d’un potentiel économique et d’une forte valeur cultu- relle : emblématique du patrimoine biologique des Marquises ! ● Soutenu par l’État et la Polynésie, le Programme Marquesas mené par le CPRBI qui réunit lIRD, lUniversitộ de Polynộsie Franỗaise et lInstitut Louis Malardộ, a également été renforcé par une équipe de sciences sociales du Programme GOPS (Grand Observatoire du Pacifique Sud) Les résultats du Programme Marquesas feront l’objet d’un ouvrage intitulé « Patrimoine biologique de l’archipel des Marquises » proposé aux éditions de l’IRD et d’un recueil sur la pharmacopée des Marquises destination du public et des responsables de santé Contact christian.moretti@ird.fr Alliance contre un ravageur du riz au Vietnam Un ver nématode attaque les rizières dans toute l’Asie Des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires vietnamiens travaillent ensemble pour comprendre comment fonctionne le ravageur et trouver des parades P nise « Avec ma collègue Xuyen Ngo Thi de l’université d’Agriculture d’Hanoi, nous avons réalisé de grandes prospections couvrant l’ensemble du territoire vietnamien Elles complètent celles initiées par nos prédécesseurs de © IRD / S Bellafiore our lutter contre un criminel encore faut-il s’assurer de son identité exacte Est-ce la même espèce de nématode l’œuvre de l’Inde la Chine du Sud ? Face ce ver, véritable fléau des rizières, la traque s’orga- Racines de riz infestées par Meloidogyne graminicola au sud Vietnam Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 l’Orstom dans le sud du pays au début des années 90 », raconte Stéphane Bellafiore, jeune biologiste de l’IRD Ces 20 ans de recul sont une aide précieuse dans la lutte engagée contre le ravageur « Les priorités de cette époque, se souvient Georges Reversat, nématologiste la retraite, n’avaient pas permis aux Vietnamiens d’avoir une bonne appréciation de ce qui se passait dans le sol » Désormais, l’état des lieux établi permet aux scientifiques d’affirmer que l’agent pathogène l’œuvre est Meloidogyne graminicola Celui-ci a colonisé tous les écosystèmes l’échelle du continent asiatique, du bord de mer la montagne, et déborde même la zone tropicale Une fois dépassé ce problème de diagnostic, reste comprendre comment le nématode s’est répandu dans toutes les rizières et pourquoi son expansion s’est accélérée ces deux derniốres dộcades ô Nous nous sommes aperỗus que le ravageur était préjudiciable au riz lorsque celui-ci n’avait pas les pieds inondés », explique Xuyen Ngo Thi, phytopathologiste elle aussi Traditionnellement, la rizière est inondée après le repiquage du riz et jusqu’à un mois avant la récolte Mais dans le contexte de conflits pour l’usage de l’eau liés la forte augmentation des cultures marchères et des arbres fruitiers, les paysans n’ont plus la possibilité d’irriguer leurs rizières, une aubaine pour Meloidogyne… Quand une rizière est touchée, le parasite provoque 100 % de pertes sur une surface de 100 m2 par hectare et 20 30 % sur le reste de la parcelle Le nématode perturbe la circulation de la sève dans les racines du riz, provoquant l’affaiblissement voire la mort du végétal Pourquoi échappe-t-il au système de défense de ce dernier ? Pour répondre cette question clé, les chercheurs reprennent les échantillons collectés sur le terrain qui ont servi identifier l’espèce présente et sa répartition « Nous pensions que les sécrétions émises par le nématode sont cruciales dans l’invasion et l’établissement du parasite dans son hôte », précise Stéphane Bellafiore L’analyse exhaustive de ces dernières a permis d’identifier 486 protéines Dix d’entre elles semblent plus particulièrement impliquées dans le dialogue moléculaire entre Meloidogyne et l’organisme colonisé Cette équipe s’attelle parallèlement cerner les gènes du riz activés en réponse l’infection La connaissance des mécanismes sous-tendant d’une part l’immunité de la plante et d’autre part le pouvoir pathogène du nématode sera un pas vers l’incorporation de résistance efficace et durable dans les plants de riz Un espoir pour les millions de riziculteurs ● Contacts stephane.bellafiore@ird.fr UMR RPB (IRD / Cirad / université de Montpellier 2) Xuyen Ngo Thi ntxuyen20042000@yahoo.com université d’Agriculture d’Hanoi Des cadeaux empoisonnés ! Outre le manque d’eau pointé du doigt, un autre paramètre entrerait en ligne de compte pour expliquer la propagation du ver parasite l’échelle locale, d’une rizière l’autre Georges Reversat avait suspecté les bananiers dès 2002 Procurant une source de revenus secondaires, ceux-ci sont plantés sur les diguettes entourant les parcelles inondées Or une coutume vietnamienne veut que les beaux-frères s’échangent des bananiers d’une rizière l’autre Le nématode voyage ainsi gratis et contamine facilement le riz plusieurs kilomètres de son point de départ Les récentes explorations de Stéphane Bellafiore confirment que racines et bulbes de bananiers sont bel et bien infestés par la même espèce de nématodes La relève scientifique est assurée ! ● 00_005_005-IRD65_SAS65 31/07/12 09:45 Page5 La quadrature de l’eau en Méditerranée L ment de la pression anthropique, lié un accroissement rapide de la population et des activités économiques Pour évaluer l’impact de ces phénomènes concomitants sur les ressources en eau et leur disponibilité, les deux partenaires se sont lancés dans un travail d’une ampleur inédite « Il s’agit d’appréhender le stress hydrique, présent et venir, sur une immense zone de 1,5 million de km2, indique Denis Ruelland Pour cela, il faut estimer la disponibilité et la demande en eau cette vaste échelle » Concrètement, les hydrologues de l’équipe RESCUE-Med évaluent l’impact du changement climatique, actuel et aux horizons 2025 et 2050, sur les écoulements Ils confrontent, pour cela, les données de terrain des modèles prédictifs élaborés par le GIEC et des modèles hydrologiques simples mais robustes et fiables « Les experts proposent de nombreuses méthodes de calcul et différents scénarios en fonction des progrès ou de l’inertie dans les émissions de gaz effet de serre, explique le scientifique Nous avons retenu les plus éprouvés et les plus réalistes d’entre eux » Sans surprise, l’analyse des tendances montre que les manifestations du changement climatique ont dès aujourd’hui, et devraient avoir davantage l’avenir, un impact négatif pour la disponibilité de la ressource en Maroc eau sur le pourtour méditerranéen « Certaines zones, les plus mal dotées, le Proche-Orient et le Maghreb notamment, seront plus durement touchées par la pénurie qui s’annonce », souligne l’hydrologue Les ressources en eau sont en effet inégalement réparties autour du bassin méditerranéen, puisque la plupart des grands fleuves coulent sur la rive nord L’évolution climatique pourrait donc accentuer ces déséquilibres En se basant sur les rapports nationaux et les projections officielles, collectés par les représentants du Plan Bleu dans chaque pays, l’étude s’emploie également estimer l’évolution de la demande en eau La croissance démographique, les aménagements industriels, les projets agricoles et notamment l’extension prévue des surfaces irriguées et le type de cultures envisagé sont pris en compte Les besoins domestiques sont calculés en affectant une consommation moyenne par habitant Ils ont déjà doublé en cinquante ans et sont appelés crtre encore la mesure de l’envolée de la population sur presque tout le bassin « Toutes nos simulations vont dans le même sens, la demande devrait continuer d’augmen- ter et la ressource diminuer, la tension est inéluctable », estime le chercheur Poussant l’exercice plus loin encore, les partenaires ont exploré les moyens d’action dont disposent les gestionnaires de l’eau « Un important potentiel d’économies d’eau existe, notamment dans le secteur agricole, grâce une combinaison d’outils techniques, d’instruments économiques et règlementaires, indique Céline Dubreuil Ce potentiel représente un quart de la demande actuelle en Méditerranée » Les réseaux vétustes de transports de l’eau, source d’importantes déperditions, et les techniques d’irrigation gravitaires, très utilisées sur la rive sud de la Méditerranée, devraient être remplacés par du goutte goutte, beaucoup plus sobre pour un même résultat Les autorités ont d’ores et déjà engagé ou planifié de telles améliorations « Mais nos simulations montrent que ces actions, même menées bien, ne devraient pas suffire rétablir l’équilibre entre ressources et besoins en eau, en particulier sur la rive sud », conclut Denis Ruelland ● Ressources en eau sous contrainte de scénarios climatiques et d’usages de l’eau en Méditerranée, au sein de l’UMR Hydrosciences Montpellier Comptes rendus Geoscience (2012), in press Programme des Nations unies pour l’environnement Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat Partenaires es pays méditerranéens manquent d’eau douce et ỗa ne devrait pas aller en sarrangeant, bien au contraire… « Les effets du changement climatique et l’augmentation des besoins agricoles et domestiques s’y cumulent pour accentuer le stress hydrique déjà observé localement », affirme l’hydrologue Denis Ruelland Son équipe, RESCUEMed1, mène une vaste étude prospective sur les ressources en eau dans le bassin méditerranéen, en partenariat avec le Plan Bleu Cet organisme de coopération régionale est mandaté par le PNUE2 pour coordonner la mise en œuvre de stratégies de développement durable auprès des 21 pays riverains de la Méditerranée « L’idée est d’établir des scénarios prédictifs, qui permettront d’orienter les décisions des autorités et des gestionnaires de l’eau », explique Céline Dubreuil, chargée du programme Eau pour le Plan Bleu Selon les experts du GIEC3, cette région du monde devrait être directement exposée des bouleversements climatiques majeurs entrnant une baisse des précipitations, une augmentation de la température moyenne et une multiplication des événements extrêmes, comme les sécheresses ou les inondations Ces manifestations sont déjà perceptibles Dans le mờme temps, la rộgion connaợt un trốs fort dộveloppe- â IRD / T Ruf Changement climatique et pression anthropique pourraient précariser davantage les ressources en eau autour du bassin méditerranéen L’équipe RESCUE-Med et le centre d’activités régionales Plan Bleu ont mené une étude prospective sur le sujet Contacts denis.ruelland@um2.fr UMR HydroSciences Montpellier (IRD, CNRS, Université Montpellier et Université Montpellier 2) Céline Dubreuil cdubreuil@planbleu.org Plan Bleu Certaines régions du bassin méditerranéen connaissent de nos jours un stress hydrique important (1) À l’horizon 2050, l’évolution projetée de la ressource et de la demande en eau (scénario tendanciel) risque d’accrtre encore ce stress (2) Les aménagements souhaitables, en vue d’optimiser les réseaux d’eau et dont les effets sont pris en compte ici (scénario alternatif), ne suffiront vraisemblablement pas inverser cette tendance (3) © IRD / L Corsini Indicateur de stress hydrique Des parasites naturellement résistants ? « Il est légitime de considérer la réémergence observée des cas de leishmanioses humaines et canines en Europe et sur le pourtour de la Méditerranée comme un fait préoccupant », confie Laurence Lachaud, médecin associé l’UMR Mivegec Causées par Leishmania, elles sont peu connues du grand public mais représentent pourtant l’une des premières maladies parasitaires dans les pays de cette région Dans ce contexte, le signalement en Inde, au Népal et en Amérique du Sud de souches de Leishmania résistantes aux traitements classiques pose un réel problème de santé publique Retrouve-t-on également des parasites ayant développé cette résistance dans la zone méditerranéenne ? Y a-t-il un risque de passage l’Homme de ces agents résistants depuis leur réservoir (le chien) avec, dans le rôle de l’insecte vecteur, un phlébotome présent dans la région ? Pour répondre ces questions, une vétérinaire s’associe un médecin et deux biologistes1 L’enquête menée par les quatre spécialistes se déroulait dans une dizaine de quartiers d’Alger « Parmi les 24 souches de Leishmania isolées partir d’échantillons de sang et de mœlle de chiens errants et mises en culture en présence d’antimoine, cinq se sont avérées peu sensibles ces molécules utilisées pour le traitement des cas humains de leishmaniose », révèle Khatima Aït-Oudhia, vétérinaire et initiatrice de l’étude La surprise vient du fait que ces chiens sans propriétaire n’ont bien évidemment jamais fait l’objet du moindre soin « Il ne s’exerce, a priori, aucune pression de sélection sur le réservoir canin dans la zone échantillonnée », livre Denis Sereno, chercheur l’IRD (UMR Mivegec) Autrement dit, le caractère résistant de ces souches ne s’est pas développé la suite d’un contact répété avec les antimoniés Le biologiste et ses collốgues soupỗonnent que des facteurs environnementaux sont impliqués dans l’acquisition de ces résistances sans pouvoir encore dire lesquels De même que les multiples déterminismes moléculaires en sont inconnus Reste qu’il est essentiel de déterminer la capacité de transmission de ces souches afin de mieux évaluer le risque que des humains soient contaminés Ce dernier n’est certainement pas négligeable en Algérie puisque c’est une zone d’endémie de la forme de leishmaniose la plus dangereuse Pour l’instant aucune souche résistante n’a été trouvée chez des chiens en France ou en Espagne La prévalence de ces parasites particuliers n’est pas connue pour les autres pays méditerranéens La mise au point de tests moléculaires, moins lourds que ceux pratiqués par culture in vitro, permettra d’évaluer l’ampleur du phénomène et d’en surveiller l’évolution Les scientifiques comptent aussi comprendre comment ces résistances – en général liées une plus grande virulence des parasites – se créent naturellement, mécanisme sans doute valable pour d’autres maladies infectieuses ● Bruno Oury, IRD, UMR Mivegec Contacts denis.sereno@ird.fr UMR Mivegec (IRD, CNRS, UM et 2) Khatima.AitOudhia@gmail.com École nationale supérieure vétérinaire, Alger © K Aït-Oudhia Une équipe franco-algérienne met au jour, chez le chien, des parasites de la leishmaniose dont la résistance aux médicaments ne serait pas directement liée aux traitements Zone risque en milieu périurbain (Alger) Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 00_006_006_IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 09:51 Page6 Interview de Dominique Fournier responsable scientifique de Prefalc Du master au réseau régional Le programme Prefalc1 propose une approche originale du soutien la formation au Sud Il appuie en effet des masters associant au moins trois institutions d’enseignement supérieur, dont deux latino-américaines de pays distincts, et une hexagonale En une dizaine d’années d’existence, il est devenu l’un des fleurons du rayonnement scientifique franỗais auprốs des universitộs de ce continent Son but ultime est d’encourager l’émergence d’une coopération académique régionale Dominique Fournier, son responsable scientifique, répond aux questions de Sciences au Sud Sciences au Sud : Quel bilan faites-vous des actions menées par Prefalc, dix ans après le début du programme ? Dominique Fournier : En quelques années, le dispositif s’est considérablement professionnalisé Sa vocation initiale, de renforcer les relations académiques régionales en faisant collaborer les institutions latino-américaines entre elles, est également en bonne voie Les exemples de partenariats régionaux, de coopérations universitaires, suscités par les masters ou institués dans leur sillage, sont nombreux Au plan scientifique enfin, de belles réussites sont noter, comme par exemple la création d’un laboratoire d’aéronautique au CNRS, consécutive une formation impliquant l’université de Poitiers et des institutions argentine et brésilienne Au total, une centaine de masters, impliquant 16 pays latino-américains, ont été soutenus par le programme et plus de 500 étudiants formés SAS : En quoi Prefalc est-il un programme novateur ou original ? D F : Il l’est plusieurs titres D’abord, il y a cette idée de dépasser les coopérations bilatérales habituelles, en imposant un partenariat trois au moins, pour créer des liens académiques entre pays latino-américains Par ailleurs, Prefalc supporte des masters, alors que tous les autres dispositifs de coopération universitaire ou presque visent des écoles doctorales Il répond en cela une logique réaliste, consistant améliorer la formation des étudiants en amont, pour structurer des relations futures d’un meilleur niveau académique Pour avoir une bonne recherche, il faut en effet avoir un bon enseignement Enfin, au plan pratique, Prefalc se démarque aussi, puisqu’il ne soutient que le déplacement des enseignants, laissant aux établissements partenaires le soin de trouver d’autres financements Il est, de ce fait, un programme particulièrement efficient dans le domaine de la diplomatie scientifique, d’un point de vue investissement-résultats SAS : Les projets soutenus par Prefalc sont-ils structurants pour les universités partenaires ? D F : Comme imaginé au départ, ils contribuent effectivement au développement de synergies académiques régionales et, ce faisant, renforcent les capacités scientifiques et pédago- giques des institutions partenaires Les instituts d’agronomie d’Uruguay et du Pérou, par exemple, sont venus collaborer par l’intermédiaire d’un master soutenu par le programme Mais en plus, grâce la notoriété du dispositif en Amérique latine, les projets Prefalc apportent une visibilité internationale très positive aux établissements concernés SAS : Quelles sont les évolutions envisageables dans le cadre de cette coopération ? D F : Plusieurs pistes sont étudiées, et notamment une montée en puissance de la recherche en associant le CNRS, qui limite jusqu’ici ses coopérations universitaires au niveau doctoral Nous souhaitons également optimiser l’articulation du dispositif avec l’activité des attachés universitaires des ambassades de France, pour donner davantage de cohérence nos interventions Au plan des enseignements, l’idée d’organiser des universités d’été, portée par l’IRD, semble particulièrement intéressante Cela permettrait de regrouper les étudiants et les enseignants étrangers dans une même session de cours SAS : Comment renforcer la collaboration entre universités franỗaises et institutions de recherche franỗaises, comme lIRD/AIRD autour de projets de coopération scientifique ? D F : Tout simplement en affirmant leur présence conjointe sur le terrain international, l’important c’est d’investir ce domaine Pour tous ces acteurs, il convient d’avoir une vision globale de nos activités, comme le fait déjà l’AIRD, et pas uniquement centrée sur la recherche pour les uns et sur l’enseignement pour les autres La philosophie du programme Prefalc, très concrète, répondant des demandes pratiques en termes de formation, peut aider les institutions hexagonales renforcer leurs liens autour de la coopération scientifique ● Programme régional France, Amérique latine, Caraïbes, crée par le MAE en 2003, impliquant le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la Fondation maison des sciences de l’homme et, depuis 2008, l’IRD Contact Dominique Fournier fournier@msh-paris.fr Fondation maison des sciences de l’homme Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 uoi de plus formateur que 15 jours passés en immersion au cœur de la forêt équatoriale au contact permanent d’une équipe de chercheurs expérimentés ? Avec Ecotrop 20121, les stagiaires gabonais, camerounais et franỗais ont bộnộficiộ dune formation sur mesure : les uns venaient renforcer leurs connaissances techniques, les autres se confronter pour la première fois aux réalités du terrain À un cadre exceptionnel – le Parc national de La Lopé au Gabon – s’ajoutait un large éventail d’encadrants chevronnés en écologie, entomologie, génétique, géographie, palynologie, archéologie et géologie « La transmission des savoirfaire se fait naturellement quand les étudiants sont plongés dans des conditions proches de celles de la recherche D’autant que chaque spécialiste n’encadrait que ou stagiaires la fois », précise David Sebag, enseignant-chercheur de l’université de Rouen accueilli l’IRD et initiateur de cette expérience originale L’idée de cette « école de terrain » a germé en 2010 lors d’un bivouac en forêt tropicale en compagnie de Richard Oslisly, archéologue l’IRD et grand arpenteur des régions reculées d’Afrique centrale et de Thibaud Decaens, écologiste des milieux tropicaux dans la même université que David Sebag Les trois complices ont alors conỗu ce module pour plonger les ộtudiants dans une ambiance « recherche non stop » Ils ne Cartographie des paysages sont pas seuls dans cette aventure qui a bénéficié du soutien logistique de la Représentation régionale de l’IRD Yaoundé et de la volonté affirmée de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux du Gabon De l’édition pilote en 2011 celle de cette année, le périmètre disciplinaire et les partenariats se sont étoffés puisque le consortium regroupe maintenant une quinzaine de partenaires universitaires et institutionnels2 Confirmant l’intérêt de l’initiative, Ghislain Moussavou, responsable de la Station d’Étude des Gorilles et des Chimpanzés (Franceville, Gabon), souligne « Cette école a un double objectif, former les stagiaires aux réalités du terrain mais aussi fédérer les activités de recherche des équipes partenaires » Contribuer une meilleure connaissance écologique et paléoenvironnementale de ce site mondial de l’Unesco a été moteur dans le projet qui s’inscrit dans le cadre du Programme Pilote Régional Forêt Tropicale Humide de l’IRD, outil structurant l’échelle sous-régionale « L’enjeu est maintenant de pérenniser le dispositif, car ce module sera intégré aux maquettes des universités partenaires dès l’an prochain et doit conduire l’émergence d’une véritable filière en écologie, biodiversité et gestion des écosystèmes tropicaux dans le cadre d’un master international », explique Nicaise Lepengue, chef du département de Entomologie : piégeage lumineux Biologie de l’université des Sciences et Techniques de Masuku Finalement, cette démarche ascendante qui part des réalités du terrain pour construire une formation la recherche par la recherche se révèle payante et sera transposée dès l’été 2012 la thématique des ressources en eau dans le bassin du lac Tchad (école de terrain Hydraride au Nord Cameroun) ● École de terrain en écologie tropicale (15 mars - 1er avril 2012, La Lopé, Gabon), organisée par l’université des Sciences et Techniques de Masuku (Gabon), l’université de Rouen, l’université de Rennes 2, l’IRD et la Wildlife Conservation Society En particulier l’AIRD, l’AUF, le Centre International de Recherches Médicales de Franceville (Gabon) et l’EPHE Contacts david.sebag@ird.fr Université de Rouen / accueil IRD, UMR HSM (IRD, CNRS, UM1, UM2) Nicaise Lepengue, USTM (Gabon) © J Oszwald Q © DR Formation Retour d’expérience originale dans un site classé Patrimoine mondial Nature / Culture par l’Unesco © M-A Marchand Étudiants en immersion Atelier Niger Mtriser les appels d’offre Les appels d’offre, candidatures projet, demandes de soutien, les démarches administratives entourant la recherche sont de plus en plus complexes et incontournables Pour y faire face, les scientifiques doivent acquérir de nouvelles compétences d’intermédiation, de rédaction, de négociation Récemment, la représentation de l’IRD au Niger a organisé une formation en ce sens, la demande du recteur de l’université Abdou Moumouni de Niamey1 Durant jours, 25 enseignants-chercheurs se sont initiés au montage de projets de recherche, ont appris conntre les organes scientifiques et leurs canaux de diffusion d’appels d’offre La découverte des institutions de recherche et de la subtilité de leurs mécanismes devrait sensiblement améliorer le succès des projets déposés par la communauté universitaire nigérienne Outre la formation pratique des participants, cette session vise aussi constituer parmi eux un noyau dur de formateurs, pour dupliquer la démarche et former un grand nombre de scientifiques nigériens ● « Formation la rédaction de projets en réponse des appels d’offre », 5-8 juin 2012 Contact niger@ird.fr 00_007_010-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 09:10 Page7 L’impact écologique des bosquets sacrés bwaba es caractéristiques écologiques des bosquets sacrés des Bwaba1, dans l’ouest du Burkina Faso, contribuent remettre en question l’idée qu’ils forment nécessairement des espaces de conservation de la biodiversité « Ces sites naturels sacrés ne constituent pas une catégorie écologique homogène et les communautés végétales variées qu’on y rencontre sont en général assez semblables celles des autres milieux », explique Anne Fournier, phytoécologue Cependant, selon des relevés botaniques récemment réalisés par un doctorant burkinabé, une petite proportion des sanctuaires boisés bwaba abrite aussi quelques espèces rares Peut-on pour autant parler d’une volonté de conserver la biodiversité, au sens contemporain du terme ? « Non », assure Anne Fournier Ainsi, elle a pu observer que « si une espèce invasive s’installe dans un sanctuaire boisé, les populations locales ne font rien pour y remédier » C’est le cas d’Azadirachta indica, espèce exotique plantée dans les villages du Burkina pour ses multiples vertus, qui est en train d’envahir certains sites sacrés Les observations et enquêtes d’Anne Fournier au Burkina Faso, menées en étroite collaboration avec Stéphan Dugast et Danouta Liberski-Bagnoud2, anthropologues, l’ont conduite mieux comprendre les motivations des habitants « Les Bwaba possèdent une parfaite connaissance des dynamiques de la végétation, dont les évolutions leur apparaissent normales, même quand elles entrnent la disparition d’espèces », précise-telle Finalement, l’essentiel est le respect des rites et des entités invisibles qu’ils honorent Dans cette logique, la composition végétale des lieux sacrés importe peu et on ne cherche pas conserver une nature originelle Enfin, « si la présence d’arbres est appréciée, notamment pour l’ombre qu’elle apporte et comme témoignage du respect des interdits, elle n’est pas indispensable », ajoute Anne Fournier Pour preuve, les Bwaba comptent aussi des sanctuaires non boisés Finalement, conclut-elle, « si cette protection par la tradition des sites naturels sacrés peut parfois contribuer la conservation d’une nature exceptionnelle, ce n’est jamais qu’une conséquence de leur but religieux » ● 2011, Biodiversity Conservation Forêts sacrées et sanctuaires boisés, des créations culturelles et biologiques, 2010 Contact anne.fournier@ird.fr UMR Patrimoines Locaux (IRD, MNHN) Dotés d’un statut très particulier, la fois dans les esprits et dans les usages, les sanctuaires boisés font l’objet de précautions spécifiques Les initiatives lancées pour mieux protéger ou restaurer ce patrimoine aujourd’hui menacé s’appuient souvent sur l’idée qu’il constitue un conservatoire de biodiversité ; idée pourtant actuellement battue en brèche par les chercheurs, qu’ils soient historiens, écologues ou ethnologues Au Kenya, comme au Togo et au Bénin, face des pressions croissantes, les modes de gestion des bois sacrés évoluent Au Burkina Faso, l’étude écologique révèle une végétation variée et qui se transforme, bien loin de l’idée d’une végétation originelle maintenue en l’état Et le système d’interdits protégeant les sites naturels sacrés, comme au Togo, repose avant tout sur des préoccupations cultuelles Comprendre le vrai visage des sanctuaires boisés est nécessaire afin de ne pas se méprendre sur les modes de gestion l’œuvre et ainsi mieux accompagner leur futur au moment de l’émergence des villages et de pratiques sociales et rituelles sur le long terme », illustre Marie-Pierre Ballarin, historienne Afin de protéger la sacralité de ces sites, les responsables religieux font respecter les interdits et contrôlent l’accès et l’utilisation des ressources naturelles Cette gestion par le religieux a aussi permis la conservation d’une certaine diversité biologique « Mais cette biodiversité est bien différente d’une végétation originelle, précise Dominique Juhé-Beaulaton, historienne Elle varie selon les facteurs écologiques, les conditions de leur création et les pratiques rituelles qui s’y déroulent » Aujourd’hui, ces forêts sacrées sont menacées Les sollicitations sont récurrentes pour les exploiter Elles proviennent pour partie de l’extérieur, pour faire face une demande croissante de terres, de bois combustible et de matériaux pour la construction « Et l’autorité des responsables ne suffit pas toujours conserver l’intégrité de ces sanctuaires convoités », Aspect le plus fréquent des sites sacrés de la région de Bondoukuy au Burkina Faso : observe Marie-Pierre Ballarin un petit bosquet isolé au milieu des champs « Cette situation pose inévitaproches du village blement la question des condi- © IRD / A Fournier Des interdits pour protéger la sacralité du lieu u Togo, comme ailleurs en Afrique notamment, les Bassar préservent leurs bois sacrés via un système d’interdits « Ces interdits suivent une gradation, qui est fonction de la place du lieu dans les pratiques rituelles », précise Stéphan Dugast, ethnologue Certains sites vont simplement être protégés par une interdiction de cultiver D’autres seront soumis des interdits supplémentaires, comme celui de prélever du bois de chauffe Pour d’autres viendra s’ajouter celui du passage du feu et pour certains, celui de la chasse « Si on s’en tient cette liste, le système semble conforter l’idée que les modes de préservation mis en place par les Bassar consti- Les forêts sacrées, entre rites et biodiversité ieux où se jouent les relations sociales, les forêts sacrées, ou kayas, de Rabai, au Kenya, comme les forêts vodou, au Togo et au Bénin, sont aussi devenues les lieux où se nouent des stratégies politiques, économiques et de protection du patrimoine différentes échelles Refuge au cours des migrations puis lieux de culte pour les Mijikenda du Kenya, comme pour les Ewe du SudTogo, ces sites naturels sacrés sont souvent liés l’histoire des populations Comme pour bien des sanctuaires vaudous, « l’existence des kayas en tant que forêts sacrées résulte de la conjonction des rites de fondation Recherches Cérémonie de purification du parlement (moroni) Village de Rabai Le parlement, situé l’ombre d’un manguier se trouve de nos jours en dehors des kayas en elles-mêmes, et est l’endroit où, chaque lundi, les anciens se concertent et règlent les problèmes de la communauté tions de la préservation de leur biodiversité », souligne sa collègue Des initiatives commencent se dộvelopper dans ce sens Lộcotourisme, notamment, est perỗu comme un mode de protection original « Au Bénin, en 1993, le responsable de la forêt de Ouidah a ouvert le site au tourisme », indique Dominique JuhéBeaulaton À Rabai, un projet d’écotourisme a également vu le jour « La kaya Mudzi Muvya est ouverte au public depuis décembre 2009 mais il est encore trop tôt pour observer l’impact de ce projet », précise Marie-Pierre Ballarin Et une reconnaissance internationale de ce patrimoine est en cours Depuis 2008, onze kayas, par ailleurs classées au niveau national, figurent au Patrimoine Mondial de l’Unesco et au Patrimoine culturel en danger ● tuent des modes de protection locaux de la nature », observe Stéphan Dugast Mais « si l’on s’attache comprendre la véritable logique de ces interdits, on saperỗoit quils reposent sur des prộoccupations toutes autres » Revenons l’interdiction du passage du feu Les Bassar vivent dans une zone de savane, milieu dont le feu est un élément constitutif Aussi, lutter contre le feu est une pratique qui vise moins préserver le caractère naturel d’un site qu’à orienter sa composition végétale « Un couvert végétal plus touffu, tel que celui qui se constitue dans ces milieux lorsqu’un espace est soustrait au passage des feux, convient idéalement pour évoquer un lieu privilégié d’accès aux forces surnaturelles pourvoyeuses d’abondance », explique Stéphan Dugast Par ailleurs, d’autres interdits n’ont tout simplement pas pour objet un élément de la nature Par exemple, l’occasion de toute intervention rituelle au sein même de l’enceinte boisée, une règle supplémentaire vient s’ajouter : il faut se dévêtir Ce nouvel interdit ne s’accorde pas avec une logique de protection de la diversité biologique du lieu « Ces sanctuaires boisés figurent, pour les Bassar, des points de connexion entre un monde de l’origine et le monde des humains Le premier abrite, l’état de germes, tout ce qui compose le second L’obligation de se dévêtir repose ainsi sur l’idée d’un retour l’état de l’homme originel, afin de ne pas troubler la connexion entre ces deux mondes », précise Stéphan Dugast Pris dans son ensemble, le système d’interdits révèle ainsi le décalage qui existe entre une préservation de la biodiversité au sens où l’entendent les politiques nationales et internationales et les pratiques traditionnelles locales, motivées par d’autres objectifs Si ce système peut néanmoins avoir une influence sur la biodiversité des bois sacrés, cela se fait de manière contingente, par des voies indirectes ● Contact Stéphan Dugast sdugast@mnhn.fr UMR Patrimoines Locaux (IRD, MNHN) Contacts marie-pierre.ballarin@ird.fr UMR URMIS (IRD, les universités de Paris Diderot et Nice-Sophia Antipolis) Dominique Juhé-Beaulaton domi.beaulaton@orange.fr Centre d’études des mondes africains (CNRS, Université Paris 1, EPHE, Université de Provence) © IRD / S Dugast © NMK - IRD / Ashikoye, Steve Okoko Pratiques rituelles et biodiversité des sanctuaires boisés Forêt sacrée de Dikil au Togo l’entrée de laquelle les ritualistes se dévêtent car ils ne peuvent y pénétrer avec des habits, le principe étant que ce lieu constituant un point de contact avec le monde de l’origine, on ne peut s’y introduire qu’en se présentant soi-même dépouillé des habits qui sont des produits de la société humaine Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/aỏt 2012 00_007_010-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 09:56 Page8 © IRD / J Mallet Musique du S entre scène l Autrefois circonscrites la place du village, les musiques du Sud Recherches ont investi la scène mondiale en quelques décennies Échanges maritimes, enregistrement sonore, radiodiffusion, tourisme, migrations internationales et internet sont autant de facteurs historiques et technologiques impliqués dans ce passage, d’abord progressif puis accéléré, du local au global Des cales des navires négriers aux ondes hertziennes et aux réseaux sociaux, les nouvelles communications ont contribué la fois diffuser et mélanger les genres musicaux D’Addis-Abeba Cancun, du Caire Tuléar ou la Havane, les sons se brassent, dans un jeu complexe de circulations, de pouvoir et de mutations sociales Autant de pistes creuser qui mobilisent anthropologues, historiens et ethnomusicologues… Le tsapiky entre le village et le global aux disparus Le tsapiky, lancinant et prolongé – les performances durent trois jours sans interruption –, permet aux participants de rejoindre, dans des quasi transes, un état de conscience proche de celui des défunts « Le mouvement artistique s’organise selon une circulation continue entre les campagnes et la capitale provinciale, explique le chercheur Les musiciens, d’origine rurale, viennent la ville pour intégrer des orchestres et s’associer des managers locaux – organisateurs de tournée et propriétaires des instruments et du matériel –, afin de produire des titres sur K7, nécessaires pour se faire conntre et désirer dans les villages où ont lieu la majeure partie des cérémonies » Sans délaisser leur rôle traditionnel local, les artistes de tsapiky profitent de la vague technologique des années 2000 pour élargir leur audience Des années après l’irruption de Lulu Masiléla dans le paysage musical de Tuléar, certains d’entre eux ont pris le train de la world music, coup de video-clips, de sites web, d’implantation dans la capitale nationale ou de tournées dans le monde ● Point de vente de cassettes sur le marché de Tuléar © IRD / J Mallet ntre l’Afrique et la Grande Ỵle, la campagne et la ville, le monde des vivants et l’Au-delà, le tsapiky1 de Tuléar Madagascar est fondé sur de multiples interactions et d’incessantes circulations « Ce style est le fruit d’une mondialisation musicale avant l’heure, révèle l’ethnomusicologue Julien Mallet Il est né de la rencontre, dans les années 1970, entre musiques africaines et musiques villageoises, elles-mêmes issues des nombreuses sphères d’influences ethniques de la région » À cette époque, la côte sud-ouest de Madagascar capte surtout les ondes radiophoniques du continent voisin Grâce ce décloisonnement technologique nouveau, les succès sudafricains, relayés par des accords de diffusion passés entre les maisons de disques africaines et malgaches, viennent renouveler l’inspiration des artistes traditionnels tuléarois Ainsi, un musicien sud-africain, Lulu Masiléla, imprime durablement sa marque dans les répertoires locaux, au point de susciter un genre musical Tuléar, appelé le « Lulu » L’industrie discographique malgache reprend cette dynamique son compte Elle produit des 45 tours avec des titres de « Pecto », l’ancêtre du tsapiky, et apporte un public extrarégional aux artistes locaux Mais les hommes d’affaires sont versatiles et, bientôt, les éditeurs de la capitale délaissent la musique malgache pour presser de la variété occidentale sur leurs galettes de vinyle Privés d’audience nationale, les musiciens de Tuléar restent très actifs au niveau régional où leur art est indissociable des cérémonies traditionnelles Ils animent et sonorisent, coup d’avalanches de décibels, les mariages, les circoncisions et surtout les funérailles Les groupes musicaux occupent une place centrale dans le dispositif de ces fêtes joyeuses mêlant danses, agapes et ostentations pour rendre hommage Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/aỏt 2012 © IRD / Nicolas Puig Des haut-parleurs sont fixés sur des poteaux de plusieurs mètres de haut afin de couvrir un champ le plus large et le plus lointain possible (groupe TsyAjaza, funérailles Ankaranila) Les chansons populaires partagent le Caire Ambianceur dans un mariage dans le quartier de Darb al-Ahmar (2003) Le tsapiky, une jeune musqiue de Madagacar Édition Karthala Contact julien.mallet@ird.fr UMR URMIS (IRD, Université Paris Diderot – Paris et Université de Nice Sophia Antipolis) e quartier en quartier, de fête en fête, la musique « shaabi »1 et ses interprètes propagent une forme très populaire de culture dans l’immensité du Caire Le genre, hérité du mawal d’origine rurale, est apparu dans les années 70 Entre paroles grivoises et évocations des problèmes sociaux et urbains, il renouvelle un rôle de chronique musicale, illustré selon les époques par des envolées lyriques la gloire de Nasser et de sa politique nationaliste ou par des couplets critiques visant Anouar el-Sadate et son « ouverture » décriée Les chanteurs et instrumentistes de ce « néo-mawal » remplissent une fonction essentielle dans les nouveaux rituels urbains, celle d’animateurs de mariages2 Ils adaptent leur répertoire, souvent composé de chansons courtes aux paroles improvisées selon la situation, pour chacune des cérémonies Car ce sont des moments privilégiés pour la présentation de soi et l’évaluation de la position sociale de chacun des participants À coup d’ostentation, de décibels et de louanges, les artistes accueillent les invités et mettent en scène la remise des dons aux mariés, une circulation financière constitutive du contrat social dans les milieux populaires En véritables passeurs de culture, les musiciens sont de grands connaisseurs de la ville « Ils aiment dire qu’ils sentent l’odeur des fêtes, explique l’anthropologue Nicolas Puig Ils insistent sur leur aptitude se déplacer dans tous ces lieux et milieux, parfois hétérogènes, et interagir avec leurs habitants » Audelà de l’itinéraire de ces performances festives, le néo-mawal et ses récents avatars diffusent bien plus largement dans l’espace public cairote Sur CD gravés, lecteurs MP3 ou via les haut-parleurs tonitruants des transports en commun qu’em- pruntent les populations défavorisées, il quitte les zones périphériques pour répandre dans la ville la culture des quartiers pauvres « Son intrusion, qui déplace les frontières sociales et culturelles l’extérieur des limites territoriales des populations modestes, perturbe les classes plus aisées et alimente les débats sur la légitimité de ces populations partager la ville », note le chercheur L’aspect revendicatif et la portée sociale de ses paroles ne plaisent pas davantage Assimilées aux immenses quartiers d’urbanisation non réglementaire et aux mœurs supposées frustres de leurs habitants, ces « musiques de minibus » sont stigmatisées, tenues pour mineures et triviales Elles n’ont aucun droit de cité dans les médias officiels et suscitent des entreprises de normalisation culturelle Pour échapper ces représentations négatives, certains artistes tentent de projeter leur art au-delà des quartiers populaires, vers la scène nationale Pour cela, ils se démarquent des courants les plus canailles de la chanson et tentent de produire une musique fréquentable, plongeant ses racines dans les quartiers historiques L’irruption des réseaux sociaux – avec leurs moyens de diffusion alternatifs et leur vaste audience potentielle – et le vent de liberté qui souffle sur les pays arabes pourraient aujourd’hui rebattre les cartes du paysage musical égyptien et reposer ainsi la question des implications sociales et politiques des circulations culturelles ● Littéralement populaire Farah - musiciens de noces et scènes urbaines au Caire (Voir page 14) Contact nicolas.puig@ird.fr UMR URMIS (IRD, Université Paris Diderot - Paris et Université de Nice Sophia Antipolis) 00_007_010-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 09:56 Page9 Sud : locale et mondiale Les racines afro-caribéennes retrouvées du Quintana Roo Carte de migration d’un Bélizien au Mexique au début du XXe siècle poser une équivalence entre « Mexicain » et « métis » Ce faisant, elle a développé des processus d’appropriation pour phagocyter les éléments d’altérité Mais la « différence », plus fondue dans l’identité mexicaine que niée, ressurgit de temps en temps Ainsi, la faveur d’une période de libre commerce entre le sud du Mexique et le Bélize, dans les années 1960, la musique afro-caribéenne connt un renouveau dans la région, en écho son dynamisme de l’autre côté de la frontière Plus tard, après 1974, date laquelle le Quintana Roo est le dernier État intégrer la fédération mexicaine, se produit le mouvement inverse : la volonté de manifester l’attachement de la région l’identité nationale et l’arrivée de nombreux migrants de l’intérieur, amenant leur propre répertoire, ré-estompent ce genre musical Enfin, plus récemment, cette référence culturelle la sphère caribéenne ressurgit Le Quintana Roo, désormais fermement assimilé la nation mexicaine, tente au contraire de marquer sa singularité régionale Un festival des musiques caribéennes est même créé par les autorités locales, avec un grand succès Le tourisme contribue également ce retour en force de la musique « afro » Le Quintana Roo, Le reggae entre Afrique rêvée et Afrique réelle et ont connu un immense succès national et international Plusieurs générations de musiciens africains en perpétuent la pratique, avec pour certains un rôle sociopolitique important En Éthiopie, pays hautement symbolique pour la culture rastafari, le reggae occupe une place encore marginale mais en pleine croissance Des Rastafariens américains ou jamạcains « rapatriés » contribuent depuis les années 1970 sa visibilité Devenus des passeurs de culture, ils se produisent régulièrement et jouent avec des musiciens locaux, comme Haile Roots et Teddy Afro, les plus célèbres d’entre eux Sa musique, porteuse d’un message contestataire, connt un grand succès auprès du public local et des diasporas éthiopiennes « Mais ce succès se fait au prix d’un renversement, remarque la chercheuse Musique de défavorisés, de marginaux et d’exclus en Jamaïque, elle s’adresse ici un public privilégié, dont la jeunesse ‘‘dorée’’ d’Addis-Abeba et les Éthio- © IRD / G Bonnaci force de chanter l’Afrique, la musique des Rastafariens a gagné sa terre promise… On distingue en effet, depuis les années 80, l’émergence d’un reggae « africain » très dynamique, qui a assimilé les références « roots » pour prendre du sens dans des contextes très différents « Pour la jeunesse africaine, faire du reggae ou en écouter est une option identitaire très attirante, affirme l’historienne Giulia Bonacci, pour expliquer l’engouement suscité par cette musique, notamment dans les zones urbaines Le reggae représente la fois une culture ‘‘noire’’ internationale, reconnue et valorisante, et une langue ‘‘globalisée’’, parlée par beaucoup » Dès sa naissance, en 1968 en Jamaïque, ce genre musical s’inscrit en effet dans une logique de circulations et de dialogue entre l’Afrique et ses diasporas Héritier de la musique populaire jamaïcaine, il embrasse des causes, comme l’émancipation des esclaves, le combat contre l’apartheid ou une identité noire et fière, et un imaginaire, fondé sur la solidarité raciale entre Africains et descendants d’Africains, qui lient la petite ợle caribộenne au monde panafricain ô Trois facteurs ont joué un rôle déterminant dans la diffusion internationale du reggae, estime la spécialiste La musique et la notoriété de Bob Marley, les migrations jamaïcaines vers les États-Unis et l’Angleterre et le développement de l’industrie du disque et de ses avatars, les labels indépendants et les enregistrements pirates notamment » L’Ivoirien Alpha Blondy et le Sud-Africain Lucky Dube, pionniers du genre sur le continent africain, ont su rendre hommage leurs nés jamạcains dans de multiples langues avec ses célèbres stations balnéaires de Cancun et Playa del Carmen notamment, est devenu une des destinations les plus fréquentées du monde Dans ce cadre, les jeunes artistes locaux trouvent des financements, des espaces, des contacts pour présenter leur musique afrocaribéenne et mexicaine ● Article partre dans les Cahiers d’études africaines Contact elisabeth.cunin@ird.fr UMR URMIS (IRD, Université Paris Diderot - Paris et Université de Nice Sophia Antipolis) Enjeux de pouvoir et rythmes afro-cubains ythme entrnant, chaude mélopée, paroles sucrées, la musique afro-cubaine, comme celle du célèbre orchestre Buena Vista Social Club, évoque irrésistiblement le plaisir et la douceur de vivre Pourtant, depuis son apparition, elle est au centre d’enjeux de pouvoir et de phénomènes de circulation complexes, l’intérieur et maintenant lextộrieur de lợle ô La plupart des ộlộments chorộgraphiques et musicaux du répertoire contemporain proviennent du patrimoine religieux de la population d’origine africaine, explique l’anthropologue Kali Argyriadis Au XIX e siècle, il est uniquement exécuté dans le cadre rituel, par les confréries d’esclaves ou d’anciens esclaves, et revêt une forte coloration identitaire dans le contexte de la lutte pour leur émancipation » Pendant des décennies, les tambours battent et les danseurs évoluent contre le colon et pour l’indépendance, qui est troupes comme l’Ensemble Folklorique National de Cuba et la compagnie Danza Contemporánea mais en l’expurgeant en partie de sa teneur religieuse « Plus question alors de transes ou d’incantations sur scène », note la chercheuse Avec le régime castriste, la musique afro-cubaine connt aussi un changement d’échelle géographique Les ensembles nationaux vont se produire travers le monde et rencontrent un très vif succès auprès du public et des artistes d’Afrique, d’Amérique latine et du Nord Le style fait des émules et lorsque le régime castriste donne du lest, dans les années 1990, de nombreux adeptes viennent se former sur l’ỵle En essaimant de la sorte, la musique afro-cubaine s’expose la concurrence internationale de musiciens nord-américains ou mexicains disposant de moyens matériels et techniques inaccessibles pour les artistes cubains Mais malgré leurs finalement obtenue en 1898 Un peu plus tard, dans l’entre-deux-guerres, ces pratiques culturelles connaissent un engouement tout fait inédit, bien au-delà de leur rơle traditionnel « Des artistes en vue, comme l’écrivain Alejo Carpentier et le poète Nicolas Guillén, viennent y puiser les bases ‘‘primitives’’ pour construire une culture nationale, raconte la chercheuse Mais leur quête est adossée des théories ethnographiques racistes en vogue l’époque, faisant des Yoruba du Nigéria le must de la culture africaine, et ils jettent leur dévolu sur leurs descendants locaux, joueurs de tambours batá et danseurs du culte des orichas » Ces derniers prennent alors une hégémonie durable sur le mouvement Contrairement aux autres exécutants qui restent des musiciens amateurs, se produisant l’échelle locale, ils deviennent des professionnels reconnus au plan national La révolution cubaine reprend son compte cette culture « afro-cubaine » et la pérennise en créant de grandes Cérémonie de palo-monte Veracruz au Mexique Dans celle-ci, si les musiciens sont des Cubains vivant au Mexique ou de passage lors d’une tournée, les participants sont mexicains, portoricains et dominicains piens de la diaspora, l’étranger ou de retour au pays » Ainsi, le reggae, genre « diasporique » depuis sa création par la place donnée l’Afrique, se voit transformé son arrivée en Afrique De fait, le reggae éthiopien se réapproprie partiellement le message des Rastafariens mais il prend aussi du sens dans son contexte local et trouble les frontières identitaires entre le continent et ses diasporas ● Article partre dans les Cahiers d’études Africaines © IRD / K Argyriadis © IRD / E Cunin Bélize voisin Des travailleurs afrobéliziens, anciens esclaves privés d’emploi, de terres et de ressources économiques après l’abolition, circulent dans toute la Caraïbe Dans le Quintana Roo, ils sont le pilier de l’exploitation forestière, car la région est riche en bois et en latex « chicle », utilisé alors pour élaborer la gomme mâcher Mais de leur présence, de leurs longs séjours de travail – ils vivent plusieurs mois sur place et font de multiples aller-retour pendant des années –, il ne reste que peu de traces « C’est comme si leur culture, résultat de circulations dans toute la Caraïbe, s’était arrêtée en entrant au Mexique, note la chercheuse Car le Mexique absorbe les cultures exogènes, comme celle-ci, pour les faire siennes » Ainsi, le brukdown et le sambay, la musique et la danse d’origine bélizienne, se sont mélangés d’autres styles locaux La société mexicaine se définit en effet comme métisse, au point de Recherches a musique constitue parfois un précieux marqueur socioanthropologique « Le style afro-caribéen, joué dans l’État du Quintana Roo au sud-est de la péninsule mexicaine du Yucatan, révèle une histoire des circulations de populations difficile percevoir travers d’autres formes d’expression », explique l’anthropologue Elisabeth Cunin Au-delà de son rythme chaloupé, ce genre musical est l’un des rares témoins de relations migratoires intenses, entretenues par cette région méridionale du Mexique avec l’Amérique centrale et la Caraïbe, au début du XX e siècle À cette époque se développe en effet un fort flux de populations, venues notamment du Contact giulia.bonacci@ird.fr UMR URMIS (IRD, Université Paris Diderot - Paris et Université de Nice Sophia Antipolis) Ras Kawintseb, Rastafarien de Trinidad qui vit depuis 15 ans en Éthiopie et s’est fait conntre grâce sa musique et son enseignement du reggae auprès des jeunes Éthiopiens handicaps dans cette féroce compétition – en termes de liberté de circulation et de communication notamment –, les artistes religieux cubains tiennent le haut du pavé « Grâce leur niveau d’instruction global et artistique, leur légitimité traditionnelle internationale, ils conservent une audience indéfectible auprès du public », conclut la spécialiste ● Voir Revue Européenne des Migrations Internationales (2009) Contact kali.argyriadis@ird.fr UMR URMIS (IRD, Université Paris Diderot - Paris et Université de Nice Sophia Antipolis) Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - 65 - juin/juillet/août 2012 00_007_010-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 12:10 Page10 10 Biodégrader : une question d’environnement blocage thermodynamique sa déchloration et sa minéralisation ultime L’énergie libérée au cours de ces réactions serait même suffisante pour supporter une croissance microbienne Cette étude a aussi permis de dresser la liste des 289 substances pouvant découler de sa déchloration « Un certain nombre de ces dérivés ont été identifiés comme ayant le plus de chance de se former », explique Hervé Macarie, © Yassine Mrabet – Wikipedia u fait de sa structure carbonée en forme de cage hérissée d’atomes de chlore, peu soluble dans l’eau et hydrophobe, la communauté scientifique considère la chlordécone comme très peu biodégradable par les micro-organismes Un sentiment renforcé par une étude de l’Inra qui indique qu’après 15 ans, les sols pollués aux Antilles ne montrent pas l’existence d’un processus d’atténuation naturelle Pour Hervé Macarie, chercheur l’IRD affecté au PRAM1, « La chlordécone n’est pas forcément réfractaire une dégradation microbienne mais des conditions environnementales particulières pourraient être nécessaires pour que le procédé s’enclenche » Ce dernier et ses partenaires2 ont réalisé une étude théorique de la molécule et démontré l’absence de ● Cl ●O ●C qui souligne que ces derniers constituent des indices rechercher dans les sols afin de mettre en évidence un possible processus de dégradation Le chercheur a complété son travail en listant les études scientifiques qui mentionnent des phénomènes de dégradation de la chlordécone Une expérience menée la fin des années 70 in vitro montre que la vitamine B12, une coenzyme très répandue chez les organismes vivants, est capable d’arracher en absence d’oxygène au moins des atomes de chlores de la chlordécone et d’ouvrir sa cage carbonée D’autres travaux suggèrent que des bactéries méthanogènes peuvent aussi arracher des atomes de chlore Un suivi récent mené par Hervé Macarie et son équipe au niveau de méthaniseurs traitant des vinasses Bananeraie de distillerie de rhum montre que ces bactéries dégraderaient de 50 % 90 % des molộcules de chlordộcone reỗues par ces systốmes Selon le chercheur « La stabilité constatée dans les sols antillais pourrait ne pas être liée l’absence de micro-organismes autochtones capables d’attaquer la molécule mais plutôt un contexte environnemental inadéquat » Il incrimine entre autres l’importante aération des sols de bananeraies, leur matière organique peu biodégradable, ainsi que des molécules de chlordécone difficilement accessibles car piégées dans l’argile des sols Un partenariat avec l’équipe de Bernard Olivier de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie vise vérifier les capacités de dégradation de trois souches de bactéries issues de la collection de l’IRD L’étape suivante consistera étudier au laboratoire la possibilité de stimuler la croissance de ce type de micro-organismes dans les sols antillais par simple ajout de matière organique biodégradable Dans le cas où ces organismes ne seraient pas naturellement présents dans les sols, les chercheurs envisagent leur apport en épandant des boues de méthaniseur les contenant En cas de succès, ces travaux devront alors être validés in situ et la technique adaptée au contexte pédologique antillais ● Pôle de Recherche Agro-environnementale de la Martinique © DR Et si tout restait sur place ? Les agrégats d’argile allophane forment une structure en éponge l’échelle nanométrique i dépolluer semble si difficile, pourquoi ne pas simplement laisser la chlordécone dans le sol en l’empêchant de contaminer l’eau ou les légumes de culture ? Iconoclaste ? Cette solution proposée par Thierry Woignier, responsable du laboratoire Physique des Sols au PRAM, n’apporte pas une réponse définitive la contamination mais présente un compromis réaliste afin d’éliminer ou limiter fortement les risques sanitaires « Des cas d’utilisation de matière organique pour augmenter la séquestration de pesticides dans les sols ont déjà été expérimentés », explique le physicien qui débute, en collaboration avec le Cirad Martinique, une phase d’expérimentation in situ après un succès en laboratoire En traitant des échantillons d’andosol – un sol volcanique commun aux Antilles composé d’une argile dont la micro-structure tortueuse facilite Dans les eaux douces antillaises Afin de comprendre et modéliser les flux et la variabilité des teneurs en chlordécone dans les bassins versants antillais, l’IRD et ses partenaires1 viennent de lancer le projet OPA-C2 Il succède au projet ANR-Chlordexco qui a étudié le transfert du pesticide dans des colonnes de sols volcaniques de Guadeloupe, afin d’expliquer comment la molécule, fortement retenue dans les premiers horizons des sols, se retrouve largement dans les aquifères et les cours d’eau Les études de terrain montrent que les mélanges d’eaux de surface et souterraines, l’influence des pratiques agricoles et la rétention du contaminant par les sols rendent difficiles la mesure et la prédiction des variations des concentrations dans l’espace et le temps Le projet OPA-C envisage la mise en place d’un suivi détaillé et de long terme dans deux bassins versants, en Guadeloupe et en Martinique, afin d’apporter des éclaircissements sur le devenir de la chlordécone dans ces paysages Ces résultats seront susceptibles d’améliorer la gestion de la ressource en eau et la prévention du risque sanitaire ● Le Cirad, l’Inra et le BRGM Observatoires de la Pollution aux Antilles pour la chlordécone (financé dans le cadre du volet recherche du 2e Plan chlordécone) Contacts olivier.grunberger@ird.fr – UMR Lisah (INRA, IRD, Sup Agro Montpellier) jean-pierre.bricquet@ird.fr – UMR HSM (IRD, CNRS, UM1 et 2) Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - 65 - juin/juillet/août 2012 la séquestration de substances chimiques – avec un épandage de matière organique, les chercheurs ont fait baisser le taux de transfert de la chlordécone d’un facteur variant de 10, du sol dans l’eau et dans des radis de culture L’expérience réalisée sur trois mois montre des variations selon la nature de la matière organique utilisée, mettant en évidence un effet chimique, l’affinité de la chlordécone pour la matière organique, et un effet physique, le blocage dans la microporosité des andosols Avec son collègue Luc Rangon, un programme d’expérimentation aux champs se met en place afin de valider les résultats in situ et tester la durabilité dans le temps de l’augmentation du pouvoir de confinement du sol traité L’objectif consiste évaluer les intervalles de temps partir desquels le sol perd son pouvoir de séquestration et nécessite un nouvel épandage Un autre défi est de valider ce procédé sur les deux autres types de sols antillais, les andosols ne constituant que 30 % des sols des Antilles franỗaises Cette technique savốre intộressante dans la mesure ó elle est peu cỏteuse comparée des travaux de dépollution classiques De plus, « Les techniques de remédiation connues, Partenariat avec le CNRS et les universités de Newcastle (GB) et Charles Sturt (Australie) Contact herve.macarie@ird.fr UMR IMBE (Aix-Marseille Université / CNRS / IRD / Université d’Avignon et des pays de Vaucluse) © IRD - PRAM / H Macarie Recherches Toxique et stable, la chlordécone est une molécule organochlorée particulièrement résistante Utilisée comme insecticide partir des annộes 50 pour lutter contre le charanỗon dans les bananeraies, ses effets neurotoxiques et potentiellement cancérigènes sur l’homme ont entrné son interdiction par les États-Unis en 1976 et par la France dix-sept ans plus tard Aux Antilles franỗaises, 300 tonnes ont été répandues, polluant plus de 16 000 hectares de sols agricoles Dix-neuf ans plus tard, cette molécule persiste dans les sols, certains spécialistes doutant de sa biodégradabilité Elle se retrouve dans les légumes, les eaux de surface et souterraines, le bétail et même certains animaux marins, rendant ces produits toxiques et impropres la consommation Afin de remédier cette pollution, les chercheurs de l’IRD suggèrent que la chlordécone pourrait ne pas être aussi résistante aux micro-organismes et étudient les conditions propices sa dégradation Une autre voie, plus rapide mettre en œuvre, consiste piéger le polluant dans le sol, l’empêchant de contaminer l’eau et les êtres vivants en contact © IRD - PRAM / H Macarie Des pistes contre la chlordécone Le BRGM bientôt sur le terrain ? Le BRGM a validé en laboratoire une technique1 capable de diminuer le taux de chlordécone dans les sols antillais de 20 % 70 % selon la nature du sol Elle consiste ajouter au sol de l’eau des matières organiques et des microparticules de fer pour créer des conditions anắrobies (présence minimum d’air) très réductrices « Ces conditions favorisent des processus, essentiellement physicochimiques, capables d’arracher les atomes de chlore de la chlordécone », explique Christophe Mouvet, chercheur au BRGM La deuxième étape de cette approche innovante consiste aérer le sol afin de permettre des bactéries aérobies de minéraliser la chlordécone partiellement déchlorée lors de la précédente phase Ce procédé ne montrant pas d’écotoxicité sur divers organismes devrait être prochainement testé in situ aux Antilles ● In Situ Chemical Reduction - ISCR® Contact Christophe Mouvet c.mouvet@brgm.fr comme l’excavation, la phytoremédiation, la dégradation par des microorganismes ou l’extraction l’aide de solvants sont soit encore très expérimentales, soit lourdes de conséquences pour l’environnement », explique Thierry Woignier Confiner n’est peut-être pas la panacée mais défaut de pouvoir décontaminer, gérer la pollution et éviter qu’elle ne se propage dans l’eau et les cultures pour l’alimentation reste une piste envisageable ● Contacts thierry.woignier@ird.fr luc.rangon@ird.fr UMR IMBE (Aix-Marseille Université / CNRS / IRD / Université d’Avignon et des pays de Vaucluse) 00_011_011-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 12:08 Page11 Le consortium « Valorisation Sud » voit le jour L Concrètement, le CVT « Valorisation Sud » va proposer un ensemble de services ses fondateurs, le Cirad, l’Institut Pasteur, toutes les universités d’outre-mer et l’IRD, mais aussi tous les acteurs de la recherche en France impliqués au sud Ainsi, il les aidera dans la gestion de la propriété intellectuelle, s’emploiera la constitution d’un portefeuille de technologies comptant 800 000 brevets, avec mandat pour les valoriser, contribuera au marketing, la promotion, la maturation préindustrielle des produits et techniques élaborés Au-delà de ces étapes préliminaires, il travaillera également la mise en œuvre de projets et de contrats de licence et la création d’entreprises innovantes « En mutualisant de la sorte nos compétences, nous obtiendrons des résultats encore meilleurs, espère Stéphane Raud Car les partenaires de Valorisation Sud connaissent déjà de belles réussites de transferts technologiques vers le monde économique, comme les semences de palmier huile pour le Cirad, les tests diagnostiques en santé pour l’Institut Pasteur et le Plumpy Nut, comme solution en cas de malnutrition sévère, pour l’IRD » ● © IRD / C Sanjuan autorités et devraient commencer leurs activités dans les tous prochains mois « Cette initiative devrait faciliter la valorisation économique des techniques issues de la recherche pour le développement sur les marchés du Sud, estime Stéphane Raud, le directeur de la valorisation au Sud l’IRD Et cela jouera en faveur du développement dans ces pays » Cet effort, destiné optimiser la portée des résultats scientifiques obtenus, est doublement justifié La France réalise en effet 10 % de ses exportations destination des pays du Sud et consacre % de sa capacité de recherche nationale aux problèmes de développement, en mobilisant environ 000 scientifiques sur le sujet Contact stephane.raud@ird.fr IRD, Direction de la valorisation au Sud Signature de l'accord de consortium du CVT « Valorisation Sud » entre l'Universitộ de Polynộsie franỗaise et l'IRD Des technos pour le Sud… Des technos pour le Sud… Les jardiniers amateurs pourront bientụt lutter contre les vecteurs de maladies menaỗantes, tout en fertilisant leurs plantations À © F Darriet / IRD chacun ses petites faiblesses… Celle de certains moustiques pour les engrais NPK, couramment utilisés en agriculture et jardinerie, pourrait bien engendrer leur perte ou tout au moins permettre le contrôle de leur prolifération en ville, grâce un récent brevet déposé par une équipe de l’IRD « Nous avons découvert la forte attirance des femelles d’Aedes aegypti et d’Aedes albopictus en quête d’un lieu de ponte, pour les eaux contenant un engrais base d’azote, de phosphore et de potassium, explique l’entomologiste médical Frédéric Darriet Elles apprécient particulièrement les soucoupes placées sous les pots de fleur et les jardinières fertilisées par de l’engrais » Les plantations domestiques constituent ainsi autant de gỵtes proximité immédiate des habitations ou l’intérieur même des maisons, favorables la reproduction de ces insectes nuisibles pour l’homme Ces moustiques sont en effet les vecteurs de maladies émergentes problématiques pour la santé publique, comme le chikungunya, responsable d’une épidémie spectaculaire l’ỵle de la Réunion il y a quelques années, et la dengue, une affection endémique dans les Caraïbes et dans de nombreuses autres régions du monde En étudiant les villes et leurs zones résidentielles, où les soucoupes sous les pots de fleur représentent des gỵtes de ponte nombreux et souvent très productifs, les spécialistes de l’équipe VECOPS1 ont eu l’astucieuse idée d’associer l’engrais un produit pour tuer les larves de moustiques L’insecticide employé est très sélectif afin de ne détruire que les espèces cibles « Concrètement, le larvicide est drainé vers la soucoupe par l’eau d’arrosage, en même temps que le fertilisant attractif pour les vecteurs, explique Frédéric Darriet Les moustiques se pressent pour pondre mais leurs larves sont empoisonnées dès l’éclosion des œufs » Le principe est très simple et il permet aux jardiniers amateurs de protéger leur maison et ses abords, tout en nourrissant leurs plantes Et ce n’est pas le seul avantage de cette association larvicide-engrais, inédite dans la lutte contre les vecteurs de maladies Elle permet en effet de traiter les espaces privés Soucoupe pouvant abriter des larves de moustiques sous un pot de fleurs © IRD / N Rahola Un engrais contre le chikungunya Aedes aegypti femelle prenant son repas de sang et les micro-gỵtes larvaires, ce que les services de démoustication ne peuvent pas faire lors de leurs campagnes de lutte Cette innovation a fait l’objet d’un dépôt de brevet national en France et d’une demande internationale Elle intéressera, n’en pas douter, les industriels et distributeurs du secteur de la jardinerie et des loisirs d’extérieurs En effet, son marché potentiel déjà très vaste tend s’élargir encore, avec l’extension de l’aire de nuisance de ces insectes aux régions méridionales des zones tempérées Aedes albopictus, le « moustique tigre » vecteur du chikungunya, naguère circonscris aux régions tropicales, est désormais bien établi dans le sud de la France, de Nice Perpignan… ● « Stratégies de lutte et prévention du contact homme-vecteurs » (UMR Mivegec) E x p e r t i s e L’Afrique face aux biotechnologies Un groupe de spécialistes, dont deux chercheurs de l’IRD, vient de mener une expertise approfondie sur les biotechnologies et la biosécurité en Afrique, pour le compte de l’Union européenne Valorisation ’adage « l’union fait la force » vient de trouver une nouvelle illustration dans le domaine de la valorisation Les principaux acteurs franỗais de la recherche publique pour le développement ont en effet décidé de mutualiser leurs moyens en la matière Ils se sont regroupés au sein d’un consortium de valorisation thématique (CVT), baptisé « Valorisation Sud » Cet instrument fait partie de l’arsenal des dispositifs officiels destinés soutenir l’innovation et le transfert technologique, récemment mis en place dans le cadre du grand emprunt sur les investissements d’avenir Au total six projets de CVT, dont « Valorisation Sud », ont été retenus par les © IRD / Rita Saudegbee Plusieurs organismes de recherche et universités viennent de mettre en commun leurs ressources et savoir-faire en matière de valorisation au Sud 11 L a défiance vis-à-vis des OGM en Europe pourrait pénaliser le développement des biotechnologies en Afrique L’assertion ne provient pas des tracts d’une association militante, ni même des prospectus d’un semencier américain, mais se dégage d’une expertise scientifique, commandée par l’Union européenne organismes membres d’Agrinatura1 Deux chercheurs de l’IRD, Valérie Verdier et Vincent Robert, figurent parmi les spécialistes du sujet mis contribution Le but, pour les organes communautaires, est de mettre au point leur politique de coopération en la matière, sur la base d’un état des lieux complet et de recommandations étayées par la connaissance des besoins Les quatre principaux domaines d’application des biotechnologies, les vertes pour l’agriculture, les rouges pour la santé, les bleues pour l’aquaculture et les blanches pour l’industrie et la chimie, ont été sondés « Il s’agissait tout la fois d’évaluer l’existant, d’estimer les besoins et de jauger la situation en terme de biosécurité sur le continent », indique la microbiologiste Valérie Verdier, chargée d’expertiser les biotechnologies vertes Concrètement, pour se forger une opinion, les experts ont visité de nombreux sites et rencontré le banc et l’arrière-banc des filières biotechnologiques en Afrique : les acteurs académiques, universités ou centres de recherches, les opérateurs économiques, syndicats de paysans et groupements de producteurs mais aussi la société civile travers des associations citoyennes et des mouvements de consommateurs « Faute d’informations suffisantes, il existe dans l’esprit des populations ouest-africaines une certaine confusion entre biotechnologies et OGM, indique la chercheuse Et comme en Europe, ces derniers suscitent des craintes pour la santé, teintées par les phobies locales Au Mali, par exemple, on redoute leur impact sur la fertilité masculine ! » Côté biosécurité, tout reste faire… ou beaucoup, puisque certains pays se sont d’ores et déjà dotés d’une législation adaptée, comme le Burkina Faso et le Mali, mais ne disposent pas encore des moyens techniques pour la mettre en œuvre « Sans laboratoires suffisamment équipés et méthodologies, il n’est pas possible localement de détecter des transgènes dans les semences ou les produits agricoles », note-t-elle Concernant l’utilisation des biotechnologies, le constat est aussi mitigé Les initiatives sont nombreuses et variées, avec la production grande échelle de végétaux in vitro, de substances d’intérêt médical, mais un décalage subsiste souvent entre le discours et l’état d’avancement réel des travaux Selon les experts, trop souvent, les laboratoires africains sont confrontés d’insurmontables problèmes de logistique, comme la fourniture régulière d’eau et d’électricité, et au manque de compétences, de ressources humaines et de volonté politique « Pourtant, les acteurs scientifiques et économiques font preuve d’une grande détermination pour développer et adopter les biotechnologies, estimet-elle Ils fustigent d’ailleurs la frilosité européenne sur le sujet, attribuée la virulence du débat sur les OGM » Les partenaires africains estiment ainsi que l’Union européenne investit peu dans les biotechnologies, justement cause de la mauvaise presse induite par la confusion avec les OGM Ils craignent aussi les amalgames sur le sujet, susceptibles de pénaliser l’arrivée de leurs produits sur le marché européen « La question des OGM se pose également dans le domaine des biotechnologies rouges pour la santé, remarque l’entomologiste Vincent Robert, en charge de cette partie de l’expertise Le recours des moustiques transgéniques, théoriquement utilisables dans la lutte contre des maladies vectorielles comme le paludisme, le chikungunya ou la dengue, fait particulièrement débat » Pour les experts, l’Europe doit renforcer son soutien ce secteur, dans lequel les acteurs américains publics et privés investissent massivement Ils recommandent de prévoir des engagements importants et long terme, en appui aux projets de recherche, pour résorber le retard pris par l’Afrique Ils conseillent également de mieux coordonner l’action des multiples bailleurs de fonds intervenant autour des biotechnologies, pour optimiser l’efficacité de leur soutien Enfin, ils prônent le développement de pôles d’excellence et de formation rayonnement régional, comme il en existe au Kenya Plusieurs projets et initiatives en ce sens sont en cours en Afrique de l’Ouest (Burkina, Mali, Niger…) et devraient pouvoir bénéficier du soutien de l’Europe ● Association réunissant trente-six universités et organismes de recherche européens dédiés la recherche et l’enseignement agricole pour le développement Contacts Contacts dvs@ird.fr frederic.darriet@ird.fr UMR Mivegec (IRD, CNRS, Universités Montpellier et 2) valerie.verdier@ird.fr UMR RPB (IRD, CIRAD et Université Montpellier 2) vincent.robert@ird.fr UMR Mivegec (IRD, CNRS, UM et 2) Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 00_012_012_IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 10:08 Page12 Un récent colloque vient de réunir un panel de chercheurs autour des paradigmes l'œuvre dans la consommation Pépinière de palmiers huile, Sud-Ouest, Cameroun Q uarante ans après la parution de La société de consommation de Jean Baudrillard, un colloque organisé par l’UMR Développement et sociétés1 a traité de ses mutations globales en faisant dialoguer économistes et anthropologues Partout, la consommation tend s’imposer comme un signe élémentaire de participation la vie sociale Elle est devenue un instrument de gouvernance « À la citoyenneté politique, héritée du corpus démocratique des Lumières, s’est substitué une citoyenneté économique fondée sur la solvabilité et les ressources », explique Bernard Hours Dans cet « univers postpolitique global », des organismes internationaux et des structures de développement lancent des programmes d’éducation financière « Ces programmes, observe Isabelle Guérin, occultent aussi bien les conditions structurelles du surendettement des ménages que les pratiques sociales concrètes » qui donnent sens et valeur aux circulations monétaires dans lesquelles ils s’engagent Par l’étude d’une diversité de cas travers le monde, le colloque visait explorer ces constructions sociales plurielles dans lesquelles s’enchâsse le rapport au marché Dans des contextes de crise économique persistante, les tensions s’accroissent entre nés et cadets comme entre hommes et femmes autour de la capacité dépenser pour soi et sa maisonnée Dans un secteur populaire de L’agro-industrie la conquête des forêts camerounaises La convoitise des investisseurs pour les forêts d’Afrique centrale mobilise l’attention des chercheurs Réunis en atelier Yaoundé, ils ont exploré les dernières évolutions du phénomène À coup d’hectares, de millions d’hectares, l’Afrique est au centre des phénomènes d’acquisition de terres grande échelle en cours dans les pays en développement « La moitié des appropriations mondiales se fait sur ce continent, soit 34 millions d’hectares en quelques années », explique l’agro économiste Patrice Levang, en marge d’un atelier1 organisé par le Cirad2 sur le sujet, Yaoundé au Cameroun Le phénomène de pressions commerciales sur les surfaces cultivables a connu une forte accélération suite la récente crise financière et la flambée des prix des matières premières agricoles, survenue en 2007-2008 Les investisseurs institutionnels engagés dans ces opérations sont essentiellement motivés par des préoccupations de souveraineté énergétique et alimentaire Les opérateurs privés, compagnies multinationales mais aussi les élites nationales y voient plutôt des investissements économiques, avec une dimension spéculative plus ou moins affirmée Pour tous ces acteurs, les scénarios de croissances démographiques, et les nouveaux besoins qu’ils engendrent, sont la justification du bien-fondé de leur engagement « En Afrique centrale, comme dans la plupart des pays tropicaux, cette conquête se fait surtout au détriment des forêts », indique le chercheur, qui étudie l’extension de la culture de palmiers huile dans cette région Les forêts constituent en effet un vaste réservoir potentiel de surfaces disponibles, et 10 millions d’hectares boisés sont convertis chaque année en terres agricoles dans le monde « Dans la zone forestière du Cameroun, six sociétés tentent actuellement de s’approprier une surface totale d’un million d’hectares pour produire de l’huile de palme », indique-t-il Les conditions géographiques et climatiques de cette zone sont particulièrement bien adaptées pour ce type de culture « L’investissement est très rentable, indique-t-il, car une plantation convenablement exploitée – selon les méthodes utilisées en Malaisie ou en Indonésie – peut produire jusqu’à 7,2 tonnes d’huile l’hectare, contre seulement 700 kg, 500 kg et 200 kg pour du colza, du soja ou du maïs » Les perspectives, dans l’industrie agroalimentaire, cosmétique ou les biocarburants, sont très attractives « Le Cameroun produit d’ores et déjà 230 000 t/an d’huile de palme annuellement, sur 190 000 ha, et les autorités souhaitent promouvoir le développement de cette culture, pour atteindre 450 000 t l’horizon 2020 », révèle le scientifique ● patrice.levang@ird.fr UMR GRED (IRD et Université Paul Valéry - Montpellier 3) et CIFOR indisciplinés, cherchant des alternatives », la gouvernance par la consommation n’en constitue pas moins « un énorme levier d’encadrement et de contrơle des diverses sociétés en voie de globalisation » ● Ce colloque « À quoi et comment dépenser son argent » a été organisé par Isabelle Guérin et Monique Selim, IRD Communication de Franỗoise Bourdarias, Universitộ de Tours Communication de Marlène Elias, Supermarchés et malls (immenses centres commerciaux) attirent la classe moyenne indienne Ici, Pune, ville de millions d’habitants du Maharashtra en Inde Université de Laval, et Magalie Saussey, chercheuse associée l’UMR 201 Contacts isabelle.guerin@ird.fr monique.selim@ird.fr UMR Développement et sociétés (IRD / Université Paris Panthéon Sorbonne) Conférence internationale Météorologie et océanographie de l’hémisphère Sud La 10 e Conférence Internationale sur la Météorologie et l’Océanographie de l’Hémisphère Sud (ISCHMO) a eu lieu en avril dernier au Centre culturel Tjibaou Nouméa, en Nouvelle-Calédonie L’occasion de faire un état des connaissances scientifiques mais aussi d’échanger avec les représentants des pays insulaires du Pacifique, d’où viendraient les premiers réfugiés climatiques M étéorologie et océanographie dans l’hémisphère Sud, observation opérationnelle de l’atmosphère et des océans, prévisibilité des phénomènes de grande échelle… autant de thèmes abordés lors de la conférence internationale ICSHMO Nouméa Parmi les sujets traités : le phénomène El Niño, la zone de convergence du Pacifique Sud ou encore la mousson Une session a été dédiée la récupération des données climatologiques les plus anciennes (par exemple, les « Foncier, pressions commerciales et REDD+ », 25-26 novembre 2011 Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, France Contact Bamako (Mali), ces conflits mettent l’épreuve une logique de l’honneur ó le contrơle des ressources et de leur distribution est intimement lié la mtrise des relations sociales À la maison comme dans le quartier, les acteurs développent un jeu subtil de l’opacité et de la transparence Acquérir une moto, un téléphone portable ou tout autre bien personnel passe par la dissimulation d’une partie des revenus alors même que la position s’acquiert en exhibant l’argent gagné L’émergence d’une éthique économique met ainsi l’épreuve les rapports de l’individu la collectivité Elle se construit progressivement en puisant dans divers registres, y compris religieux, et en donnant lieu de multiples interprétations et usages2 Cet encadrement social des pratiques de consommation prend parfois la forme de tentatives de rupture avec la logique consumériste dominante, au Nord comme au Sud Référence peut être faite au développement du commerce équitable, par exemple celui du beurre de karité Le produit devient alors le support matériel des valeurs morales Celles-ci puisent cependant d’avantage dans un univers fantasmé de représentations politico-écologiques plutôt qu’elles ne fondent véritablement un acte d’équité Les rapports marchands restent prégnants et l’asymétrie très forte entre producteurs et acheteurs3 S’il y a bien là, remarque Bernard Hours, des ô consommateurs â IRD / Marianne Donnat 12 Face aux mutations globales de la consommation © IRD / M Vilayleck Planète IRD © D Hoyle Colloque international Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 mesures faites bord de navires militaires, au XIXe siècle) L’attention a porté sur le changement climatique et ses impacts En effet, plusieurs acteurs du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et auteurs du 5e rapport d’évaluation (à partre en septembre 2013) étaient présents et ont présenté les premiers résultats issus des exercices de simulation Le déséquilibre observé dans la composition chimique de l’atmosphère, avec une augmentation du CO2 d’environ 40 %, et l’origine anthropique du réchauffement climatique ne sont plus remis en cause La variabilité climatique et les tendances observées et prévues ont été largement commentées, notamment sur le Pacifique : augmentation des températures atmosphériques, augmentation de la température de la surface de la mer, élévation du niveau de la mer et acidification de l’océan, augmentation des précipitations sur l’ouest du Pacifique En particulier, il ressort que les couches profondes de l’océan au-delà de 000 m affichent également une élévation de température Par ailleurs, les études d’évolution des Pour cette dixième édition des conférences internationales ICSHMO, l’American Meteorological Society a sélectionné la Nouvelle-Calédonie Pilotée par l’Institut de Recherche pour le Développement et Météo-France NC, l’événement a rassemblé près de 250 scientifiques, de 34 nationalités différentes cyclones tropicaux ne prédisent pas d’augmentation en nombre dans le Pacifique Sud, ce que laissaient supposer les prévisions liées aux oscillations australes Enso En revanche, on observerait plutôt une augmentation de leur intensité Enfin, il ressort que le système climatique planétaire se caractérise par une inertie aux changements supérieure aux estimations À l’image d’une casserole d’eau bouillante, il ne suffit pas d’éteindre la gazinière pour que la température chute brutalement Ainsi, même si les pays les plus producteurs de gaz effet de serre cessaient toute émission, il faudrait plusieurs décennies avant d’observer un effet positif sur la réduction du réchauffement climatique ● Contact alexandre.ganachaud@ird.fr UMR LEGOS (IRD / CNES / CNRS / Université Paul Sabatier Toulouse 3) Pour en savoir plus www.colloque.ird.fr/icshmo-2012/ 00_013_013-IRD65_SAS54.qxd 30/07/12 10:50 Page13 Avec la recherche haïtienne D que la recherche et l’enseignement supérieur répondent précisément aux besoins de la reconstruction de la capitale dévastée et, plus largement, aux nécessités de développement du pays », explique Hervé de Tricornot, responsable de l’AIRD pour Haïti L’agence interorganismes coorganisait la manifestation avec l’université Quisqueya de Port-au-Prince et l’université du Québec Montréal Pour les inter- venants, il s’agissait d’abord de définir quelle recherche et quels chercheurs il faut pour Haïti et quels sont les facteurs clefs du développement d’une communauté scientifique hạtienne « Les débats ont fait émerger la nécessité de créer un statut de l’enseignant et du chercheur, indique-t-il Ils ont également pointé l’importance de la formation initiale et continue des scientifiques et particulièrement celle de l’apprentissage du métier de chercheur » Planchant sur l’appui de la coopération internationale au renforcement des capacités de recherche du pays, les participants ont soulevé la question du financement Selon eux, il doit faire appel la fois au secteur public et au secteur privé Ils ont également insisté sur la définition de programmes répondant aux besoins de la société, sur la coopération entre universités et chercheurs haïtiens par la création d’UMR, sur l’évaluation de la pertinence et de l’excellence des recherches mettre en place… Plus concrètement, la rencontre a débouché sur l’élaboration d’un projet de soutien de jeunes équipes de recherche haïtiennes, impliquant l’IRD, l’AUF2, l’Ambassade de France et l’Université Quisqueya Pour ce faire, le modèle des jeunes équipes associées l’IRD, ouvert pour l’occasion d’autres organismes scientifiques, a été retenu « Un projet de maison de la science, évoqué en marge du séminaire, pourrait également voir le jour moyen terme », indique M de Tricornot ● © IRD / H de Tricornot Port-au-Prince C o l l o q u e 19-20 avril 2012, « Développement et renforcement des capacités de recherche en Haïti » Agence universitaire de la francophonie Contact Greffes, procréation médicalement assistée, usage de robots chirurgicaux, les innovations dans le domaine de la médecine bouleversent les perspectives et les pratiques des personnels de santé L’enjeu scientifique, pour les chercheurs en sciences sociales, est de comEnquête sur l’acquisition et l’entretien prendre la remise en de moustiquaires dans un village du Ghana question et les efforts des soignants pour s’adapter ces nouveaux dispositifs « Les mutations ne se bornent pas aux hôpitaux high-tech du Nord, affirme l’anthropologue Laurent Vidal, en marge d’un récent colloque consacré ces questions1 par l’association Amades2 et soutenu par l’IRD Les pays du Sud sont aussi au centre d’évolutions de techniques et de pratiques, aussi profondes que passionnantes » Il en va ainsi des travaux menés pas les anthropologues sur les moustiquaires imprégnées d’insecticide, par exemple Ils ont révélé que ce dispositif innovant, recommandé aux familles pour prévenir les piqûres nocturnes du vecteur du paludisme dans les pays du Sud, peut être détourné et employé bien d’autres usages « L’objet d’étude peut aussi être un médicament, issu du savoir traditionnel mais nouveau, précise-t-il C’est le cas de la ‘’pilule chinoise’’, utilisée comme moyen de contraception » L’innovation ne concerne pas seulement des outils ou des techniques, elle peut aussi se déceler la faỗon de soccuper du patient, de prendre en compte ses besoins Ainsi, dans les pays du Sud, où le niveau de vie est parfois très faible, la question de la prise en charge des malades interroge les chercheurs : comment définir l’indigence dans les contextes de grande pauvreté, quels mécanismes de solidarité émergent pour y faire face ? D’autres pratiques, déjà connues mais en plein renouvellement, dans le domaine du dépistage du virus du sida ou de la vaccination par exemple, entrent dans le champ d’investigation des sciences sociales Au-delà de l’organisation des soins, la recherche elle-même est examinée : les essais cliniques, qui permettent de tester de nouveaux traitements ou protocoles, sont scrutés de près L’anthropologue s’intéresse ainsi l’histoire et la vie du projet, aux rôles des médecins, des chercheurs et des patients associés ● « Anthropologie, innovations techniques et dynamiques sociales dans le domaine de la santé », 10-12 mai 2012, Brest Anthropologie médicale appliquée au développement et la santé Contact laurent.vidal@ird.fr IRD, département Sociétés herve.de-tricornot@ird.fr Jacky Lumarque, recteur de l’université Quisqueya de Port-au-Prince, coorganisatrice du séminaire-atelier « Développement et renforcement des capacités de recherche en Haïti », répond aux questions de Sciences au Sud Sciences au Sud : Deux ans après le séisme de 2010, où en est la reconstruction du système d’enseignement supérieur et de recherche haïtien ? Jacky Lumarque : Tout reste faire D’ailleurs il ne s’agit pas tant de reconstruire l’université en Haïti, même si elle a subi d’énormes destructions matérielles lors du séisme, mais de la bâtir presque ex nihilo Car le système d’enseignement supérieur et de recherche connaissait des problèmes majeurs avant le drame L’absence de politiques publiques en la matière, le déficit d’intérêt des autorités haïtiennes et des bailleurs de fonds internationaux pour ce secteur l’avaient déjà mis genoux La communauté internationale se dit sans doute qu’Haïti ne mérite pas un véritable système universitaire, puisqu’il y a tellement d’autres priorités satisfaire… Pourtant, le pays a de réels besoins en termes de recherches répondant ses problèmes concrets et de formation des cadres de demain SAS : Quel rôle joue la coopération scientifique dans cette réhabilitation ? J L : Elle a une place essentielle D’abord au plan informel, les partenariats entretenus dans le monde entier, avec des équipes qui se sentent concernées par les problématiques haïtiennes, permettent nos chercheurs de mener leurs travaux en l’absence d’appui et d’encadrement de l’État Cette collaboration spontanée, d’acteurs livrés eux-mêmes, fournit le soutien nécessaire pour poursuivre les recherches, coup de mission, d’échanges, d’initiatives propres Et puis il y a la collaboration engagée, officiellement cette fois, avec l’AIRD et ses membres, basée sur leur sens de l’écoute et leur sensibilité historique pour les pays du Sud Elle est particulièrement précieuse car elle est la première énoncer l’objectif du renforcement de nos capacités de recherche Plusieurs projets sont déjà menés sur le terrain dans ce cadre, avec ces partenaires franỗais Ils montrent quil est possible de travailler ensemble, avec l’écoute et la reconnaissance de l’autre, sur des besoins locaux SAS : Y a-t-il des priorités thématiques pour le développement de la recherche haïtienne ? J L : Oui, il se dégage des problématiques concrètes liées la réalité haïtienne, bien qu’il n’y ait pas eu jusqu’ici de réflexion officielle sur le sujet La sécurité alimentaire, l’environnement, la connaissance et la gestion des risques naturels s’imposent nous L’ỵle est ravagée jusqu’à quatre fois par an par des cyclones ou des ouragans Du fait des fréquentes inondations, la mtrise de l’eau, comme ressource mais aussi comme aléa, est une autre priorité essentielle En ce sens, notre université, qui n’est pourtant qu’une petite structure privée but non lucratif, fait fonctionner depuis une décennie un laboratoire sur la qualité de l’eau, l’environnement et les déchets La tâche est lourde et il est temps que les autorités se saisissent de ces problèmes Regards croisés sur les lagunes Espaces productifs mais touchés par l’anthropisation, les lagunes méditerranéennes méritaient bien un colloque S i le tonnage de moules et d’htres produites dans la lagune de Thau1 (en France) représente celui de Bizerte (en Tunisie) multiplié par 100, ces écosystèmes aquatiques partagent certaines problématiques Ceux-ci ont fait l’objet d’un colloque international2 destiné réaliser un état des connaissances autour des usages et du fonctionnement des deux lagunes de part et d’autre de la Méditerranée Ceci afin de rechercher les complémentarités qui seront mises en œuvre dans les programmes de recherche venir impliquant l’Institut National tunisien des Sciences et Technologies de la Mer, la Faculté des Sciences de Bizerte et l’IRD, comme celui développé par la Jeune Équipe Écobiz autour des contaminants « À l’interface entre mer et continent, ce milieu particulier subit de fortes pressions anthropiques qui peuvent en déséquilibrer le fonctionnement et en éroder la biodiversité y compris celle utilisée par l’Homme », explique Marc Bouvy, écologiste l’IRD Les gestionnaires de ces lagunes doivent donc, dans un contexte de croissance démographique, concilier les effets des activités humaines avec les impératifs de développement durable Parmi les enjeux scientifiques communs aux deux sites figure l’étude des impacts des contaminants de toutes sortes sur l’écosystème lagunaire Le problème des rejets semble avoir été jugulé Thau grâce la création de stations d’épuration mais Bizerte, la préservation d’une eau de qualité pour la conchyliculture3 n’est pas la priorité Ce port est en effet le poumon Nord du pays et la lagune supporte des pollutions d’origines diverses : bateaux, sidérurgie, raffinerie de pétrole, cimenteries, etc Le colloque a permis de présenter les différentes situations écologiques et économiques soumises ces perturbations Deux autres points communs ont fait l’objet de restitutions : la prolifération d’algues toxiques, amenées principalement dans le ballast4 des navires, et celle de méduses qui encombrent les filets des pêcheurs et déséquilibrent la chne alimentaire Que ce soit en matière d’organismes indésirables ou de substances polluantes, les scientifiques peuvent s’appuyer sur la modélisation « Un modèle de dispersion des pathogènes a été développé pour la lagune de Bizerte, ajoute le chercheur En ce qui concerne la circulation hydrodynamique, les modốles tunisiens et franỗais sont diffộrents mais ont nộanmoins permis des échanges fructueux » ● Souvent improprement appelé lac, il s’agit bien d’une lagune puisque reliée la mer « Lagunes de Thau et de Bizerte, entre pressions environnementales et gestion durable » (3 et mai 2012, Bizerte) l’initiative de l’IRD et de l’Institut National des Sciences et Technologies de la Mer (Tunisie) Élevage de coquillages Espace fond de cale qui peut être rempli d’eau ou de matière solide pour jouer le rôle de lest Sa vidange permet de moduler ce lest en fonction des besoins du navire © IRD / C Lafabrie © IRD / T Martin Innovations médicales et anthropologie de la santé au Sud « Tout reste faire » Contact Vue sur un parc moules dans la lagune de Bizerte marc.bouvy@ird.fr UMR Écosym (IRD / CNRS / Ifremer / UM et 2) Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 Planète IRD u chaos au labo, où en est la réhabilitation de la recherche haïtienne deux ans après le terrible séisme de 2010 ? Scientifiques, enseignants, décideurs et développeurs étaient réunis récemment Port-auPrince pour faire le point sur ce sujet, dans le cadre d’un séminaire-atelier1 ouvert par le président de l’IRD, Michel Laurent « Le but de ces travaux est de repérer les conditions apporter pour q u e s t i o n s … J a c k y L u m a r q u e © IRD / H de Tricornot S é m i n a i r e - A t e l i e r 13 00_014_014-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 12:55 Page14 Lézards, crocodiles et tortues d‘Afrique occidentale et du Sahara J.-F Trape., L Chirio, S Trape Éditions IRD – 64 € Ressources Cet ouvrage présente pour la première fois l‘ensemble des espèces de lézards, crocodiles et tortues rencontrées dans les quinze pays de l‘Afrique de l‘Ouest, ainsi qu‘au Tchad et dans les régions sahariennes Il comprend plus de 700 photographies en couleurs et 175 cartes de répartition ainsi que les clés de détermination illustrées permettant l‘identification des espèces Pour chaque espèce, une fiche individuelle indique les caractères distinctifs les plus remarquables ainsi que les principales données sur l‘écologie et la répartition géographique Sans équivalent, l‘ouvrage s‘adresse aux naturalistes, aux étudiants, enseignants, chercheurs et gestionnaires de la faune africaine Il constitue un ouvrage de référence complet et accessible sur les reptiles africains 14 Farah - Musiciens de noces et scènes urbaines au Caire Nicolas Puig Sinbad/Actes Sud – 28,40 € Farah, en arabe le mot signifie « joie » En Égypte, il désigne également les festivités en général et les fêtes de mariage en particulier Les musiciens spécialisés qui animent ces fêtes forment un petit milieu dont les membres œuvrent sur les estrades des noces, dans la rue Étrangers au quartier, la famille, au public, ils pénètrent en effet au cœur de l‘intimité des lieux et sont un facteur de troubles potentiel Dans cette étude fondée sur une enquête de terrain, il est ainsi question de ces artistes, de ce qu‘ils sont collectivement et individuellement, de leur travail, de leur lutte pour la dignité, de leurs ambitions le plus souvent dộỗues mais aussi des microcosmes urbains avec lesquels ils sont en contact En accompagnant les musiciens se dessinent peu peu, par bribes successives, les contours d‘une vieille société citadine « au fait » de sa ville, campée dans ses territoires et dans la multiplicité de ses mondes sociaux Politique Africaine N° 125 La Libye révolutionnaire Karthala – 19 € Au cœur des printemps arabes, la Libye a ouvert une autre forme de révolution, par la guerre nationale et internationale La contestation qui a mis fin au pouvoir de Kadhafi s‘est singularisée d‘emblée par une forte militarisation, ouvrant la voie une intervention étrangère qui a entravé le développement d‘une mobilisation civile et démocratique Au lendemain de la chute du Guide, la reconfiguration du champ politique libyen part marqe par l‘absence d‘autorité centrale, le repli sur des identités claniques et religieuses, et des tiraillements centrifuges qui semblent constituer autant d‘obstacles la reconstruction d‘un État, et plus encore d‘un État de droit Comment comprendre cette involution rapide de la société libyenne ? La guerre est-elle responsable de cette difficile transition ? Ce dossier interroge le pouvoir libyen travers ses pratiques, ses ressources (sécuritaires, idéologiques, historiques, diplomatiques et bien sûr économiques – rente pétrolière et travail immigré) et les modalités de mobilisation de celles-ci Politique Africaine N° 124 La macroéconomie par le bas Karthala – 19 € Comment comprendre le « retour de la croissance » en Afrique et les bonnes notations dont un certain nombre de ses pays bénéficient ? Que signifient ces récits macroéconomiques sur les « nouveaux émergents » et le recours des indicateurs pour les gouvernants mais aussi pour la population ? L‘objectif de ce dossier est d‘apporter un éclairage sur ces interrogations en adoptant une analyse sociopolitique « par le bas » des pratiques qui entourent les objets et les politiques macroéconomiques Des vies en musique Parcours d‘artistes, mobilités, transformations Coordonné par Sara Le Menestrel Hermann – 29 € Comment circulent les musiques et les danses dans le monde contemporain ? Quels sont les éléments déclencheurs de la mobilité géographique des artistes ? En quoi estelle liée leur mobilité sociale et modifie-t-elle leur statut ? Quelle est la portée de ces déplacements sur les musiques elles-mêmes et leur signification et quels ajustements provoquent ces changements de contextes ? À partir des parcours de sept musiciens et danseurs issus des Amériques, de l‘Égypte, des îles de l‘océan Indien et de la France, cet ouvrage écrit plusieurs mains dégage des logiques communes de circulations et de transformation dont les artistes que nous avons accompagnés plusieurs années durant sont la fois le témoin et la personnification Par le prisme de la musique et de la danse, il apporte un éclairage novateur sur les processus liés la mondialisation Plusieurs auteurs, chercheurs l‘IRD, Kali Argyriadis, Julien Mallet, Nicolas Puig, contribuent cet ouvrage Host manipulation by parasites David P Hughes, Jacques Brodeur and Frédéric Thomas Oxford University Press Les parasites manipulant le comportement de leurs hôtes fournissent des exemples frappants d‘adaptation par sélection naturelle Ce domaine d‘étude spectaculaire a désormais dépassé la phase descriptive pour s‘intéresser aux processus et aux modèles Ce texte novateur offre un état de l‘art fiable sur ce type de relation hôte/parasite tout en proposant des pistes de recherche stimulantes pour les années venir Il promeut aussi une meilleure intégration de l‘écologie comportementale dans le domaine afin de dépasser la tendance de cette discipline se concentrer sur le comportement exprimé par des organismes libres et sous-estimer l‘influence des parasites sur ces derniers Dans cette optique, les éditeurs ont choisi de solliciter, pour les postfaces de chaque chapitre, un expert reconnu en écologie comportementale mais ne travaillant pas directement sur les parasites Public visé : étudiants et chercheurs en parasitologie, biologie évolutionnaire et écologie comportementale L‘ouvrage reste pertinent pour un lectorat élargi aux épidémiologistes et aux écologistes La charte du partenariat de la recherche pour le développement en 10 principes Associer l‘ensemble des parties prenantes aux réflexions stratégiques nationales, régionales et internationales qui concernent les Suds dans la conception de programmes de recherche pour le développement conduisant une recherche d‘excellence et respectueuse des principes éthiques inhérents la recherche et ses applications Privilégier le dộveloppement durable, social et ộconomique en renforỗant aux Suds les capacités de recherche, de formation, d‘expertise et d‘innovation Mobiliser les moyens au bénéfice des communautés de recherche et d‘enseignement supérieur des Suds pour renforcer la recherche au service du développement et encourager leur mutualisation et leur pérennisation Contribuer la construction et la consolidation des réseaux et dispositifs internationaux de recherche (plate-formes, observatoires, etc.) intégrant les enjeux globaux du développement Adopter une démarche régionale dans la conception de programmes de recherche et en particulier de grands programmes régionaux interdisciplinaires relatifs aux enjeux sociétaux, sanitaires ou environnementaux répondant aux priorités partagées avec les partenaires du Sud Promouvoir activement la participation des femmes dans l‘ensemble des actions de recherche et de développement, de leur conceptualisation leur valorisation ainsi que dans les instances de représentation et de conseil Co-construire et co-financer les programmes et partager la recherche des sources de financement Impliquer l‘ensemble des parties prenantes dans la gestion, l‘exécution et l‘évaluation des programmes de recherche et de formation ainsi que dans l‘élaboration et la mise en œuvre des stratégies de valorisation des résultats de recherche acquis en partenariat Co-publier et co-éditer entre Nord et Sud et au Nord comme au Sud, et renforcer la valorisation des connaissances et la promotion de l‘innovation, en particulier par des échanges entre la recherche et l‘enseignement supérieur et la recherche et l‘industrie, et en veillant la reconnaissance des savoirs locaux 10 Promouvoir la restitution des résultats toutes les parties prenantes et enrichir le dialogue science-société, en veillant au partage des bénéfices et en impliquant l‘ensemble des acteurs sociaux Sciences au Sud - Le journal de l‘IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 La démocratie participative au Brésil Promesses tenues et dynamiques ouvertes Isabel Georges / Pierre Tripier (dir.) Peter Lang IRD – 31,50 € Ce livre illustre et analyse la recherche parfois tâtonnante de formes d‘expression, d‘organisation et de revendications politiques des milieux populaires brésiliens dans les années 2000 Il se propose ainsi de penser concrètement les avancées et limites de la démocratie participative À partir d‘enquêtes empiriques originales, souvent de type ethnographique, réalisées dans leur quasi-totalité par des auteurs locaux, fins connaisseurs et parfois militants des mouvements étudiés, cette collection d‘articles fait varier autant les dimensions qui font l‘objet des mobilisations étudiées (violence, recyclage, habitat, etc.) que les échelles d‘analyse Ainsi, et en dépit de preuves contraires souvent apportées, ce ne serait peut-être pas le niveau d‘institutionnalisation de ces pratiques innovantes qui en définit l‘aboutissement (assemblées publiques, tissu associatif local et religieux ou budget participatif, etc.) que l‘inventivité et la capacité de « résilience » des « forces vives » Lutte antiérosive Réhabilitation des sols tropicaux et protection contre les pluies exceptionnelles G De Nono, É Roose, H Duchaufour CD Rom – Éditions IRD – 12 € Face la pression démographique et foncière dans les pays en développement, la productivité des terres connt actuellement une forte baisse dans de nombreuses régions tropicales Par ailleurs, la succession rapprochée des tempêtes cycloniques entrne l‘appauvrissement extrême de certaines populations du fait de la dégradation des terres et des inondations des plaines où se développent les principales agglomérations Telles sont les problématiques étudiées par l‘IRD et le réseau Érosion de l‘AUF dont ce CD présente les derniers travaux Initialement réunies dans la perspective d‘un colloque Haïti (annulé suite au séisme de 2010), les contributions publiées ici portent sur des études de cas Haïti mais aussi Madagascar, au Maghreb ou au Vietnam, soit au total une soixantaine de communications et une série de documents récents issus des réflexions des experts Structuré en six thèmes, ce CD constitue ainsi une source bibliographique précieuse pour les décideurs, les experts, les ONG, les acteurs de la société civile et les chercheurs concernés par la gestion durable de l‘eau et la restauration de la productivité des sols (GCES) Décentralisation et développement local en Angola et au Mozambique : processus, terrains et acteurs Desenvolvimento local em Angola e Moỗmabique : Processos, Terrenos e Atore Yves-André Fauré et Cristina Udelsmann Rodrigues Éditions Almedina de Coimbra (Portugal) La décentralisation et le développement local, qui conditionnent l‘effectivité et l‘efficacité de nombreuses autres politiques publiques, sont analysés en Afrique lusophone dans cet ouvrage Bénéficiant d‘un financement Corus II du ministère des Affaires étrangères et européennes, ce programme a été conduit par trois équipes : IRD/Centro de Estudos Africanos (Institut Universitaire de Lisbonne), l‘Institut de Recherche pour le Développement Cruzeiro Sul (Maputo) et le Centre d‘Études et de Recherche scientifiques de l‘Université Catholique d‘Angola (Luanda) Les défis auxquels sont confrontés l‘Angola et le Mozambique, pays proches par leur histoire et leur taille démographique mais dissemblables du point de vue de la richesse économique, sont immenses Il s‘agit en effet dans les deux cas de passer d‘un contexte de guerre une situation de paix, de substituer aux mesures d‘urgence des politiques de développement, d‘assurer la transition de régimes de partis uniques un cadre pluripartisan, de basculer d‘économies administrées et fortement centralisées l‘économie de marché Mais aussi de réduire la dépendance vis-à-vis du pétrole (Angola) et de l‘aide extérieure (Mozambique) tout en émancipant, dans les deux pays, les territoires et villes de l‘intérieur Les démarches pluridisciplinaires (droit public et science politique, socio-anthropologie, économie, géographie) et les enquêtes de terrain entreprises par les chercheurs éclairent plusieurs aspects cruciaux des processus de décentralisation et de développement et de leur état d‘avancement différencié entre les deux pays Nouveaux représentants de l‘IRD Frédéric Huynh, est nommé, compter du 1er septembre, représentant de l‘IRD au Brésil, avec extension de compétence au Paraguay Ingénieur de l‘École centrale Marseille, Frédéric Huynh dispose d‘une large expérience de recherche en science de l‘ingénieur et en géomatique appliquée la spatialisation des changements environnementaux et la gestion intégrée des territoires, principalement en Amérique latine et en Afrique Successivement directeur du Laboratoire régional de télédétection de Guyane, chargé de mission « espace » auprès du directeur général de l‘IRD, directeur de l‘unité de service Espace puis de l‘UMR Espace-DEV, il est l‘origine de la mise en œuvre du concept de plateformes de télédétection au service de la recherche, de la formation et de la coopération au Sud Patrick Seyler, est nommé, compter du 1er septembre, représentant de l‘IRD en Guyane Géochimiste, il a débuté son parcours scientifique au CNRS au sein du Laboratoire de Géologie de l‘École normale supérieure En 1993, il rejoint l‘IRD où il a conduit de nombreux projets, notamment dans le cadre des programmes successifs pluri-organismes d‘étude de l‘environnement intertropical Il a été affecté au Cameroun, l‘Institut de recherches géologiques et minières, puis au Brésil au sein du Centre d‘énergie nucléaire pour l‘Agriculture de l‘université de São Paolo et ensuite l‘Institut des géosciences de l‘université de Brasilia ó il dirigeait le LME OCE « Observatoire des changements environnementaux » Patrick Seyler est actuellement directeur adjoint de lUMR Gộosciences environnement Toulouse (GET) Gilles Bezanỗon, est nommộ, compter du 1er septembre, représentant de l‘IRD au Bénin avec extension de compétence au Ghana, au Nigeria et au Togo Jusqu‘alors représentant au Niger Bruno Bordage, est nommé, compter du 1er septembre, représentant de l‘IRD au Cameroun, avec extension de compétence au Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale, en République centrafricaine et en République démocratique du Congo Jusqu‘alors représentant au Bénin Jean-Loup Guyot, est nommé, compter du 1er septembre, représentant de l‘IRD au Pérou avec extension de compétence en Colombie et au Venezuela Jusqu‘alors représentant au Brésil Jean-Marc Leblanc, est renouvelé dans ses fonctions de représentant de l‘IRD au Burkina Faso, avec extension de compétence en Cơte-d‘Ivoire © BEDE 00_015_015-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 13:10 Page15 D e u x q u e s t i o n s E d m o n d D o u n i a s Prise de parole par Martín Chávez Ramírez, représentant la communauté Rarámuri (Tarahumara), Mexique Ethnobiologiste l’IRD et organisateur du 13e congrès de la Société internationale d’ethnobiologie « Dialoguer avec les détenteurs de savoir sur la nature » Edmond Dounias : Indubitablement ! L’ethnobiologie s’intéresse aux savoirs naturalistes des sociétés locales Elle est donc l’héritière directe de l’ethnobotanique, une discipline apparue au XIXe siècle pour étudier l’utilisation des plantes par les sociétés travers le monde Son approche était alors essentiellement fondée sur des fins économiques et visait identifier des végétaux exploitables pour l’industrie occidentale On allait alors chez les « sauvages » collecter un savoir, l’objet d’une valorisation profitable, comme des épices, du Amchi Tenzing Bista, médecin bois d’œuvre, des plantes médicinales traditionnel du Népal échangeant utilisables pour soigner les affections… avec Edmond Dounias Cette démarche initiale, simpliste et intéressée a progressivement cédé le pas des approches plus complexes Les ethnobiologistes se sont mués en érudits, possédant des notions d’anthropologie, de linguistique et d’écologie Ils ont entrepris de longs séjours en immersion dans les sociétés pour comprendre leurs interactions avec l’environnement Ils considéraient les Papous, Pygmées ou autres comme un objet d’étude Enfin, plus récemment, partir des années 80, une nouvelle éthique s’est faite jour, soucieuse d’associer les peuples autochtones aux travaux sur leur culture L’ethnobiologie d’aujourd’hui est basée sur le partenariat entre chercheurs et groupes vivants des ressources naturelles E t h n o b i o l o g i e Un congrès « polyphonique » La Société internationale d’ethnobiologie vient de se réunir Montpellier récemment, mobilisant des publics bien au-delà de la seule communauté scientifique SAS : Quel sens avez-vous voulu donner cette manifestation en l’ouvrant largement au-delà de la communauté scientifique ? E D : Il s’agissait de répondre au code d’éthique élaboré par la Société internationale d’ethnobiologie, en rapport avec la nouvelle posture du chercheur évoquée précédemment, et qui fait désormais autorité sur la scène internationale Comme le congrès est un moment essentiel dans la vie de notre communauté scientifique, il ne peut s’envisager sans une participation massive de représentants de peuples autochtones, de sociétés traditionnelles et de communautés locales ; c’est un principe fondateur de cette société savante Car les chercheurs dialoguent cette occasion avec leurs partenaires détenteurs de savoirs sur la nature Nous avons pris le parti de nous affranchir du format académique traditionnel des rencontres scientifiques, peu propice la participation de ces acteurs issus de sociétés de tradition orale Ils ont donc pu s’exprimer travers des stands, des performances artistiques ou des séances de récits À Montpellier, nous avons voulu aller plus loin encore, en associant le grand public pour répondre une demande sociale très perceptible en la matière Le dispositif permettait la fois de l’informer et de lui donner la parole Car l’objectif du congrès était de débattre sur des questions environnementales, comme la pollution, la croissance démographique, le changement climatique, auxquelles nous apportons chacun des réponses qui sont fonction de notre appartenance culturelle Enfin, nous avons voulu associer cette démarche des enfants, mobilisés autour de ces problématiques par des projets pédagogiques ● C l u b edmond.dounias@ird.fr CEFE (IRD, CNRS, universités Montpellier I, II, III et Nỵmes, Supagro, Cirad, EPHE et Inra) Rencontre entre les lycéens et Niklas Labba, éleveur de rennes saami de Laponie j e u n e s Des cadets de la science Piégeage d’insectes par les jeunes CJRD CIAH la première fois avec des jeunes, Yaoundé Après Mecynorrhinella torquata nous avons adopté la démarche leurs cours, car ils complète d’un scientifique », sont étudiants en indique-t-il Avec leur mentor, ces lettres ou en droit « cadets de la science » sont partis de l’université pour constatations sur le terrain pour élala plupart, et borer des hypothèses, échafaupendant un an, ces der un protocole d’étude puis jeunes scientifiques collecter et analyser des amateurs sont venus données Après avoir courir la forêt pour mené bien leur échantillonner des insectes recherche, ils ont Afin de pérenniser l’opération, restitués les résultats d’avoir un suivi régulier même en leur ll e-Ga absence, un habitant des environs a obtenus travers la D/L IR © conception d’un poster été associé l’expérience, recevant la scientifique, la communication des même formation technique qu’eux résultats lors d’une conférence « Leur travail apporte des éléments publique dans la capitale utiles, des données complémentaires camerounaise et la aidant l’évaluation de l’avenir de la rédaction de la fameuse biodiversité dans la région », précise le publication Concrètespécialiste Une telle collaboration ment, leur travail porte sur l’impact de l’urbanisation et des changements environnementaux sur la population de Cétoines – des coléoptères – du site menacé de Mbam-Minkom dans Cy Aurata la grande périphérie de © IRD / Le-Gall E xpérience inédite pour des étudiants de Yaoundé… Membres du club jeunes IRD Cameroun (cf encadré), ils ont été associés toutes les étapes d’une étude scientifique, de sa conception la diffusion des résultats, étant même co-auteurs collectivement d’une publication scientifique en bonne et due forme ! Pour l’entomologiste Philippe Le Gall, qui a encadré ce travail et cosigne l’article avec eux, c’est l’aboutissement d’une enrichissante collaboration, menée par l’IRD au Cameroun et lassociation CIAH depuis 2006 ô Pour â IRD / J Fumtim l’étude des savoirs naturalistes des sociétés locales, l’ethnobiologie associe directement sa démarche les communautés concernées », indique Edmond Dounias, organisateur du congrès (cf entretien cicontre) Cette édition du congrès biennal avait, en outre, pris le parti d’ouvrir le débat au grand public, aux scolaires et au monde associatif, en se déroulant en même temps que la fête de la biodiversité organisée par la ville Les enjeux de l’ethnobiologie sont en effet en rapport avec les grands problèmes environnementaux contemporains et concernent l’opinion tout entière Ils reposent sur le principe de l’indissociabilité entre diversité biologique et diversité culturelle « On ne peut pas prétendre préserver les ressources de la planète et la diversité Contact entre chercheurs et membres d’un club jeunes est sans précédent au Cameroun Habituellement, ce type d’actions de sensibilisation la science s’adresse un public scolaire, de collégiens et de lycéens Il se cantonne alors des animations assez simples de sensibilisation la recherche « Nos chercheurs en herbe ont eu de la chance, reconnt Philippe Le Gall La discipline est en effet assez ouverte aux travaux d’entomologistes amateurs et il existe des revues pour publier leurs résultats aux côtés de ceux des professionnels » En outre, leurs résultats se sont avérés inédits, validant scientifiquement des intuitions jamais vérifiées jusqu’alors ● Contacts philippe.le-gall@ird.fr UR Biodiversité et évolution des complexes plantes-insectes ravageurs-antagonistes jeunesse@ird.fr Au service de l’environnement camerounais Actions pédagogiques, films d’information, conférences et débats, l’association CJRD-CIAH1 est sur de nombreux fronts en faveur de l’environnement, de l’habitat et de la santé au Cameroun Sa collaboration avec l’IRD a débuté en 2006, au plus fort de l’épizootie de grippe aviaire dans la région, avec une étude sur les habitudes de vie au contact de la volaille dans les quartiers habitat spontané Ce travail, conduit avec les jeunes, a abouti la réalisation d’un film de sensibilisation sur l’affection au virus H5N1, diffusé travers le pays, ailleurs en Afrique et même en Europe Outre les activités de recherche sur les Cétoines, l’association a récemment collaboré avec l’IRD dans le cadre de la présentation de l’exposition itinérante « Sciences au Sud » À cette occasion, des étudiants membres du club ont été formés pour accueillir et informer le grand public et les scolaires dans plusieurs pays d’Afrique centrale ● Club jeunes IRD – Collectif interafricain des habitants Contact 15 © Lycée Jean Monnet de Montpellier C oncerts, débats publics, performances chorégraphiques, pièces de théâtre, stands de présentations une rencontre scientifique peut parfois prendre des allures de festival Il en va ainsi du 13e congrès de la Société internationale d’ethnobiologie, qui vient de se tenir Montpellier du 20 au 25 mai dernier Au-delà des habituels échanges entre chercheurs, il empruntait en effet de multiples autres formes, investissant différents lieux de la ville et s’adressant des publics très variés Ainsi, cơté du colloque scientifique – la partie « on » du festival –, auquel ont pris part près de 700 chercheurs, se tenait un grand nombre d’événements connexes, accueillant la fois des représentants des peuples autochtones venus pour l’occasion, les habitants de la capitale languedocienne et des élèves du Languedoc-Roussillon participant des projets pédagogiques sur le sujet Cette organisation, pour le moins singulière s’agissant d’une manifestation scientifique, correspond la philosophie propre la discipline « Consacrée Planète IRD © IRD / Valérie Rotival Sciences au Sud : Y a-t-il une ethnobiologie d’hier et d’aujourd’hui ? biologique qui les constitue sans défendre les savoirs locaux naturalistes, garants d’une bonne gestion de la nature », explique l’ethnobiologiste Edmond Dounias L’histoire environnementale fait remonter le début de la disparition de la biodiversité au siècle dernier, alors que les sociétés humaines locales vivent en bonne intelligence avec la nature depuis des millénaires C’est donc auprès d’elles, avec leur expertise et avec l’adhésion de l’opinion publique, que l’ethnobiologie s’emploie trouver des solutions pour une gestion harmonieuse des ressources naturelles ● ciahcameroun@yahoo.fr Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 00_001et016-IRD65_SAS54.qxd 31/07/12 09:17 Page16 Tribune Touaregs et peuples du Nord-Mali, d’hier aujourd’hui les Sonraïs et les Touaregs, on distingue un groupe minoritaire dominant, les Kountas Ces derniers constituent de longue date les élites religieuses, politiques et culturelles locales Enfin, les métissages sont nombreux entre ces groupes, par des mariages dans les classes sociales intermédiaires notamment Cela disqualifie les raisonnements centrés sur l’appartenance ethnique SAS : La nature des rapports entre ces groupes a-t-elle évolué ces dernières décennies ? C G : Historiquement, ils vivaient dans une grande complémentarité, au travers de liens économiques, interfamiliaux et interpersonnels très forts Les Touaregs et les arabophones, essentiellement pasteurs nomades, occupaient l’espace avec les Sonraïs, producteurs de riz dans la vallée du fleuve Niger En saison sèche, les bêtes des premiers venaient ptre et préparer la culture les berges, exploitées ensuite par les seconds Cette organisation économique était la base des structures politiques de la région, faites de groupements de Touaregs et Sonraïs partageant les mêmes espaces Ces liens économiques vitaux ont été déstabilisés par la colonisation franỗaise, dốs le dộbut du XXe siốcle, pour circonvenir la résistance des Touaregs Les grandes sécheresses des années 70 et 80, qui ont occasionné une baisse sensible des crues du fleuve, ont leur tour ébranlé le système En 1994, le torchon brûle entre ces communautés, suite des exactions incontrôlées en marge de la rébellion touarègue, et la radicalisation de quelques officiers et de cadres ressortissant du Nord installés Bamako et même l’étranger Et il faudra toute la diplomatie de plusieurs sages et personnes ressources locales, invoquant les liens anciens entre les communautés, pour mettre fin aux tragiques affrontements SAS : Comment ces peuples s'inscrivent-ils historiquement au sein des États dont dépend cette vaste région d’Afrique de l’Ouest ? C G : De l’époque coloniale nos jours, les Touaregs et les États entretiennent des rapports particulièrement difficiles, surtout au Mali Fer de lance d’une opposition au pouvoir central, ils ont pris les armes en 1963-64, en 1990-94, en 2006 et encore aujourd’hui À chaque fois, ils ont tenté de mener leur combat au nom de l’ensemble des populations du Nord-Mali Ce faisant, ils relayaient un sentiment d’abandon, d’absence de perspectives, de marginalisation sur la scène nationale, très partagé dans ces régions ultrapériphériques Un pacte national, signé avec les autorités en 1992, relevait d’un effort significatif pour intégrer les populations du Nord Il reposait sur des facilités d’incorporation dans l’armée et les services de l’État et sur un soutien financier accru la région Mais des défauts de gouvernance et des calculs stratégiques de part et d’autre ont fini par le faire chavirer SAS : Les ressources économiques potentielles ou avérées de ces régions jouent-elles un rôle dans les troubles actuels ? C G : Indubitablement Cette question est cruciale dans l’espace saharien Le contrôle des pâturages, des points d’eau et des troupeaux, par exemple, a toujours constitué un facteur d’al- liances, de solidarités mais aussi de conflits et de guerres Depuis une quinzaine d’années, la compétition s’est portée, de plus en plus, sur d’autres ressources, venues de l’extérieur et qui traversent le Sahara, comme les trafics de cigarettes et, plus récemment, ceux d’armes et de drogues Les richesses démesurées associées ces nouvelles activités bouleversent l’économie frugale de la région et, par là, bousculent souvent l’ordre social ancien Quant aux ressources pétrolières, encore l’état de prospections, elles n’influent pas directement, selon moi, sur les événements actuels SAS : Quel est leur attachement religieux, quels liens ont-ils avec les groupes islamistes d'inspiration wahhabite (salafiste) ? C G : Depuis plusieurs siècles, la majeure partie de la population de cette région pratique un islam soufi, conforme aux enseignements de la confrérie Qadiriya, dont les plus érudits sont des Kountas2 L’arrivée de nouveaux mouvements remonte la fin des années 1990, avec la venue de prédicateurs pakistanais enseignant le tabligh, un mouvement apolitique et non violent, fondé en Inde dans les années 1920, et qui ont rencontré une audience significative dans la région de Kidal Voilà peu, le salafisme est entré en scène, via l’Algérie Certaines personnalités, chez les Touaregs comme dans d’autres groupes, sont même allées suivre des formations au wahhabisme en Arabie Saoudite Cette nouvelle doxa constitue une rupture importante avec les codes religieux et sociaux locaux Elle trouve un certain écho, auprès de la jeunesse notam- ment, par la remise en cause de notabilités traditionnelles et grâce aux moyens financiers conséquents dont disposent ses prosélytes Mais les adhésions que l’on observe aujourd’hui, et qui font la une des média occidentaux, présentent aussi un caractère circonstanciel, en fonction du jeu des rapports de forces gible des vieilles familles d’érudits Ces destructions s’adressent aussi la communauté internationale, balayant ostensiblement le récent classement de ces monuments au patrimoine mondial de l’humanité Elles font évidemment écho l’action des Talibans d’Afghanistan, qui avaient largement médiatisé la destruction des Bouddhas de Bâmiyân SAS : Toutes les communautés sonelles touchées par les affrontements ? C G : En premier lieu, ce sont les civils, contraints d’abandonner leur logis et leurs biens Près du cinquième de la population du Nord-Mali est déplacé ou réfugié l’extérieur du pays Comme souvent, les plus défavorisés sont les plus exposés aux troubles, faute de moyens pour partir Hormis les interdits religieux imposés par les nouveaux maitres de la région, qui empoisonnent particulièrement la vie des femmes, le plus pénible pour ceux qui restent est la totale désorganisation Il n’y a plus ni eau, ni électricité, ni médicaments, ni même d’argent pour acheter de la nourriture Les habitants des villes, sans champs et sans bêtes, sont les plus touchés La situation creuse les inégalités, et affecte tous les groupes, les Touaregs comme les autres SAS : Comment envisagez-vous, en tant que spécialiste, poursuivre vos recherches dans la région ? C G : Bien sûr, il est aujourd’hui très difficile d’aller sur le terrain au NordMali, je n’y suis d’ailleurs pas retourné depuis plus d’un an Il demeure néanmoins possible de recueillir des témoignages directs auprès de ressortissants de passage dans les capitales environnantes, Bamako, Ouagadougou, Niamey ou encore Nouakchott Si le terrain demeure inaccessible, il est en revanche possible et important de se replonger dans l’histoire plus longue, pour trouver des clés de compréhension aux événements actuels La région a ainsi connu des précédents en matière de mobilisation religieuse des fins politiques, en 1916-17 contre le colonisateur franỗais, et avant encore, au début du XIXe siècle, notamment au Niger actuel, dans une tentative pour fédérer les tribus rivales L’histoire nous enseigne toutefois que ces entreprises ont été vouées l’échec… ● SAS : Quel sens accorder la destruction du patrimoine religieux de Tombouctou ? C G : Elle a un caractère symbolique très fort, double portée Elle s’adresse d’abord aux populations locales, pour leur faire peur et leur imposer la vision universaliste de l’islam voulue par les wahhabites et leurs soldats salafistes Ceux-ci ne vénèrent que Dieu et la Mecque, l’exception de toute autre manifestation sacrée En détruisant les mausolées de saints locaux, les salafistes affirment leur volonté d’hégémonie religieuse sur la région, mais aussi politique, en bousculant l’autorité intan- Les Touaregs Iwellemmedan (1647-1896) Un ensemble politique de la Boucle du Niger, Paris, Karthala, 2010 et Les liens sociaux au Nord-Mali Entre fleuve et dunes Récits et témoignages (avec A Marty, R Ag Mossa et Y H Touré), Paris, Karthala, 2004 Ainsi que plusieurs groupes parmi les Touaregs que l’on appelle Kel Es-Suq Contact charles.gremont@ird.fr UMR LPED (IRD et Université Aix-Marseille) © IRD / Bernard de Mérona Suite de l’interview de Charles Grémont Exposition Les photos de l’IRD au Collège de France Le LVMH Recherche et le magazine La Recherche viennent d’organiser, pour la seconde année consécutive, une exposition de photographies scientifiques Le thème de ce millésime : « Espèces vivantes : inspirations pour l’homme » Le jury d’expert sélectionné une vingtaine de photographies, dont clichés réalisés par des chercheurs de l’IRD et issus de la Banque d’image Indigo Cette exposition s’est tenue en juin dernier au collège de France dans le cadre de la 4e édition du Forum Science, Recherche et société © IRD / Dominique Fleurisson © IRD / Eric Folcher Grenouille forestière, Hyla ornatissima, Guyane La grenouille, sentinelle de l’environnement Aujourd’hui, le déclin des populations d'amphibiens qui affecte des dizaines d’espèces sur la planète est considéré comme l’une des menaces les plus sévères pesant sur la biodiversité Ces animaux constituent, pour les scientifiques, d’excellentes sentinelles de l’état de l’environnement, notamment pour évaluer le degré d’anthropisation d’un écosystème Nudibranche (Chromodoris leopardus), Archipel des Tuamotu, Polynộsie franỗaise Des nudibranches aux mộdicaments de demain Les nudibranches, ou « limaces de mer », sont d’extraordinaires animaux marins qui ont développé, pour leur survie, de nombreuses stratégies : camouflage, mimétisme mais aussi production et sécrétion de substances bioactives Les nudibranches appartiennent ainsi aux quelques 500 000 espèces recensées dans les océans, qui, riches en substances bioactives, pourraient un jour entrer dans la pharmacopée des hommes Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 Vers Spirobranchus sp et corail du genre Porites, Archipel des Tuamotu, Polynộsie franỗaise Des os et des murs en corail ? Le corail possède un squelette externe (exosquelette) qu’il fabrique au fur et mesure de sa croissance Sa structure, semblable aux os spongieux de l’homme, est utilisée depuis les années 70 par la médecine pour réaliser certaines greffes osseuses de la mâchoire ou des interventions sur la colonne vertébrale Dans les années 2000, une start-up californienne a mis au point un procédé révolutionnaire et écologique pour fabriquer du béton partir de l’aragonite (carbonate de calcium), produit minéral issu du corail, aux propriétés extrêmement résistantes ... infestées par Meloidogyne graminicola au sud Vietnam Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 65 - juin/juillet/août 2012 l’Orstom dans le sud du pays au début des années 90 », raconte Stéphane... Développement et renforcement des capacités de recherche en Haïti », répond aux questions de Sciences au Sud Sciences au Sud : Deux ans après le séisme de 2010, où en est la reconstruction du système... régionale Dominique Fournier, son responsable scientifique, répond aux questions de Sciences au Sud Sciences au Sud : Quel bilan faites-vous des actions menées par Prefalc, dix ans après le début