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verne j - un capitane de quinze ans

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Trang 1

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Trang 2

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«PadancoKa WKOAA»

Trang 3

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Chapitre I

»Le Pilgrim“

Le ,,Pilgrim“ était l'un des plus petits, mais Pun des

meilleurs navires que James Weldon, riche armateur cali-

fornien, envoyait chaque été jusqu’a l’Océan antarctique

a la péche de la baleine Le navire était commandé par le

capitaine Hull, bon et brave marin

A la fin de chaque saison de péche le ,,Pilgrim“ revenait

a San-Francisco chargé jusqu’aux bords de barils d’huile de baleine

Pourtant l’année 1873 ne fut pas heureuse pour le »Pilgrim“ La saison de péche n’était pas encore finie lors-

que le capitaine Hull fut obligé de se diriger vers la Nou-

velle-Zélande: il voulait remplacer le cuisinier* du navire, qui était tombé malade!, et quelques pécheurs qui travail- laient mal Au port d’Auckland il trouva un remplacant pour son cuisinier, mais il ne put trouver le personnel

nécessaire à la péche de la baleine Alors il se décida 4

gagner [Amérique avant la fin de la saison de péche Le navire était prét a partir lorsque mistress Weldon, femme de l'armaieur du ,,Pilgrim“, pria le capitaine Hull

de la prendre 4 son bord? Elle, son fils Jack, agé de

cing ans, l’un de ses parents, qu’elle appelait ,,cousin Bénédict“ et Nan, une vieille négresse qui la servait depuis

son enfance, se dépéchaient de revenir 4 San-Francisco ott

James Weldon les attendait

Le capitaine Hull accepta de prendre mistress Weldon a son bord, et mit sa propre cabine a la disposition de sa passagére

! tomber malade — saxbopirw

Trang 4

_Au moment de partir le capitairie Hull s’approcha de

mistress Weldon

— Mistress Weldon, lui dit-il, le ,,Pilgrim“ est un bon

et solide navire, mais vous ne trouverez pas 4 son bord le confort auquel vous étes habituée

— La question de confort ne peut m’arréter, répondit

mistress Weldon, partons, monsieur Hull!

L’ordre de mettre le cap sur! l’Amérique fut donné et

on leva les voiles Mais trois jours aprés son départ le

navire fut obligé par un vent contraire a4 changer de

direction A la date du 2 février le capitaine Hull était encore bien éloigné de la route que suivaient habituelle-

ment les navires qui se dirigeaient vers les cơtes de Amérique

Chapitre IT

Dick Sand

Les conditions de la navigation du ,,Pilgrim“ étaient trés bonnes La mer était belle, le temps était chaud et

mistress Weldon, son fils et son cousin faisaient une bonne traversée

Les hommes du ,,Pilgrim“, bons et solides marins,

étaient trés-unis par Vhabitude Cette saison de pêche était la quatrigme qu’ils faisaient ensemble Ils étaient tous Américains et se connaissaient de longue date’

Un homme 4 bord, seul, n’était pas un Américain IL

était Portugais et se nommait Negoro C’était le nouveau

cuisinier du navire

Le capitaine Hull n’avait pas eu le temps de se rensei-

gner sur? son passé ct il le regrettait, car la figure de

Negoro ou plutét son regard, ne lui plaisait pas

Negoro pouvait avoir quarante ans Maigre, nerveux, de taille moyenne, trés brun, il semblait étre robuste Il

ne parlait jamais de son passé, il ne disait mot? de sa

famille Dó il venait, ot il allait, on ne pouvait le devi-

ner Il disait seulement qu’il débarquerait 4 Valparaiso

1 mettre le cap sur—wanpasuTH KopaGenb B6ix (10)

ils se connaissaient de longue date — sown ỐyH 1a5HO 3HẠOMI

3 se renseigner SuT— 1OBÏ1ATcb npo Korocb (HIOCb)

4 ne dire mOf— He BHMOBHTH HỈ C1058

C’était certainement un homme singulier II s’intéressait

peu au voyage et apparaissait rarement sur le pont

L’équipage du ,,Pilgrim‘, qui se composait de cing

matelots et d’un novice, ne l’aimait pas

Sac oe

Le novice du „Pilgrim“”, âgé de quinze ans, était un enfant, abandonné đès sa naissance Dick Sand, — ainsi

se nommait-il, était fortement constitué Il était brun avec

des yeux bleus qui brillaient d’un feu ardent Son métier

Trang 5

de marin l’avait préparé aux luttes de la vie A quinze ans, il savait déja exécuter jusqu’au bout ce qu’il avait décidé de faire Son air, a la fois vif et sérieux, attirait

attention Il était presque un homme 4 l'âge ó d’autres

ne sont encore que des enfants

A quatre ans Dick avait appris A lire, a écrire et a compter A huit ans, il s’était embarqué comme mousse! sur un navire des mers du Sud La, il avait appris le métier de marin

Dick Sand fut remarqué par le capitaine Hull lorsqu’il était mousse 4 bord d’un navire de commerce Le capitaine

Hull ressentit un vif intérét pour cet orphelin et lui aida a

compléter son éducation a San-Francisco Pendant le

cours de ses études, Dick Sand se passionna pour la géo- graphie et pour les voyages

A lage de 15 ans Dick Sand s’embarqua comme novice une »Pilgrim“, commandé par son protecteur le capitaine

ull

Mistress Weldon connaissait Dick depuis son enfance

Elle aimait ce brave garcon Elle pouvait sans aucune

inquiétude lui confier le petit Jack Aussi 4 bord du_,,Pil-

grim‘ Dick et Jack étaient presque toujours ensemble Le

jeune novice montrait au petit garcon tout ce qui, dans

son métier, pouvait lui paraitre amusant

La traversée s’accomplissait donc dans les meilleurs

conditions, lorsqu’un premier incident se produisit, préci-

sément dans la journée du 2 février

Dick Sand et Jack, vers neuf heures du matin, par un

temps trés-clair, étaient assis sur les barres du mat de

perroquet De 1a, ils voyaient tout le navire et une partie de l’Océan Dick expliquait 4 Jack que le ,,Pilgrim‘, bien

équilibré dans toutes ses parties, ne pouvait pas chavirer,

lorsque le petit garcon l’interrompit:

— Qư”ai-je done vu 1a?!

— Vous voyez quelque chose, Jack? demanda Dick,

qui se dressa tout debout? sur les barres

— Oui, 14! répondit le petit Jack, en montrant un point de la mer

Dick Sand regarda attentivement le point indiqué, et

aussit6t, d’une voix forte, il cria:

— Une épave devant nous!

1 s’embarquer comme mousse —nocrynutH Ha KopaGesb IOHTOIO * se dresser tout debout — sunpamutuch Ha Bech 3picT

Chapitre III

L’épave

Au cri poussé par Dick Sand, tous les hommes qui n’étaient pas de quart! montérent sur le pont Le capitaine

Hull, quittant sa cabine, se dirigea vers l’avant

Mistress Weldon, Nan et le cousin Bénédict le suivi-

rent

Seul, Negoro n’abandonna pas la cabine qui lui ser- vait de cuisine, la rencontre d’une épave ne paraissait pas

Vintéresser

Tous regardaient avec attention l’objet flottant sur les vagues a trois milles du_,,Pilgrim‘

— Quelque radeau abandonné, dit un matelot

— Ce n’est pas un radeau, dit le capitaine Hull C’est un navire chaviré sur le cété?

— C’est plutét quelque animal marin de grande taille, repliqua le cousin Bénédict

— Je ne le pense pas, répondit le novice

Le cap du ,,Pilgrim“ avait été mis sur l’épave Un

quart d’heure plus tard, elle se trouvait 4 moins d'un demi-mille du ,,Pilgrim“ C’était bien un navire a demi

chaviré sur le cdté De ses mats il ne restait plus rien et sur sa coque s’ouvrait un large trou

— Ce navire a été abordé!* s’écria Dick Sand

— Quelques hommes de I’équipage sont peut-étre

encore a bord, dit mistress Weldon

— Ce n’est pas probable, répondit le capitaine Hull

On ne nous donne aucun signal Mais nous allons bien-

tot voir

Le „Pilgrim“ nétait plus qu’a trois cents métres de Ứépave, quand Dick Sand fit un geste qui commandait le silence | — Ecoutez! Ecoutez! J'entends un abojiement! s’écria- t-il En effet, un aboiement éloigné retentissait à Ïinté- rieur de la coque

— Si méme il n’y a qu’un chien, monsieur Hull, dit

mistress Weldon, nous le satverons!

Trang 6

— Oui, oui! s’écria le petit Jack, nous le sauverons! Je

lui donnerai a manger! II nous aimera bien Maman, je vais aller lui chercher un morceau de sucre!

— Reste, mon enfant, répondit mistress Weldon en

souriant Je crois que le pauvre animal doit mourir de faim et qu'il préférera une bonne soupe a ton morceau de

sucre

— Eh bien, qu’on lui donne ma soupe! s’écria le petit Jack Je peux bien m’en passer!

A ce moment, les aboiements se faisaient plus distinc- tement entendre Deux cents pieds au plus séparaient les

deux navires Presque aussitét, un chien de grande taille

apparut sur la coque en aboyant plus fort que jamais

— Attends, mon chien, attends! cria le petit Jack a Vanimal, qui sembla lui répondre par un aboiement

Le canot du ,,Pilgrim fut amené', et le capitaine

Hull, Dick Sand et deux matelots s'y embarquérent aussi-

tot Ils allaient en quelques coups d’avirons atteindre la

coque de l’épave Mais tout a coup, les aboiements du chien changérent Ils devinrent furieux La plus violente colére excitait le singulier animal Ce que ne pouvait alors

observer le capitaine Hull, ce qui ne fut méme pas

remarqué a bord du ,,Pilgrim‘, c'est que la fureur du chien

se manifesta au moment oi Negoro sortait de sa cabine Negoro regarda le chien, fronga les sourcils et rentra dans

la cuisine

Cependant, le canot avait tourné l’arriére de l’épave Cette coque, c’était tout ce qui restait d'un grand navire!

A Vavant un large trou indiquait la place ó le choc

s’était produit

Sur le pont il n’y avait personne Le chien aboyait toujours

— Il n'y a personne a bord, dit le capitaine Hull

— Non, s’écria Dick Sand, non! Le chien n’aboierait

pas ainsi! Il y a 1a des étres vivants!

En ce moment, l’animal répondant a l’appe! du novice, se laissa glisser? 4 la mer et nagea péniblement vers le canot On le recueillit, et il se précipita non sur un mor- ceau de pain que Dick Sand lui présenta d’abord, mais

vers une écuelle qui contenait un peu,d’eau douce,

Quand le canot, pour tourner, s’éloigna un peu de

‘Je canot fut amené— cnyeTum waonky 2 se laisser glisser — ackosuyTH, 3iCKOB3HYTH

Vépave, le chien saisit Dick Sand par sa jaquette, et ses aboiements recommencérent avec une nouvelle force

On le comprit Son langage ¢tait aussi clair que le

langage d’un homme

Enfin le canot atteignit.la coque et le capitaine Hull, Dick Sand et le chien montérent sur le pont, puis ils ent- rérent dans la cale! 4 demi pleine d’eau

Trang 7

— Personne ici! dit le capitaine Hull Mais le chien,

qui était sur le pont, aboyait toujours et semblait appeler

le capitaine

Les deux hommes remontérent le pont Le chien,

courant a eux, chercha 4 les entrainer vers la dunette! Ils le suivirent La, cinq corps étaient couchés sur le

plancher C’étaient les corps de cing négres

Dick Sand, allant de l'un 4 l’autre, crut sentir que les

malheureux respiraient encore Les deux matelots qui gardaient le canot furent appelés et aidérent a transporter

les naufragés hors dé la dunette

Deux minutes aprés, les cing noirs ¢taient couchés dans le canot Le ,,Pilgrim“ était tout prés de Iépave, le canot l’accosta? bientét et l’on transporta les cing négres

sur le pont du navire

Le chien les avait accompagnés

— Les malheureux! s’écria mistress Weldon, en aper-

cevant ces pauvres gens

— Ils vivent, mistress Weldon! Nous les sauverons! Oui! Nous les sauverons! s’écria Dick Sand

— Que leur est-il done arrivé? demanda cousin Bénédict

— Nous le saurons bientét, répondit le capitaine Hull,

ils nous raconteront leur histoire Mais avant tout, fai- sons leur boire un peu d’eau, a laquelle nous mélerons

quelques gouttes de rhum Puis se retournant: — Negoro! cria-t-il

A ce nom, Je chien se dressa le poil hérissé, la gueule ouverte Cependant, le cuisinier ne paraissait pas

— Negoro! répéta le capitaine Hull

Le chien donna de nouveau des signes-de fureur

Negoro quitta la cuisine -

A peine se fut-il montré sur le pont, que le chien se précipita sur lui et voulut lui sauter à la gorge?

D’un coup de baton dont il s’était armé, le cuisinier

Tepoussa Ƒanimal

— Est-ce que vous connaissez ce chien? demanda le capitaine Hull au cuisinier

— Moi! répondit Negoro Je ne I’ai jamais vu! — Voila qui est singulier! murmura Dick Sand

1 chercher a entrainer vers la dunette — HaMaraTHCW n0BecTH (H0- Tarra) 1O DVỐKH

? le canof accosta — Ii1IOTIKA IIPHMA/1H/14

3 sauter à la gOFEe — CXOIHTH 33 TOpAO

10

Chapitre IV

Les survivants de l’épave

Malgré l’abolition de l’esclavage des navires, chargés

de négres-esclaves, quittaient chaque année les cétes d’Angola ou de Mozambique pour transporter ces négres

en divers points du monde, et, il faut méme le dire, du

monde civilisé

Le capitaine Hull ne l’ignorait pas et il se disait que

les noirs qu’il venait de sauver étaient probablement des

esclaves, que le navire allait vendre 4 quelque colonie du

Pacifique

Les soins les plus empressés avaient été donnés aux

naufragés Mistress Weldon, aidée de Nan et de Dick

Sand, leur avait apporté d’abord de l'eau fraiche 4 boire,

puis quelque nourriture

Le plus vieux de ces noirs, — il pouvait étre 4gé de

soixante ans,—put bieniơt répondre en anglais aux

questions que lui adressa le capitaine Hull

— Le navire qui vous transportait a été abordé?

demanda le capitaine

— Oui, répondit le vieux noir Il y a dix jours, notre

navire a été abordé pendant une nuit trés sombre Nous dormions

— Mais les matelots du navire que sont-ils devenus?!

— Ils métaient déja plus 14, monsieur, lorsque mes

compagnons et moi nous sommes montés sur le pont

— L’équipage a-t-il donc pu sauter 4 bord du navire

qui a abordé le votre?

— Il faut l’espérer

— Et ce navire, aprés le choc, n'est pas revenu pour

vous prendre a bord? — Non

— Dó venait votre navire?

— De Melbourne

— Vous n’étes donc pas des esclaves?

— Non, monsieur, répondit vivement le vieux noir

Nous sommes des citoyens de l’Amérique

Ainsi quiils le dirent au capitaine Hull, ces négres

s‘étaient engagés en qualité de travailleurs chez un

Anglais, qui possédait une exploitation prés de Melbourne,

! que sont-ils devenus? — imo 3 numu TpAanHAOcb2

Trang 8

dans !’Australie Leur engagement terminé', ils avaient voulu retourner en Amérique Ils s’étaient embarqués sur

un navire nommé le ,,Waldeck“ et avaient quitté Mel-

bourne le 5 décembre Dix-sept jours aprés, le ,,Waldeck“ avait été abordé par un grand navire Les cing noirs étaient restés seuls 4 bord, sur une coque a demi chavirée, a douze cents milles de toutes terres

Le plus vieux de ces négres se nommait Tom Les

autres noirs, étaient des jeunes gens de vingt-cing 4 trente

ans, qui se nommaient Bat, fils du vieux Tom, Austin,

Actéon et Hercule, tous bien portant et vigoureux

Pendant les dix jours qui s’écoulérent entre la catas-

trophe et I[arrivée du „Pilgrim“, les négres s’étaient nourris de quelques biscuits qu’ils avaient trouvés dans

la dunette Mais ils n’avaient rien trouvé pour boire et ils avaient souffert de soif Depuis la veille, Tom et ses

compagnons avaient perdu connaissance

Tel fut le récit que Tom fit en peu de mots au capitaine Hull

Le chien, sauvé sur l’épave, était une belle béte Lors- qu'il se redressait, rejetant sa téte en arriére, il égalait

la taille d'un homme Cet animal, sous l’influence de la colére, pouvait devenir effrayant, et on comprendra que

Negoro ne fit pas satisfait de l’accueil que lui avait fait

le chien On racontait que le capilaine du „Waldeck“ avait trouvé ce chien sur ta céte d’Afrique ot il errait à

demi mort de faim S V — ces deux lettres, gravées

sur son collier, c’était tout, ce qui rattachait cet animal a

son passé mystérieux Une observation qui avait Gté faite par le vieux Tom a bord du ,,Waldeck“, c'est que ce chien qu’on avait nommé Dingo, semblait ne pas aimer les

noirs Il les fuyait Tels étaient done les survivants de

Fépave Ce jour méme, 2 février, vers le soir, l’épave fut perdue de vue 3 Chapitre V S V

Le ,,Pilgrim avait repris sa route, en téchant de

gagner le plus possible dans l’est* On installa les

1 Leur engagement terminé—xoau ixnifi gorosip cxinumaca 2 perdre de vue —punycrutH 3 ouell

3 gagner dans l'est—npocyuytuca Ha cxia

12

négres sous le gaillard d’avant Par un beau temps,

chaud, ce logement devait leur suffire pendant toute la traversée

Lorsquil fallait aider Iéquipage dans quelques

manceuvres, Tom, Austin, Bat, Actéon et Hercule étaient

toujours préts a le faire Surtout l'un d’eux, lénorme

Hercule, aimait a travailler C’était une joie pour le petit

Jack de regarder travailler ce colosse Jack n’en avait

point peur, et- quand Hercule le faisait sauter dans ses

bras, comme s'il n’efit été qu’une poupée, c’étaient des cris de joie à nen plus finir '

Dick Sand et Hercule étaient les deux meilleurs amis du petit Jack Bientét Dingo fut le troisième II aimait a jouer avec le petit gargon Le plus grand plaisir de Jack était de transformer Dingo en un cheval rapide et de galoper sur le chien, qui se laissait faire volontiers °

Dingo devint bientơt le favori de tout léquipage Seul,

Negoro continuait d’éviter toute rencontre avec Vanimal

Le vent était toujours contraire et le »Pilgrim ne

gagnait que fort peu dans l’est Les jours s’écoulaient monotones en cette navigation contrariée par le vent

Mistress Weldon ne laissait pas le petit Jack absolu- ment inoccupé Elle lui apprenait 4 lire et à écrire Jack

apprenait a lire, non dans un livre, mais au moyen de

lettres ® imprimées en rouge sur des cubes de bois, quil

s’amusait 4 ranger, de maniére a4 former des mots Le petit garcon aimait beaucoup cette maniére d’apprendre a

lire Chaque jour il passait quelques heures, tantot dans la cabine, tantét sur le point, a ranger et déranger les

lettres de son alphabet mu

Ceci provoqua un jour un incident si extraordinaire, si

inattendu, qu'il faut le raconter avec quelque đétail -

Cétait dans la matinée du 9 février Jack, à demi

couché sur le pont, s’amusait a former un mot que le vieux Tom devait lire Depuis quelques instants, Dingo

tournait autour de V’eniant, quand, soudain, il s’arréta Ses yeux devinrent fixes, sa patte droite se leva, sa queue

s’agita convulsivement Puis, tout a coup, se jetant sur

un des cubes, il le saisit et vint le déposer sur le pont 4

à nen plus Ïinir — Øe3 Kinum

se laisser faire volonfiers — oxoe 103801188 we

au moyen de lettres —3a 1OHOMOFOIO ỔyKB de manigre &— tax 106

Trang 9

quelques pas de Jack Ce cube portait une lettre majuscule

— la lettre S

— Dingo! eh bien, Dingo! s’écria le petit gargon, qui

avait craint tout d’abord que sa lettre S ne fait avalée par

le chien Mais Dingo était revenu et il avait_saisi un

autre cube Il alla le poser prés du premier Ce second

cube était la lettre V majuscule Jack, cette fois, poussa

14

un cri A ce cri, mistress Weldon, le capitaine Hull et le jeune novice, qui se promenaient sur le pont, accoururent, Le petit Jack leur raconta alors ce qui venait de se passer Dingo connaissait les lettres! Dingo savait-lire! Dick Sand

voulut aller reprendre les deux cubes, afin de les rendre 4 son ami Jack, mais Dingo lui montra les dents Cepen- dant, le novice parvint a prendre les deux cubes, et il les replaca dans le jeu

Dingo s’élanga de nouveau, saisit encore les deux mémes lettres et les reporta a l’écart Cette fois, les deux

pattes posées dessus, il paraissait décidé a les garder Quant aux autres lettres de I'alphabet, elles ne semblaient pas l’intéresser

— Voila une chose curieuse! dit mistress Weldon

H L C’est trés singulier, en effet, répondit le capitaine

ull

— S V dit mistress Weldon

— S V.,— répéta le capitaine Hull Mais ce sont les

lettres que porte le collier de Dingo!

Puis, tout 4 coup, se retournant vers le vieux noir:

— N’avez-vous pas dit, Tom, que le capitaine du

»Waldeck“ avait trouvé ce chien sur la cdte occidentale

de ƑAfrique?

— Oui, monsieur, aux environs du Congo

Le capitaine Hull réfléchissait Puis il dit: — Ces deux lettres ont sans doute un sens

— Que voulez-vous dire? demanda mistress Weldon

— Il y a deux ans en 1871, un voyageur frangais

partit de Paris, avec l’intention de traverser l'Afrique de

Vouest a l’est Ce voyageur frangais se nommait Samuel

Vernon On n’a plus eu de ses nouvelles Est-il mort?

a-t-il été fait prisonnier? personne ne le sait — Et alors ce chien?

— Il est probable que ce chien lui appartenait, mais

plus heureux que son maitre, il a pu revenir au Congo

— Mais, fit observer mistress Weldon, savez-vous si ce voyageur francais était accompagné d’un chien a son

départ? N’est-ce pas une simple supposition de votre part? — Ce n’est qu’une simple supposition, en effet Mais

ce qui est certain, c’est que Dingo connait ces deux

lettres, qui sont les initiales des deux noms du voyageur

— Samuel Vernon était-il done seul, lorsqu’il a quitté

le Congo? demanda Dick Sand

Trang 10

— Cela, je ignore, répondit le capitaine Hull Cepen-

dant, il est probable! qu’il avait emmené une escorte

dindigénes

En ce moment, Negoro, quittant sa cabine, se montra

sur le pont Personne ne remarqua d’abord sa présence

et ne put observer le singulier regard qu’il langa au chien,

lorsqu’il apercut les deux lettres devant lesquelles Dingo

semblait étre en arrét Mais le chien avait apercu_ le

cuisinier, et il se mit 4 aboyer Negoro rentra aussitdt dans sa cabine |

— Il y a 1a quelque mystére! murmura le capitaine Hull, qui n’avait rien perdu de cette petite scéne

— Ah! s’écria Dick Sand, si Dingo pouvait parler!

Peut-étre nous dirait-il ce que signifient ces deux lettres,

et pourquoi il a conservé une dent contre? notre cuisinier!

On le pense bien, ce singulier incident fit plus dune fois le sujet des conversations entre mistress Weldon, le capitaine Hull et le jeune novice

Dingo était devenu le héros du bord

Negoro évitait plus que jamais de se trouver en sa

présence Mais, Dick Sand avait observé que, depuis

Tincident de deux lettres, l’antipathie de l'homme et du

chien s’était augmentée Cela était vraiment inexplicable Chapitre VI

Une baleine en vue

Le 10 février par un temps magnifique mistress Wel- don se promenait a Ïarrière du »Pilgrim“, lorsqu’un phénoméne assez curieux attira son attention Les eaux

de la mer ¢taient devenues rouges presque subitement, comme si elles venaient de se couvrir de sang, et celte

couleur inexplicable s’étendait aussi loin que Yon pouvait

oir |

: — Vois-tu, Dick, dit mistress Weldon au jeune novice qui se trouvait alors avec le petit Jack prés d’elle,— cette

singuliére couleur de l’eau? Est-ce qu ‘elle montre la pré-

sence d’une herbe marine? |

— Non, répondit Dick, cette couleur est produite par

1 il est probable — Moxaupo

2 conserver une dent contre—matTu syỐ HpOTH

16

les petits crustacés, dont se nourrissent les grandes baleines Les pécheurs appellent cela du ,manger de

baleine“

— Tiens! dit le capitaine Hull en s’approchant, —

voila du ,manger de baleine! Nous autres, baleiniers,

nous connaissons cela! Lorsque nous le voyons, nous

savons qu'il est temps de préparer nos harpons et nos lignes Nous savons bien que les baleines ne sont pas loin! A cet instant la voix d’un matelot se fit entendre a l'avant du navire:

— Une baleine devant!

Le capitaine Hull courut a Ƒavant du „Pilgrim“ Mis-

tress Weldon, Jack, Dick Sand, cousin Bénédict, le suivi-

tent aussitét

En effet, les baleiniers ne pouvaient sy tromper C’était une baleine

— Je crois, capitaine, dit Dick Sand, que nous avons affaire! a une trés grande baleine Voyez comme elle rejette violemment dans l’air cette colonne d’eau

— En effet, Dick, répondit le capitaine Hull C’est une

énorme baleine Et quand on pense que la grosse béte

déjeune, et ne se doute pas? que des baleiniers la regardent!

— Avec cette baleine, dit le maitre de l’équipage, nous

embarquerions en quelques heures la moitié des deux

cents barils d’huile qui nous manquent!

— Oui en effet > oui! murmurait le capitaine Hull — Mais c’est une rude affaire de s’attaquer a ces

énormes baleines! dit Dick Sand

— Trés rude, trés rude! repliqua le capitaine Hull II ne faut pas s’approcher de leurs queues formidables Le plus solide canot ne résisterait pas 4 un coup bien

appliqué 3

— Ce serait dommage de ne pas la prendre! dit un matelot

Il était évident que ces braves marins s’animaient en

tegardant la baleine, elle attirait tous les regards

— Maman, maman! s’écria alors le petit Jack, je

voudrais bien avoir cette baleine!

— Ah! tu veux avoir cette baleine, mon garcgon? Eh!

Pourquoi pas, mes amis? dit le capitaine Hull Les

! nous avons affaire— sm maemo cnpasy 4

Pelle ne se doute pas un coup bien appliqué —snyyo Hanpapnennit yaap — ona ne minospinae

Trang 11

pécheurs de renfort' nous manquent, c’est vrai, mais nous seuls

— Oui! Oui! criérent les matelots d’une seule voix

— Vous allez voir, reprit le capitaine Hull, si je sais

lancer le harpon!

— Hurrah! hurrah! hurrah! répondit l’équipage

Chapitre VIT

Préparatifs

La baleine, qui flottait au milieu des eaux rouges, paraissait énorme Des pécheurs pouvaient-ils laisser

échapper une-occasion pareille?

Le capitaine Hull prit aussitét ses dispositions? pour

prendre la baleine Ce qui rendait la chasse 4 la baleine plus difficile, c’est que l’équipage du brick était peu nombreux Le navire n’avait que cinq matelots a bord Utiliser Tom et ses compagnons était impossible En effet,

la maneuvre d’un canot de péche exige des marins trés exercés

Le capitaine Hull, obligé de choisir des marins solides

pour la péche de la baleine, dut remettre 4 Dick Sand le soin de garder avec l’aide des cinq négres le ,,Pilgrim‘

— Dick, lui dit-il, c’est toi que je charge de rester 4 bord pendant mon absence

— Bien, monsieur, répondit le novice

L’équipage du canot devait donc se composer des cing

matelots, qui formaient tout l’équipage du ,,Pilgrim‘ Le

capitaine Hull devait d’abord lancer le harpon, puis surveiller le déroulement de la longue ligne fixée 4 son

extrémité, enfin les matelots devaient achever l’animal a coups de lance

Le temps était beau La mer, trés calme Le canot fut

donc aussitơt amené, et les cinq matelots s’y embarquérent

Au moment d’embarquer, le capitaine Hull jeta un dernier coup d’eil sur son navire Il s’assura que tout était en ordre et fit ses derniéres recommandations 4 Dick

Sand

— Je te laisse seul Veille 4 tout S’il devient néces-

1 Jes pécheurs de renÏort — AOHOMỈHHÏ ck14 pHỐa1OK ? prendre ses đïspositions — nÌAr0TyBATHCb

18

saire de remettre le navire en marche', Tom et ses

compagnons t’aideront 4 le faire Le temps est beau Le vent est tombé Surtout, quoi qu’il arrive, ne quitte pas le

navire

— Crest entendu

— Je te ferais signal en hissant un pavillon, si j'ai besoin de ton aide

— Soyez tranquille, capitaine, je ne perdrai pas de

vue le canot, répondit Dick Sand

— Bien, mon garcon, répondit le capitaine Hull Du courage et du sang-froid Te voila capitaine

Le capitaine Hull se dirigea vers I’échelle — Bonne chance, lui dit mistress Weldon

— Je-vous en prie, ne faites pas trop de mal a la

pauvre baleine! cria le petit Jack Prenez-la tout douce-

ment, monsieur!

— Oui avec des gants, petit Jack!

La baleine nageait toujours, au milieu du vaste champ

rouge de crustacés, ouvrant sa large bouche et en avalant

a chaque gorgée des myriades

Mistress Weldon, Jack, cousin Bénédict, Tom et ses

compagnons souhaitérent une derniére fois bonne chance

au capitaine

Dingo lui-méme semblait vouloir dire adieu à équipage Puis, tous revinrent a l’avant Le canot commenga: a s’éloigner du ,,Pilgrim“

— Un ail pour le navire, un eil pour le canot, mon

garcon! Ne loublie pas! cria le capitaine Hull au jeune

novice

— Cela sera fait, capitaine! répondit Dick Sand, qui

alla se placer prés de la barre

C’est alors que Dingo poussa un aboiement lamen- table Cet aboiement fit méme tressaillir mistress Weldon

— Dingo, dit-elle, Dingo! C’est ainsi que tu encourages

tes amis! Allons, un bel aboiement bien clair, bien joyeux!

Mais le chien n’aboya pas, il vint lentement vers

mistress Weldon, et lui lécha la main

— Il ne remue pas la queue! murmura Tom Mauvais

signe! Mauvais signe!

Mais, presque aussit6t, Dingo se redressa, et un hurle-

ment de colére lui échappa

Mistress Weldon se retourna

Trang 12

Negoro venait de quitter sa cabine et se dirigeait vers

Yavant; sans doute, lui aussi, voulait suivre du regard le

canot qui s’éloignait

Dingo s’élanca vers le cuisinier avec fureur Negoro

saisit un baton et se mit en défense' Le chien allait lui sauter a la gorge

— Ici, Dingo, ici! cria Dick Sand, courant vers |’avant Mistress Weldon, de son cété, cherchait a calmer? le chien Dingo obéit, et revint en grondant sourdement vers

le jeune novice

Negoro n’avait pas prononcé un seul mot, mais sa

figure avait pali un instant Laissant alors retomber son baton, il regagna sa cabine

— Hercule, dit alors Dick Sand, je vous charge

spécialement de veiller sur cet homme

— Je veillerai, répondit simplement Hercule

Mistress Weldon et Dick Sand revinrent vers l’avant Le canot n’était plus qu’un point sur la mer

Chapitre VIII

La baleine

Tout d’abord, le capitaine Hull manceuyra de maniére

a accoster la baleine Les avirons, soigneusement envelop-

pés de paillets, maneuvraient sans bruit

La baleine ne bougeait pas et ne semblait point avoir encore apercu l’embarcation

A Tavant du canot le capitaine Hull, les jambes un peu

écartées, tenait le harpon avec lequel il allait porter le premier coup

— Approchons! Approchons! ordonna-t-il aux matelots

Le maitre d’équipage obéit 4 ordre, et le canot s’approcha encore de I’animal La baleine semblait dormir Les balei- nes que l'on surprend ainsi pendant leur sommeil sont

plus faciles a prendre et il arrive souvent que le premier

coup du harpon les frappe mortellement -

»Cette immobilité est assez étonnante! pensa le capi-

taine Hull — La baleine ne doit pas dormir, et pour- tant Il y a 14 quelque chose!

! se mettre en défense —nigrorysatucs 1O OỐOPOHW

2 chercher 4 calmer — HamaraTuca sacnoKOiTH

20

Mais ce rétait plus l'instant de réfléchir, s’était l’ins- tant d’attaquer

Le capitaine Hull, tenant son harpon par le milieu, le

balanga plusieurs fois, puis il le projeta de toute la force

de son bras

— Arriére, arriére! cria-t-il aussitét

Trang 13

Et les matelots firent rapidement reculer le canot, pour

le mettre a l’abri des coups de queue de la baleine

Mais en ce moment un cri du maitre d’équipage fit

comprendre pourquoi la baleine était depuis si longtemps

immobile a la surface de la mer

— Un baleineau! dit-il

En effet, la baleine, aprés avoir été frappée du harpon,

s’était chavirée sur le cdté, découvrant ainsi un baleineau

quelle allaitait

La baleine, suivie du baleineau, plongea; puis, se rele- vant d’un bond énorme, elle se mit a nager entre deux

eaux! avec une extréme rapidité

La poursuite avait commencée Le canot filait comme

une fléche La baleine ne semblait pas devoir s’arréter * dans sa fuite

— Bon! Bon! s’écria le capitaine Hull La baleine va se fatiguer!

En ce moment, le ,,Pilgrim“ se trouvait 4 une distance

de cinq milles du canot Le capitaine Hull hissa un

pavillon pour faire signal 4 Dick de se rapprocher

Deux matelots s’armérent, ainsi que l’avait fait le

capitaine, de longues lances, destinées à frapper Ïlani-

mal

Le canot se rapprocha de la baleine Son baleineau nétait plus auprès d'elle, et peut-être cherchait-elle à le retrouver

Soudain, elle fit un mouvement de queue

— Attention! cria le capitaine Hull La béte va se

précipiter sur nous!

La baleine, en effet, battant violemment la mer de ses énormes nageoires, se jeta en avant, mais elle passa le

long du canot sans Vatteindre Le capitaine Hull et les

deux matelots lui portérent trois vigoureux coups de lance au passage La baleine s’arréta, et, rejetant a une grande

hauteur deux colonnes d’eau mélée de sang, elle revint de

nouveau sur le canot Trois nouveaux coups firent encore

trois nouvelles blessures a l’animal Mais, en passant, il

frappa si rudement l’eau de sa formidable queue, qu’une vague énorme s’éleva, et le canot se remplit d’eau Une troisiéme fois la baleine se retourna et se précipita de

1 nager entre deux eaux —nanctu nig BosoI0

+ la baleine ne semblait pas devoir s’arréter — kurt, 3QaBanoca, He 306HpaBca 3YNHHHTHC

22

nouveau sur le canot Le canot, a demi plein d’eau, ne

pouvait plus manceuvrer avec la méme facilité

A ce moment, le baleineau reparut La baleine le vit et

elle se précipita vers lui Elle allait se battre pour deux

re:

Le capitaine Hull regarda du cété du ,,Pilgrim“ et agita

le pavillon Dick Sand le vit et fit immédiatement

descendre le second canot d’arriére

Trang 14

Mais a ce moment, la baleine, couvrant le baleineau de son corps, revint vers le canot du capitaine Hull Cette

fois, elle l’atteignit

— Attention! cria une derniére fois le capitaine

Hull

Un terrible coup de queue du monstre vint frapper le

canot par dessous Il retomba brisé en trois morceaux au milieu des vagues furieuses La baleine battit formi- dablement de sa queue les eaux troublées dans lesquelles les malheureux pécheurs nageaient encore

Un quart d’heure aprés, lorsque Dick Sand, qui, suivi des noirs, s’était précipité dans le canot, eut atteint le thédtre de la catastrophe, tout étre vivant avait disparu A la surface des eaux rouges de sang il neg restait du canot du capitaine Hull que quelques planches

Chapitre IX

Capitaine Sand

La premiére impression que ressentirent les passagers du ,,Pilgrim“ devant cette: terrible catastrophe fut un

mélange de pitié et d’horreur Ils ne songérent qu’a cette

mort épouvantable du capitaine Hull et des cing matelots

du bord La seconde impression fut l’effroi Ce navire qui

les portait n’avait plus de capitaine pour le commander, plus de matelots pour le maneuvrer Il se trouvait at

milieu de cet immense océan Pacifique, 4 des centaines de

milles de toutes terres 4 la merci! des vents et des flots

En effet, i! n’y avait plus un marin a bord du »Pilgrim"!

Si! Un seul! Dick Sand, et ce n’était qu’un novice, un

jeune homme de quinze ans!

LOcéan était désert Depuis la disparition de la baleine, pas un point 4 l’horizon Le jeune novice savait bien qu'il se trouvait en dehors des routes? suivies par les navires de commerce Quelle résolution allait-il prendre? En ce moment, Negoro parut sur le pont, qu'il avait

quitté aprés la catastrophe II s’avanga vers l’arriére, et s’arréta a trois pas du novice

— Vous avez 4 me parler? demanda Dick Sand

1a la merci—p unilice enazi

2 en dehors des routes — He Ha Tomy ulaxy

24

— J’ai a parler au capitaine Hull, répondit froidement Negoro, ou a son maitre d’équipage

— Vous savez bien que tous deux ont péril s’écria le

novice

— Qui commande done a bord maintenant? demanda

trés insolemment Negoro

— Moi, répondit sans hésiter Dick Sand

— Vous! fit Negoro, qui haussa les épaules!.—Un

capitaine de quinze ans!

— Un capitaine de quinze ans! répondit le novice, en

marchant sur le cuisinier

Negoro recula

— Ne l’oubliez pas! dit alors mistress Weldon Il ny

a plus qu’un capitaine ici le capitaine Sand! et il

saura se faire obéir ?

Negoro s’inclina, murmurant d'un ton ironique quelques

mots que l’on ne put entendre, et il retourna a sa cabine

On le voit, la résolution de Dick était prise Il alla

prendre, dans la chambre du capitaine, la carte Le capi-

taine Hull y avait marqué le point of le ,,Pilgrim“ se

trouvait au moment de la catastrophe Dick put donc montrer 4 mistress Weldon que le navire était par 43°35’ en latitude, et en longitude par 164°13”

Cependant un vent de nord-ouest commencait a souffler Il fallait en profiter Dick Sand appela Tom et ses com-

pagnons -

— Mes amis, leur dit-il, notre navire n’a plus d’autre équipage que vous Je ne puis mancuvrer sans votre aide

Vous n’étes pas marins, mais vous avez de bons bras

Mettez-les done au service du* ,,Pilgrim“, et nous pour- rons le diriger Nous sommes sauvés si tout marche bien a bord

— Monsieur Dick, répondit Tom, mes compagnons, et moi, nous sommes vos matelots, Tout ce que des hommes

peuvent faire, nous le ferons

— Je vous indiquerai, mes amis, ce que chacun aura a

faire Moi, je resterai tout le temps au gouvernail Quel- ques heures de sommeil me suffiront Mais pendant ces

quelques heures, il faudra bien que l’un de vous me

° hausser les ÉpAHÍts— 3HH3VBATH nI€HMA

3 Íl saura se Íaire obếif— ni syMi€ npwycnrm ceỐo cayxaticn mettre les bras au service e —HpHẪTH Ha Zonomory, CTATH

B mpurogi

Trang 15

remplace Tom, je vous indiquerai comment on gouverne un navire au moyen de! la boussole Ce n’est pas difficile — Quand vous voudrez, monsieur Dick, répondit le

vieux noir

— Eh bien, répondit le novice, restez prés de moi, a la barre, jusqu’a la fin de la journée, et, si je me sens trop fatigué, vous pourrez me remplacer pour quelques heures

pendant Ja nuit

Puis, s’adressant aux autres noirs:

— Mes amis, leur dit-il, nous allons lever toutes les

voiles Vous n’aurez qu’a faire ce que je vous dirai

— A vos ordres?, répondit Tom, a vos ordres, capi- taine Sand!

Chapitre X

Les quatre jours qui suivent

Le vent avait tourné et maintenant il soufflait du nord- ouest avec une tendance à fraichir II fallait donc en

profiter et faire le plus de route possible Le nouvel

équipage travaillait trés bien et le navire glissait rapi-

dement a la surface de la mer

— Nous voici en bonne route, mistress Weldon, dit alors Dick Sand, et maintenant, que Dieu nous conserve ce

vent favorable!

Mistress Weldon serra la main du jeune novice et,

fatiguée de toutes les émotions de ces derniéres heures, elle rentra dans sa cabine

L’équipage resta sur le pont, prét a obéir aux ordres

de Dick Sand

Pendant tout ce temps, que devenait le parent de mistress Weldon? Pourquoi le cousin Bénédict ne prenait-il

aucune part aux maneeuvres de I’équipage?

Le ,,cousin Bénédict“, brave homme, agé de cinquante ans, était toujours prét 4 rendre service aux gens, mais il ne savait jamais le faire* Il avait le corps maigre et la

figure osseuse Son énorme crane était couvert de longs cheveux gris Dans toute sa longue et maladroite figure

1 au moyen de — 3a Aonomorow

? à VOS OTỎF@S— HO BAIIHX HOCIYT _

3 jl ne savait jamais le faire — pỉw RiKO1H He yMỈB HIbOr0 pOỐHTH

26

on reconnaissait un de ces savants a lunettes d’or, qui

restent toute leur vie de grands enfants

Cousin Bénédict (c'est ainsi que tout le monde

l'appelait), géné de ses longs bras et de ses longues

jambes, était absolument incapable de se tirer seul

d'affaire* méme dans les circonstances les plus ordinaires

de la vie Ce n’était pas sur lui que mistress Weldon pouvait compter dans la situation critique oi elle se trou-

vait Il faut ajouter, cependant, que cousin Bénédict

n’était pas un paresseux incapable de travailler C’était au contraire un grand travailleur, mais son unique

passion était l’entomologie et il passait sa vie a étudier 4

la loupe* les insectes Cousin Bénédict avait éprouvé comme tout le monde le chagrin de la perte du capitaine

Hull et des cinq matelots I] était méme venu serrer la

main de mistress Weldon, comme pour lui dire: ,,N’ayez

pas peur Je suis la! Je vous protégerai!‘ Puis il était descendu dans sa cabine, pour jeter un coup d’eil sur une

blatte américaine, qu’il venait de trouver 4 bord Il avait

pris sa loupe pour étudier l'insecte et aussitét il avait oublié la catastrophe, sa cousine, le navire entier

Cependant la vie du ,,Pilgrim“ s’organisait peu a peu Dick Sand restait 4 la barre pendant la nuit Il dormait cing ou six heures, le jour, et cela paraissait lui suffire Pendant ce temps Tom ou son fils Bat le remplagaient a la roue du gouvernail, et, grace aux conseils* du jeune capitaine, ils devenaient peu a peu de passables timoniers Tom devint maitre d’équipage Il commandait le quart‘, pendant que le novice se reposait, et il avait avec lui son fils Bat et Austin Actéon et Hercule formaient l’autre

quart sous la direction de Dick Sand

La nuit du 13 au 14 février Dick Sand dut aller prendre

quelques heures de repos, et fut remplacé 4 la barre par le vieux Tom

Le ciel était couvert d’épais nuages Il faisait donc

trés sombre Hercule et Actéon étaient de quart sur le gaillard d’avant Vers trois heures du matin, le vieux Tom,

qui fixait le point lumineux de la boussole, tomba dans

' se tirer d’affaire— punayratica 3 Ginn 2 ẽtuđier à la loupe — nưaaTH vepes ayny 3 grace aux conseils —sanqaxu nopanaM + le quart — naxra

Trang 16

une véritable somnolence ' Il ne vit donc pas une ombre se glisser sur le pont C’était Negoro Arrivé a l’arriére,

le cuisinier placa sous la boussole un objet assez pesant

quil tenait 4 la main Puis, aprés avoir regardé un

instant le cadran’ lumineux de la boussole, il se retira

Personne ne I’avait vu

Lobjet que Negoro avait apporté était un morceau de

fer, dont l’influence venait de changer les indications de la boussole: son aiguille au lieu de marquer le nord

marquait le nord-est

Tom, presque aussitét, était revenu de sa somnolence

Ses yeux se portérent sur la boussole II crut que le

»Pilgrim* n’était pas en bonne direction Il donna donc

un coup de barre?, afin de remettre le cap du navire a Pest Il le pensait, du moins Il ne pouvait soupgonner quil dirigeait le navire au sud-est

Ainsi, le ,,Pilgrim“ avait pris une nouvelle direction; il marchait avec une erreur de quarante-cing degrés dans sa

route!

Chapitre XI

Tempéte

Le vent de nord-ouest fraichissait peu 4 peu, et le

»Pilgrim“ filait rapidement

Dick Sand pensait que son navire devait se rapprocher

des routes suivies par les’ navires de commerce Mais la

mer restait toujours déserte Cela étonnait Dick Sand car il ignorait que le ,,Pilgrim“ avait changé de direction et

courait au sud

Vers le 20 février, le barométre se mit a baisser d’une

maniére lente ct continue, ce qui présageait de la pluie et le mauvais temps durable

L’aspect du ciel devint mauvais Des brumes épaisses

couvraient la mer On n’apercevait plus ni la mer ni le ciel

Dick Sand commengait a s'inquiéter Il ne quittait plus le pont Le 23 février dans l’aprés-midi le vent fraichit encore et la mer devint plus dure

Vers quatre heures, Negoro, qu'on voyait rarement, quitta sa cabine et monta sur le pont Dingo dormait dans

' tomber dans une somnolence — sagpimatu

2 donner un coup đe barre— HoBepHVTH pya» (ctepHo)

28

quelque coin, sans doute, car il n’aboya pas comme à

Yordinaire Negoro, toujours silencieux, resta pendant une

demi-heure 4 observer lhorizon Puis, ses yeux, toujours froids et secs, se dirigérent vers le ciel Il ne parut pas

étre effrayé par les menaces du temps, un mauvais sou- rire parut sur ses lévres Un instant, il monta sur un mat

comme s'il efit cherché quelques chose 4 l’horizon Puis il redescendit, et il regagna tranquillement la cuisine

Pendant les treize jours qui s’écoulérent du 24 février au 9 mars, I’état de l’atmosphére ne changea pas

Puis de gros orages éclatérent, qui inquiétérent trés

sérieusement Dick Sand Deux ou trois fois la_foudre

frappa les vagues 4 quelques métres du navire Puis, la

pluie tomba 4 torrents, et une brume plus épaisse entoura

le ,,Pilgrim‘

Le navire était horriblement secoué, mais mistress

Weldon supportait facilement le voyage

Quant au cousin Bénédict, il n’était pas plus malade que les blattes américaines, et il passait son temps a les étudier

Le 9 mars le novice se tenait a l’avant, tantdt obser- vant la mer et le ciel, tantét regardant les mats du

»Pilgrim“ Mistress Weldon monta sur le pont pour lui parler

— La céte américaine ne doit pas être éloignée, maintenant? lui demanda-t-elle en s’approchant

— Elle ne peut l’¢tre, répondit Dick Sand

— Le navire a toujours fait bonne route? reprit

mistress Weldon

— Toujours, depuis le jour ott nous avons perdu notre malheureux capitaine Il y a donc de cela vingt-sept jours

— N’as-tu pu te tromper de direction, Dick?

— Oh non, Mistress Weldon, nous avons suivi notre

route d’aprés la boussole

Le ,,Pilgrim“ continuait de marcher avec une grande vitesse

Le 12, le temps prit encore une plus mauvaise appa-

rence ! C’était une véritable tempéte qui se déclarait Dick

Sand, voyant que ses voiles allaient étre déchirées, donna

Iordre de les baisser Il était extrémement inquiet, il

n’avait plus qu’une pensée: c’est que le navire, poussé

avec une telle force, allait se briser d’un instant a l'autre,

Trang 17

car il supposait que les écueils de la céte d’Amérique ne pouvaient étre éloignés Il alla done sur l’avant, mais il

ne vit rien et revint au gouvernail

Un instant aprés, Negoro monta sur le pont La, soudain, comme malgré lui, son bras se tendit vers un

point de l’horizon On efit dit qu’il reconnaissait quelque haute terre dans les brumes

Encore une fois, il sourit, et, sans rien dire de ce qu'il

avait vu, il revint 4 son poste

Chapitre XIT

A horizon

La tempéte prenait une forme terrible

Le navire courait sur d’énormes vagues que soulevait la tempéte

Des montagnes d’eau couraient plus vite que le

»Pilgrim“ et menagaient de le frapper par l’arriére, s'il ne

s’élevait pas assez vite

Dick Sand ne quittait plus la barre Il s’y était attaché par le milieu du corps, pour ne pas étre emporté par quelque vague Tom et Bat, attachés aussi, se tenaient

préts 4 lui venir en aide Hercule et Actéon veillaient

lavant Mistress Weldon, le petit Jack, le cousin Bénédict et Nan restaient, par ordre du novice, dans les cabines de

Varriére

Dick Sand passait toutes les nuits a Ja barre

Pourtant, dans la nuit du 13 au 14 mars il dut

descendre dans sa cabine pour dormir une ou deux heures C'est alors qu’un incident se produisit Tom et Bat se

trouvaient a l’arriére, lorsque Negoro, qui paraissait

rarement sur le pont, s’approcha d’eux et voulut leur par-

ler; mais Tom et son fils ne lui répondirent pas Tout d’un

coup un violent coup de vent fit tomber Negoro Pour ne

pas étre entrainé dans la mer, il se retint 4 l’habitacle de

la boussole Tom poussa un cri

Dick Sand entendit ce cri, et, se précipitant hors de sa

cabine, il accourut sur l’arriére Negoro s’était relevé, il tenait dans sa main le morceau de fer qu’il venait d’dter

de dessous la boussole, et il le jeta a la.mer Dick Sand n’avait pas remarqué le mouvement du cuisinier Negoro

avait-il intérét a ce que l’aiguille reprit sa direction vraie?

30

Qui, car ces vents de sud-ouest poussaient le ,,Pilgrim‘

dans la direction qui lui convenait

— Que faites-vous 14? demanda Dick Sand au cui-

sinier

— Ce qui me plait, répondit Negoro

— Vous dites?! s’écria Dick Sand, qui ne put retenir

sa colére

— Je dis, qu’il n’y a pas de régle qui défende de se promener sur l’arriére

— Eh bien, cette régle, je la fais, répondit Dick Sand, et je vous défends de venir a l’arriére!

— Vraiment! répondit Negoro

Le novice tira de sa poche un revolver et le dirigea sur

le cuisinier:

— Negoro, dit-il, ce revolver ne me quitte pas et si

vous me désobéissez je vous casse la téte!

En ce moment Negoro se sentit irrésistiblement courbé jusqu’au pont C’était Hercule, qui venait simplement de poser sa lourde main sur son épaule

— Capitaine Sand, dit le géant, voulez-vous que je

jette ce coquin par-dessus le bord? Ca régalera les

poissons!

— Pas encore, répondit Dick Sand

Negoro se releva, dés que la main du noir ne pesa

plus sur lui Mais, en passant devant Hercule:

— Négre maudit, murmura-t-il, tu me le payeras!

Dés ce jour, Negoro fut trés surveillé Du reste, il ne

vint plus à l’arriére du navire Dingo fut attaché prés de

la boussole, et le cuisinier avait peur de l’approcher

Pendant toute la semaine, la tempéte ne diminua pas

Le barométre baissa encore Le ,,Pilgrim“ courait 4 toute vitesse

Dick Sand commengait 4 se demander s'il ne courait

pas dans une direction fausse! Pourquoi la cơte ne paraissait-elle pas? Cette terre, avait-elle donc disparu?

Le 21 mars vers huit heures du matin, il se produisit

un incident trés grave Hercule fit entendre ce cri: ,,Terre! Terre!“ Dick Sand courut vers l’avant

— La terre?! s’écria-t-il

— La, répondit Hercule, en montrant un point 4 horizon dans le nord-est

— Oui, oui! Terre! dit Dick Sand

Une sorte de montagne venait d’apparaitre dans la

Trang 18

brume C’était sans doute le continent américain Le Pilgrim® devait y atterrir Ce nétait qu'une question de quelques heures

A ce moment, on vit Negoro monter sur le pont Cette

fois, il regarda la céte avec une extréme attention, et

redescendit, aprés avoir prononcé un nom que personne ne put entendre

32

Deux heures se passérent, on voyait toujours la mon- tagne, mais la cdte ne se montrait pas encore Pourtant

la cơte américaine est assez haute et elle devait étre

visible 4 plus de vingt milles

Dick Sand prit sa longue-vue et la promena lentement

sur tout Phorizon de lest Rien! I] ne voyait plus rien! Toute trace de terre s’était effacée Dick Sand descendit

précipitamment dans la cabine ó se tenait mistress Weldon avec le petit Jack, Nan et cousin Bénédict

— Une ile! Nous venons de voir une ile! dit-il

— Une ile, Dick? Mais laquelle? demanda mistress

Weldon

— La carte nous le dira, répondit le novice Et, cou-

rant a sa cabine, il en rapporta la carte du bord

— La Mistress Weldon, 1a! dit-il Cette fle que nous

yenons de voir, ne peut étre que I'ile de Paques II n’y en a pas d’autres dans ces parages

Done, le ,,Pilgrim‘ était encore 4 deux mille milles de

la cote américaine C’était encore loin, mais le navire

solidement bati, avait peu souffert de la tempéte On

pouvait espérer! Le „Pilgrim“ nétait plus perdu dans Vimmense océan Pacifique La céte américaine se montre- rait dans quelques jours On atterrirait sans grand danger Pourtant la tempête interminable inquiétait le jeune

capitaine

Chapitre XIII

» Terre! Terre!‘

Le 27 mars, le vent diminua

Les passagers commencérent a reparaitre sur le pont Tis ne risquaient plus d’étre emportés par quelque grosse

vague

Le 29, le vent diminua encore Alors Dick Sand songea A relever quelques voiles pour augmenter la vitesse du „Pilgrim“

Deux mois s’étaient écoulés déja depuis que le „Pil- grim“ avait quitté la Nouvelle-Zélande Pendant vingt

jours, un vent contraire avait retardé sa marche Ensuite,

il s’était trouvé dans des conditions favorables pour ga-

gner rapidement la terre Sa vitesse avait été trés conside-

rable pendant la tempéte Pourquoi la cote ne paraissait-

Trang 19

Sand montait dans les mats La, sa longue-vue aux yeux,

il cherchait 4 découvrir quelques indices de terres

Le 6 avril, Dick Sand monta encore une fois sur le pont, sa longue-vue 4 la main, A ce moment, l’horizon était

dégagé des brumes De la bouche de Dick Sand s’échappa

enfin le cri tant attendu: ,,Terre! Terre devant nous!"

A ce cri, tout le monde accourut sur le pont Seul, Ne-

goro ne parut pas

A une distance de quatre milles environ dans lest, une

cdte assez basse apparaissait Le ,,Pilgrim“ courait directe-

meni et rapidement sur cette cdte éloignée Deux heures aprés, il n’en était plus quà trois milles Cette partie de la cote s’allongeait comme une fine langue de terre Du

reste, on ne voyait nulle habitation, nulle embouchure de riviére, qui pfit servir de refuge 4 un navire

Le brick ne fat bientdt plus qu’a une mille du rivage

Mais, avant de l’atteindre, il fallait traverser une ligne

décueils, entre lesquels il était difficile de passer

A ce moment, Dingo, qui allait et venait sur le pont, s’élanga vers l’avant, et, regardant la terre, fit entendre des aboiements lamentables Le chien reconnaissait-il cette terre? Son instinct lui rappelait-il quelques tristes

souvenirs? Negoro l’entendit sans doute, car il sortit 4 son

tour hors de sa cabine Fort heureusement pour lui, Dingo ne l’apercut pas

Mistress Weldon, qui observait le cuisinier, put voir qwil rougissait légérement Negoro connaissait-il done ce

point du continent oi les vents poussaient le ,,Pilgrim‘?

En ce moment, Dick Sand quitta la barre qu'il remit au vieux Tom

— Mistress Weldon, dit-il d’une voix ferme, je ne vois

aucun port devant nous Avant une demi-heure, malgré

tous mes efforts, le ,,Pilgrim“ sera sur les écueils Je suis forcé de le perdre pour vous sauver

Et, aussitét, il fit ses préparatifs Tout d’abord, mis-

tress Weldon, Jack, cousin Bénédict, Nan mirent des cein- tures de sativetage Dick Sand, Tom et les noirs étaient

habiles nageurs; ils étaient sârs de gagner la cơte à la

nage Dick Sand fit aussi monter sur le pont une dizaine

de barils qui contenaient de Phuile de baleine Cette huile,

versée sur les vagues, devait calmer un instant la mer et cette manœuvre faciliterait peut-tre le passage du navire entre les écucils

34

Tout a coup, Dick Sand reconnut, 4 un changement

dans 1a couleur de l’eau, qu’un passage s’allongeait entre

ces écueils Il fallait sans hésiter s’y engager hardiement, afin d’arriver a la céte le plus prés possible Le novice nhésita pas Il langa le navire dans 1’étroit passage En

cet endroit, la mer était encore furieuse, et les vagues bon-

dissaient jusque sur le pont Les noirs étaient postés a4

lavant, prés des barils, attendant les ordres du novice

— Vhuile! cria Dick Sand

Les négres versérent l’huile et la mer se calma pour

un instant Le ,,Pilgrim“ glissa rapidement vers le

rivage

Soudain, un choc eut lieu ! Le navire, soulevé par une

vague formidable, venait de s’échouer sur une roche, et

tous ses mats étaient tombés sans blesser personne La coque du ,,Pilgrim‘ s’était entr’ouverte au choc Mais le

rivage n’était pas loin

Aussi, dix minutes aprés, tous ceux que portait le

Pilgrim avaient-ils atteint la terre

Chapitre XIV

Ce qu’il convient de faire

Ainsi donc, aprés une traversée qui n’avait pas duré moins de soixante-quatorze jours, le ,,Pilgrim“ venait de

se mettre a la céte

Il était important de savoir en quelle partie du con- tinent américain yenait d’échouer le brick Dick Sand

supposait que le navire avait atterri sur le rivage de

Perou Les ports, les villages n'y manquaient point II

serait facile de gagner quelque endroit habité Pourtant

cette partie de la cote semblait déserte

_ Dans le nord, les naufragés apercevaient une petite

riviére, quiils n’avaient pas vue du large Une épaisse forét s’étendait jusqu’aux montagnes de Ïarrière-plan

Au-dessus de la plage voltigeaient un grand nombre @oiseaux Quelques pélicans, occupés a attraper de petits poissons, se promenaient prés des roches On n’en voyait pas un seul indigéne Pas une fumée ne montait dans lair

‘un choc eut lieu — cwọacø HOITOBX

Trang 20

ni dans le nord, au dela de la petite riviére, ni dans le sud,

ni enfin au milieu des arbres de lépaisse forét Rien n’indiquait que cette partie du continent fait habitée

Dingo allait et venait sur la gréve, le nez au sol, la queue basse, grondant sourdement

— Dick, regarde donc Dingo! dit mistress Weldon — Oui, cela est étrange! répondit le novice Il semble qu’il cherche 4 retrouver une piste!

— Que fait Negoro? demanda mistress Weldon

— Il fait ce que fait Dingo Il va, il vient Il est libre

ici Je n’ai plus le droit de lui donner des ordres Son service a fini aprés l’échouage du ,,Pilgrim“

En effet, Negoro allait et venait sur la gréve, se

tetournait, regardait le rivage et les roches, comme un

homme qui cherche 4 rassembler ses souvenirs; enfin il se

dirigea du coté de la petite riviére Quand il disparut,

Dick Sand cessa de songer a lui Dingo avait bien aboyé,

lorsque le cuisinier était arrivé sur la rive, mais jl s’était

tu presque aussitét

Pour le moment '!, il n’y avait pas 4 s’inquiéter de la nourriture Tom et ses compagnons avaient déja apporté

quelques barils de biscuit, des boites de conserves, des

caisses de viande séchée, que la mer avait jeté 4 la céte

Le bois mort ne manquait pas dans la forét et un bon

feu fut vite allumé Le petit Jack avait méme trouvé une

chambre 4 coucher En trottinant au pied des rochers il avait découvert une grotte, creusée par la mer dans un

rocher Dix minutes aprés, tout le monde était étendu sur un tapis de varech Negoro lui-méme avait rejoint la petite

troupe et avait pris sa part du repas qui allait étre fait Il écouta attentivement la conversation de Dick Sand et de

mistress Weldon ¬

— Eh bien, que faire? demanda mistress Weldon à Dick — Vous ne devez pas quitter cette grotte, répondit-il

Tom et moi nous irons 4 la recherche de quelques habita-

tions et si dans deux jours nous n’en trouvions pas, nous

reviendrons 4 la grotte et alors il faudra prendre une décision | :

Le diner avait été vite fini et le cousin Bénédict quitta

la grotte le premier Presque en méme temps, Negoro sen

alla aussi Mais, tandis que cousin Bénédict gravissait les

pentes de la falaise pour aller chercher quelques insectes

1 pour le moment — nokH Wo

36

qui occupaient toutes ses pensées, Negoro s’éloigna 4 pas

lents vers la riviére et disparut

Dick Sand avait trouvé le moyen de pénétrer encore

une fois dans la coque ouverte du ,,Pilgrim“ Il en rap-

porta quatre fusils en bon état, ainsi qu’une centaine de cartouches, puis une lanterne de poche Mais les cartes du

bord avaient été mouillés par l’eau et étaient hors d’usage'

Il trouva encore dans l’arsenal du ,,Pilgrim“ quelques soli-

des coutelas Il en arma ses compagnons, et il n’oublia pas

d’emporter un petit fusil d’enfant qui appartenait au petit

Jack Il prit aussi tout l’'argent qui.se trouva a bord, —

environ cing cents dollars

La nuit venait L’obscurité, se fit promptement, ce qui confirma le novice dans la pensée qu’il avait atterri sur

un point du continent américain, situé entre le tropique du

Capricorne et l’équateur Cousin Bénédict était revenu

dans la grotte Tom fit observer que Negoro n’était pas

encore de retour

Le cuisinier fut appelé plusieurs fois Il ne répondit point S’était-il égaré, et cherchait-il inutilement, dans

cette obscure nuit, le chemin de la grotte?

En ce moment, Dingo, qui courait sur la gréve, aboya

avec force

— Qu’a done Dingo? demanda mistress Weldon

— Il faut absolument le savoir, répondit le novice

Peut-étre est-ce Negore qui revient?

Aussitét, Hercule, Bat, Austin et Dick Sand se dirigé-

rent vers la riviére Mais arrivés 1a, ils.ne virent et n’en-

tendirent rien Dingo, maintenant, se taisait Dick Sand

et les noirs revinrent a la grotte

Les naufragés du ,,Pilgrim‘ organisérent le coucher

Chacun des noirs devait veiller 4 son tour hors de la

grotte

Chapitre XV

Harris

Le lendemain, 7 avril, Austin, qui était de garde ‘au lever du soleil, vit Dingo courir en aboyant vers la petite

rivigre Presque aussitét, mistress Weldon, Dick Sand et

les noirs sortirent de la grotte

1 être hors đ”usage — BHẪTH 3 #HTKY

Trang 21

— En tout cas, ce n’est pas Negoro, fit observer Tom, car Dingo n’aboie pas avec fureur

— Si ce n’est pas Negoro, qui est-ce? demanda mis-

tress Weldon

— Nous allons le savoir, répondit Dick Sand

Puis, s’adressant 4 Bat, a Austin et 4 Hercule: — Armez-vous, mes amis, et venez, dit-il

Un homme venait de tourner les roches! de la céte Il

s’avancait prudemment sur la gréve, et cherchait 4 calmer?

Dingo

Dick Sand et les noirs se dirigérent rapidement vers

Vinconnu Celui-ci, voyant marcher vers lui ces quatre

hommes armés, fit un mouvement pour revenir sur ses

pas Il portait un fusil en bandouliére %, qui passa rapide- ment dans sa main et de sa main a son épaule Dick Sand fit un geste de salut, que l’inconnu comprit sans doute, car il continua d’avancer

C’était un homme vigoureux, agé de quarante ans au

plus, Veil vif, les cheveux et la barbe grisonnants, le

teint halé Il portait une sorte de blouse en peau, un large

chapeau couvrait sa téte, des bottes de cuir lui montaient

jusqu’au-dessous du genou En tout cas, ce métait pas un

Indien Quand Dick Sand lui dit en anglais: »Bonjour“,

il répondit dans la méme langue

— Vous-étes Anglais? demanda-t-il au novice

— Américain, répondit Dick Sand — Du Sud?

— Du Nord

L’inconnu secoua vigoureusement la main du_ novice

et, en voyant s’avancer mistress- Weldon, il retira son

chapeau et la salua:

— Puis-je savoir, madame, comment vous vous trou-

vez sur cette cdte?

— Monsieur, nous sommes des naufragés Notre navire

s’est brisé hier sur ces écueils Et notre premiére question

sera pour vous demander of nous sommes?

— Mais vous étes sur la cơte de l’Amérique du Sud,

répondit Vinconnu, qui parut surpris de la demande Est-

ce que vous ne le savez pas?

— Non, monsieur, car la tempéte avait pu nous faire

1 tourner les roches—oOmunyru cKeni — -

> chercher à calmer — naMararucw 3ACHOKỌTH

3 porter en bandouliềre— necTn vepes neve

38

perdre notre route, dit Dick Sand Sommes-nous sur la

cơte du Pérou?

— Non, mon jeune ami, vous étes sur la cơte boli- vienne Je connais bien ce pays Je me nomme Harris, et je suis né dans la Caroline du Sud Mais voila vingt ans que j’ai quitté mon pays pour les pampas de la Bolivie En ce moment, je me rends a4 Atacama, dans le

nord-est

— Le désert d’Atacama? demanda Dick Sand

— Précisément, mon jeune ami Je me rends mainte- nant pour mon commerce 4 une importante ferme, la hacienda de San-Felice, qui appartient 4 mon frére Si

vous voulez m’y suivre, vous serez bien recus, et les

moyens de transport ne vous manqueront point pour

gagner la ville d’Atacama Le voyage que je vous pro- pose est un peu long, c’est vrai, mais j’ai 1a 4 quelques

centaines de pas derriére les roches, un cheval que je

peux mettre 4 la disposition de! mistress Weldon et de

son fils Quant aux bagages, ces noirs pourront bien les porter En voici un vigoureux!

Ses derniers mots s’adressaient 4 Hercule, que Harris

regardait attentivement

— Sur les marchés d’Afrique, dit-il, vous auriez valu

cher 2, mon ami!

— Je vaux ce que je vaux%, répondit Hercule en

riant, —et les acheteurs devront bien courir, s’ils veulent m’attraper Tout était convenu, et, pour hater le départ, chacun se mit a la besogne — Je vais aller reprendre mon cheval et l’amener ici, dit Harris

— Voulez-vous que je vous accompagne, monsieur? demanda Dick Sand

— Comme vous voudrez, mon jeune ami Venez

_Tous deux suivirent pendant quelque temps la riviére,

puis tournérent dans un petit bois La, un cheval, attaché

a un arbre, fit entendre de joyeux hennissements à Ïap-

proche de son maitre Harris détacha son cheval, le prit par la bride et ils revinrent vers la grotte Dick Sand avait jeté un regard rapide sur la riviére et vers la forét

| mettre @ la disposition de—siaaatn 0 nocayr

* vous auriez valu cher—sa pac xoporo sansatnan 6 je vaux ce que je vaux —3a mene sanaatan 6 Te, yoro Ø BAPTHĨ

Trang 22

Mais il n’avait rien vu d’inquiétant Pourtant, il posa 4 Harris la question suivante

— Monsieur Harris, vous n’avez pas rencontré cette

nuit un Portugais nommé Negoro?

— Negoro? répondit Harris du ton d’un homme qui

ne comprend pas ce qu’on veut dire Qu’est-ce que ce Negoro?

— C’était le cuisinier du bord, répondit Dick Sand, il a disparu

— Noyé peut-étre? dit Harris

— Non, non! Hier soir il était encore avec nous

— Je n’ai rencontré personne, répliqua l'Américain

Peut-étre le rattraperons nous en route?

— Oui peut-étre, répondit Dick Sand

Lorsque tous deux furent revenus a la grotte, le déjeu-

ner était prét Harris y fit honneur, en homme qui a tou- jours bon appétit

— Eh bien, occupons-nous donc du départ, dit-il en

se levant

Mistress Weldon, aidée d’Hercule, se placa sur le

cheval, et le petit Jack, son fusil en bandouliére, s’assit

devant sa mére On lui donna 4 tenir la bride du cheval

ce qui lui fit grand plaisir

Chapitre XVI

En route

Voici l’ordre de marche qui devait étre maintenu pen- dant le voyage

Dick Sand et Harris, tous deux armés de fusils, se tenaient en téte de la petite troupe Bat et Austin, armés

chacun d’un fusil et d’un coutelas, venaient ensuite

Mistress Weldon et le petit Jack les suivaient 4 cheval

Puis, Nan et Tom A l’arriére, Actéon, armé du quatriéme fusil, et Hercule, une hache a la ceinture, fermaient la

marche ! Dingo allait et venait et, ainsi que le fit obser-

ver Dick Sand, semblait chercher une piste

Quant au cousin Bénédict, son filet 4 la main, il cou- rait dans les hautes herbes, guettant les insectes, au ris-

que de se faire mordre par quelque serpent venimeux

1 fermer la marche — ira nosaay

40

— Cousin Bénédict, lui dit mistress Weldon, je vous

prie trés sérieusement de ne pas vous éloigner

— Cependant, cousine, lorsque j'apercevrai un in- secte

— Quand vous apercevrez un insecte, vous le laissez

courir en paix, ou bien je prendrai votre filet, lui dit mis-

tress Weldon

— Mon filet, cousine! Et pourquoi pas mes lunettes?

Vous n’oserez pas! Non! vous n’oserez pas le faire! — Méme vos lunettes, que j’oubliais!

Cousin Bénédict se tint tranquille pendant une heure environ Puis, il recommenga a s’éloigner Alors Hercule se chargea de le surveiller! spécialement

La petite troupe était bien armée Mais, ainsi que le

répéta Harris, il n’y avait d’autre rencontre 4 craindre que celle des Indiens, et encore n’en verrait-on pas pro- bablement

Les sentiers qui couraient a travers l’épaisse forét étaient plutét des passées d’animaux que des passées

d’hommes

— Eh bien, mistress Weldon, disait Harris, vous et

vos compagnons, vous verrez un singulier pays, qui con-

traste étrangement avec les régions du Pérou, du Brésil

ou de la République argentine

La forét devenait parfois marécageuse Un arbre sem-

blait manquer a cette forét, c’était l'arbre à caoutchouc Avant le coucher du soleil, la petite troupe se trouvait

4 huit milles environ de son point de départ Ce parcours

s’était fait sans incident, et méme sans grande fatigue

Il est vrai, c’était la premiére journée de marche, et, sans

doute, les étapes suivantes seraient plus rudes On décida

de faire halte sous un énorme manglier A l’arrivée de la

troupe, un assourdissant concert s’éleva de la cime de

arbre Le manglier servait de perchoir 4 une colonie de

perroquets gris

Ces perroquets criaient et bavardaient avec un tel

bruit, que Dick Sand songea a leur envoyer un coup de fusil, Mais Harris ne le lui permit pas, sous le prétexte

que, dans ces solitudes, mieux valait ne pas découvrir

sa présence par la détonation d’un fusil

— Passons sans bruit, dit-il, et nous passerons sans

danger

1 se charger de surveillef — p34TH Ha ceỐc 10T 34

Trang 23

Le souper fut préparé aussitét

Lobscurité commenca a se faire Les premiéres étoi-

les semblaient étre des fleurs éclatantes, qui scintillaient

au bout des hautes branches

— N’allumons-nous pas un grand feu pour la nuit?

demanda Dick Sand a l’Américain

— A quoi bon?! répondit Harris — Les nuits ne sont

heureusement pas froides Je vous répéte, mon jeune ami,

ce que je vous ai dit tout 4 l’heure? Passons incognito Pas plus de feu, que de coup de feu, si c’est possible

Une demi-heure aprés Hercule ramenait au camp

cousin Bénédict, qui venait de s’éloigner pour commencer

une chasse aux mouches lumineuses, qui sont trés nom- breuses dais l’Amérique du Sud Cousin Bénédict comptait donc en faire une bonne provision, mais Hercule ne lui

en laissa pas le temps, et, malgré ses récriminations, il

le rapporta au lieu de la halte,—ce qui sauva sans

doute une grande quantité de mouches lumineuses

Quelques instants aprés, 4 l'exception du géant qui

veillait, le camp dormait d’un profond sommeil

Chapitre XVII

Cent milles en dix jours

Les voyageurs se réveillérent bien remis par ces quel- ques heures de repos, que rien n’avait troublé Nan soccupa de préparer le repas L’air matinal aiguisait

Tappétit Pour la premiére fois, peut-étre, cousin Béné- dict comprit que de manger, ce n’¢tait point un acte inu-

tile de la vie Seulement, il déclara qu'il n’était pas venu „visiter“ cette contrée pour s’y promener les mains dans

Jes poches, et que si Hercule l’empéchait encore de chas-

ser aux mouches lumineuses, Hercule aurait affaire a

Jui Cette menace ne sembla pas effrayer le géant

A sept heures du matin, la petite troupe reprit le che-

min vers l’est, en conservant l’ordre de marche de la

veille

Dick Sand avait observé, que, suivant Harris 3, on se

1 A quoi bon? — aa woro? nao?

2 tout a lheure —3apaa -

3 suivant Harris —srigno 3 Tsepaxenuam Tappica

42

trouvait dans la région des pampas Or, ,,pampa“ est un

mot qui signifie ,,plaine“ Mais, depuis que la petite troupe, guidée par l’Américain, avait quitté la céte, la

forét n’avait cessé de s’étendre jusqu’aux limites de

Vhorizon

Dick Sand, ce jour-la, posa quelques questions a ce

sujet, et exprima a l’Américain la surprise que lui cau- sait ce singulier aspect de la pampa Mais Harris lui donna sur cette partie de la Bolivie les détails les plus exactes, montrant ainsi sa profonde connaissance du pays

— Et vous ne craignez point de vous égarer dans

ces foréts? demanda Dick Sand

— Non, mon jeune ami, non, répondit Harris —Je

suis habitué 4 voyager dans les bois, je sais trouver ma route 4 la disposition de certains arbres, a la direction de leurs feuilles, 4 la composition du sol, a mille détails que yous n’apercevez pas Soyez-en sfir', je vous condui-

rai, vous et les vétres, oft vous devez aller

Les 8, 9, 10, 11, 12 avril s’écoulérent ainsi, et le voyage

ne fat marqué par aucun incident Pendant quatre jours

encore, la marche vers le nord-est se continua dans les

mémes conditions Si Harris ne s’était pas égaré, —et il

Vaffirmait sans hésiter, — hacienda de San-Felice n’était plus qu’a vingt milles du point ot se fit la halte ce jour-la

Pendant la halte de midi, un sifflement passa dans

air, qui effraya mistress Weldon, tant il était étrange

— Qu’est-ce donc? demanda-t-clle en se levant préci-

pitamment

— Un serpent! s’écria Dick Sand, qui, son fusil armé,

se jeta au-devant de mistress Weldon

Mais Harris rassura mistress Weldon, en disant que

ce sifflement indiquait la présence de certains animaux inoffensifs, assez nombreux dans cette conirée

— Ce sont des antilopes, dit-il

— On peut, peut-étre, essayer de les approcher? dit

Dick Sand

— Oh! vous n’aurez pas fait trois pas, répondit

l'Américain, que toute la bande aura pris la fuite

Mais Dick Sand avait ses raisons pour étre curieux

I voulut voir, et, son fusil 4 la main, il se glissa dans

Pherbe Tout aussitơt, une douzaine de gracieuses gazelles

passérent avec la rapidité d'une trombe

1 sOyeZ-en ST — ỐybTe B HbOMY BresHeHi

Trang 24

— Je vous avais prévenu, dit Harris, lorsque le novice revint prendre sa place

La petite troupe, vers quatre heures du soir, s’était

arrétée un instant prés d’une clairiére, lorsque trois ow

quatre animaux de grande taille débouchérent d’un buis-

son 4 une centaine de_pas

Dick Sand fit feu sur l'un de ces animaux Mais, au

moment oi le coup partait, l’arme avait été rapidement

détournée par Harris, et Dick Sand avait manqué son

but

— Pas de coup de feu! pas de coup de feu! avait dit TAmérieain

— Ah ca! mais ce sont des girafes! s’écria Dick Sand,

sans répondre a Harris

— Des girafes?! dit mistress Weldon.— Tu te trompes, mon cher Dick Il n’y a pas de girafes en Amérique

— En effet, dit Harris, il ne peut y avoir de girafes dans ce pays

— Mais alors? fit Dick Sand

— Je ne sais vraiment que penser! répondit Harris

Dvailleurs, il est arrivé plus d’une fois 4 des chasseurs

de se tromper comme vous Nous n’avons pas besoin de chasser pour nous procurer des vivres, et, je le répéte, il

ne faut pas que la détonation d’un fusil donne le signal de notre présence dans cette forét

Dick Sand, cependant, demeurait pensif Une fois

encore, un doute venait de se faire dans son esprit!

Le lendemain, 17 avril, la marche fut reprise, et

l’Américain affirma que dans vingt-quatre heures la petite

troupe arriverait a I’hacienda de San-Felice

Le soir arriva, et la halte fut organisée pour la nuit

comme d’habitude Tom et ses compagnons durent veiller

Yun aprés l'autre

Le coucher avait été organisé au pied d’un bouquet de

grands arbres Mistress Weldon et les siens dormaient déja, lorsqu’ils furent réveillés par un grand cri

— Eh! qu’y a-t-il? demanda vivement Dick Sand, qui

fut debout, le premier de tous

— C’est moi! C’est moi qui ai crié! répondit cousin Bénédict — Et qu’avez-vous? demanda mistress Weldon 1 wn doute venait de se faire dans son esprit—y boro BHHHKIO ninospiana 44

— Je viens d’étre mordu!

— Par un serpent? demanda avec effroi mistress

Weldon

—- Non, non! Ce n’est pas un serpent, mais un insecte,

répondit cousin Bénédict Ah! Je le tiens! Je le tiens!

Et bien, écrasez votre insecte, dit Harris, et laissez-

nous dormir, monsieur Bénédict

— Ecraser un insecte?! s’écria cousin Bénédict Non

pas! Non pas! Il faut voir ce que c’est!

— Quelque moustique! dit Harris en haussant les

épaules

—- Point! C'est une mouche, répondit cousin Bénédict,

et une mouche qui doit étre trés curieuse!

Dick Sand avait allumé une petite lanterne et il Yapptocha du cousin Bénédict

— Mon dieu! s’écria celui-ci J’ai donc enfin fait une

découverte!

Le brave homme délirait Il regardait sa mouche Il left baisée volontiers

- Mais qu’est-ce donc? demanda mistress Weldon — Une tsétsé, cousine, une fameuse tsétsé!

Et le cousin Bénédict montra une mouche plus petite

qu’une abeille, de couleur noire, rayée de jaune a la partie inférieure de son corps

— Elle n’est pas venimeuse, cette mouche? demanda

mistress Weldon

— Non, cousine, non, du moins pour l’homme Mais

pour les animaux, pour les antilopes, pour des buffles,

méme pour des éléphants, c’est autre chose!! Ah! I’ado-

rable insecte!

— Enfin, demanda Dick Sand, nous direz-vous, mon-

sieur Bénédict, quelle est cette mouche?

— Cette mouche, répondit l’entomologiste, cette mou-

che que je tiens entre mes doigts, cette mouche, c’est une tsétsé! J’ai fait une découverte: la tsétsé peut habiter

TAmérique!

Dick Sand nosa pas demander au cousin Bénédict en

quelle partie du monde se rencontrait habituellement cette

Tedoutable tsétsé

Et lorsque ses compagnons se rendormirent, Dick

Sand, malgré la fatigue qui l’accablait, ne ferma plus l’eil

de toute la nuit

Trang 25

Chapitre XVIII

Le mot terrible!

Il était temps d’arriver Mistress Weldon ne pouvait

continuer plus longtemps ce voyage Son petit garcon était tombé malade, il avait la fiévre Trés rouge pendant

les accés de fiévre, il faisait peine 4 voir! Sa mére

était extrémemeént inquiéte Elle le tenait a demi couché dans ses bras

Dick Sand, Nan, Tom, ses compagnons avaient mieux

supporté les fatigues du voyage

Les vivres ne leur avaient point manqué, et leur état

était satisfaisant

Quant a Harris, il semblait habitué a ces longs voyages 4 travers les foréts, et il ne paraissait pas fatigué

Seulement, 4 mesure qu’il se rapprochait de Phacienda,

Dick Sand observait qu'il était plus préoccupé Le contraire

aurait été plus naturel Deux incidents aggravérent encore les inqui¢tudes de Dick Sand Ce jour-la, les aboiements de Dingo redevinrent furieux, tels qu’ils étaient lorsque

Negoro paraissait sur le pont du ,,Pilgrim‘

Un soupgon traversa l’esprit de Dick Sand, et il fut

confirmé dans ce soupgon par Tom, qui lui dit:

— Voila qui est singulier, monsieur Dick On dirait

que? Dingo sent de loin

— Negoro, n’est-ce pas? répondit Dick Sand, qui saisit

Je bras du vieux noir et lui fit signe de parler à voix

basse — C’est vrai! Dingo s’agite comme si cet homme quwil déteste s’était rapproché de nous!

Puis, il appela le chien, qui, aprés quelque hésitation, vint a lui:

— Eh! dit-il, Negoro! Negoro!

Un furieux aboiement fut la réponse de Dingo, et il s’élanga en avant, comme si Negoro était caché derriére quelque buisson

Harris avait vu toute cette scéne Les lévres un peu

serrées, il s°approcha du novice:

— Que demandez-vous done 4 Dingo? dit-il

— Ohl! presque rien, monsieur Harris, répondit le vieux

1 ]Í faisait peine à Voir — BÌH BHKIHKAB NouyTTa xKamo

® On dirait que — MoxHa n91yMAaTH

46

Tom, en plaisantant Nous lui demandons des nouvelles

de ce compagnon de bord que nous avons perdu!

— Ah! fit Américain, ce Portugais, ce cuisinier du

bord dont vous m’avez déja parlé?

— Oui, répondit Tom On dirait, 4 entendre Dingo, que

Negoro est dans le voisinage

— Comment aurait-il pu arriver jusqu’ici? répondit

Harris Ce serait étonnant

— Allons, Dingo, tais-toi, dit Dick Sand, pour termi- ner cette conversation

La seconde observation qui fut faite par le novice se

rapportait au cheval de l’Américain Il ne paraissait pas

sentir l’approche de Vhacienda, pourtant il y était allé

plusieurs fois, et il devait connaitre le chemin ,,Ce rest point un cheval qui arrive! pensa le jeune novice |

Cependant, Harris allait toujours en avant; mais il

semblait observer les profondeurs du bois, et regarder a

droite, 4 gauche, comme un homme qui nest pas stir de

lui ou de sa route Aprés une plaine large d’un mille,

la forét avait reparu, et la petite troupe s’enfonga de nou- yeau sous les grands arbres

A six heures du soir, on était arrivé aupres d’un fourré

A une hauteur qui dépassait de beaucoup la, taille

humaine, les branches des arbres y étaient arrachées ou

brisées En méme temps, les herbes, violemment écartées,

jaissaient voir sur le sol, un peu marécageux, des emprein-

tes de pas qui ne pouvaient étre ceux de jaguards

Des éléphants auraient pu', sans doute, laisser de telles empreintes Mais il n'y a pas d’éléphants, en Amérique!

Dick Sand ne fit point connaitre ce que cet inexplicable fait lui donna a penser” Il n’interrogea méme_ pas

PAméricain L'opinion de Dick était faite sur Harris Il

sentait en lui un traitre

Mais quel pouvait étre le but secret d’Harris? Quel

avenir attendait done les naufragés du_,,Pilgrim‘?- Dick

Sand se répétait qu'il lui faudrait encore, et plus que

jamais, veiller au salut de mistress Weldon et du petit Jack On continua de marcher pendant toute la journée, mais

péniblement Il était vraiment temps qu’on arrivat, ou

bien on serait forcé de s’arréter

1 des éléphants auraient pu —caonn Moran 6

2 ce fait Iui donna A penser — uel $akr npHMYCHB đOTO I01YMATH

Trang 26

Vers quatre heures du soir, le vieux Tom trouva, dans

Vherbe, un objet qui attira son attention C’était une arme,

une sorte de couteau, d’une forme singuliére

Tom porta ce couteau 4 Dick Sand, qui le prit, l’exa-

mina, et, finalement, le montra a l’Américain, disant:

— Sans doute, les indigénes ne sont pas loin — En effet, répondit Harris, et cependant

— Cependant? répéta Dick Sand, qui regarda Harris

bien en face

— Nous devons étre tout prés de l’hacienda, reprit

Harris en hésitant, et je ne reconnais pas

— Vous étes-vous donc égaré? demanda Dick Sand — Egaré, non L’hacienda ne doit pas étre a plus

de trois milles, maintenant Je ferais bien, je pense, d’aller,

en avant

— Non, monsieur Harris, ne nous séparons pas,

répondit Dick Sand d’un ton décidé

— Comme vous voudrez, reprit l’Américain Mais,

pendant la nuit, il me sera difficile de vous guider

— Eh bien, répondit Dick Sand Nous allons faire

halte

En ce moment, Dingo fit entendre des aboiements

furieux,

— Ici, Dingo, ici! cria Dick Sand Tu sais bien qu'il

n’y a personne, et que nous sommes dans le désert

Dick Sand songea a tout disposer pour le coucher sous

un large bouquet d’arbres Mais le vieux Tom, qui s’occu-

pait avec lui de ces préparatifs, s’arréta tout 4 coup,

s’écriant:

— Monsieur Dick! Voyez! Voyez!

— Qu’y a-t-il, mon vieux Tom? demanda Dick Sand

— La 1a fit Tom, sur ces arbres des

taches de sang! Et a terre des membres

mutilés! !

Dick Sand se précipita vers I’endroit que montrait le

vieux Tom Puis, revenant 4 lui: — Tais-toi, Tom, tais-toi! dit-il

En effet, il y avait 1a, sur le sol, des mains coupées, et, auprés de ces mains humaines, quelques fourches brisées,

une chaine-rompue

Le vieux Tom, a la vue de ces fourches, de cette chaine

brisée, était resté immobile

! des membres mutilés — pinpyỐaHÌ, waCTHHH TỈ14 (pyKH, HOFH}

48

Il les regardait en murmurant ces ¢tranges paroles: — Jai vu déja vu ces fourches tout petit

jai vul

Les souvenirs de son enfance lui revenaient vaguement

Il cherchait a se rappeler Il allait parler „

— Tais-toi, Tom répéta Dick Sand Pour mistress

Weldon, pour nous tous, pour toi!

Trang 27

Et le novice emmena le vieux noir

Un autre lieu de halte fut choisi 4 quelque distance, et tout fut disposé pour la nuit Le repas fut préparé, mais on y toucha 4 peine

Lobscurité se fit peu a peu Bientdt elle fut profonde- Le vent était tombé, pas une feuille ne remuait aux ar- bres Dick Sand, Austin, Bat veillaient ensemble Rien ne

troublait ni le calme ni l’obscurité de la forêt

Mistress Weldon bergait son enfant dans ses bras et n’avait de pensées que pour lui Seul cousin Bénédict dormait peut-étre

Tout 4 coup, vers onze heures, un rugissement prolongé

et grave se fit entendre

Tom se dressa tout debout, et sa main se tendit vers un épais fourré, distant d'une mille! au plus

Dick Sard lui saisit le bras, mais il ne put empécher

Tom de crier a haute voix: — Le lion! le lion! Dick Sand se précipita vers la place qu’occupait Har- TIS Harris n’était plus 14, et son cheval avait disparu avec lui

Dick Sand comprit tout Ce n’était point a la cơte

américaine que le ,,Pilgrim“ avait atterri

La boussole l’avait trompé, on sait pourquoi [I avait

sans doute tourné le cap Horn, et, de locéan Pacifique,

il était passé dans |’Atlantique |

Voila pourquoi les arbres de caoutchouc manquaient

a cette forét C’étaient bien des girafes, qui avaient fui dans la clairiére C’étaient des éléphants, qui avaient traversé Iépais fourré C?était la tsétsé, cette mouche

recueilliée par Bénédict, la redoutable tsétsé qui fait périr en Afrique les animaux des caravanes Enfin, c’était bien le rugissement du lion qui yenait d’éclater 4 travers la

forét Et ces fourches, ces chaines, ce couteau de forme

singuliére, c’étaient les engins des marchands d’esclaves

Ces mains mutilées, c’étaient des mains de négres

esclaves

Et ce mot terrible, deviné par Dick Sand, s’échappa

enfin de ses lévres: |

— L’Afrique! L’Afrique! L’Afrique de la traite!

1 distant đune mille— Ha BỈACTAni MHIÌ

Chapitre XIX

La traite

La traite! Il faut que le lecteur apprenne ce que

c’était que la traite Les grandes colonies exigeaient une grande quantité d’ouvriers Alors, au profit des nations européennes, des hommes sans ceur organisaient en

Afrique ,,la chasse A homme‘ Cette chasse dépeuplait des

contrées entières Le sang coulait Des villages brulaient,

et les négres, arrachés 4 leur pays, étaient transportés

aux colonies d’Amérique par des navires spéciaux Les

marchands d’esclaves vendaient aux colons hommes, fem-

mes, enfants Cette marchandise cofitait peu aux _,,chas-

seurs 4 homme“ et les bénéfices étaient considérables Cela s’appelait la traite!

En 1807, l’Angleterre avait aboli la traite des noirs

dans ses colonies La France avait suivi son exemple en 1814 Mais ce n’était 1a qu’une déclaration théorique, car

les Etats du Sud de l’Amérique, les colonies espagnoles

et portugaises avaient refusé la souscription de cet acte @abolition Les marchands de négres débarquaient donc

leur ,,marchandise* dans les ports coloniaux

C’était dans cette contrée effrayante que Dick Sand

avait été entrainé avec une femme fatiguée, un jeune

enfant malade, un vieux savant et quelques négres, qui

étaient une bonne proie pour les chasseurs 4 l’homme

Oui, c’était l'Afrique ot tout était danger pour le jeune

capitaine et ses compagnons: le climat humide, les bétes fauves, les indigénes et méme les européens, chasseurs aux négres

Il fallait surmonter toutes ces difficultés, éviter tous ces dangers, en traversant la province de l'Angola, l'une

des plus dangereuses de l’Afrique équatoriale

Que pouvait faire Dick Sand, un garcon de 15 ans

dans ce pays oi la trahison l’avait jeté? Peu de choses

Trang 28

Chapitre XX

Harris et Negoro

Le lendemain du jour of Dick Sand avait compris que

Harris l’avait trahi, deux hommes se rencontraient a trois milles du camp de la petite troupe du jeune capitaine

Ces deux hommes étaient Harris et Negoro

— Ainsi, Harris, dit Negoro, tu n’as pas pu entrainer plus loin dans l’Angola la troupe du capitaine Sand,

comme ils appellent ce novice de quinze ans?

— Non, camarade, répondit Harris Depuis plusieurs

jours, mon jeune ami Dick Sand me regardait d'un œil

inquiet, ses soupgons se changeaient peu 4 peu en certi-

tudes, et ma foi

— Cent milles encore, Harris, et ces gens-la étaient

sfirement dans nos mains! Ils ne doivent pas nous échapper

— Jai lu dans les yeux de Dick Sand, qu’il voulait

m’envoyer une balle en pleine poitrine

— Bon! fit Negoro J'ai, moi aussi, un compte a régler

avec ce novice

— Quant 4 toi', qui suivais notre caravane, tu as

bien fait de garder ta distance On te sentait la Il y a un

certain Dingo, qui ne t’aime pas trop Que lui as-tu donc

fait, a cet animal?

— Rien, répondit Negoro, mais un jour je lui enverrai une balle dans la téte

— Ah ca, Negoro, lorsque je t’ai rencontré la-bas, tu

n’as eu que le temps de me prier de conduire ces gens

aussi loin que possible a travers cette contrée, mais tu ne m’as pas dit ce que tu avais fait depuis deux ans Tu as quitté Cassange et l’on n’a plus entendu parler de toi J’ai pensé que tu avais eu quelques désagréments et que tu étais pendu

— đai été bien près de là?, Harris!

— Ca viendra, Negoro

— Merci

— Que veux-tu? répondit Harris avec une indifférence

1 quant a toi—mogo tebe

2 j'ai été bien pres de là—ø ỐyB ỐwabKHđ a0 uboro (cnpasa

Mafze nỈĐut1a 1O HưOrO)

52

toute philosophique, c’est une des chances du métier !

Enfin tu as été pris? — Oui

— Par les anglais?

— Oui, dit Negoro On m’a pris

— Et condamné?

— A finir mes jours dans la prison de Saint-Paul de Loanda

— Mille diables! s’écria Harris Moi, j’aurais peut-

étre préféré étre pendu!

— On ne s’échappe pas de la potence, répondit Negoro,

mais de la prison

— Tu as pu t’évader?

— Oui, Harris Quinze jours seulement aprés avoir été mis en prison, j’ai pu m’évader Je me suis caché a fond de la cale d’un navire qui partait pour Auckland Un

baril d’eau, une caisse de conserves, entre lesquels je m’étais caché, m’ont donnés 4 manger et 4 boire

— Est-ce que ton retour s’est fait dans les mémes

conditions?

— Non, Harris Je n’avais 1a-bas qu'une idée: revenir en Afrique et reprendre mon métier de marchand d’escla-

ves

— Oui! répondit Harris, on aime son métier par

habitude

— Pendant dix-huit- mois

Ces derniers mots prononcés, Negoro s’était tu brus-

quement Il avait saisi le bras de son compagnon et il écoutait

— Harris, dit-il en baissant la voix, est-ce que tu n’as pas entendu un bruit dans ce buisson de papyrus?

— En effet?, répondit Harris, qui saisit son fusil

Negoro et lui se levérent, regardérent autour d’eux et écoutérent avec la plus grande attention

— Il ny a rien, dit bientét Harris C’est ce ruisseau qui coule entre les herbes Depuis deux ans, camarade,

tu as perdu Phabitude des bruits de la forét Continue donc le récit de tes aventures Quand je connaitrai bien

le passé, nous causerons de l’avenir

Negoro et Harris s’étaient assis au pied d’un arbre et

le Portugais reprit son récit

Trang 29

— Pendant dix-huit mois je suis resté 4 Auckland

Javais pu quitter le bord de mon navire sans étre vu; mais pas un sou, pas un dollar en poche Pour vivre,

j'ai df faire tous les métiers — Pauvre garcon!

— Jattendais toujours une occasion, lorsque le ,,Pil-

grim“ arriva au port d’Auckland

—Ce navire qui échoué a la cote d’Angola?

— Celuilà même Très heureusement pour moi,~ le

cuisinier du bord était tombé malade Je nroffris en qualité de cog On m’accepta, et quelques jours aprés, le „Pilgrim“ avait perdu de vue les terres de Nouvelle- Zélande Le ,,Pilgrim faisait route pour l’Amérique Lors- que je m’embarquai, je croyais bien n’aller qu’au Chili

C’était toujours une bonne moitié du chemin entre la

Nouvelle-Zélande et l’Angola Mais il arriva, que le capi-

taine Hull, qui commandait le navire, disparut avec tout

son équipage en chassant une baleine Ce jour-la, il ne

resta donc plus que deux marins 4 bord, le novice Dick

Sand et le cuisinier Negoro

— Et tu as pris le commandement du navire?

— Non, je voyais qu’on se défiait de moi Je résolut

de rester ce que j’étais au départ, le cuisinier du

»Pilgrim™

— C’est donc le hasard qui a conduit ce navire a la

céte d'Afrique?

— Non, Harris C’est ma volonté Une nuit, la boussole

a été faussée, et le ,,Pilgrim‘, poussé par une violente tempéte, a fait fausse route' J’ai reconnu le cap Horn au

milieu des brumes Alors Vaiguille du compas a repris,

grace 4 moi’, sa direction vraie et le navire est venu se

jeter A la cote d’Afrique sur ces terres: de l’Angola que je

voulais atteindre!

— Et a ce moment méme, répondit Harris, la chance

m’avait amené 1a pour te recevoir et guider ces braves

gens a l’intérieur

— Voila mon histoire! dit Negoro Maintenant donne-

moi done des nouvelles de notre maitre, le marchand

đesclaves Alvez

— Oh! le vieux coquin se porte 4 merveille! répondit Harris, et il sera trés content de te revoir 4 Kazonndé

1 faire fausse route —a6utHca 3 AOpOFH 2 grice A moi—sasankn MeHi

54

— Et les affaires vont-elles?

— Oui, mille diables! s’écria Harris En ce moment

des esclaves attendent A Kazonndé les navires qui doivent les charger pour les colonies espagnoles

Et maintenant, dis-moi, que feras-tu de ces gens-la?

— Jen ferai deux parts, répondit Negoro, ceux que je

vendrai comme esclaves et ceux que

Le Portugais n’acheva pas, mais sa physionomie farouche parlait assez pour lui

— Lesquels vendras-tu?

— Ces noirs qui accompagnent mistress Weldon

— Certainement, tu les vendras cher! Des esclaves,

nés en Amérique et expédiés sur les marchés de l’Angola,

c'est une marchandise rare Mais tu ne m’as pas dit s’il y avait quelque argent 4 bord du ,,Pilgrim‘?

— Oh! quelques centaines de dollars seulement Heu- reusement, je compte recevoir beaucoup plus

— Comment donc, camarade? demanda curieusement

Harris

— Nous verrons! répondit Negoro

— Il nous reste a prendre cette marchandise, dit

Harris

— Est-ce donc si difficile? demanda Negoro

— Non, camarade Une caravane d’esclaves se trouve

a dix milles: d'ici et n’attend que mon retour pour prendre

la route de Kazonndé; Il y a 1a assez de soldats pour

capturer Dick Sand et ses compagnons II faut seulement que mon jeune ami se dirige dans cette direction

— Mais aura-t-il cette idée? demanda Negoro

— Sfirement, répondit Harris, puisqu’il est intelligent Il ne doit pas songer a revenir a la céte Il se perdrait 1 Il cherchera donc*a suivre une des riviéres? I] n’a pas d'autre parti 4 prendre, et cette rivière I'amènera 1a, of

nous voulons le voir

— Eh bien, en route, dit Negoro, je connais Dick Sand

Il ne s’attardera pas en route, et il faut le devancer

— En route, camarade!

Harris et Negoro se levaient tous les deux, lorsque le bruit qui avait déja attiré Vattention du Portugais se renouvela Negoro s’arréta et saisit la main de Harris

1 il se perdrait — nin sa6.yausca 6

2 chercher à suivre une riviére — Hamaratucs itn 3a TewÏelo pÏ4KH

Trang 30

Tout 4 coup, un sourd aboiement se fit entendre Un chien, prét a s’élancer, apparut au pied de l’arbre

— Dingo! s’écria Harris

— Ah! cette fois, il ne m’échappera pas! répondit

Negoro

Dingo allait se jeter sur lui, lorsque Negoro, saisissant

le fusil d’Harris, fit feu Un long hurlement répondit a la détonation, et Dingo disparut entre les buissons qui bor-

dait le ruisseau Negoro descendit aussitét jusqu’a la rivi-

ére Des gouttes de sang tachaient quelques tiges de papyrus — Enfin ce maudit animal a son compte!! s’écria Negoro — Ah ca! Negoro, dit Harris, pourquoi ce chien te détestait-il?

— Oh! une vieille affaire 4 régler entre lui et moi

— Une vieille affaire? répondit Harris

Negoro ne répondit pas d’avantage

Quelques instants plus tard, tous deux, descendant le

cours du ruisseau, se dirigeaient vers la Coanza, a travers la forét

Chapitre XXI

En marche

L’Afrique! L’Afrique! répétait Dick Sand Comment

avait-il pu se tromper et amener le ,,Pilgrim sur la céte

d'Afrique! Il s’était rappelé les incidents de cette inexpli- cable traversée, et l'idée lui vint que sa boussole avait da

être faussée Il se rappela comme il avait été réveillé par

le cri du vieux Tom, comme Negoro était tombé sur l’habi-

tacle N’avait-il pu déranger la boussole

La lumiére se faisait dans l’esprit? de Dick Sand

Il comprenait enfin que l’Américain et le Portugais se connaissaient depuis bien longtemps Si Dick Sand efit pu entendre la conversation entre Harris et Negoro, il aurait

su quels dangers menagaient mistress Weldon, les noirs et lui-méme La situation était effroyable, mais le jeune

' ila son compte! — pin ogepxan no sacaysi

* La lumiềre se faisait dans V'esprit—aymxu novaan nposacuto- Batic

56

novice ne faiblit pas Capitaine a bord, il resterait capi- taine a terre

A l'exception du novice et de Tom, tous dormaient

Dick Sand s’approcha du vieux noir

— Tom, lui dit-il 4 voix basse, vous avez reconnu le

rugissement du lion, vous avez reconnu les engins des marchands d’esclaves, vous savez que nous sommes en

Afrique?

— Oui, monsieur Dick, je le sais

— Eh bien, Tom, pas un mot de tout cela, ni a mistress Weldon, ni 4 vos compagnons Il suffira de leur

dire que nous avons été trahis pas Harris Vous me viendrez en aide, men vieux Tom?

— En tout et partout, monsieur Dick

Le plan de Dick Sand était de regagner la céte au plus

vite Le moyen de passer sans laisser de traces, était de

redescendre en bateau ou en radeau le cours d’une riviére Le jour venu, tous ses compagnons se réveillérent peu

a peu Mistress Weldon s’approcha de Dick Sand

— Dick, demanda-t-elle, aprés l’avoir regardé, oi est

Harris? Je ne l’apercois pas

— Harris n’est plus 1a, dit-il

— Est-il done allé en avant? reprit mistress Weldon

— Il a fui, mistress Weldon, répondit Dick Sand Cet

Harris est un traitre, et c'est d’accord avec Negoro qu'il nous a entrainés jusqu’ici

— Ainsi cette ferme?

— Il ny a ni ferme, ni village aux environs, répondit Dick Sand Il faut revenir a la céte Par le méme chemin, mistress Weldon!

— Oh! je suis forte, Dick! dit mistress Weldon Je

marcherai! Je porterai mon enfant!

— Nous vous aiderons, mistress Weldon, dit le vieux

Tom Nous vous porterons vous-méme!

— En route, done, dit Dick Sand

— Donnez-moi Jack! dit Hercule, qui enleva l'enfant

des bras de Nan — Quand je n’ai rien a porter, ca me

fatigue!

Les armes furent visitées avec soin' Ce qui restait de

Trang 31

jamais fatiguées, Gtait prét 4 partir Avait-il remarqué la

disparition d’Harris? II serait imprudent de l’affirmer Dvailleurs, une terrible catastrophe lui était arrivée En effet, cousin Bénédict avait perdu sa loupe et ses lunettes

Trés heureusement, Bat avait trouvé les deux précieuses

choses au milieu des grandes herbes; mais sur le conseil

de Dick Sand, il les avait gardées

La petite troupe n’avait pas fait cinquante pas, lorsque le vieux Tom larréta soudain đun mot

— Et Dingo? dit-il

— En effet, Dingo n’est pas la! répondit Hercule Et de sa voix puissante, le noir appela le chien plusieurs fois Aucun aboiement ne lui répondit

— Mais nous ne pouvons attendre le retour de Dingo,

dit Dick Sand.—S’il est vivant, d'ailleurs, l'intelligent

animal saura bien nous retrouver En avant!

Le temps était trés chaud, de gros nuages barraient Vhorizon L’orage était dans l’air Les voyageures devaient se dépécher, mais la route était difficile La plupart du

temps il fallait renverser des obstacles, qui retardaient la

petite troupe, au grand déplaisir de Dick Sand C’étaient

des lianes entremélées Les noirs, la hache a la main, les

coupaient 4 grands coups, mais lianes reparaissaient sans cesse, depuis le ras du sol jusqu’aux plus hautes branches qu’elles enguirlandaient

Vers midi, trois milles avaient été franchis sans mau-

vaise rencontre D’Harris ou de Negoro, il n’y avait

aucune trace Dingo n’avait pas reparu

Il fallait faire halte pour prendre repos et nourriture

Le camp fut établi dans un fourré de bambous, qui cacha

complétement la petite troupe

On parla peu pendant le repas Mistress Weldon avait

repris son petit garcon entre ses bras, elle ne le quittait pas des yeux; elle ne pouvait manger

— Il faut prendre quelque nourriture, mistress Weldon,

lui répéta plusieurs fois Dick Sand Que deviendriez-vous si les forces vous manquaient? Nous nous remettrons bien-

tét en route, nous trouverons une riviére et un bon courant

nous portera sans fatigue a la céte

Les yeux ardents du jeune novice disaient tout le cou- rage dont il se sentait animé

Chapitre XXII

Les mauvais chemins de Angola

Le petit Jack se réveilla et passa ses bras au cou de

sa mére Son eil était meilleur!, La fiévre n’était pas revenue

— Et mon ami Dick? demanda-t-il

— Me voici, Jack, répondit Dick Sand, qui vint prendre

la main de l'enfant

— Et mon ami Hercule?

— Présent Hercule, monsieur Jack, répondit le géant

en approchant sa bonne figure

— Et le cheval? demanda le petit Jack

-— Le cheval? Parti, monsieur Jack, répondit Hercule

Maintenant, c’est moi le cheval

On reprit la marche dans le méme ordre Bientét, on vit une large route, pratiquée a travers la forét: Ca et 1a,

des ossements jonchaient le sol, des restes de squelettes a

demi rongés par les fauves, et dont quelques-uns portaient encore les chaines de l'esclave

Ainsi donc, des caravanes d’esclaves avaient suivi ce

chemin Pendant un mille, Dick Sand et ses compagnons heurtérent 4 chaque pas ces ossements, mettant en fuite d’énormes oiseaux, qui d’un vol pesant s’envolaient a leur approche et tournoyaient dans l’air

La, petite troupe atteignit enfin une petite riviére, que

Dick Sand résolut de suivre Il espérait qu’elle deviendrait

bientét navigable ou qu’elle se jeterait dans quelque rivi-

ère plus importante, coulant vers l’Atlantique Le jeune

novice était bien décidé a suivre ce cours d’eau Aussi whésita-t-il pas 4 abandonner la route coupée dans la forét lorsqu’elle s’éloigna de la petite riviére Vers la fin du jour les arbres se firent rares On entrait dans une autre zone Des bambous énormes couvraient le sol Ils

étaient si hauts qu’Hercule lui-méme, ne les dominait pas de la téte Entre ces hauts bambous les voyageurs pas-

sérent une nuit tranquille

Le lendemain, vers trois heures aprés midi, la nature du terrain changea absolument C’étaient de longues plaines qui devaient être entièrement inondées dans la saison des pluies

1 Son ceil était meilleur —sin Mas Kpamui Baraay

Trang 32

— Faites attention; mes amis, dit Dick Sand, en pre-

nant les devants'.—Eprouvez le sol avant de marcher

dessus

— En effet, répondit Tom, on dirait que ces terrains

ont été détrempés par la pluie

— Lorage n'est pas loin, dit Bat

— Raison de plus, dit Dick Sand, pour nous dépécher de franchir ce marécage Eh bien! que faites-vous donc, monsieur Bénédict?

— Je tombe! répondit simplement cousin Bénédict

Le pauvre homme avait disparu jusqu’a mi-corps dans

une boue tenace On lui tendit la main, et il se releva

couvert de boue

Le sol devenait de plus en plus mauvais et mistress

Weldon fut obligée de s’arréter plusieurs fois: elle

enfongait jusqu’a mi-jambe dans des fondriéres

Enfin, vers cing heures du soir, le marécage fut franchi,

et le sol reprit une dureté suffisante En ce moment, la

chaleur était devenue accablante Des éclairs lointains commengaient a déchirer les nuages, de sourds roulements de tonnerre grondaient dans les profondeurs du ciel Un

formidable orage allait éclater Cependant, vers le nord,

une série de collines peu élevées limitait la plaine maré-

cageuse La la petite troupe ne risquerait plus d’étre sur-

prise par une inondation possible

— En avant, mes amis, en avant! répétait Dick Sand

Trois milles encore et nous serons plus en sfireté que dans

la plaine Voyez-vous ces collines là-bas!

Quand lorage éclata, les collines se trouvaient encore

4 plus de deux milles L’obscurité devenait presque com-

pléte Vingt fois, Dick et ses compagnons coururent le

risque? d’étre foudroyés par des éclairs Des gouttes de pluie commengaient a tomber

Dick Sand s’arréta un instant prés du vieux Tom

— Que faire? dit-il

— Continuer notre marche, monsieur Dick, répondit

Tom Nous ne pouvonis rester sur cette plaine, que la pluie va transformer en marécage

Un éclair plus blanc illumina Ja plaine toute entiére

— Qu’ai-je vu 1a, a un quart de mille?! s’écria Dick Sand

| prendre les devants — crasatu nonepeny 2 courir le risque —wapaxatica na HeOcanexy

60

— Oui, moi aussi, j’ai vu! répondit le vieux Tom

— Un camp, n’est-ce-pas?

— Oui monsieur Dick ¢a doit étre un camp,

mais un camp d’indigénes

On voyait au loin une centaine de tentes coniques,

symétriquement rangées Pas un soldat ne se montrait

@ailleurs Etait-ce donc un camp abandonné?

— Restez ici, dit Dick Sand 4 Tom Que personne ne

me suive! Jirai reconnaitre ce camp

— Lun de nous vous accompagnera, monsieur Dick! — Non, Tom J'irai seul! Je puis approcher sans étre vu Restez La petite troupe fit halte Le jeune novice disparut au milieu de l’obscurité

Trois minutes aprés Dick Sand était revenu:

— Venez! Venez! cria-t-il d'une voix qui exprimait tout son contentement

— Le camp est abandonné? demanda Tom

— Ce n’est pas un camp! répondit Dick Sand, ce nest pas un village! Ce sont des fourmiliéres aban-

données!

— Des fourmiliéres! s’écria cousin Bénédict, que ce

mot mit en éveil

— Oui, monsieur Bénédict, mais des fourmiliéres hau- tes de douze pieds au moins, et dans lesquelles nous

essayerons de nous cacher de la pluie

— Mais, attendez donc! dit cousin Bénédict — Je

croyais que ces fourmiliéres-la n’existaient qu’en Afrique! — En route! cria Dick Sand

Bientdt, un de ces cones qui hérissaient la plaine fut

atteint Au bas de ce cone se creusait un trou fort ét- roit, qu’Hercule Glargit avec son couteau en quelques ins-

tants

Dick et ses compagnons s’y glissérent, et Hercule

disparut le dernier, au moment ott la pluie tombait avec

une telle rage, qu’elle semblait éteindre les éclairs

Mais il n’y avait plus rien 4 craindre de cette pluie

Par un heureux hasard la petite troupe avait trouvé un abri solide, meilleur qu’une tente, meilleur qu'une hutte

đindigène |

C’était un de ces énormes cénes batis par des termi-

tes, bien connus en Afrique

Trang 33

Chapitre XXIII

Dans une fourmiliére

En ce moment, l'orage éclatait avec une violence

inconnue dans nos pays Toute une mer se renversa d’tin

coup sur la terre Les ruisseaux se transformérent en

62

rivières qui inondérent tout le territoire de la plaine Heureusement, la fourmiliére trés épaisse de parois, était parfaitement imperméable Une lanterne fut allumée, et la

fourmiligre s’éclaira d’une lumiére suffisante Elle avait

douze pieds de hauteur au dedans, et onze pieds de large; sa partie supérieure s’arrondissait en forme de cơne Ce

céne formait un solide abri

Les parois du céne avaient de larges cavités qui for-

maient plusieurs étages Mistress Weldon, le petit Jack,

Nan et cousin Bénédict se réfugiérent 4 l’étage superieur

Dick Sand et les noirs devaient passer la nuit a I’étage

inférieur

Les fourmis avaient bien abandonné leurs maisons, ce

qui était fort heureux pour la petite troupe de Dick Sand Pourtant pourquoi avaient elles quitté leurs fourmiliéres> Cousin Bénédict en était surpris

— Il est important de savoir, dit-il, — pour quelles

raisons les termites ont quitté cette fourmiliére? Hier, ce

matin méme ils l’habitaient encore, puisque voila des

sucs liquides, et ce soir

— Que voulez-vous dire, monsieur Bénédict? demanda

Dick Sand

— Qu’un pressentiment secret a dfi les inviter 4 aban-

donner Ja fourmiliére

»Le savant connait assez bien les meurs des termites,

se dit Dick Sand, peut-¢tre est-il dangereux de rester dans ces fourmiliéres Cependant nous ne pouvons pas aban-

donner cet abri au moment of lorage se déchainait Espé-

rons que nous pourrons y rester vingt-quatre heures sans grand danger.“

— Ce qui est curieux, reprit cousin Bénédict, c’est que ces fourmis n’ont été observées que sur le continent afri- cain Ah! Voila bien les voyageurs! Ils ne savent pas voir!

Eh! tant mieux J’ai déja découvert une tsétsé en Améri-

que! Et voici que je découvre des termites sur le méme continent!

A neuf heures du soir un profond silence se fit dans

Vintérieur de la fourmiliére, pendant que l’orage emplis- sait la plaine de fracas et de feux La lanterne avait été éteinte L’intérieur du cone était plongé dans une obscu-

Tité absolue et toute la petite troupe s’était endormie peu 4 peu Dick Sand seul ne dormait pas II songeait a ses

compagnons, qu'il voulait 4 tout prix sauver Comment

Trang 34

éviter le plus terrible des dangers, celui de tomber entre

Jes mains des indigénes Bien évidemment, Harris et

Negoro ne les avaient point amenés a cent milles dans Yintérieur de l’Angola sans le dessein secret de s’emparer deux Mais que méditait donc ce misérable Portugais?

Cette rivi¢re, que Dick Sand recherchait, qu'il espérait

rencontrer, les conduirait-elle a la cote avec moins de fati-

gues? ,,Heureusement, se disait-il, tous ignorent la gra- vité de la situation Le vieux Tom et moi, nous sommes seuls à savoir que Negoro nous a jetés a la céte d’Afrique, et qu’Harris nous a entrainés dans les profondeurs de

l’Angola.“

Dick Sand en était 1a de ses tristes pensées ', lorsqu’il sentit une main qui s’appuyait sur son épaule, et une voix émue murmura ces mots a son oreille:

— Je sais tout, mon pauvre Dick!

C’était mistress Weldon qui parlait

Ainsi mistress Weldon savait ce qui était arrivé Les

divers incidents de la route I'avaient éclairée, elle aussi, et peut-étre ce mot: ,,Afrique! “ si malheureusement

prononcé par cousin Bénédict avait-il affermi ses soup-

cons

Chapitre XXIV

Dans une fourmiliére

(Suite)

Le jour ne se faisait pas encore Les roulements de ton- nerre indiquaient que l’orage ne s’apaisait pas En pré- tant Voreille, Dick Sand entendait aussi la pluie tomber

avec violence Dick Sand se coucha, son fusil sous sa

main, et, presque aussitdt, il s’endormit

Ce qu’avait duré cet assoupissement, il n’aurait pu le dire, lorsqu’il fut réveillé par une sensation de fraicheur Il se releva et reconnut, que l'eau envahissait la fourmi- liềre

Tom et Hercule, réveillés par Dick Sand, furent mis au courant de? cette nouvelle catastrophe La lanterne, ral-

1 en être là de ses tristes pensếes — niÄTH no HbOr0 B CBỌX CyM-

HHX MÌDKVBAHHSX 2 ils furenf mỉs au courant de — ÏM HoBÏAOMHAH npo

64

lumée, éclaira aussitơt Iinérieur du cơne Leau s'était

arrétée 4 une hauteur de cinq pieds environ

— L’eau a pénétré par le trou d’entrée, dit Tom

— Oui, répondit Dick Sand, et maintenant elle em- pêche Ï'air intérieur de se renouveler,

— NĐe pourrions-nous faire un trou dans le paroi au- đessus du niveau đe [eau? đemanda le vieux nuoir

a Sans doute, Tom Mais, si nous avons cing pieds

đềeau, au-dedans, il y en a peut-étre six ou sept au

dehors Je pense, que l’eau, en montant a ’intérieur de la fourmiliére, a comprimé l’air dans sa partie, supérieure,

et que cet air empéche l’eau de s’élever plus haut Mais, si nous pergons dans la paroi un trou, l’eau montera encore jusqu’au point ot l’air comprimé la contiendra encore

Il était probable qu’un ruisseau des environs, grossi par l’orage, s’était répandu sur cette plaine, đó la petite

troupe était venue Il était alors trois heures du matin, et

un bruit sourd indiquait bien que l’orage n’avait pas cessé

— Monsieur Dick, demanda Bat, voulez-vous que je

sorte de la fourmiliére? En plongeant, j’essayerai de me

glisser par le trou

— Allez, Bat, répondit Dick Sand Si la fourmilière

est submergée, ne cherchez pas a y rentrer Nous essaye- rons d’en sortir comme vous Mais si la fourmiliére émerge encore de l’eau, frappez sur son céne 4 grands

coups de hache Nous vous entendrons, et ce sera pour

nous le signal que nous devons faire un trou dans le

haut du c6ne, pour sortir de la fourmilière

— Oui, monsieur Dick, répondit Bat

Bat, aprés avoir longuement aspiré, plongea

Prés d’une demi-minute s’écoula Dick Sand _pensait

que Bat avait réussi 4 passer au dehors, quand le noir

apparut au-dessus de l’eau

— Eh bien?! s’écria Dick Sand

— Le trou est bouché! répondit Bat, dés qu'il put

reprendre haleine

— Bouché?! répéta Tom

— Oui, répondit Bat L’eau a probablement délayé largile Il n’y a plus de trou

_ Dick Sand hocha la téte Ses compagnons et lui étaient prisonniers dans la fourmiliére Il réfléchit pen- dant quelques instants Puis:

— Nous allons faire autrement, dit-il Je veux savoir

Trang 35

si ỷeau recouvre la fourmiliére jusqu’au haut du cơne

Si nous faisons une petite ouverture au sommet du cdne,

nous le saurons II faut essayer

— Mais il faut faire vite! répondit Bat, — car dehors

Veau continue 4 monter!

Dick Sand prit sa baguette de fusil En la faisant rapi-

dement tourner, il la fit entrer dans l'’argile, ct le trou se creuisa peu a peu Hercule, tenant la lanterne élevée, éclai-

trait Dick Sand

Une minute aprés la baguette s’enfonca librement a travers la paroi Au moment méme le niveau de l'eau

monta dans le céne et s’arréta 4 la hauteur du trou, ce

qui prouvait qu’on l’avait percé trop bas

— A recommencer!! dit froidement Dick Sand, aprés

avoir rapidement bouché le trou avec une poignée d’argile La respiration ‘devenait difficile, car ’oxygéne commen-

cait à manquer On le voyait aussi à la lumière đe la lan- terne, qui rougissait et perdait une partie de son éclat

A un pied au-dessus du premier trou, Dick Sand com-

menca aussitdt a en faire un second

On entendit tout 4 coup cousin Bénédict s’écrier:

— Eh -parbleu!- voila voila voila pourquoi

ces intelligents termites ont abandonné la fourmiliére! Ils avaient pressenti l’inondation!

En ce moment, Dick Sand ramenait la baguette, qui

avait traversé la paroi L’eau monta encore dun pied a fintérieur du cơne, Le trou n’avait pas rencontré lair libre a lextérieur

La situation était épouvantable Mistress Weldon, atteinte par l'eau, avait levé le petit Jack dans ses bras Tous étouffaient dans cet étroit espace La lanterne

sӎteignit:

Dick Sand était monté sur les épaules d’Hercule, et sa

baguette s’enfonca rapidement au fond du céne

Soudain, un sifflement aigu se fit entendre L’air com-

primé s’échappa L’eau monta de huit pouces seule-

ment, et s’arréfa sans que Dick Sand efit besoin de re-

fermer ce trou Le sommet du cone émergeait de l'eau Le trou fut élargi, l’'air pur entra, et avec lui les pre-

miers rayons du soleil levant

Dick Sand monta le premier au sommet du cone Un cri lui échappa Il avait apereu, à cent pas de la fourmi-

1 A recommencer!— Tpe6a novaTH 3HOBV

66

liềre, un camp, et 4 dix pas du céne, sur la plaine

inondée, de longs canots chargés d’indigénes Dick Sand

saisit son fusil, et Hercule, Actéon, Bat, montant sur le

cone, firent feu sur l’un des canots Plusieurs indigénes tombérent, et des hurlements, accompagnés de coups de

fusils, répondirent A la détonation de fusils de la petite

troupe

Trang 36

La fourmiliére fut assaillie Et un moment aprés mis- tress Weldon, son enfant, cousin Bénédict et tous leurs

compagnons furent brutalement arrachés de la fourmi- liére et séparés les uns des autres Un premier canot

entraina mistress Weldon, le petit Jack et le cousin Béné- dict Dick Sand les vit disparaitre au milieu du camp

Quant a lui, accompagné de Nan, du vieux Tom,

d'Hercule, de Bat, d’Actéon et d’Austin, il fut jeté dans

une seconde pirogue, qui se dirigea vers un autre point de la colline

En quelques minutes, on arriva a la céte Mais, au moment oi la pirogue accostait, Hercule, d’un bond,

s’élanca 4 terre Deux indigénes se précipitérent sur lui; mais le géant fit tournoyer son fusil! et les indigénes tombérent, le crane fracassé par la crosse du fusil ?

Un instant aprés, au moment oi Dick Sand et ses

compagnons étaient enchainés comme des esclaves, Her-

cule disparaissait dans une forét voisine,

Chapitre XXV

Un camp sur les bords de la Coanza

Cétait la Coanza qui, grossie par Vorage, avait

débordé pendant la nuit Cette Coanza, un des fleuves de

VAngola se jette dans 1’Océan Atlantique, 4 cent milles du point of s’était échoué le ,,Pilgrim‘

Le camp, apercu par Dick Sand, était établi sur

une hauteur, au sommet de laquelle se dressait un

énorme figuier Sous l’abri du figuier toute une caravane de marchands d’esclaves venait de faire halte

Dick Sand et ses compagnons trainés au camp furent traité comme des esclaves: on mit des anneaux de fer a la gorge du vieux Tom, d’Austin, d’Actéon, de la pauvre Nan De longues perches tendues entre ces anneaux, retenaient les négres deux par deux Une longue chaine

les rattachait par la ceinture

Dick Sand, lui, nétait pas attaché aux autres escla-

1 Le géant fit tournoyer son ÏusiÍ — 8eieTenb HoWab IIBHKO pO3-

MaXyBaTH DVIHIHHI€IO

2 le crane fracassé par la crosse du Ÿusil— wepen, po3Ønrnđ npn-

KIATOM DYIIEHHÍ 68

ves On l’avait désarmé, il avait Ies pieds et les mains

libres, mais un gardien le surveillait spécialement Il observait le camp et à chaque instant il s’attendait a voir Negoro et Harris, mais ceux-ci ne paraissaient pas Dick Sand oubliait sa propre situation pour ne songer qu’a mistress Weldon et aux siens, qui avaient été en- trainés dans une autre direction

La caravane ne comptait pas moins de huit.cents per-

sonnes; cing cents esclaves et trois cents soldats, por-

teurs et gardiens

Pendant les marches comme pendant les haltes, les

prisonniers étaient trés sévérement gardés Aussi, Dick

Sand comprit-il bient6t qu’il ne fallait pas méme essayer de s’enfuir Mais alors, comment retrouver mistress Wel- don? Il ne comprenait pas le langage des chefs de la

caravane, pourtant il remarqua qu’un nom était souvent prononcé C’était le nom de Kazonndé Dick Sand savait

qu’un trés grand commerce d’esclaves s’y faisait

Tom et Bat, Actéon et Austin, attachés deux a deux, se trouvaient a l’extrémité droite du camp Un gardien et

une douzaine de soldats les surveillaient Dick Sand,

libre de ses mouvements, résolut de diminuer peu a peu

la distance qui le séparait du groupe que ses compagnons formaient 4 cinquante pas de lui Il commenca done 4 maneuvrer dans ce but

Il n’était plus qu’& quelques pas des négres, lorsque

son gardien se précipita sur lui A ses cris dix soldats

accoururent, et Dick Sand fut ramené en arriére, pendant

que Tom et ses compagnons étaient entrainés de l'autre

cơté du camp

Il était neuf heures du matin, 19 avril, — les sons

rauques d'une corne éclatérent, et le tambour se mil a

battre La halte allait prendre fin'

Tous chefs, soldats, porteurs, esclaves furent aussi-

tot sur pied Plusieurs groupes de captifs se formérent sous la conduite đun gardien Le signal du départ fut donné

Des chants s’élevérent alors dans l’air, mais c’étaient

les vaincus, non les vainqueurs, qui chantaient ainsi Et

voici ce qu’ils disaient dans ces chants: ,,Vous m’avez

renvoyé de la céte, mais je reviendrai vous tuer!“

‘Ja halte allait prendre fin — wesaØapow noBHni Ốyw BHpyHHHTH B nyts

Trang 37

Chapitre XXVI

Quelques notes de Dick Sand

La caravane partit ce jour-la par un temps couvert',

et s’enfonca presque directement vers Ï'est

Une cinquantaine de soldats marchaient en téte, une

centaine des deux cdtés du convoi, le reste à Ứarrière-

garde

Femmes, enfants, hommes allaient péle-méle et les

gardiens pressaient leurs pas 4 coups de fouet? Le chef

de la caravane Ibn Hamis surveillait tout ce troupeau,

allant et venant de la téte 4 la queue de la longue colonne

On n’entendait que des menaces d'un cété, des cris de

douleur de l’autre

Les compagnons de Dick Sand étaient toujours tenus

en avant du convoi, et ne pouvaient avoir aucune com-

munication avec lui Ils s’avancaient en file, le cou pris

dans une fourche, qui ne leur permettait pas un seul mou- vement de téte

Pendant les premiers moments de leur captivité, le

vieux Tom avait enfin fait connaitre 4 ses compagnons la

vérité toute entiére

Nan n’était pas mieux traitée Elle marchait au milieu

d’un groupe de femmes On l’avait enchainée, avec une

jeune mére de deux enfants, I’un tout petit, l'autre 4gé de

trois ans et qui marchait a peine

Dick Sand avait été placé presque a l’arriére du con-

voi Il ne pouvait apercevoir ni Tom, ni ses compagnons,

ni Nan Il ne pensait ni 4 lui-méme, ni aux fatigues qu’il

lui faudrait supporter, ni aux tortures que Negoro lui pré- parait Il ne songeait qu’a mistress Weldon Il cherchait en

vain sur le sol, aux basses branches des arbres, la trace

de son passage

Tout le pays situé dans l’est de la Coanza_n’était

qu’une forét En de certains endroits, le sol se transformait

en épais jungles dans lesquels le convoi disparaissait

Chaque jour, la caravane partait dés l’aube et ne faisait halte qu’a midi, pendant une heure La fatigue

avait été telle, le repos si insuffisant, quà Vheure du

tepas, les prisonniers pouvaient a peine manger

1 Je temps couvert —xmapHa norona

2 ils pressaient leurs pas & coup de fouet —rigranatu ix ốaToroM

70

Voici les notes que Dick Sand prit pendant la route de la Coanza 4 Kazonndé:

„Du 25 au 27 avril — Vu un village entouré de murs

de roseaux hauts de huit 4 neuf pieds Deux noirs ont été saisis et faits prisonniers Quinze ont été tués Traversé

une riviére Deux femmes, liées 4 la méme fourche, sont

tombées dans les eaux L’une portait son petit enfant

Les crocodiles les ont dévorées

28 avril — Apergu, vers le centre du convoi, la pauvre

Nan, portant un petit négrillon dans ses bras Elle se traine difficilement L’esclave enchainée avec elle boite, et

le sang coule de son épaule déchirée 4 coups de fouet

Pendant la nuit, rugissements de lions et de léopards

29 et 30 avril — Premiers froids de ce qu’on appelle Vhiver africain Rosée trés abondante

— Du 1 au 6 mai — Nous avons traversé pendant

plusieurs étapes de longues plaines que le soleil n’avait pu sécher De l’eau parfois jusqu’a la ceinture Il faut marcher

quand méme Cris épouvantables qui se font entendre dans

la nuit! Voici la cause des cris que j'ai entendus Douze ou quinze crocodiles se sont jetés dans l’ombre sur la caravane Des femmes, des enfants ont été saisis et entrainés par les crocodiles

— 7 et 8 mai — Tom est en téte de la colonne A un moment Tom a pu m’apercevoir On fait halte sur une

‘colline Le soleil nous ‘séche un peu

— 9 mai — Le fouet du gardien a vivement relevé

ceux que la fatigue ou la maladie accablait En me hatant,

j'ai pu m’approcher de Nan Elle ne m’a pas reconnu

Suis-je donc changé 4 ce point? ,,Nan!“ ai-je dit La vieille

servante m’a regardé longtemps, et enfin: ,,Vous, monsieur Dick! a-t-elle dit Je serai bient6t morte, monsieur Dick!“ Un bras vigoureux me repousse, et la malheureuse Nan,

đun coup de fouet, est rejetée dans la foule des esclaves

Un chef arabe m’a saisi le bras et je me suis retrouvé

au dernier rang de la caravane Puis, 4 son tour, il a prononcé un nom: ,,Negoro‘ Negoro! C’est done par ordre

du Portugais qu'il agit A quel sort suis-je réservé?

— 10 mai — Malgré ma fatigue, je ne puis dormir

Je songe 4 tant de choses Puis, il me semble que jentends bouger dans les hautes herbes Quelque fauve

peut-étre? J’écoute Rien Si Un animal passe entre les roseaux Je suis sans armes Je me défendrai pourtant

Trang 38

Voici deux yeux qui luisent dans l’ombre, entre les

papyrus, des yeux de hyéne ou de léopard Ils dispa-

raissent reparaissent Enfin, un bruissement d’herbes!

Un animal bondit sur moi Je vais pousser un_ cri Heureusement, je n’en ai pas eu le temps! C’est Dingo

Dingo qui est près de moi II me lèche les mains Ah! bon

chien, maintenant mon seul ami! Il frotte son cou contre

72

mes mains Il a lair de me dire!: ,,Cherche donc Je

cherche, et je sens quelque chose qui est attaché à son cou Un bout d’un roseau est passé dans son collier J’ai

détaché le roseau Je l’ai brisé Il y a un billet dedans

Mais je ne puis le lire Il faut attendre le jour D’un

bond, Dingo disparait sans bruit entre les herbes Il est

certainement retourné vers celui qui me l’a envoyé Enfin,

j’ai lu le billet II était de la main d’Hercule, écrit sur un

bout de papier, au crayon Voici ce qu'il disait: ,,.Mistress Weldon emportée avec petit Jack dans une kitanda Harris

et Negoro l’accompagnent Je n’ai pu communiquer avec

elle J’ai recueilli Dingo qui avait été blessé d’un coup de feu Bon espoir, monsieur Dick Je ne pense qu’a vous tous, et j’ai fui pour vous étre plus utile Hercule.“

Une kitanda, c’est une sorte de litiére d’herbe séche

suspendue 4 un long bambou que deux hommes portent sur I’épaule Un rideau d’étoffe la recouvre

— Du 11 au 15 mai — Je pense qu'il faut encore dix jours pour atteindre Kazonndé Il faut que j’y arrive, j’y

arriverai! Depuis hier, une mére porte dans ses bras son

petit enfant mort de faim Elle ne veut pas s’en séparer Nous venons de passer prés d’un arbre A cet arbre, des

esclaves étaient altachés par le cou On les y avait laissés

mourir de faim

— Du 16 au 24 mai — Je suis presque a bout de

forces ?, mais je n’ai pas le droit de faiblir Aujourd’hui,

vingt captifs qui ne pouvaient plus se trainer ont été massacrés a coup de hache par les gardiens La pauvre

Nan est tombée sous leurs haches J’ai vu son corps en

passant

Toutes les nuits, j’attends Dingo Il ne revient plus

Ce silence prouve qu’Hercule n’a encore rien de nouveau a m’apprendre.“

Chapitre XXVIT

Kazonndé

Le 26 mai, la caravane d’esclaves arrivait 4 Kazonndé

Kazonndé est l'un des plus importants marchés de la

province Sur sa grande place les esclaves sont exposés et

' ila Pair de me dire— nin, saaetbca, xoue meni cKagaTH 2 je suis & bout de forces—y Mee HeBHcTayae imbue cHaH

Trang 39

vendus Kazonndé, comme toutes les grandes villes de

l'Afrique centrale, se divise en deux parties: l’une est le quartier des marchands arabes, portugais ou indigénes, Pautre est le quartier du roi négre, qui régne ici A Kazonndé, le quartier des marchands d’esclaves apparte- nait alors 4 José-Antonio Alvez C’était un homme que

Harris et Negoro connaissaient bien

Le quartier du roi de Kazonndé s’étendait sur un espace d'un mille carré Ce roi était un vieillard, bralé par

les liqueurs fortes, que lui vendaient les marchands

Il était midi lorsque la caravane entra a Kazonndé

Les tambours battaient, les cornes sifflaient

Les prisonniers étaient 4 bout de forces, ils allaient

étre enfermés dans des huttes sales et gardées par des

soldats jusqu’au grand marché de Kazonndé Les lourdes

fourches leurs avaient été enlevées, mais ils avaient da gar-

der leurs chaines

Bat et son pére venaient enfin de se jeter dans les bras

Yun de l’autre Tous s’étaient serré la main Mais c’est a peine s’ils osaient parler Dick Sand, lui, était resté

sur la place, sous la surveillance spéciale d’un gardien armé

Un formidable concert de cris éclata tout A coup

»Alvez! Alvez! ce nom était répété par une foule d’indi-

genes et de soldats qui occupaient alors la grande place Une sorte de kitanda recouverte đun mauvais rideau,

parut au bout de la rue principale Un vieux négre en descendit C’était José-Antonio Alvez

Le chef qui avait amené les nouveaux esclaves s’approcha d’Alvez et se mit a lui parler Parlait-il des

compagnons du jeune capitaine? Dick Sand ne pouvait le comprendre Enfin Alvez fit un jeste et le chef qui lui

parlait se dirigea vers la hutte oi Tom, Austin, Bat et

Actéon avaient été renfermés Presque aussitét ils furent amenés devant Alvez

Alvez adressa quelques mots en mauvais anglais a ses

nouveaux esclaves Tom comprit les paroles du marchand;

il s’avanca aussitét, et, montrant ses compagnons et lui-

méme:

— Nous sommes des hommes libres! dit-il

Alvez ne fit aucune attention aux paroles du vieux

négre Il s’avanga vers Austin, et, comme un marchand

qui examine une marchandise, il lui tata la poitrine, les

74

épaules, il voulut lui faire ouvrir la bouche pour voir ses

dents Mais, au méme moment il recut par la figure un

coup de poing et roula a terre Quelques soldats se jetérent sur Austin, qui allait payer cher son mouvement de colére Mais Alvez se releva et arréta ses soldats: il ne

voulait pas qu’on abima! une si belle marchandise

En ce moment, Dick Sand était amené devant Alvez

Celui-ci savait sans doute ce qu’était le jeune novice,

đó il venait, et comment il avait été pris au camp

de la Coanza Aussi, aprés l’avoir regardé d’un eil assez méchant:

— Le petit Américain! dit-il en mauvais anglais

— Oui Américain! répondit Dick Sand Que veut-on

faire de mes compagnons et de moi?

Alvez ne répondit rien Il commencga 4 causer assez

vivement avec un Arabe de choses qui concernaient

évidemment Dick Sand et ses amis Sans doute, on allait

les séparer de nouveau, et qui sait, peut-étre ne se parleraient-ils plus

— Mes amis, dit Dick Sand a mi-voix, ne perdez pas

courage J’ai regu par Dingo une lettre d’Hercule Il a

suivi la caravane Harris et Negoro entrainent mistress

Weldon, Jack et monsieur Bénédict Oi? Je ne le sais plus,

s'ils ne sont pas ici, A Kazonndé, Patience, courage, soyez

préts 4 toute occasion -

En ce moment une ïnain se posa sur son épaule, et il entendit ces paroles prononcées de ce ton aimable qưil

connaissait trop bien:

— Eh! voila mon jeune ami, si je ne me trompe

Enchanté de le revoir!

Dick Sand se retourna Harris était devant lui

— Ot est mistress Weldon?! s’écria Dick Sand en marchant sur l’Américain 2

— Hélas! répondit Harris, en affectant une pitié qu’il

ne ressentait pas, — la pauvre mére! Comment aurait-elle

pu survivre

— Morte! s’écria Dick Sand — Et son enfant!? — Le pauvre bébé! répondit Harris sur le méme ton Les fatigues du voyage l’ont tué!

1 Il ne voulait pas qu’on abima — sin ue xorip, 106 sincysaan 2 en marchant sur — wactynaioun Ha

Trang 40

Dick Sand bondit sur Harris, saisit un coutelas 4 la

ceinture de l’Américain, et il le lui enfonca dans le cœur

— Malédiction! s’écria Harris en tombant Il était mort

Chapitre XXVIII

Un jour de grand marché

Le mouvement de Dick Sand avait &é si prompt, qu’on

n’avait pu l’arréter Quelques indigénes se jetérent sur

lui, et il allait étre tué, lorsque Negoro parut Un signe du Portugais écarta les indigènes, qui relevérent et emportérent le cadavre d’Harris Alvez réclamait la mort

immédiate de Dick Sand, mais Negoro lui dit 4 voix basse

que le jeune capitaine ne perdrait rien pour attendre

Lordre fut donné d’emmener Dick Sand, avec recomman-

dation de ne pas le perdre de vue un instant

Dick Sand, étroitement enchainé, fut déposé au fond

d'une cabane sans fenétre, ott Alvez enfermait les esclaves

condamnés a mort

Le cuisinier du bord tenait en son pouvoir le capitaine de quinze ans; il ne lui manquait qu’Hercule pour que sa vengeance ffit complete

Deux jours aprés, le 28 mai, le grand marché s’ouvrit

Tous les marchands d’esclaves des provinces voisines devaient se rencontrer sur la grande place de la ville

Vers le milieu du jour Alvez donna l’ordre d’amener sur cette place les esclaves qu’il voulait vendre

Les gardiens amenérent Tom et ses compagnons

Ils étaient solidement enchainés, et leurs regards

disaient assez quelle fureur, quelle honte aussi les

accablaient

— Monsieur Dick n’est pas 1a! dit presque aussitét Bat

— Non, répondit Actéon, on ne le mettra pas en vente

— Il sera tué! ajouta Tom

— Si Hercule était ici! s’écria Austin

Mais le géant n’avait pas reparu Depuis les nouvelles parvenues a Dick Sand par Dingo, on n’avait plus entendu parler ni d’Hercule ni du chien

Les agents d’Alvez promenaient au milieu de la foule

76

des hommes, des femmes, des enfants Tom et les siens

furent ainsi conduits d’acheteurs en acheteurs

Vers la fin de la journée, Tom et ses compagnons

furent vendus a un riche marchand arabe, qui allait, dans

quelques jours, les exporter sur le lac Tanganyika, puis, de ce point, vers les factoreries du Zanzibar

Quinze cents milles 4 franchir encore dans les mémes

conditions, au milieu des fréquentes guerres soulevées de

chef 4 chef, sous un climat meurtrier Le vieux Tom

aurait-il la force de supporter de telles miséres? Ne succomberait-il pas en route, comme la vieille Nan?

Le marchand arabe les fit conduire dans une cabane

a part Cette marchandise lui promettait un gros profit au

marché de Zanzibar

Chapitre XXIX

Un punch offert au roi de Kazonndé

Il était quatre heures du soir, lorsqu’un grand fracas

de tambours et d’autres instruments africains retentit au

bout de la rue principale Le roi de Kazonndé, Moini

Loungga, venait visiter le grand marché Une suite assez nombreuse de femmes, de: soldats et d’esclaves l’accompa-

gnaient Alvez et les autres marchands allérent a la

rencontre du roi

On apportait Moini Loungga dans une vieille kitanda

Il en descendit Ce roi avait cinquante ans, mais on pouvait

lui donner quatre-vingts Il ressemblait 4 un vieux singe

portant sur sa téte une sorte de couronne, ornée de griffes de léopard teintes en rouge; c’était la couronne des rois de

Kazonndé Sa Majesté portait aux poignets des bracelets

de cuivre, et ses pieds étaient chaussés d’une paire de

vieilles bottes De la main gauche le roi tenait une canne

a pomme argentée Un homme de sa suite portait au- dessus de sa téte un vieux parapluie; enfin 4 son cou et

sur son nez le roi portait la loupe et la paire de lunettes

qui avaient été prises au cousin Bénédict

Les soldats de sa Majesté avaient pour armes des arcs, des lances larges et longues et des boucliers en bois de palmier

Ngày đăng: 06/05/2014, 11:04

TỪ KHÓA LIÊN QUAN