Article original Mécanismes du collapse du chêne séché sous vide en vapeur d’eau surchauffée Amélie Demanet et Pierre Morlier * Laboratoire de Rhéologie du Bois de Bordeaux, CNRS / INRA / Université Bordeaux I, Domaine de l’Hermitage, BP. 10, F-33610 Cestas Gazinet, France (Reçu le 18 février 1997 ; accepté le 6 septembre 1999) Résumé – Dans le cadre d’un projet européen visant à sécher le chêne sous vide en vapeur d’eau surchauffée pour éviter ses discolo- rations, des essais de séchage ont été réalisés sur pilote de laboratoire, à partir de l’état vert, et l'étude présentée ici est une analyse parallèle, menée à l’échelle microscopique, des fentes de séchage et/ou du collapse, localisé dans les rayons ligneux ou généralisé, qui a pu se produire pendant le traitement, pour aider à la détermination d’une bonne table de séchage. Pour donner une interprétation mécanique correcte de ces phénomènes, il a été nécessaire de connaître les niveaux de résistance mécanique en compression ou en tension du bois vert à différentes températures pour les comparer à la superposition des contraintes internes de séchage et de la ten- sion capillaire. Cet article présente finalement un raisonnement micromécanique qui permet de rendre cohérent, en utilisant des concepts usuels de la mécanique des sols, des ensembles d'observations (rupture, collapse) sur le pilote et de données rhéologiques. séchage / chêne / collapse / fissuration / micromécanique Abstract – Collapse mechanisms of oak drying under vacuum with superheated steam. This study was performed in the frame- work of an european project concerning oak drying under vacuum with superheated steam: drying tests were performed in a pilot kiln and combined with the microscopical analysis of the fracture and/or collapses, diffused or localized in the ray cells, which may occur during the process. To provide a correct interpretation of this phenomena, it was necessary to study the mechanical strength in com- pression or in tension of green oak at different temperatures and to compare it with the superposition of drying stresses and capillary tension. This paper, using general concepts developped for Soil Mechanics, gives a consistent discussion about the experimental results and the micromechanical aspects of the problem. drying / oak / collapse / fracture / micromechanics 1. INTRODUCTION L'objet de cette étude est d’expliquer les mécanismes de rupture du chêne engendrés par le séchage sous vide en vapeur d’eau surchauffée (VES). Cette étude s’ins- crit dans le cadre d’un projet européen CRAFT «Brite Euram» visant à sécher le chêne à partir de l’état vert par ce procédé pour éviter ses discolorations [6, 9]. Il s’agit dans une première partie de caractériser les rup- tures dues au séchage à partir de l’état vert ; trois types de rupture sont décrits : le collapse généralisé, le col- lapse localisé et les fentes de séchage. Une deuxième partie concerne la détermination en tension et en com- pression des niveaux de résistance mécanique du chêne auxquels les ruptures de séchage sont provoquées. À la lumière des connaissances acquises sur le rôle Ann. For. Sci. 57 (2000) 165–179 165 © INRA, EDP Sciences * Correspondance et tirés à part Tel. 05 57 97 91 00; Fax. 05 56 68 07 13; e-mail: morlier@lrbb3.perroton.inra.fr A. Demanet et P. Morlier 166 mécanique des contraintes de séchage, de la tension capillaire et de la résistance mécanique du chêne en tension et en compression, la troisième partie de l’étude explique les mécanismes du collapse du chêne. Une table de séchage originale qui a permis d’éviter le collapse du chêne est enfin esquissée en conclusion. 2. MATERIEL ET MÉTHODES 2.1. Le plan ligneux du chêne 2.1.1. Éléments cellulaires À l’intérieur d’un cerne, le matériau est hétéro- gène puisque composé du bois de printemps (zone initiale poreuse peu dense formée de vaisseaux de très gros diamètres et de parenchyme longitudinal) et du bois d’été (zone plus dense ayant un rôle de soutien : vaisseaux de plus petit diamètre, disposés de façon diffuse, plages de fibres et de parenchyme paratrachéal). La figure 1 donne plus de détails sur l’organisation du plan ligneux du chêne. C’est à la jonction entre le bois de printemps et le bois d’été que l’on trouve la zone la plus dense du cerne d’accroissement annuel. Ensuite la densité diminue au fur et à mesure que l’on s’approche de la limite de cerne (Owoundi 1992). Les rayons ligneux qui traversent radialement tout le cerne sont en proportion pratique- ment constante dans chaque zone du bois initial et du bois final (Sciama 1995) ; ils peuvent être soit unisériés soit multisériés et leur aspect sur la section tangentielle constitue la maillure (figure 2). La littérature abondante sur les rayons ligneux témoigne de leur rôle mécanique de renforts radiaux (Guitard et El Amri 1987 ; Koponen et al. 1991 cités par [3]). Ils sont en partie responsable de l’anisotropie marquée du bois dans le plan transverse [3]. 2.1.2. Dimension et proportion des éléments cellulaires Les tableaux I et II suivants résument les dimensions et proportions des éléments cellulaires du chêne utiles pour notre étude d’après les travaux de [14] et de Sciama (1995). Le tableau III résume les dimensions, également utiles pour notre étude, des éléments cellulaires ultra- structuraux présents dans le bois. 2.2. Caractérisation des ruptures dues au séchage Les mécanismes de rupture sont mis en évidence par l’analyse des faciès de rupture au microscope électro- nique à balayage. Trois mécanismes sont décrits ci-des- sous : • la fissuration (induite en particulier par le séchage naturel) ; Figure 1. Bloc diagramme de Chêne pédonculé (Quercus robur L.) 1 = Plan transversal; 2 = Plan tangentiel-longitudinal; 3 = Plan radial- longitudinal; 4 = Pores; 5 = Vaisseaux; 6 = Fibres trachéides; 7 = Fibres libriformes; 8 = Trachéides vasicentriques; 9 = Parenchyme longitudinal en file; 10 = Rayons multisériés; 11 = Rayons unisériés (d’après [14]). Figure 2. Types de rayons ligneux du chêne dans le plan tan- gentiel-longitudinal : (a) unisérié; (b) multisérié, 1 désigne une cellule de parenchyme radial de rayon ligneux, 2 désigne un élément cellulaire longitudinal; (d’après Normand, 1972 cité par [14]) . Collapse du chêne 167 • le collapse localisé ; • et le collapse généralisé (induits par le séchage sous vide en vapeur d’eau surchauffée à 60°C). Les tables de séchage sous vide à l’origine des rup- tures de collapse localisé et généralisé ont été présentées par Guilmain et al.(1995) et Guilmain (1997). 2.2.1. Fissuration Il est facile de constater, même à l’oeil nu pendant le séchage du chêne à l’air par exemple, que des fissures apparaissent à la surface ou en bout de la planche dans les rayons ligneux : les cellules de rayons ligneux consti- tuent une véritable zone de faiblesse pour l’essence lors du séchage en général. La surface de fente montre la décohésion de la lamelle mitoyenne des cellules de rayons ligneux multisériés dans le plan RL (figure 3). 2.2.2. Collapse localisé Le collapse localisé se caractérise par l’effondrement d’une rangée de cellules de rayons ligneux sur la surface de fente dans le plan LR associée à la décohésion de la lamelle mitoyenne (figure 4). Cette fractographie particulière est uniquement visible à l’échelle microscopique dans les cellules de rayons ligneux multisériés : à l’échelle de la planche, on observe une fissuration interne et/ou en surface de la planche pro- pagée dans les cellules de rayons ligneux ( figure 5). On voit bien que la surface de fente du séchage natu- rel est bien différente de celle induite par le séchage sous vide en vapeur d’eau surchauffée : à l’échelle Tableau I. Éléments d’anatomie du chêne, d’après [14]. Pores Diamètre des pores de bois initial Dans les cernes étroits 270 µm (150 ; 350) 39,4 % (23,5 % ; 43,7 %) Diamètre des pores de bois final Dans les cernes larges 70 µm ( 30 ; 140) 7,7 % (3,9 % ; 13 %) Fibres Longueur Dans les cernes étroits 880 µm (280 ; 1600) 44,3 % (40,3 % ; 50 %) Diamètre Dans les cernes larges de 0,01 à 0,05 mm 58,3 % (55,5 % ; 63 %) Rayons ligneux Hauteur de rayons multisériés Dans les cernes étroits 38 mm (6 ; 80) 16,2 % (14,4 % ; 17,9 %) Largeur des rayons multisériés Dans les cernes larges de 120 à 1000 µm 29,3 % (18,1 % ; 33 %) Hauteur de rayons unisériés 160 µm (80 ; 240) * : Sont notées avant les parenthèses les valeurs moyennes puis entre parenthèse les valeurs minimum et maximum. Tableau II. Éléments d'anatomie du chêne, d’après Sciama (1995). Bois initial * %Fibres 11,5 (0,2 – 37,8) %Gros rayons ligneux 6,7 (1,4 – 17,1) %Parenchyme 50,4 (34,7 – 63,4) %Petits vaisseaux 0,3 (0,0 – 2,2) %Gros vaisseaux 31,2 (21,3 – 38,9) Bois final * %Fibres 38,9 (9,8 – 63,6) %Gros rayons ligneux 7,1 (2,1 – 16,4) %Parenchyme 47,7 (26,7 – 72,9) %Petits vaisseaux 4,9 (15 – 10,2) %Gros vaisseaux 1,4 (0,0 – 3,1) Densité basale (kg/m 3 ) : Fibres (1147) ; Rayons ligneux (815) ; Parenchyme (719) * : Sont notées avant les parenthèses les valeurs moyennes puis entre parenthèse les valeurs minimum et maximum. Tableau III. Quelques éléments ultra-structuraux du bois, d’après (*) [1] et (+) [16]. Éléments ultra-structuraux Dimensions (en diamètre) Pores de la paroi cellulaire (*) 0,03 µm Petits vides intercellulaires (*) 0,08 µm Pores dans les membranes de ponctuation (*) 0,3 µm Lumen cellulaire (*) 30 µm Membranes de ponctuations pour les feuillus (+) de 5 à 170 nm Micro-vides dans la paroi cellulaire sèche (+) de 0,3 à 60 nm A. Demanet et P. Morlier 168 microscopique, on distingue nettement l’écrasement cel- lulaire des cellules de rayons ligneux multisériés qui donne un aspect de vaguelette à la surface chaque fois que la cellule de rayon s’effondre sur elle-même ( figure 4), ce qui n’apparaît pas sur la figure 3. Ce faciès du collapse localisé est visible aussi bien sur les photos de fentes de surface que sur celles prises dans les fentes internes. Enfin, la fissure de collapse localisé passe bien dans le rayon ligneux et non pas à l’interface du prosen- chyme et du rayon ligneux comme on peut le voir cou- ramment lors de la fissuration du chêne au séchage ( figure 6). Pour d’autres procédés de séchage utilisés pour le chêne, nous n’avons pas vu décrire dans la littérature des faciès de fente présentant le collapse localisé des cellules de rayon ligneux du chêne : l’apparition du collapse localisé semble lié au procédé de séchage sous vide en vapeur d’eau surchauffée. Le procédé de séchage sous vide étant reconnu comme très rapide, la vitesse impor- tante de diffusion de l’humidité vers la surface peut être à l’origine de l’apparition d’un tel défaut ; la vaporisa- tion de l’humidité à l’intérieur de la planche et la sur- pression interne engendrée par ce type de procédé risque également d’endommager la structure. 2.2.3. Collapse généralisé La rupture par écrasement est visible sur les sections transverses après le séchage. Ce collapse est caractérisé par un retrait important de la section : le retrait volu- mique mesuré à la fin du séchage peut atteindre selon les planches deux fois celui auquel on s’attendrait s’il n’y avait pas de collapse (retrait de séchage normal). À l’échelle microscopique, on distingue l’effondrement cellulaire du plan ligneux (gros vaisseaux dans le plan transverse et rayons ligneux dans le plan tangentiel sur les figures 7 et 8) et l’effet est plus marqué sur les cel- lules de rayons ligneux multisériés que unisériés (figure 9). On peut penser que le collapse prononcé des cellules de rayons ligneux multisériés est en relation étroite avec la particularité de ces cellules au cours du séchage : elles constituent de véritables drains qui transportent la majeure partie de l’humidité du coeur de la planche vers la surface (Olson et al. 1989). Figure 3. Surface de fente après séchage naturel du chêne à partir de l’état vert (plan LR). Figure 4. Surface de fente de séchage sous vide en VES : écrasement des cellules de rayons ligneux (plan LR). Collapse du chêne 169 Figure 5. Fissuration des rayons ligneux à l’échelle de la planche (séchage sous vide en VES; dans le plan RT). Figure 6. Fissuration de collapse localisé (séchage sous vide en VES ; dans le plan TL). Figure 7. Effondrement de la section transverse après le sécha- ge sous vide en VES (plan RT). Figure 8. Effondrement de la section tangentielle après le séchage sous vide en VES (plan TL). Figure 9. Zoom de la figure 8 sur les cellules des rayons ligneux multisériés (séchage sous vide en VES ; dans le plan TL). A. Demanet et P. Morlier 170 Ce type de défaut est bien connu chez le chêne lors- qu’il est séché depuis l’état vert sous de conditions sévères de séchage. D’autres essences, notamment cer- taines espèces d’Eucalyptus, sont aussi propices à ce défaut aussi appelé « macro-collapse » (Vermaas et Bariska 1994). À ce stade de nos connaissances, et quel que soit le type de collapse induit par le séchage sous vide en VES, notre contribution est l’étude des niveaux de résistance mécanique du chêne pour expliquer les mécanismes de rupture mis en évidence face au rôle mécanique de l’eau capillaire sous tension et des contraintes internes de séchage. Il s’agit de la résistance mécanique en compres- sion et en fissuration (mode I) du chêne à l’état vert en fonction de la température. 2.3. Niveaux de résistance mécanique du chêne à l’état vert en fonction de la température 2.3.1. Description des essais mécaniques Nous avons choisi d’associer les essais de compres- sion dans le sens transverse au problème du collapse généralisé. Les directions de compression sont le sens radial et le sens tangentiel qui sont les directions de plus faible résistance mécanique [7]. Les dimensions des éprouvettes plates de compression sont identiques à celles utilisées par François pour le même type d'essai (5 × 25 × 25 mm 3 ) pour mettre en évidence le comporte- ment de type élasto-plastique pour les directions d'ortho- tropie radiale et tangentielle. Nous avons associé les essais de fissuration au collap- se localisé décrit ci-dessus et aux fentes de séchage. De notre point de vue, l’essai de fissuration est plus repré- sentatif de la décohésion du matériau qu’un essai de traction simple car nous travaillons avec de petits échan- tillons et il peut s’avérer difficile d’établir pour un essai de traction un champ de contrainte homogène pour inter- préter correctement les résultats. Le mode de fissuration des éprouvettes est le mode d'ouverture (mode I) et le plan de propagation choisi est le plan privilégié de pro- pagation des fentes de séchage dans les rayons ligneux de chêne, c'est-à-dire le plan LR. Les essais de fissura- tion sont réalisés sur une géométrie d'éprouvette propo- sée par Gustafsson et Larsen (1990) et déjà utilisée au laboratoire [4, 13] pour le même type d’essai méca- nique : l'éprouvette SENB (Single Edge Notched Bending) de la figure 10. Deux directions de propagation (figure 11) sont étudiées lorsque les efforts sont dirigés dans la direction tangentielle : la direction radiale (confi- guration TR) et la direction longitudinale (configuration TL) avec une entaille située soit dans les larges rayons ligneux soit dans les tissus voisins (prosenchyme). L'éprouvette est constituée de trois parties : la partie centrale, un parallélépipède entaillé en chêne, est collée entre deux renforts en épicéa. La partie centrale en chêne a une hauteur et une largeur identique de 20 mm et une épaisseur de 12 mm (figure 10) et la hauteur d’entaille est 10 mm. L’entaille, usinée avec une scie circulaire montée sur un tour, a une épaisseur de 0,2 mm. Les renforts ont été collés avec une colle MDI adaptée au collage du bois vert. L'éprouvette SENB a été calibrée numériquement par une méthode par éléments finis ; elle est utilisée pour une approche par la mécanique de la Figure 10. Type d'éprouvette utilisée pour les essais de fissuration Figure 11. Configuration TL et TR des essais de fissuration. Collapse du chêne 171 rupture car elle est peu sensible à l'orthotropie du maté- riau dans les configurations TL et TR [17]. 2.3.2. Conditionnement des éprouvettes Les éprouvettes de chêne sont prélevées dans les mêmes planches qui ont été séchées sous vide en VES. Avant usinage, ces planches ont été conservées bois contre bois. Les planches les plus humides au milieu de la pile sont usinées pour tailler les éprouvettes d’essai mécanique. Les éprouvettes de compression sont saturées en eau après usinage, compte tenu de leurs petites dimensions et du séchage superficiel provoqué par l’usinage. La satura- tion est obtenue par la mise sous vide de l’éprouvette puis par l’injection d’eau : au bout de quatre heures, l’éprouvette étant saturée, elle est enrobée de film plas- tique imperméable, conditionnée à la température d’essai pendant 20 minutes puis testée en compression. Les éprouvettes pour l’essai de fissuration sont collées à l’état vert selon la procédure utilisée par [13]. Ensuite, après le collage, chaque éprouvette est enrobée de film plastique, conditionnée en température dans l’enceinte d’essai (20 minutes) et directement testée pour éviter le séchage. 2.3.3. Déroulement des essais mécaniques Les essais de compression sont réalisés sur une machine d'essai de traction-compression conventionnel- le. Les éprouvettes sont comprimées entre deux pla- teaux: le plateau inférieur est un plateau fixe tandis que le plateau supérieur, relié au capteur de force de 2000 daN, est rotulé. Pour limiter les frottements qui pourraient perturber la réponse du matériau en compres- sion simple, des feuilles anti adhérentes sont disposées entre les plateaux et l'éprouvette. Lors de la mise en place de l'éprouvette, le plateau rotulé vient s'appuyer sur l'éprouvette et compenser les défauts d'usinage après son blocage. Les essais de fissuration et propagation de fissure sont des essais de flexion trois points réalisés sur la même machine que les essais précédents. Après assemblage de la partie centrale et des renforts sur un bâti de collage adapté, l'éprouvette est mise en appui sur deux rouleaux cylindriques de 15 mm de diamètre. L'appui central est relié au capteur de force de 100 daN et permet d'appli- quer la charge par l'intermédiaire d'un rouleau cylin- drique de 12 mm de diamètre. La machine d'essai est reliée au système d'acquisition qui enregistre pour chaque essai la courbe Force- Déplacement de la traverse. Les essais sont réalisés dans une enceinte, ventilée et régulée en température, dans laquelle est placé le bâti de compression ou de flexion trois points. L’essai débute lorsque, après la mise en place de l’éprouvette, la température de l’enceinte venti- lée et régulée en température atteint à nouveau la tempé- rature de consigne. Nous testons la résistance mécanique en compression à 34°C, 40°C, 50°C et 60°C et en fissuration à 20°C et 60°C car l’effet de la température est plus marqué sur la résistance en compression qu’en fissuration [2]. 2.3.4. Dépouillement des essais L'essai de compression simple a pour objectif de caractériser la contrainte limite élastique à partir de laquelle le matériau subit une déformation permanente. La courbe obtenue (figure 12) met en évidence deux par- ties : la première phase est linéaire, elle représente le domaine élastique jusqu'à une valeur de contrainte que nous appellerons «S » qui correspond à la résistance limite élastique; ensuite on note une phase de compres- sion ou consolidation représentée par un plateau horizon- tal ou une courbe croissante, qui se termine quand tout l'espace poreux est comblé. Nous évaluons la résistance limite en compression S du chêne dans le sens radial (R) et tangentiel (T) en divi- sant par la section initiale de l'éprouvettte l'ordonnée du point d'intersection des deux phases décrites ci-dessus: la section de l'éprouvette n'a pas à être corrigée pendant la déformation plastique [7]. Pour l’essai de fissuration dont deux exemples de résultats sont donnés figure 13, nous utilisons un critère d'initiation et de propagation de fissure [13]. L'énergie de rupture G f,I est l'énergie mécanique rapportée à la surface de fissure ouverte (ou ligament) nécessaire pour produire la rupture totale de l'éprouvette entaillée (1). Figure 12. Détermination de la contrainte limite élastique du chêne. A. Demanet et P. Morlier 172 (1) δ : déplacement dans lequel travaille la force F, δ 0 : déplacement à la rupture complète, S : surface rompue du ligament, F : force enregistrée. Cette énergie correspond à l'aire comprise sous la courbe Force-Déplacement de la figure 13 divisée par l'aire de la surface rompue. 3. RÉSULTATS ET DISCUSSION 3.1. Résultats des essais mécaniques en compression simple 3.1.1. Résultats Pour chaque température, huit éprouvettes radiales et huit éprouvettes tangentielles ont été comprimées. Les expériences montrent que la résistance limite radiale (S R ) et tangentielle (S T ) diminue en fonction de la température (figures 14 et 15). En outre le rapport d’anisotropie radial/tangentiel est conservé quelle que soit la température (tableau IV). Ce rapport est compatible avec les données de [8] soit 1,4. Soit (2) qui représente la perte de résistance du matériau en fonc- tion de la température ; la conservation du rapport d’ani- sotropie est exprimée par l’évolution similaire dans les directions radiale et tangentielle de la fonction η. Elle indique que tous les tissus ont la même dépendance vis- à-vis de la température (figure 16). Nos résultats expérimentaux sont compatibles avec les modèles existants (figure 14), et nous proposons d’intro- duire l’effet de la température sur la résistance en com- pression du Chêne dans un des modèles usuels [8], qui s’appuie sur des considérations microscopiques/macro- scopiques. Le modèle de Gibson et Ashby s’écrit : S R = S paroicellulaire k 1 d b d paroicellulaire k 2 S T = S paroicellulaire k 1 1,4 d b d paroicellulaire k 2 η R,T = S R,T T °C S R,T 34 °C G f, I = 1 S F d δ 0 δ 0 Figure 13. Courbe Force-Déplacement dans l'essai de fissuration. Figure 14. Résistance du Chêne dans le sens radial entre 34°C et 60°C ( d b = 550 kg/m 3 ). Comparaison entre les modèles de Gibson et Ashby et de Beauchene et Thibaut. Figure 15. Résistance du Chêne dans le sens tangentiel entre 34 °C et 60 °C ( d b = 550 kg/m 3 ). Collapse du chêne 173 avec : k 1 = 0,20 ; k 2 = 2 ; S paroi cellulaire : résistance en com- pression axiale de la paroi cellulaire ; d b : densité basale ; d paroi cellulaire = 1500 kg/m 3 . À partir du lissage de la fonction η, l'effet de la tem- pérature s'introduit sous la forme (3) et (4) : (3) avec η (T °C) = –1,43 × 10 –5 × (T) 3 + 2,16 × 10 –3 × (T) 2 – 0,116 × (T) + 3,03. (4) Le modèle traduit que l’effet de la température sur la résistance du matériau est à l'échelle microscopique puis- qu'il s’applique directement sur la résistance de la paroi cellulaire. 3.2. Résultats des essais de rupture en mode I Les résultats des essais de fissuration sont présentés sur le tableau V pour les configurations TL et TR déjà définies sur la figure 11; les évolutions des énergies de rupture en fonction de la densité basale sont données sur les figures 17 et 18. 3.2.1. Évolution de l’énergie de rupture en fonction de la température et de la densité L'analyse statistique des résultats expérimentaux montre que l’énergie de rupture n’est pas significative- ment dépendante de la température quelles que soient les configurations TR ou TL (5). (5) G 20 °C – G 60 °C σ 20 °C 2 n 20 °C –1 + σ 20 °C 2 n 20 °C –1 < t S R = η T °C × S paroicellulaire k 1 d b d paroicellulaire k 2 S T = η T °C × S paroicellulaire k 1 1,4 d b d paroicellulaire k 2 Tableau IV. Contraintes limites du chêne à l’état vert dans le plan transverse (MPa) d b = 550 kg/m 3 . Température (°C) n E.T C.V (%) S R (MPa) n E.T C.V (%) S T (MPa) Rapport d’anisotropie 34 8 0.2 2 8 8 0.4 8 5.8 1.4 40 8 0.4 6 7.3 8 0.2 6 5.2 1.4 50 8 0.3 5 6.6 8 0.1 3 4.7 1.4 60 8 0.2 3 5.7 8 0.2 6 4.5 1.3 Tableau V. Récapitulatif des essais de rupture en mode I pour le Chêne. Conditions d’essai Nombre d’observations Écart-type Coefficient de variation (%) Énergie de rupture Sens TL Bois vert, 20°C, [DEMANET94] 10 33 12 281 Bois vert, 20°C, [DEMANET97] 15 70 22 311 Bois vert, 60°C, [DEMANET94] 8 77 31 251 Bois vert, 60°C, [DEMANET97] 10 36 14 260 u = 10%, 20°C, [DEMANET94] 1 - - 314 Conditions d’essai Nombre d’observations Écart-type Coefficient de variation (%) Énergie de rupture Sens TR Bois vert, 20°C, [DEMANET94] 9 117 25 463 Bois vert, 20°C, [DEMANET97] 14 99 26 378 Bois vert, 60°C, [DEMANET94] 9 72 16 443 Bois vert, 60°C, [DEMANET97] 10 147 29 507 u = 10%, 20°C, [DEMANET94] 10 61 16 388 A. Demanet et P. Morlier 174 avec t : t de Student (t = 2,1 pour un risque à 5% et t = 2,85 pour un risque à 1%) ; s : écart-type ; n : nombre d’observations ; G – : énergie de rupture moyenne. La différence entre les moyennes des populations à 20°C et 60°C n’est pas significative si l'on considère un intervalle de 99% ni pour le sens TL ni pour le sens TR. La probabilité de se tromper sur l’effet température est de 3% : de notre point de vue, l’effet température n’est pas statistiquement significatif pour ce type de caracté- ristique mécanique du matériau et, si vraiment cet effet température existe, il est très faible comparé à celui sur la résistance mécanique en compression. Les résultats des deux campagnes d’essai montrent les mêmes ten- dances (tableau V). 3.2.2. Chemin emprunté par la fissure dans la configuration TL Les fissures suivent les éléments longitudinaux du bois lorsqu’elles sont initiées dans le prosenchyme. Lorsqu’elles sont initiées dans les rayons ligneux, elles dévient pour se propager le long des éléments longitudi- naux (vaisseaux, fibres). 3.2.3. Chemin emprunté par la fissure dans la configuration TR Lorsque les fissures sont initiées dans le prosenchy- me, elles traversent les cernes dans le bois initial et le bois final et le nombre de décrochements sur la courbe force/déplacement correspond au nombre de zones ini- tiales poreuses. Ce résultat a déjà été mis en évidence par une analyse fractographique [4]. Lorsque les fissures sont initiées dans les rayons ligneux, elles continuent de se propager dans ces éléments cellulaires, ce qui a été vérifié au microscope (figure 19). La fractographie de la figure 19 permet bien, en effet, de reconnaître la décohésion de la lamelle mitoyenne des cellules de rayons ligneux : les cellules sont intactes et la surface des parois ne présente pas de déchirements parti- culiers. On ne constate pas le faciès de vaguelettes comme sur la surface des fentes de collapse localisé. En revanche, la surface ressemble à celle des fentes de séchage déjà décrites (paragraphes 2a et 2b) car les cel- lules de rayons ligneux multisériés ne sont pas effon- drées. Figure 16. Évolution de la perte de résistance en fonction de la température (fonction η). Les valeurs jusqu’à 60°C sont déduites de nos données expérimentales et la valeur à 80°C est déduite des données de [2]. Figure 17. Évolution de l’énergie de rupture en fonction de la densité basale dans la configuration TL à 20°C et à 60°C. ■ sens TL à 20 °C ; ✕ sens TL à 60 °C Figure 18. Évolution de l’énergie de rupture en fonction de la densité basale dans la configuration TR à 20°C et à 60°C. ■■ sens TR à 20 °C ■ sens TL à 60 °C [...]... coeur au début du séchage Ces contraintes se relaxent en raison du fluage du matériau au cours du séchage Ces contraintes relaxées à la fin du séchage tendent à empêcher l’intérieur de se rétracter suffisamment et induisent des contraintes internes de tension à coeur et par réaction des contraintes de compression en surface à la fin du séchage Des potentiels de retraits inégaux entre différentes zones... Botosso P.C., Une méthode de mesure du retrait microscopique du bois : application à la prédiction du retrait tangentiel d’éprouvettes de bois massif de Sapin pectiné (Abies alba Mill.), Thèse de l’Université Henry Poincaré - Nancy I (1997) [4] Demanet A., Caractérisation du comportement mécanique du chêne séché sous vide en vapeur d’eau surchauffée, DEA Sciences du Bois, Université Bordeaux I (1994)... résistance dans le sens tangentiel appliquée à un tissu uniquement constitué de rayon ligneux (en moyenne db = 800 kg/m3) et en comparant cette résistance à la tension capillaire maximum suscep- Cette étude contribue à apporter des éléments de réflexion sur le collapse du Chêne et ainsi que des éléments quantitatifs : 1 Compte tenu du rôle mécanique de l’eau capillaire, il est très probable que le collapse généralisé... statistiquement significative Pour limiter le collapse du Chêne même à forte température (au-delà de 40 °C), et suivant une recette proposée par Hart (1984), nous avons préconisé d’effectuer un pré-séchage du matériau sous vide en vapeur d’eau surchauffée en effectuant des oscillations régulières d’une durée de 24 heures de l’humidité relative, entre h = 0.98 et h = 0.90, pour sécher ultérieurement des... de chaleur et de masse dans les planches pendant le séchage Cette cinétique crée des gradients de teneur en eau dans le matériau qui évoluent au cours du temps et engendrent des contraintes internes de séchage Ces contraintes internes sont dues à plusieurs phénomènes qui contribuent à un état global de contraintes Elles peuvent avoir trois types d’origine en fonction de l’échelle de la structure (Schniewind... cohérence entre les données de la porosimétrie au mercure, des essais mécaniques et des essais de séchage en vraie grandeur 2 Il semble que le collapse localisé soit la conséquence d’une instabilité mécanique à l’échelle microscopique Collapse du chêne lors de laquelle le rôle de la tension capillaire est prépondérant Pour ce type de rupture du joint en tension, la température n’a pas d’influence statistiquement... totale et u aient un sens 3.5 Discussion À la lumière des notions du paragraphe 4 et des mesures de caractéristiques mécaniques du chêne saturé (paragraphe 3), on va maintenant discuter l'existence des ruptures décrites au paragraphe 2 3.5.1 Fissuration du chêne en surface (séchage à l’air) Les résultats des essais de propagation de fissure permettent de conclure sur le comportement à la rupture en traction... d’apparition du collapse localisé compte tenu du faciès de rupture particulier mis en évidence (vaguelettes) 3.5.2 Collapse localisé C'est effectivement le faciès de rupture en vaguelette qui est remarquable ici, avec le fait que ce faciès se développe en plein milieu d'un rayon ligneux multisérié ; cette dernière particularité est commune aux fentes de surface (5a) et puisqu'elle n'est pas cohérente avec... probable que le collapse généralisé soit la conséquence d’une perte de résistance en compression du matériau à 60 °C L’écrasement tangentiel de la structure mis en évidence par l’analyse microscopique correspond effectivement à la direction de plus faible résistance mécanique en compression Cette perte de résistance en compression macroscopique est la conséquence de l'effet de la température sur les propriétés... entre les rayons ligneux et les autres cellules (3b), il faut l'expliquer par un gradient de contraintes, qui tend à fissurer le rayon ligneux entre le centre et les rives de celui-ci Le faciès en vaguelette dénote un effondrement brutal de deux rangées de cellules au cœur du rayon ligneux : tant que la lamelle mitoyenne résiste aux contraintes qui tendent à la séparer (contraintes de séchage ET tension . bien que la surface de fente du séchage natu- rel est bien différente de celle induite par le séchage sous vide en vapeur d’eau surchauffée : à l’échelle Tableau I. Éléments d’anatomie du chêne, . des faciès de fente présentant le collapse localisé des cellules de rayon ligneux du chêne : l’apparition du collapse localisé semble lié au procédé de séchage sous vide en vapeur d’eau surchauffée Nancy I (1997). [4] Demanet A., Caractérisation du comportement méca- nique du chêne séché sous vide en vapeur d’eau surchauffée, DEA Sciences du Bois, Université Bordeaux I (1994). [5] Demanet