Supplémenau Bulletin mensuel de la Socidtà i i n n i e n n e de Lyon 43e annéeno 3, mars 1974 CROISSANCE INDUSTRIELLE, ENERGIE NUCLEAIRE ET NATURE : LIBRES PROPOS par Jean PERICART Un article présentvoici un an sur trois numérode notre Revue ' brossait un tableau assez pessimiste de l'avenir de l'espăc humaine, livrâa la contamination radioactive par les centrales nucléaires La grande peur des radiations, tant sous leur forme cataclysmique concrétisÃpar la bombe que sous leur forme insidieuse d'agents ionis a n t ~est une réalitavec laquelle doivent compter ceux qui ont la charge de répondra la demande croissante en énergien construisant des usines atomiques Le cotà irrationnel de cette peur relăv de la psychanalyse collective : l'énerginucléairest marquédu péchoriginel d'Hiroshima et reste avant tout, dans l'inconscient de centaines de millions d'hommes, le champignon monstrueux de l'Apocalypse Le côt rationnel est le souci des pollutions et nuisances liâeaux utilisations pacifiques de l'ânerginuclâaireaspect partiel du problăm gânâr de la dégradatio de l'environnement de l'Homme par ses industries La littératurqui traite de ces questions n'en séparpas toujours les élémen affectifs et les donnâeconcrătes et les prises de position - éventuellemenopposée - de certains à Prix Nobel à ne font pas exception a cette tendance, leurs contradictions rappellant opportuné ment au commun des mortels que, si éminentqu'ils soient dans leur domaine propre, ces savants sont par ailleurs ce que nous sommes J e ne suis pas un savant mais, passionnà depuis trente annéepar !es Sciences de la Nature, j'ai par ailleurs consacr l'essentiel de mon activit professionnelle au problăm de la conversion des énergie; je me trouve ainsi, depuis les premiăre annâed e l'aprăs-guerre happ par deux courants difficilement conciliables hélasd'un côt la lutte pour la préservatiode la Nature contre l'emprise de la civilisation industrielle, de l'autre l'effort gigantesque effectuà pour assurer le dâve loppement de cette derniăr en lui fournissant son fluide vital : l'éner gie Position difficile, qui permet cependant de comprendre les motivations et argumentations des groupes de pression correspondants et d'en rechercher les possibles compromis C'est a un tel titre que je voudrais traiter de ces sujets et, les questions abordâeâtanpartiellement les mêmes revenir sur divers points de l'exposà que je viens de rappeler, dont j'avais appréci - comme, je le pense, tous les lecteurs du Bulletin - la clartà didactique, mais dans lequel j'avais cru discerner ce mélangredoutable de rationnel et d'irrationnel qui nuit Ph LEBRETON : Centrales nucléaire et e n v i r o n n e m e n t : Mise a u point Bull Soc Linn Lyon, 41 9, 1972, p CV-CVIII : 42, 1973, p VII-XVI ; 42 1973, p XXII-XXXV XVII I considérablement l'effort d'objectivité et la recherche des vraie s solutions Le texte cité contient d'ailleurs, me semble-t-il, un certai n nombre d'inexactitudes techniques ou scientifiques dont je me permettrai de corriger les plus importantes Croissance industrielle et Nature Il est hors de doute que l'apparition de l'Homme a représenté, pou r les écosystèmes naturels, une des plus grandes et des plus brutale s catastrophes des récentes périodes de l'histoire de la Terre Encore, jusqu'au milieu du XIX"'° siècle, les zones profondément modifiées pa r l'Homme restaient-elles vouées l'agriculture traditionnelle, n'excluan t pas la survie au stade climax de biocénoses relativement complexe s comportant des plantes et animaux de masses unitaires petites e t moyennes : elles laissaient subsister — en Occident même —, défau t de nature vierge, des étendues relativement préservées, peuplées pa r des séries végétales et animales complètes, comprenant en particulie r vieux arbres, grands herbivores et grands prédateurs Durant ces périodes, et jusqu'à l'aube de l'ère technologique, ni l'augmentation de s populations humaines ni celle de leur consommation en matières premières n'avaient manifesté des tendances dignes d'attirer l'attentio n d'un deus ex machina La croissance véritablement exponentielle de s besoins en énergie de notre espèce s'est amorcée lors de la premièr e révolution industrielle, celle de la vapeur Elle s'est poursuivie, ave c un taux accru, au cours de la seconde révolution, dite de l'électricité, laquelle se trouve associée une véritable explosion de découverte s scientifiques Enfin, l'asservissement de l'atome, qui se développe l'échell e industrielle dans ce dernier quart de siècle, est le troisième grand évènement dans l'extension de la mtrise de l'Homme sur les phénomène s naturels C'est partir de la seconde moitié du XX"'" siècle que les pay s occidentaux développés prennent conscience d'une dégradation déj irréparable de la nature ; sans parler des déserts écologiques que représentent villes et banlieues, les méthodes modernes d'agriculture et d e sylviculture, dont l'unique objectif est le rendement élevé court terme , ont fait régresser maints peuplements végétaux et animaux jusqu ' a u stade d'écosystème ultra-simples, où non seulement grands arbres , mammifères et oiseaux, mais aussi d'innombrables et discrets composants comme les insectes, sont atteints d'une manière profonde e t souvent irréversible Projetant dans l'avenir la poursuite de l'évolutio n en cours, nombre d'entre nous se posent les problèmes fondamentau x suivants : — La croissance exponentielle de la consommation d'énergie s e poursuivra-t-elle encore longtemps ; peut-elle et doit-elle être mtrisée ? L'énergie nucléaire qui devrait permettre de poursuivre cett e croissance est-elle ou non un fruit empoisonné ? — La préservation de la nature sauvage ou semi-sauvage est-ell e d'un intérêt vital, et si oui, peut-elle être efficacement conduite, e t comment ? XI X Il faut affirmer que la croissance exponentionnelle de la consommation d ' énergie est une phase nécessairement transitoire, puisque tout e fonction exponentielle du temps grandit très rapidement au-delà d e toute mesure, ce qui ne saurait être le cas d'aucun phénomène concret Quelle sera la durée de cette phase ? Excluons d'une part les phénomènes conjoncturels tels que la limitation durable des disponibilités e n hydrocarbures que pourrait conntre l'Europe Excluons d'autre par t toute catastrophe planétaire L ' on peut alors penser, par extrapolatio n des éléments d'analyse actuellement disponibles, que le rythme d e croissance que nous connaissons est susceptible de se prolonger dans le s pays développés jusqu'à la fin du siècle ou un peu au-delà, mais certainement pas beaucoup plus loin Des facteurs limitatifs naturels tels qu e pénuries, accumulation de déchets, compétitions entre individus o u entre nations, appartront obligatoirement, s'ils ne sont devancés pa r un auto-contrôle efficace que l'intelligence humaine rend possible condition que cette intelligence puisse effectivement s'exprimer l'échelle du comportement collectif La « croissance zéro » trouve dè s présent ses adeptes ; elle deviendra bientôt, sous réserve de nuance s et de diversifications complexes, car par exemple les problèmes du tier s monde sont fort différents des nôtres, la seule manière d'échappe r aux limitations naturelles que je viens de rappeler Bien sûr, un e erreur d'appréciation est possible quant la durée de ce sursis ; de nouvelles découvertes sont vraisemblables, qui permettraient de mainteni r la croissance des consommations en retardant l'apparition des pénuries et des nuisance associées ; ceci ne change rien l'essence du problèm e ni la nécessité où nous nous trouvons de définir assez court term e pour notre espèce une nouvelle éthique écologique régissant notre comportement collectif en tant qu' espèce vivante et nos rapports avec l e reste de la biosphère, c'est-à-dire la Nature Comment une telle éthique peut-elle se dégager et être accepté e peu peu ? Une action autoritaire l'échelle d'une organisation supra nationale comme l'O N U est aujourd'hui parfaitement utopique La concurence vitale entre nations rend par ailleurs impossible l'une quelconque d'entre elles de modérer volontairement sa poussé e industrielle Ce qui est vrai l'échelle des nations l'est aussi, tout a u moins dans le monde capitaliste, celle des organismes de productio n ou de distribution des biens de consommation qui y agissent et e n assurent le dynamisme expansif Bien que les pays socialistes aien t théoriquement des moyens de contrôle plus réels de leurs options , aucune tendance volontaire de limitation de la croissance ne se fai t jour dans les plus développés d'entre eux, bien au contraire Cette course la consommation pourrait certes être remise en caus e par les faits conjoncturels dont j'ai parlé en pensant bien sûr au développement de la crise pétrolière actuelle, mais que j'ai exclus du champ de mes réflexions parce que le manque de recul est évident Du moin s de tels faits pourraient-ils aider des courants contestataires, non anarchisants mais responsables, opposer aux dogmes officiels une nouvell e morale et préparer progressivement l ' opinion aux changements nécessaires Il reste probable que de telles pressions ne pourront s'exerce r BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 43' année, n" 3, mars 1974 XX sérieusement que lorsque les inconvénients de l'expansion, par disette s ou nuisances, seront plus ressentis qu'aujourd'hui Croissance industrielle et pollution La disette réelle de certaines matières premières, en particulie r de quelques métaux, peut-être redoutée moyen terme Ce ne sembl e pas être le cas pour l'énergie Les réserves d'hydrocarbures sont considérablement plus importantes qu'il n'était apparu dans les bilans datant d'une vingtain e d'années et les problèmes d'approvisionnement, éventuellement grave s que nous pourrons conntre, ne sont rendus possibles que par les localisations mondiales des gisements Les réserves d'uranium, évaluée s couramment trois décennies, manifesteront coup sûr le mêm e phénomène de sous-estimation En effet, celles actuellement rencensée s n'ont qu'une signification de marché, car elles sont estimées parti r d'un prix moyen admissible d'extraction-concentration de l'ordre d e 100 F/kg d'oxyde d'uranium raffiné ; l'uranium étant présent en faibl e teneur dans la plupart des roches primaires, et aussi dans la mer , les réserves exploitables seraient décuplées si l'économie des cycles d e combustible nucléaire permettait d'admettre des prix d'extraction beaucoup plus importants ; ce serait évidemment le cas s'il y avai t menace de disette énergétique ou si, par suite de l'évolution des techniques (réacteurs surrégénérateurs) la part de prix de l'uranium raffin é devenait négligeable dans le coût de revient de l'énergie livrée a u consommateur En bref, il y a peu de chances de manque réel d'énergie duran t le demi-siècle venir, et ceci compte non tenu de l'utilisation 10 fois meilleure de l'uranium, que permet d'espérer la filière des réacteur s surrégénérateurs en cours de mise au point au stade industriel Il est vraisemblable, dans ce contexte, que le problème des déchet s et de l'encombrement se manifestera d'une manière significative avan t celui des vraies pénuries La prise de conscience, au niveau collectif, de l'aspect polluant de s industries humaines, semble avoir surgi en même temps que celle de s dégradations infligées la Nature, c'est-à-dire vers le milieu du siècle En fait, le caractère nocif de certaines industries, chimiques par exemple, était reconnu depuis fort longtemps mais n'avait entrné qu e des préoccupations locales A l'heure actuelle, les mécanismes d'auto défense des sociétés industrialisées vis-à-vis des pollutions se développent rapidement, mais de manière irrationnelle, c'est-à-dire sans qu'apparemment l ' importance des craintes se rapporte toujours aux péril s encourus Une explication partielle de ce type de comportements réside dan s la difficulté où nous nous trouvons d'évaluer les effets réels des diverses atteintes notre milieu Certes, si l'on excepte les pollutions d e nature subjective, telles que l'enlaidissement d'un paysage par un e usine par exemple, la plupart des sous-produits nocifs de nos industries xx i sont identifiables et mesurables, souvent avec précision Il en est ains i des émissions de poussières, de produits chimiques, de chaleur, bruits , rayonnements ionisants Mais la difficulté n'est pas ce niveau, ell e est celui de la définition du seuil de tolérance des individus ou de s groupes Il est en général facile, pour chaque type de pollution, de ntre les doses létales ou provoquant des atteintes incontestables aux santés Il est par contre difficile de délimiter avec précision le s niveaux « acceptables », et les dispositions législatives qui peuven t être prises dans ce domaine, en concertation avec le corps médical, le s services d'hygiène, etc représentent nécessairement des compromi s entre les considérations physiologiques et les possibilités économiques , car l'annulation totale d'une nuisance correspond évidemment un coû t infini Il y a donc toujours, au moins implicitement, un risque admis , fût-il très faible C'est dans de telles franges d'incertitudes, inhérentes la natur e des problèmes posés, et aux limites de notre savoir, que les psychose s collectives, nées de certains traumatismes, peuvent se développer La lutte efficace contre toutes les pollutions est aujourd'hu i une des tâches et un des soucis essentiels des pouvoirs publics et de s organismes qui ont pour charge de satisfaire la demande en énergie d e nos sociétés Elle exige une appréciation objective et permanente de s risques réels Désamorcer les réactions irrationnelles du public, e n démystifiant les craintes, est donc un devoir pour le scientifique, dan s la voie difficile de la recherche du moins mauvais compromis entr e le maintien exigé de l'abondance et la minimisation de ses conséquence s néfastes Rôle grandissant de l'énergie électrique d'origine nucléaire Trois sources primaires principales d'énergie sont utilisées de no s jours La première est l'énergie hydraulique, mise en oeuvre dans le s chutes d'eau La seconde est l'énergie thermique « fossile », qui a recours aux combustibles naturels c'est-à-dire aux charbons et hydrocarbures liquides ou gazeux La troisième est l'énergie nucléaire d e fission, dont les matières premières sont les métaux fissiles naturel s comme l'uranium et peut-être le thorium, ou artificiels comme l e plutonium L'électricité n'est qu'une forme intermédiaire, non stockable industriellement, mais dont l'immense succès réside dans sa facilité d e transport et de transformation en toute autre sorte d'énergie : lumière , chaleur, force mécanique, conversions chimiques L'énergie d'origin e hydraulique est utilisée totalement grâce l'électricité produite dan s les centrales hydroélectriques L'énergie des combustibles naturels s e partage en deux secteurs : d'un côté la consommation directe après raffinage et transport, c'est le domaine des carburants et du chauffage domestique ; de l'autre la transformation en électricité grace aux centrale s thermiques « conventionnelles » brûlant du charbon, du gaz naturel, o u plus souvent en France du fuel-oil Enfin l'énergie nucléaire, qui appart sous forme de chaleur dans les réacteurs, est aussi transformé e en électricité par les centrales thermiques nucléaires, bien que l a BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 43e année, n" 3, mars 1974 XXI I possibilité de son emploi direct partiel l'état de chaleur, pour l a sidérurgie par exemple, ne soit pas exclue, terme d'une dizain e d'années, grâce des réacteurs nucléaires haute température Il n'est guère contesté que les réseaux électriques ne perturben t l ' environnement humain que par quelques nuisances acoustiques o u esthétiques qui pourront longtemps encore, moyennant des dépense s suffisantes — certes croissantes — être maintenues des niveau x tolérables L'électricité représente aussi, pour les utilisateurs, la form e idéalement propre de l'énergie L'accroissement des besoins énergétiques des décennies venir sera, dans une proportion importante, couvert par l'électricité d'origin e nucléaire En effet, la construction de centrales thermiques conventionnelles ne se poursuivra guère dans nos pays d'Europe occidentale au delà de 1980-1990, et si la coexistence des deux sources primaires, hydrocarbures et uranium, est prévoir encore durant plusieurs dizaine s d'années, la part relative des hydrocarbures décrtra peu peu, leur s principales applications devant rester la production des carburant s — si la voiture électrique se fait attendre —, la pétrochimie, et l e chauffage industriel ou domestique, en concurrence dans ce dernier domaine avec l'électricité La tendance pour la fin du présent siècle est donc orientée vers le « tout-électrique » base nucléaire, et bien que les autres source s possibles de pollutions justifient toujours un examen très sérieux, je sui s bien d'accord que, dans les études prospectives, une attention parti culière doit être portée sur les nuisances d'origine nucléaire Essai d'appréciation objective du risque nucléaire « pacifique » Il est souvent reproché aux responsables des programmes de construction des centrales nucléaires, aux Etats-Unis et en Europe occidentale, de s'être engagés dans un développement grande échelle avan t d'avoir obtenu des assurances suffisantes sur l'innocuité de ces source s d'énergie C'est un reproche absolument sans fondement D'abord, parc e que les programmes, dix ans de distance, peuvent être remis e n cause si un danger réel est diagnostiqué Ensuite parce que, précisément , il n'a jamais existé au monde un exemple de développement industrie l entouré depuis son origine d'autant d'attention et de vigilance, d'autan t de scrupules envers la santé du public, que l'énergie nucléaire pacifique ! Les débats longs et largement ouverts des congrès scientifiques , en cours depuis plus de vingt ans, en témoignent éloquemment Tous les aspects des risques nucléaires des centrales : sûreté de fonctionnement , rejets, problèmes de déchets, risques biologiques court et long termes , y font l'objet de discussions permanentes Examinons les situation s dans ces divers domaines, en commenỗant par le plus passionnel : l e risque biologique Radioactivité et risque biologique La peur aujourd'hui viscérale des radiations s'entretient en grand e partie par la croyance dans le fait qu'elles représentent des dangers XXII I complètement nouveaux, véritable dérèglement de la Nature, menaỗan t non seulement les individus de la maladie psychologiquement la plu s obsédante — le cancer — mais leur descendance , par des possibilité s de mutations monstrueuses Or, la radioactivité est un phénomène naturel, aussi vieux qu e le monde, et l'Homme ne l'a point inventée, bien qu'il ait appris, aprè s l'avoir identifiée, la provoquer lui-même La longue évolution d e quelques milliards d'années qui a précédé notre apparition sur c e Globe s'est accomplie dans une ambiance permanente de rayonnement s ionisants Il est lourdement probable que ce facteur n'a pas été passi f vis-à-vis de la biosphère, bien que nous ignorions l'heure actuell e le rôle qu'il a joué, ou peut encore jouer, dans la phylogenèse et l'ontogenèse des formes vivantes Comme on le sait, la radioactivité naturelle provient en premier lieu de l'écorce terrestre, dont se dégage du gaz radon, en second lie u des radionucléides naturels qui sont essentiellement le carbone 14 e t le potassium 40, et enfin du rayonnement cosmique Je rappellera i qu'à Paris le débit moyen de dose est de 100 millirems/an', provenan t pour 50 c/( du sol, 20 '/ des radionucléides naturels et 30 V, des rayon s cosmiques Cette radioactivité — fait important — est d'ailleurs variabl e suivant les points du Globe, et dans de grandes proportions Ainsi, e n Bretagne, où les terrains sont granitiques, elle est environ cinq fois plus élevée qu'à Paris Il est parfaitement légitime d'admettre que l a biosphère est en équilibre avec ce rayonnement de fond, et comme cel a a été fait, d'utiliser son ordre de grandeur pour point de départ d e la définition en première approximation des doses artificielles externe s tolérables Les fluctuations géographiques de la radioactivité naturelle , auxquelles ne semble corrélé aucun phénomène pathologique, prouven t d'ailleurs qu'un surcrt de 100 500 mrem/an peut être supporté san s aucun dommage par notre espốce Or les doses moyennes annuelles reỗues de nos jours par les populations des pays industrialisés du fai t des diverses sources artificielles de rayons ionisants se situent dan s les ordres de grandeur suivants : 50 mrem pour les examens radiographiques médicaux, 10 mrem pour les écrans de télévision familiaux , mrem pour les montres cadran lumineux, mrem pour les riverain s des centrales nucléaires Il s'agit bien sûr de moyennes estimées et non de chiffres extrêmes Il n'en reste pas moins que les doses mise s en jeu par toutes ces sources s'inscrivent aisément dans les fluctuation s naturelles dont nous avons parlé Qu'en est-il alors du danger de cancer et de mutations tératogène s évoqué par des personnalités éventuellement éminentes ? Les actions nocives court et long termes des doses artificielle s très élevées (centaines de rem), reỗues en un temps bref, ne son t millirem = 0,001 rem ; rem = équivalent de dose biologique de rayon- nement ionisant correspondant la libération d'une énergie d'ionisation-excitation de 100 ergs (10 joule) par gramme de matière vivante, du fait de rayons 3, X ou y ; s'il s'agit de rayons a, de neutrons ou de protons, la mêm e énergie de 100 ergs/gramme est estimée donner un équivalent de dose 10 foi s plus fort suivant les cas BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 43e année, n" 3, mars 1974 XXI V pas douteuses d'après les études sur les malheureux irradiés d'Hiroshima et les expériences de laboratoire sur les animaux Partant de c e fait, la querelle entre spécialistes réside dans la question de savoir s i les faibles doses ont un seuil minimal au-dessous duquel ne se produi t aucun effet dommageable sur les cellules vivantes, ou n'ont pas de seuil , toute dose si faible soit-elle provoquant statistiquement une action no n nulle Je ne suis pas qualifié pour prendre parti dans ce débat lui-même , qui concerne les médecins aidés des statisticiens Dans le cas pessimist e où l'effet nocif des radiations n'a pas de seuil, cela signifie par exempl e que le taux de leucémies des populations dues éventuellement l a radioactivité naturelle, et non connu d'ailleurs l'heure actuelle , augmenterait dans l'avenir au prorata du supplément de radioactivit é d'origine artificielle ; les ordres de grandeur très hypothétiques avancé s sans aucune base solide sont de quelques unités par rem supplémentair e et par an pour million de personnes Pour discuter de l'effet éventuellement nocif et cumulatif des faible s doses de rayonnement sur l'hérédité humaine, il semble utile de rappeler certaines notions aujourd'hui admises par les biologistes qui s e penchent sur les conditions d'évolution des espèces vivantes dans leu r milieu Sur le plan de l'ontogenèse, la probabilité d'apparition d'un monstr e individuel viable est certainement beaucoup plus faible que ne peuven t le suggérer des raisonnements simplistes se référant aux traumatisme s provocables par les rayons ionisants sur les acides nucléiques de s noyaux cellulaires On ne peut ignorer les résultats d'un récent colloque internationnal sur les accidents chromosomiques ', qui font appartre la rigueur impitoyable de la sélection naturelle lors de la formation d'un oeuf ou de ses premières divisions La vie s'est prémuni e contre les erreurs de transcription ou les transferts d'information s incohérentes par des mécanismes de redondance et de feed-back don t les chercheurs commencent aujourd'hui mesurer l'importance Sur le plan de la phylogenèse, je rappellerai qu'une espèce est , par définition, un ensemble de consanguins qui ont évolué en restan t isolés des souches phylétiquement les plus voisines, l'isolement étan t le fait d'obstacles géographiques ou écologiques Cette évolution s'est poursuivie pendant des durées assez considérables, centaines de millier s voire millions d'années, pour qu'apparaissent, par dérive lente du patrimoine héréditaire ou génome collectif, des barrières reproductive s suffisantes pour délimiter cette espèce La dérive naturelle du génom e résulte des mutations aléatoires individuelles viables de toutes origines , dont se trouvent seulement intégrées, par le jeu de la reproductio n sexuée et de la compétition darwinienne, celles qui sont dans la direction de la pression de sélection imposée par l'environnement social o u externe Ainsi, le montre individuel viable est un phénomène rar e et l ' espèce monstrueuse n ' a pas sa place On objectera ce dernier raisonnement de zoologiste la crainte qu e les mécanismes de sélection soient affaiblis pour l'espèce humaine, qu i Colloque sur les accidents chromosomiques de la reproduction Centre international de l'Enfance Paris 12-14 septembre 1973 XX V a quasiment annulé sa mortalité infantile et laisse ses « tarés » vivr e et se reproduire Certes, le danger de dérive désavantageuse et ultra rapide du génome humain — l'échelle de quelques dizaines de générations — du fait de notre éthique sociale, n'est pas minimiser , et il est même vrai dire très préoccupant, mais c'est un autre problème Il n'y a aucune raison scientifique de penser que la contribution des mutations ayant pour origine les rayonnements ionisant s artificiels se trouverait favorisée dans cette dérive par rapport cell e des mutations provenant d ' autres causes Risque somatique et risqu e génétique sont fort probablement du même ordre Admettre qu'une augmentation de la radioactivité naturelle, d e l'ordre de grandeur d'une fraction des fluctuations de celle-ci, serai t maléfique, est d'ailleurs un postulat pessimiste ; les chances qu'ell e soit indifférente ou bénéfique sont, en l'état actuel des connaissances , aussi grandes Rappelons d'ailleurs incidemment que le rôle des radiations ionisantes était présumé bénéfique avant l'explosion de l'arm e guerrière, et que les sociétés exploitantes des sources thermales vantaient alors la radioactivité de leur eau Des expériences récentes d e laboratoire semblent en tous cas montrer que la suppression de l'ambiance normale de rayons ionisants est préjudiciable au développemen t de certains organismes vivants Ainsi, la question de l'importance des risques biologiques du s un faible accroissement de la radioactivité ambiante du fait de s industries et centrales nucléaires, l'étude scientifique permet de répondre ceci : la lumière de ce qu'on sait aujourd'hui, et dans l'hypothès e la plus pessimiste, où les effets seraient nocifs, dénués de seuil, e t simultanément somatiques et génétiques, de tels risques restent extrêmement faibles Il est hors de doute que les individus acceptent délibérémen t des dangers objectivement beaucoup plus grands, de la part de substances cancérigènes comme le tabac, les hydrocarbures, les médicaments nombreux dont on connt mal les effets très long terme, etc Les dangers des contaminations internes radioactives plus fortes doses, par le jeu d'une part de la concentration chimique de certains éléments dans les organismes, et d'autre part de l'amplification d e cet effet le long des chnes alimentaires constituées par les diver s niveaux trophiques, sont aussi présentés sous des dehors inquiétants, ca r ils conduiraient rendre certains radioéléments très dangereux de s teneurs fort inférieures celles qu'incite retenir la seule considératio n de l'irradiation externe Contrairement ce qui avait été écrit dan s l'article déjà cité, ces questions sont suivies depuis fort longtemp s avec une extrême attention, et maintenant bien connues Les radioéléments issus de l'industrie nucléaire et mimant de s éléments vitaux auxquels ils pourraient se substituer dans les organisme s vivants sont identifiés, et leurs concentrations maximales admissible s ( CMA ), d'ailleurs jamais atteintes beaucoup près dans la réalité , ont été fixées compte tenu de cette propriété Il en est bien entend u ainsi pour les iodes et strontiums En ce qui concerne le tritium, la vigilance son encontre est motivée par sa période de décroissance relati BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 43e année, n° 3, mars 1974 XXVI vement longue et son aptitude pénétrer dans le corps travers l a peau, mais non pas par un quelconque risque de concentration dan s les organismes, puisque cet élément mime l'hydrogène, matériau qu e l'être vivant trouve toujours satiété Quant l'effet amplificateur des chnes alimentaires, il a été expos é par M Ph LEBREEON, la suite d'autres auteurs, d'une manière schéma tique, peut-être séduisante par sa clarté, mais conduisant trop facilemen t des erreurs grossières Les biomasses des composants d'un écosystèm e chaque niveau trophique, constituant la célèbre pyramide écologique , ne sauraient permettre, par de simples règles de trois, de calcule r l'éventuel enrichissement de la matière vivante en radioélément s quand on passe de la base au sommet de cette pyramide Notre sang n'est pas dix fois plus riche en cobalt, nickel, cuivre ou vanadiu m que celui du boeuf ou du mouton que nous consommons ! On ne peu t énoncer une règle générale partir de quelques rares cas défavorable s que les études menées depuis vingt ans par les écologistes permetten t de bien conntre Dans les domaines qui nous intéressent, il peut y avoir concentration le long de la chne pour le caesium et le zin c radioactifs, et quelques autres produits d'activation peu toxiques A u contraire, pour les radioéléments les plus dangereux, qui sont le s produits de fission de période longue, les organismes aquatiques supérieurs constituent plutôt des filtres éliminatoires ; un exemple en est l e cérium radioactif Le problème des rejets d'effluents liquides ou gazeux des centrale s trouve présentement sa solution dans l'application des règles relatives aux doses ou concentrations maximales admissibles (DMA ou CMA ) selon qu'il s'agit de contamination externe ou interne, ces règles ayan t été établies partir de la connaissance des tolérances naturelles l'égard des rayonnements ionisants, des périodes radioactives de s éléments en cause, et des pouvoirs de concentration des organismes leur égard Ces seuils « légaux » fixés par le CIPR ( Comité International de Protection Radiologique ), sont encore très loin d'être atteints même près des centrales, et la règle tacite est de maintenir les niveau x effectifs très au-dessous Problème des déchets radioactifs Les déchets qui ne peuvent être dilués et rejetés dans l'ambian t sans enfreindre ces limites, et en particulier les radio-isotopes longu e vie provenant du retraitement des combustibles irradiés dans le s Centres prévus cet effet — comme en France celui de La Hague — constituent un autre problème, dont le sérieux n'échappe pas au x spécialistes Les ordres de grandeur des volumes mis en jeu sont d e quelques centaines de mètres cubes par an pour un réacteur tel qu e ceux en construction au Bugey, les produits très longue vie n'étan t qu'une fraction de ce total Je considère, tout comme Ph LEBRETON , que l'envoi dans l'espace de ces déchets relève de la science-fiction Quant aux immersions en milieu marin, elles n'ont concerné apparemment que des produits de faible ou moyenne activité, mais je croi s que l'accord est aujourd'hui général en France pour les réprouver XXVI I sous cette forme L'idée d'utiliser les zones de subduction de certaine s plaques de l'écorce terrestre est avancée par des futurologues, mai s assurément les connaissances concernant la tectonique des plaques son t encore trop fragiles pour qu ' on puisse se reposer avant longtemps su r de telles solutions En réalité, les études importantes en cours aux U S A et en Europ e promettent de compter, pour le proche avenir, sur les techniques d e vitrification autorisant un stockage grande profondeur dans de s couches ou poches géologiques stables l'échelle de centaines de millier s d'années La maturation de ces techniques sera apparemment achevé e avant que les solutions actuelles de stockage dans des « cimetières » e n surface ou dans des tranchées, après enrobage dans du béton, deviennent insuffisantes en raison de l'accroissement des quantités de produit s mises en jeu En résumé, le problème des déchets est en bonne voie de solution , mais bien évidement s'il n'était pas résolu d'ici une décennie il y aurait lieu de revoir la cadence d'accélération des programmes nucléaires Sûreté des centrales L'impossibilité « par nature » d'une explosion du type bombe dan s les centrales nucléaires a été peu près reconnu e Les seules véritables explosions qu'on ait redouter dans les centrales nucléaires auraient des origines purement mécaniques : éclate ment d'enceintes remplies de gaz ou liquides sous pression, ou mis e en présence accidentelle de deux corps chimiques réagissant l'un su r l'autre comme le sodium et l'eau dans la filière des réacteurs neutron s rapides Le luxe de précautions adoptées dans les divers cas est tel qu e tous les accidents impliquant la libération de produits radioactif s dangereux pour l'environnement sont extrêmement improbables, mêm e en cas de séïsme ou de chute d'avion ! On ne peut cependant affirmer, objectent les opposants, que, parm i des centaines de centrales en fonctionnement, ne se produira pas, u n La notion de «masse critique» laquelle Ph LEBRETON a recours lorsqu'i l discute de ce sujet a cependant été mal comprise La masse critique — au-del de laquelle il y aurait explosion spontanée — n'existe ni pour l'uranium nature l ni pour l'uranium faiblement enrichi En effet, les réactions en chne n e peuvent être assurées, avec ces matériaux, qu'artificiellement, par mélange suffisamment intime avec un matériau modérateur de faible masse molaire tel qu e l'eau ou le graphite, dont le rơle est de ralentir les neutrons et d'accrtr e ainsi leurs chances de provoquer des fissions Le soi-disant «emballement» du réacteur anglais de Windscale en 195 était une combustion du graphite modérateur dans le courant d'air qui, pour ce type ancien de pile, était utilisé pour le transfert de la chaleur hors d u réacteur ; le « nuage radioactif parvenant jusqu'au Danemark » est une bell e exagération ; ce fut simplement par prudence, et compte tenu des directions de s vents ce moment, que fut interdite la consommation de lait dans une zon e limitée BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 43' année, n" 3, mars 197 XXVII I jour, la suite de malchances conduisant une catastrophe locale relativement grave Mais la situation n'est pas ici différente de celle présentée pa r toutes les autres activités industrielles humaines Les risques d'explosions dans les mines, de ruptures de barrages, d'accidents de circulation , etc., sont implicitement acceptés ; ils font, pour les nations développées , qui ont supprimé épidémies et famines, partie intégrante des aléas d e l'existence Le risque nucléaire, le plus surveillé de tous, et donc san s doute le plus improbable, peut-il être refusé ? Echauffement des rivières Les centrales thermiques conventionnelles rejettent sous form e de chaleur les 3/5 de l'énergie des combustibles ' ; cette proportion es t dépassée, et atteint les 2/3 pour les centrales nucléaires des génération s actuelles ; les surrégénérateurs neutrons rapides en cours de développement auraient un rendement du même ordre que celui des centrale s conventionnelles Dans la plupart des cas, cette chaleur est rejetée en grande parti e dans les rivières, dont l'eau est employée pour refroidir les condenseurs Les perturbations apportées par ces rejets de chaleur la faun e et la flore aquatiques sont aujourd'hui faibles, mais la multiplicatio n des centrales fait appartre un problème assez court terme En réalité, les responsables se préoccupent dès présent des solutions d e remplacement : refroidissement par eau de mer pour les centrales su r site maritime, ou bien au moyen de tours de réfrigération atmosphérique dans lesquelles un circuit auxiliaire transfère les calories d u condenseur vers l'atmosphère soit par vaporisation, et il s'agit alor s des réfrigérants humides, soit par échauffement d'air et c'est le systèm e des réfrigérants secs Ces solutions sont techniquement au point ; le s réfrigérants humides sont d'ailleurs utilisés depuis longtemps dans le s régions minières du nord de la France, dépourvues de moyens de réfrigération par eau courante La mise en oeuvre des tours de réfrigératio n est une question de prix de revient ; elle s'imposera au cours de la prochaine décennie et dans les suivantes Bilan des risques nucléaires Un examen honnête de la situation actuelle en matière de risque s nucléaires pacifiques conduit donc des conclusions non pas lénifiantes , mais dénuées de pessimisme Dans l'état actuel des connaissances e t Ph LEBRETON semble croire que le rendement d'une centrale thermiqu e classique est limité par la nécessité de rejeter au-dessus de 100 C les gaz d e combustion afin d'éviter la condensation de leur vapeur d'eau Bien que l a chaleur de condensation de cette eau soit en effet perdue, elle ne représent e guère que % de l'énergie de la combustion La limitation du rendemen t théorique vient du principe de CARNOT, qu'il faut appliquer aux température s extrêmes du cycle fermé eau-vapeur, savoir celle de la surchauffe dans l a chaudière (vers 600 , C) et celle de la condensation sous vide dans le condenseu r (source froide) vers 10-250 C suivant les saisons XXI X des possibilités techniques, le développement des centrales nucléaire s durant plusieurs décennies ne part comporter aucun risque inacceptable, et constituer le meilleur — ou le moins mauvais — compromi s entre l'exigence de croissance et celle de nuisance minimale Ainsi, les oppositions manifestées par une fraction des population s au développement de l'énergie nucléaire pacifique par crainte de s risques encourus apparaissent irrationnelles, puisque des dangers bie n plus grands sont acceptés par ailleurs du fait de nombreuses autres causes ; elles peuvent de plus être jugées inconséquentes en ce sens qu ' un arrêt effectif des programmes de construction des usines entrnerait , après un temps de latence de ans, des coupures de courant, de s problèmes de sous-emploi, etc , qui déclencheraient des vagues d e protestation d ' amplitude plus grande Ces oppositions constituent pour tant un phénomène objectif, dont les responsables des programme s d'équipement nucléaire doivent tenir compte C'est dans cet esprit que le concept du traitement systématiqu e de tous les effluents d'exploitation, en vue d'abaisser les rejets radio actifs de plusieurs ordres de grandeur (principe de « zéro release » ) est présentement l'étude ; de telles mesures, appliquées dès la prochaine décennie, reculeront encore le risque associé aux centrales, et contribueront désarmer l'opinion sur ces sujets Croissance industrielle et protection de la Nature Si le dogme de la croissance reste « tabou » et si les malaises qu'ell e suscite se cristallisent présentement sur des dangers amplifiés, la nécessité de préserver globalement la Nature — on devrait dire, plus modeste ment, de limiter les dégradations son encontre — est pourtant de plu s en plus unanimement reconnue, avec cependant des mésententes assez profondes quant ce qu' il s ' agit de protéger Pour les uns, les seules limites assignables la transformation d u milieu naturel sont les seuils au-delà desquels la survie de notre espèc e serait en danger ; compte tenu d'une part de l'extrême adaptabilité d e l'Homme, d'autre part de son prodigieux pouvoir de séclusion, ces limites pourraient être fort reculées et ne laisser subsister, parmi les écosystèmes naturels, que ceux dont l'existence est nécessaire la synthès e de notre nourriture et au maintien des cycles de base des élément s chimiques vitaux de la biosphère tels que le carbone, l'oxygène, l'azote , etc ; de nombreuses études fondamentales, d'ailleurs extrêmemen t difficiles, sont poursuivre avant que l'on connaisse même grossièrement l'influence que pourrait avoir sur ces cycles telle ou telle transformation provoquée de la biosphère Pour d'autres, l'Homme reste non seulement biologiquement, mai s aussi psychologiquement inséparable de la Nature dont il est le produit , et l'on ne saurait impunément aller très loin dans la transformatio n du milieu qui l'entoure, sans rendre la vie individuelle et sociale inacceptable ; les mégalopoles, même parsemées de pelouses artificielles, n e pourraient convenir l'épanouissement de l'Homme Enfin, la Nature originelle appart un nombre croissant d'individus comme un patrimoine qu'il convient de préserver, pour des rai BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 43e année, n" 3, mars 1974 XX X sons esthétiques, tels les patrimoines artistiques que nous ont légués les cultures passées Les naturalistes ajoutent ce courant de pensée l a notion de patrimoine scientifique ; celui-ci est constitué par l'ensembl e des formes vivantes résultant aujourd'hui de l'Evolution, dans l'éta t dynamique où elles subsistent ; ce document doit être remis intact au x générations futures, qui pourront acquérir par son étude, grâce de s moyens encore hors de notre portée, des connaissances qui nous de meurent inaccessibles Il est visible que, sur le plan concret, et en raison de notre relativ e ignorance des besoins profonds de l'Homme, l'option la plus conservatrice est la seule qui ménage entièrement l'avenir et soit acceptable par tous, l'attitude opposée risquant au mieux d'être celle de l'apprenti sorcier C'est pourquoi il importe de rallier au courant naturaliste, ains i justifié, les forces sociales et politiques susceptibles d'influencer le comportement collectif humain Le compromis entre le phénomène de croissance des besoins et l a nécessité de préserver la Nature ne peut être réalisé, pour les pays développés, que dans une politique de parcs naturels et de réserves biologiques intégrales ; cette politique est poursuivre, avec l ' aide des nations riches — comme cela est présentement engagé sous le patronag e d'organismes internationaux tels que l'U I C N ' — dans les pays tropicaux du tiers-monde, surtout ceux qui contiennent aujourd'hui les derniers écosystèmes vierges de la Planète En France même, les retards de la politique de protection son t importants, et les efforts méritoires entrepris depuis plusieurs année s par le Ministère de l'Environnement se heurtent des obstacles difficiles, dont les plus grands demeurent d'une part les consciences individuelles encore trop confuses du péril où se trouve notre Nature, e t d'autre part l'absence de motivation économique — ou plutôt la motivation en sens inverse — de notre système libéral envers la préservatio n de la vie sauvage L' éducation de notre jeunesse agit certes peu peu sur le premie r facteur Le mot « écologie », que nous étions quelques rares « initiés » prononcer voici vingt ans quand il s ' agissait de tenter de sauver l e Massif de Fontainebleau ou la Camargue, est aujourd'hui familier no s enfants, et sera de plus en plus présent dans les soucis des responsable s des grandes entreprises, qui dès aujourd'hui embauchent des écologiste s compétents Cependant ce changement de mentalité, qui jouera un rôl e considérable dans la réduction des pollutions individuelles et collectives , directement et par la voie des pressions sur les pouvoirs publics, n e s'effectuera complètement qu'avec une constante de temps de l'ordr e de la durée d'une génération Or le péril est, nous l'avons vu , beaucou p plus imminent La gêne qu'apporte l'économie libérale, par le biais de la puissanc e de l'argent, la gestion du patrimoine naturel est manifeste Acquéri r par dérogation des terrains en réserve et les lotir est source de profit s Union internationale pour la Conservation de la Nature et de ses ressources XXX I énormes, en face desquels le péril encouru par la Nature part bie n lointain et bien « intellectuel » Couper des beaux arbres centenaire s rapporte infiniment plus que les laisser vieillir davantage pour le plaisi r de nos arrières-petits-fils Il y a donc nécessité de peser sur ces comportements, soit par voie autoritaire, soit par des mécanismes de compensation plus élaborés , rendant rentable la conservation de la Nature par les particuliers ou les collectivités grâce au financement de l'Etat c'est-à-dire de chacu n de nous La Socialisation de la Nature préconisée par Philippe SAnrr MARC envisage, outre les parcs nationaux inviolables comportant de s réserves intégrales, et les parcs régionaux compatibles avec une certain e activité humaine, des zones pittoresques rurales qui feraient l'objet d'un plan d'arrangement d'ensemble appuyé par une Agence de l'espace rural Il y a grande urgence faire entrer complètement un tel schéma , ou une forme équivalente, dans les réalités Essai de conclusio n Ingénieur et Naturaliste, j'ai traité, dans les pages précédentes , de sujets préoccupants et dont la synthèse sans contradiction est difficile Cette synthèse est pourtant la seule issue optimiste la crise d e croissance qui va nécessairement marquer, en ce dernier quart de siècle , nos civilisations occidentales J'ai d'abord mis l'accent sur le caractère continu du développemen t industriel amorcé il y a près de cent cinquante ans en Europe et au x Etats-Unis et qui , appuyé sur le progrès scientifique, transforme un e allure vertigineuse la surface de notre planète J'ai souligné que le rythme de ce développement risque de ne pa s s'affaiblir de lui-même avant la fin de ce siècle, sauf crise de conjoncture, car d'une part son fluide moteur, l'énergie, n'est pas près de tarir , et d'autre part, les contraintes telles que nuisances et suroccupatio n des espaces, susceptibles de ralentir l ' expansion, sont encore trop pe u ressenties pour constituer des freins suffisants J'ai expliqué que l'énergie nucléaire, esclave aujourd'hui docile , assurerait progressivement la satisfaction de la plus grande partie de s besoins et ceci, tout au moins longtemps encore, par l'intermédiaire d e l'électricité Répondant un cri d'alarme lancé il y a peu de temps dans cett e même Revue, j ' tenu montrer qu ' en vérité aucun autre groupe d e techniques n'était aujourd'hui capable de satisfaire les demandes ave c un accroissement aussi réduit des nuisances A cet effet j'ai développ é les explications destinées ramener leur valeur réelle les divers risques associés l'emploi de l'énergie nucléaire J'ai notamment rappelé que le risque nucléaire pacifique, dépouillé de ses aspects subjectifs , était faible et, dans les hypothèses les plus pessimistes, inférieur celu i que l'Homme a toujours consenti de prendre pour augmenter sa puissance, son bien-être et celui de sa descendance Je pense ainsi avoi r exposé la situation avec probité BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 43e année, n" 3, mars 1974 XXXII Mais la vertigineuse transformation de nos Sociétés se fait au x dépens de la Nature, et je n'ai pas éludé la contradiction qu'impliqu e l'acceptation de l'aventure humaine et la défense de notre environne ment J'ai précisé que je croyais nécessaire d'adopter, l'égard de l a Nature, une politique très conservatrice, car c'est pour moi la seul e qui ménage entièrement l'avenir, dans l'ignorance où nous sommes de s besoins profonds de l'Homme et dans l'obligation morale où nous nou s trouvons de transmettre notre descendance les trésors que nous a légués la longue histoire de la vie sur notre planète J'ai affirmé que le seul terrain réaliste de conciliation entre expansion et préservation de la Nature était, sur tout le Globe, et de tout e urgence dans notre pays, la défense énergique d'une véritable politiqu e de réserves naturelles Achever de constituer ces réserves, nationale s ou régionales, puis les défendre âprement contre les pressions individuelles ou collectives est une tâche grande et difficile Elle se heurtera nécessairement de front aux besoins de l'expansion industrielle Mais un tel combat est urgent si nous voulons que notre environnement rest e encore acceptable demain (10, rue Habert, F-77130 Montereau) PUBLICATION HORS SERIE DE LA SOCIETE : JOURNEES ENTOMOLOGIQUES DU 150 e ANNIVERSAIRE DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYO N (Bull Soc Linn Lyon, 42 e année, numéro spécial, décembre 1973) 188 pages, planches de figures et 10 autres figures dans le texte La Société Linnéenne de Lyon vient de faire partre un volume réunissan t les mémoires présentés au cours des Journées entomologiques (15-16-17 septembre 1972) organisées l'occasion de l'année de son cent-cinquantenaire Ces travaux sont consacrés l'étude de Laboulbéniales, d'Acariens et d e divers ordres d'insectes (Campodéidés, Coléoptères, Dermaptères, Dictyoptères , Lépidoptères et Odonates), et relatifs leur biogéographie, leur écologie, leu r biologie, leur taxonomie ou leur importance en économie forestière Ils comportent les descriptions d'un genre nouveau, de dix espèces et deux sous-espèce s nouvelles (dont une appartenant la faune franỗaise) d'insectes, et d'une nouvelle espốce de Laboulbộniale parasite de Coléoptères Chrysomelidae Une not e traite de la possibilité de la spéciation sympatrique par l'isolement écologique , chez les Lépidoptères Il faut mentionner, entre autres, une intéressante révision des Gromphadorhina (dont est détaché le nouveau genre Elliptorhina Va n Herrew ), grosses blattes aptères des forêts de Madagascar Prix : 50 F - réduction 35 F pour les membres de la Société Imp Terreaux Frères, 157-159, rue Léon-Blum, Villeurbanne Commission paritaire N° 52199 Le Gérant : Marc Terreau x ... est hors de doute que l'apparition de l'Homme a représenté, pou r les écosystèmes naturels, une des plus grandes et des plus brutale s catastrophes des récentes périodes de l'histoire de la Terre... pollutions est aujourd'hu i une des tâches et un des soucis essentiels des pouvoirs publics et de s organismes qui ont pour charge de satisfaire la demande en énergie d e nos sociétés Elle exige une... établies partir de la connaissance des tolérances naturelles l'égard des rayonnements ionisants, des périodes radioactives de s éléments en cause, et des pouvoirs de concentration des organismes