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Droit international privé — F.268 - ROME II OU LA LOI APPLICABLE AUX OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES (1re partie) par Rafaël Jafferali (1) Assistant l'U.L.B Avocat au barreau de Bruxelles nos 1-4 I Généralités nos 5-10 II Articulation avec d'autres normes nos 11-18 III Champ d'application A Champ d'application matériel nos 11-15 B Champ d'application temporel no 16 nos 17-18 C Champ d'application spatial nos 19-42 IV Détermination de la loi applicable A Obligations quasi délictuelles nos 19-33 Règle générale nos 19-21 Responsabilité du fait des produits nos 22-24 Concurrence déloyale et actes restreignant la libre concurrence nos 25-27 Atteinte l'environnement nos 28-29 Atteinte aux droits de propriété intellectuelle nos 30-31 Responsabilité du fait de grève ou de lock-out nos 32-33 B « Culpa in contrahendo » nos 34-36 C Obligations quasi contractuelles nos 37-39 D Questions connexes nos 40-43 no 44 V Domaine de la loi applicable nos 45-50 VI Mécanismes correcteurs no 51 VII Conclusion (1) Je tiens remercier Mme Nadine Watté, professeur l'Université libre de Bruxelles et l'Institut des études européennes, pour ses judicieuses observa- tions sur les rapports entre le droit international privé et le droit communautaire, tout en assumant naturellement seul la responsabilité de mes propos Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (2008) 143861 I — GÉNÉRALITÉS — Introduction — Le 11 juillet 2007, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le règlement (CE) no 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit règlement « Rome II » (2), au terme d'un parcours législatif semé d'embûches (3) Comme a pu le relever un obser(2) J.O.U.E L 199 du 31 juillet 2007, p 40 Cons ce propos P de Vareilles-Sommières, « La responsabilité civile dans la proposition de règlement communautaire sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II ») », Les conflits de lois et le système juridique communautaire, Paris, Dalloz, 2004, pp 186 et s.; F Guerchoun et S Piedelièvre, « Le règlement sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II ») », Gaz pal., 2123 octobre 2007, pp et s et Gaz pal., 2830 octobre 2007, pp et s.; G Légier, « Le règlement “Rome II” sur la loi applicable aux obligations non contractuelles », Sem jur., éd G, I, no 207, pp 13 et s.; C Nourissat et E Treppoz, « Quelques observations sur l'avant-projet de proposition de règlement du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles “Rome II” », J.D.I., 2003, pp et s.; S.-C Symeonides, « Rome II and Tort Conflicts : A Missed Opportunity », partre dans le Am Journ Comp Law, 2008, vol 56, déjà accessible sur http://papers.ssrn.com/sol3/ papers.cfm?abstract_id=1031803 (c'est cette version qui sera citée ci-après); T Verbiest, « Proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (“Rome II”) : adaptée aux technologie de l'information et de la communication? », Revue@dipr.be, 2004/1, pp 115 et s.; X, « Editorial comments - Sometimes it takes thirty years and even more », C.M.L.R., 2007, vol 44, pp 1567 et s Le règlement fera également l'objet d'un numéro spécial de la Revue de droit commercial au mois de juin 2008 (3) Le règlement a en effet été adopté selon la procédure de codécision (article 251 du Traité CE), laquelle, compte tenu des enjeux politiques, a été menée jusqu'à l'étape ultime de la conciliation entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission Parmi les travaux préparatoires du règlement, on retiendra la proposition initiale de la Commission du 22 juillet 2003, COM(2003) 427 final; l'avis du comité économique et social du juin 2004; le rapport du Parlement européen en première lecture du 27 juin 2005, doc A6-0211/2005; la proposition modifiée de la Commission du 21 février 2006, COM(2006) 83 final; la position commune du Conseil du 25 septembre 2006, doc 9751/7/06 REV 7, et son exposé des motifs, doc 9751/7/06 REV ADD 1; la communication de la Commission du 27 septembre 2006 sur la position commune, COM(2006) 566 final; le rapport du Parlement européen en deuxième lecture du 22 décembre 2006, doc A6-0481/2006; l'avis de la Commission du 14 mars 2007 sur les amendements du Parlement européen en deuxième lecture, COM(2007) 126 final; le document de travail du comité de conciliation transmis aux délégations du Conseil le 10 mai 2007, doc 9457/07; et le rapport du Parlement européen en troisième lecture du 28 juin 2007, doc A6-0257/2007 La proposition initiale de la Commission se base notamment (voy p 4) sur une proposition pour une convention euro- vateur américain, Rome II ne s'est pas fait en un jour (4) Le règlement vise uniformiser les règles de conflit de lois des Etats membres en matière de responsabilité extracontractuelle, de culpa in contrahendo et de quasicontrats S'agissant du premier domaine, la règle de base est l'application de la loi du lieu où le dommage s'est produit ( infra , no 20) Des règles particulières sont également prévues en matière de responsabilité d u fait de s p rod uits, de c on cu rren ce déloyale et d'actes restreignant la libre concurrence, d'atteintes l'environnement et aux droits de propriété intellectuelle, et de responsabilité du fait de grève et de lock-out (nos 22 et s.) En revanche, le règlement ne s'appliquera ni en matière d'atteinte la vie privée (n o 15), ni en Belgique en matière d'accidents de la circulation routière (no 9) Le règlement remplace ainsi pour une large part les règles édictées par les articles 99 et suivants du Code de droit international privé du 16 juillet 2004 (no 10) Sous réserve de certaines précisions, il est applicable par tir du 11 janvier 2009 (no 16) — Contexte juridique — Dans le jargon du droit international privé, les surnoms donnés aux instruments communautaires évoquent spontanément le phénomène des séries télévisées s’étendant sur plusieurs saisons Ainsi, après le succès du règlement « Bruxelles I » (5), héritier de la Convention péenne sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, adoptée par le Groupe européen de droit international privé (G.E.D.I.P.) lors de sa réunion de Luxembourg du 25-27 septembre 1998 (accessible avec un commentaire sur http://www.gedip-egpil.eu/ gedip_documents.html) On peut également se rapporter aux quelque 80 contributions écrites adressées par les milieux intéressés en réponse la consultation publique lancée le mai 2002 par la Commission (accessibles sur http://ec.europa.eu/ justice_home/news/consulting_public/rome_ii/ news_summary_rome2_en.htm), parmi lesquelles on retiendra en particulier celle du Hamburg Group for Private International Law; adde les observations de l'Unité de droit international privé de l'Université libre de Bruxelles, accessibles sur http://www dipulb.be/fileadmin/user_files/noterome2.pdf (4) « Rome II Wasn't Built In a Day » (A Warshaw, « Uncertainty from abroad : Rome II and the choice of law for defamation claims », Brook J Int'l L., 2006, vol 32:1, pp 269 et s., spéc p 291) (5) Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 « concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale » Droit international privé — F.268 - de Bruxelles (6) et complété par les règlements « Bruxelles II »(7) et « Bruxelles IIbis » (8), le législateur communautaire, vingt-sept ans après l'adoption de la « Convention de Rome » (9) et alors que sa transformation en un règlement « Rome I » est en cours (10), a décidé d'adopter le règlement « Rome II », « Le retour », serions-nous presque tenté d'ajouter Ces instruments ont vocation constituer un tout harmonieux Ainsi, la Convention de Bruxelles réalisait en 1968 une évolution importante en uniformisant les règles de conflit de juridictions dans les Etats membres, objectif poursuivi depuis lors par les autres instruments de la série « Bruxelles » Il est toutefois rapidement apparu que, tant afin de faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements que d'éviter les risques de forum shopping, cette première étape devait être suivie par une uniformisation des règles de conflit de lois (11) Tel était l'objectif de la Convention de Rome qui, défaut d'accord entre les Etats membres, n'a pu porter que sur la matière contractuelle (12) Le règlement analysé s'inscrit explicitement dans la perspective de compléter cet édifice (13) et (6) Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 entre les Etats membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (7) Règlement (CE) no 1347/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs (8) Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (9) Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles Cette Convention a fait l'objet d'un rapport explicatif des professeurs M Giuliano et P Lagarde, J.O.C.E C 282 du 31 octobre 1980, pp et s (10) Après avoir été approuvée en première lecture par le Parlement européen, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) a fait l'objet d'un accord politique sous la forme d'un « point B » au sein du Conseil le décembre 2007 (communiqué IP/07/1872) Elle devrait être très prochainement adoptée (le texte du futur règlement est déjà consultable dans le doc PE-CONS 3691/07 du 31 mars 2008; adde doc PE-CONS 3691/07 COR (fr) du avril 2008) (11) Voy le rapport Giuliano-Lagarde, nos et 3, p (12) Ibid., no 5, p (13) Voy les explications quelque peu lyriques de la proposition initiale de la Commission, qui voit dans le devra donc être interprété la lumière de ces autres instruments (14) On ajoutera que le règlement Rome II est adopté sur la base des articles 61, c), et 67 du Traité CE (15) Il en résulte qu'à l'heure actuelle (16), et par dérogation au droit commun (17), seule une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours a la faculté (et non l'obligation) de poser la Cour de justice une question préjudicielle en interprétation du règlement (article 68, § 1er, du Traité CE) Il s'agit essentiellement, en droit belge, de la Cour de cassation, voire de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat dans les cas où ils seraient amenés faire application du règlement — Objectifs et méthodes — Comme on l'a déjà indiqué, le règlement uniformise les règles de conflit de lois appliquées par les Etats membres en matière d'obligations non contractuelles Cette uniformisation répond prioritairement un objectif de prévisibilité, et donc de sécurité juridique (18) Mais le règlement analysé « le prolongement naturel de l'œuvre unificatrice des règles de droit international privé en matière d'obligations, contractuelles et non contractuelles, de nature civile ou commerciale, au niveau communautaire » (p 2) (14) Voy le considérant no du règlement (15) Pour une critique de la compétence de la Communauté pour adopter le règlement Rome II, cons C Nourissat et E Treppoz, op cit., J.D.I., 2003, nos et s., pp 11 et s.; X, op cit., C.M.L.R., 2007, vol 44, pp 1574 et s Cette question a fait l'objet d'une étude du mars 2004 — tenue de manière assez singulière confidentielle — par le service juridique du Conseil (doc 7015/04) On comprend cependant la lecture de la note du 13 avril 2005 de la délégation du Royaume-Uni au Comité sur les questions de droit civil (Rome II) du Conseil (doc 8026/ 05, p 2) que l'avis du service juridique était négatif propos des situations dans lesquelles tous les éléments pertinents ou la plupart d'entre eux sont situés en dehors de la Communauté (16) L'article 68 du Traité CE sera abrogé lors de l'entrée en vigueur de l'article 2, 67), du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne (J.O.U.E C 306 du 17 décembre 2007, pp et s., spéc p 63), qui doit encore être ratifié par les Etats membres Une coordination officieuse des traités communautaires est déjà publiée dans Doc parl., Sénat, sess ord., 2007-2008, no 4568/2 (17) Comp article 234 du Traité CE (18) Voy les considérants nos 6, 14, 16 et 31 du règlement, ainsi que le considérant no 15 qui souligne que la règle traditionnelle de la lex loci delicti commissi, quoique reconnue dans la plupart des Etats membres, pose des difficultés d'application concrète en cas de dispersion des facteurs de rattachement dans plusieurs Etats Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (2008) 143862 législateur européen a également veillé ménager une certaine flexibilité afin que le principe de proximité puisse dans la mesure du possible être respecté dans chaque cas individuel (19) Enfin, le règlement poursuit certains buts particuliers, qu'ils soient généraux (tels que le souci d'assurer un certain équilibre entre les intérêts du responsable et de la victime (20) ou de réserver une place l'autonomie de la volonté (21)) ou spécifiques (tels que la volonté d'éviter les risques de distorsion de concurrence entre les opérateurs économiques (22), d'assurer la protection des consommateurs sans nuire aux échanges commerciaux (23) ou encore d'atteindre un niveau élevé de protection de l'environnement (24)) Les objectifs d'uniformisation et de sécurité juridique se traduisent tout d'abord par l'introduction d'un certain nombre de concepts autonomes (25), tels que celui de dommage environnemental (26) ou de culpa in contrahendo (27) De manière générale, la Cour de justice devra veiller ce que les Etats membres ne compromettent pas l'entreprise poursuivie par le règlement en interprétant celui-ci exclusivement la lumière de leur droit interne Les concepts autonomes ne serviront toutefois qu'au stade de l'opération de qualification préalable la détermination du droit applicable; une fois celui-ci désigné, les qualifications de droit interne retrouveront leur empire (28) (19) Voy le considérant no 14 du règlement Sur le principe de proximité, cons notamment N Watté et C Barbé, « Le nouveau droit international privé belge - Etude critique des fondements des règles de conflit de lois », J.D.I., 2006, pp 851 et s., nos et s., pp 857 et s (20) Voy le considérant no 16 du règlement (21) Voy le considérant no 31 du règlement (22) Voy le considérant no 13 du règlement (23) Voy le considérant no 20 du règlement (24) Voy le considérant no 25 du règlement (25) Cons ce propos M Audit, « L'interprétation autonome du droit international privé communautaire », J.D.I., 2004, pp 789 et s (26) Voy le considérant no 24 du règlement (27) Voy le considérant no 30 du règlement (28) Voy Y Loussouarn, P Bourel et P de Vareilles-Sommières, Droit international privé, 8e éd., Paris, Dalloz, 2004, no 194-1, pp 244 et s Ainsi, par exemple, au sens de l'article 10 du règlement, une hypothèse de paiement indu constitue un cas d'enrichissement sans cause; mais si cette disposition désigne en l'espèce le droit belge, il y aura lieu d'appliquer les règles belges sur le paiement indu, et non sur l'enrichissement sans cause Pour le reste, les différents impératifs évoqués ont conduit le législateur européen adopter un principe général, savoir l'application de la loi du lieu où le dommage s'est produit (29), et nuancer ensuite celui-ci dans une série de domaines par l'adoption de règles spécifiques (30) Les facteurs de rattachement retenus sont souvent présentés sous la forme d'une cascade de critères subsidiaires les uns aux autres, impliquant tantôt une concrétisation (31), tantôt une hiérarchisation des objectifs poursuivis (32) Ceux-ci donnent parfois lieu l'insertion d'une clause d'exception faisant prévaloir une application concrète du principe de proximité sur les règles abstraites prévues par le règlement (33) ou l'ouverture d'une option protégeant la victime en lui permettant de choisir le droit applicable (34) Enfin, le législateur privilégie parfois le rattachement accessoire (35), ce qui constitue également une manifestation du principe de proximité et tend en outre diminuer les inconvénients liés aux difficultés de qualification (36), et attribue quelquefois un caractère impératif aux règles qu'il estime particulièrement importantes (37) — Plan — On examinera successivement le champ d'application du règlement (29) Voy infra, no 20 (30) Sur les délits spéciaux, voy infra, nos 22 et s (31) Ainsi, par exemple, le principe général de l'application de la loi du lieu du dommage (article 4.1) est subsidiaire celui de l'application de la loi de l'Etat dans lequel tant le responsable que la victime ont leur résidence habituelle (article 4.2) En schématisant, on dira que cette double règle constitue une concrétisation du principe de proximité, car on estime que le fait dommageable présente en règle les liens les plus étroits avec le lieu du dommage, mais que celui-ci est en principe moins significatif que la résidence habituelle des parties lorsque celles-ci résident dans le même Etat Comp N Watté et C Barbé, op cit., J.D.I., 2006, no 27, pp 865 et s (32) Ainsi, par exemple, en matière de responsabilité du fait des produits, les objectifs de protection du consommateur et des échanges commerciaux, poursuivis par l'article 5.1, sont considérés comme subsidiaires au principe de proximité, consacré par l'article 4.2, qui s'applique par priorité (33) Ainsi, dans les articles 4.3, 5.2, 10.4, 11.4 et 12.2, c) Voy àce sujet infra, no 49 (34) Voy les articles 6.3, b), et (35) Voy les articles 4.3, 5.2, 10.1, 11.1 et 12.1 (36) Ainsi, par exemple, dès lors qu'une culpa in contrahendo est en principe soumise la loi du contrat auquel elle se rapporte (article 12.1), il importe peu qu'un manquement soit qualifié de contractuel ou de précontractuel puisque la loi applicable sera en définitive identique Ceci contribue donc renforcer la sécurité juridique (37) Voy les articles 6.4 et 8.3; infra, no 46 Droit international privé — F.268 - (III), les facteurs de rattachement retenus par celui-ci pour déterminer la loi applicable en fonction de la matière considérée (IV), l'étendue des questions régies par la loi applicable (V) et les mécanismes correcteurs susceptibles de court-circuiter l'application normale du règlement (VI) Au préal a bl e, o n ex a m i n e l ' a r t i c u l a t i o n d u règlement Rome II avec les autres normes pertinentes tant nationales qu'internationales (II) II — ARTICULATION AVEC D'AUTRES NORMES — Position du problème — Selon le considérant no 35 du règlement, « Il convient d'éviter une situation ó les règles de conflits de lois sont dispersées entre de multiples instruments et où il existe des différences entre ces règles » Pour louable qu'elle soit, cette déclaration d'intention a cependant toutes les apparences d'un vœu pieu, tant les normes pouvant influencer la détermination de la loi applicable en matière d'obligations non contractuelles sont nombreuses Il convient donc d'expliciter l'articulation du règlement avec les autres instruments communautaires de droit international privé (no 6), le droit communautaire matériel tant primaire (no 7) que dérivé (no 8), les instruments extracommunautaires (n o 9) et les règles nationales de conflit de lois (no 10) — Articulation avec le droit international privé communautaire — A cet égard, on a déjà souligné la volonté du législateur européen d'insérer le règlement Rome II dans un édifice cohérent, déjà composé principalement du règlement Bruxelles I et de la Convention de Rome (38) Il s'agira donc d'interpréter le règlement en harmonie avec ces instruments pour éviter les recoupements ou, au contraire, les lacunes Nous aurons l'occasion de voir plusieurs applications de ce principe d'interprétation (39) Pour le reste, des règles de conflit de lois particulières sont parfois insérées dans des directives ou autres instruments sectoriels Ces règles s'appliquent la plupart du temps (38) Voy supra, no (39) Voy par exemple infra, nos 13 et s., propos du champ d'application matériel du règlement, et no 37, propos de la définition de l'enrichissement sans cause uniquement en matière contractuelle; on ne peut toutefois exclure qu'elles concernent également dans certaines hypothèses les obligations non contractuelles En ce cas, l'instrument sectoriel l'emporte sur le règlement Rome II en vertu du principe lex specialis derogat generali , consacré par l'article 27 du règlement (40) — Articulation avec le droit matériel communautaire primaire — Les rapports entre le droit international privé et le droit communautaire matériel constituent une question épineuse qui n'est pas propre au règlement Rome II Il convient cet égard d'envisager distinctement le droit primaire et le droit dérivé S'agissant du droit primaire (41), on sait que le Traité CE vise la réalisation d'« un marché intérieur caractérisé par l'abolition, entre les Etats membres, des obstacles la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux » (42) Or, l'application des règles relatives aux obligations non contractuelles peut, dans certains cas, constituer une entrave l'une de ces quatre libertés fondamentales (43) (40) Voy également le considérant no 35, alinéa 1er, deuxième phrase, du règlement; pour des exemples de ces instruments sectoriels, cons M Fallon, « La relation du règlement Rome II avec d'autres règles de conflit de lois », partre la R.D.C., 2008/6, no 19 (41) Sur cette question, cons M Audit, « Régulation du marché intérieur et libre circulation des lois », J.D.I., 2006, pp 1333 et s.; S Bariatti, « Restrictions resulting from the EC Treaty provisions for Brussels I and Rome I », Enforcement of International Contracts in the European Union - Convergence and divergence between Brussels I and Rome I, Antwerp, Oxford et New York, Intersentia, 2004, pp 77 et s.; M Fallon, « Libertés communautaires et règles de conflits de lois », Les conflits de lois et le système juridique communautaire, Paris, Dalloz, 2004, pp 31 et s.; M Fallon, op cit., partre la R.D.C., 2008/ 6, nos 24 et s.; H Muir Watt, « Integration and Diversity : The Conflicts of Laws as a Regulatory Tool », The Institutional Framework of European Private Law, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp 107 et s.; A Nuyts, « L'application des lois de police dans l'espace - Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et du droit communautaire », Rev crit dr int priv., 1999, pp 31 et s et pp 245 et s., nos 28 et s., pp 245 et s.; M Wilderspin et X Lewis, « Les relations entre le droit communautaire et les règles de conflits de lois des Etats membres », Rev crit dr int priv., 2002, pp et s (42) Article 3.1, c), du Traité CE (43) Une affaire somme tout banale en fournit l'illustration : un commerỗant allemand avait acquis une motocyclette auprốs d'un importateur allemand, qui l'avait lui-mờme achetộe un concessionnaire franỗais Le commerỗant avait revendu cette moto- Revue Gộnộrale des Assurances et des Responsabilités (2008) 143863 En abordant cette question, il importe de garder l'esprit que le droit communautaire primaire n'implique nullement une application systématique de la loi du pays d'origine (44) Ce n'est donc jamais, en tant que telle, cyclette un acheteur allemand en indiquant dans les conditions générales que celui-ci pourrait faire valoir ses droits la garantie auprès d'entreprises agréées par le fabricant ou par l'importateur Toutefois, il s'était abstenu d'informer l'acheteur que les concessionnaires allemands refusent généralement d'effectuer des réparations au titre de la garantie sur des motocyclettes ayant fait l'objet d'une importation parallèle La juridiction allemande saisie du litige y a vu un manquement du commerỗant son devoir d'information prộcontractuel, mais s'est interrogộe sur la compatibilité de ce devoir d'information avec le Traité CE En effet, imposer au revendeur allemand d'une motocyclette importée depuis la France un devoir d'information qui n'aurait par hypothèse pas pesộ sur un concessionnaire franỗais revendant la mờme motocyclette en France ne constitue-t-il pas une entrave la liberté de circulation des marchandises? En l'espèce, toutefois la Cour de justice, interrogée par la juridiction allemande, a considéré que « les effets restrictifs que l'obligation d'information en question pourrait produire sur la libre circulation des marchandises sont trop aléatoires et trop indirects pour que cette obligation puisse être regardée comme étant de nature entraver le commerce entre les Etats membres » (C.J.C.E., 13 octobre 1993, CMC Motorradcenter c Baskiciogullari, C-93/92, Rec., 1993, I, p 5009) Dans l'affaire évoquée, la question de la loi applicable n'était pas centrale, n'ayant en tout cas pas été débattue devant le juge communautaire Elle devrait désormais être déterminée conformément l'article 12 du règlement Rome II Mais ce dernier peut encore être l'origine de nombreuses autres situations dans lesquelles un problème de compatibilité de la loi applicable avec les libertés de circulation peut se poser Ainsi, par exemple, l'article du règlement soumet en principe la responsabilité d'un fabricant du fait d'un produit la loi de l'Etat dans lequel la victime avait sa résidence habituelle, si le produit a été commercialisé dans ce pays Le fabricant risque dès lors d'être soumis des règles potentiellement plus sévères que celles applicables dans son Etat d'origine Cela ne constitue-t-il pas une restriction la liberté de circulation des marchandises? De même, conformément l'article du règlement, la responsabilité de l'entrepreneur établi dans un Etat A et qui construit un immeuble dans un Etat B qui s'écroule sur la tête d'un passant sera en principe régie par la loi de cet Etat B, qui pourrait être plus sévère que celle de l'Etat A L'entrepreneur n'est-il pas, en ce cas, dissuadé d'exercer ses activités hors de l'Etat A, et ceci ne constitue-t-il pas une restriction sa liberté de prestation de service? (44) Voy C.J.C.E., 13 mai 1997, Allemagne c Parlement et Conseil, C-233/94, Rec., 1997, I, p 2405, point 64; M Audit, op cit., J.D.I., 2006, nos 48 et s., pp 1352 et s.; O De Schutter et S Francq, « La proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur : reconnaissance mutuelle, harmonisation et conflits de lois dans l'Europe élargie », Cah dr eur., 2005, pp 603 et s., no 2, p 606; M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, pp 18 et 23; comp cependant M Fallon, « Les conflits de lois et de juridictions dans un espace économique intégré - L'expérience de la Commu- la règle de conflit désignant la loi d'un autre Etat qui serait contraire au droit primaire (45) En revanche, il ne peut être exclu que la loi désignée par la règle de conflit constitue, dans des circonstances particulières, une restriction indue aux libertés de circulation En vertu de la primauté du droit primaire sur le droit dérivé, et donc notamment sur le règlement Rome II, ces libertés fonctionnent alors comme un mécanisme correcteur de la règle de conflit, jouant un rôle similaire celui de l'ordre public (46), en écartant ponctuellement la loi normalement applicable en vertu de la règle de conflit (47) L'écartement de cette loi ne sera donc pas automatique Il faut en effet qu'elle constitue nauté européenne », R.C.A.D.I., 1995, t 253, pp et s., nos 67 et s., pp 119 et s., et la conclusion nuancée, no 82, pp 148 et s.; A Nuyts, op cit., Rev crit dr int priv., 1999, no 31, pp 254 et s (45) M Audit, op cit., J.D.I., 2006, no 30, p 1345; S Bariatti, op cit., Enforcement of International Contracts in the European Union, nos 2-6, p 80; M Fallon, op cit., Les conflits de lois et le système juridique communautaire, no 30, pp 62 et s.; H Muir Watt, op cit., The Institutional Framework of European Private Law, p 120; M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, p 24 On réserve, bien sûr, l'hypothèse d'une règle de conflit discriminatoire, mais cette question ne se pose pas dans le cadre du règlement Rome II (46) M Audit, op cit., J.D.I., 2006, no 38, p 1349; M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, p 23 Comp cependant C.J.C.E., 11 mai 2000, Renault, C-38/98, Rec., 2000, I, p 2973, point 32, où la Cour considère que la seule circonstance que le droit communautaire, en l'occurrence la liberté de circulation des marchandises et le droit de la concurrence, aurait été mal appliqué ne justifie pas le recours la clause d'ordre public pour refuser de reconntre une décision étrangère dans le cadre du règlement Bruxelles I Bien qu'elle n'ait pas été interrogée spécifiquement sur ce point, la Cour semble donc partir du principe dans cette décision que le droit communautaire primaire ne peut être invoqué directement pour faire échec la reconnaissance d'un jugement étranger, mais doit l'être dans le respect de la clause d'ordre public prévue par le règlement Bruxelles I Selon M Fallon, op cit., Les conflits de lois et le système juridique communautaire, no 45, p 75, note no 145, l'enseignement de cette décision ne pourrait toutefois être étendu la matière des conflits de lois (47) Pour être complet, il convient de préciser que le droit communautaire primaire peut conduire l'écartement d'une loi rendue applicable, non seulement par le facteur de rattachement de la règle de conflit, mais également par tout autre mécanisme correcteur de la règle de conflit, tel que l'ordre public (voy et comp C.J.C.E., 24 octobre 1978, Koestler, aff 15/ 78, Rec., 1978, p 1971), les lois de police (C.J.C.E., 23 novembre 1999, Arblade, C-369/96 et C-376/96, Rec., 1999, I, p 8453, point 31) ou la clause d'exception (voy M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, p 25) Droit international privé — F.268 - une véritable entrave la liberté de circulation (48) En outre, même dans ce cas, elle sera néanmoins compatible avec le droit communautaire primaire la condition, lorsqu'elle est indistinctement applicable aux marchandises et/ou aux opérateurs, tant nationaux qu'étrangers (49), de viser un but légitime et d'être proportionnée la réalisation de ce but (50) Compte tenu de ces conditions, le droit communautaire primaire ne devrait, en règle générale, pas perturber le fonctionnement des règles de conflit prévues par le règlement Rome II (51) On observera toutefois que, dans le domaine de la loi applicable aux société, la Cour de justice a, par plusieurs arrêts récents, donné une interprétation extensive la liberté d'établissement, et ce au détriment de l'application normale de la règle de conflit (52) On ne (48) L'existence d'une entrave est notamment écartée lorsque la loi applicable prévoit des exigences indistinctement applicables aux produits nationaux et étrangers qui se rapportent aux méthodes de vente plutôt qu'à la composition et au conditionnement du produit, ou lorsque la restriction au commerce se révèle hypothétique ou aléatoire Sur ces questions, cons M Audit, op cit., J.D.I., 2006, no 35, p 1347; M Fallon, op cit., Les conflits de lois et le système juridique communautaire, nos et s., pp 39 et s.; H Muir Watt, op cit., The Institutional Framework of European Private Law, pp 122 et s.; A Nuyts, op cit., Rev crit dr int priv., 1999, no 28, pp 248 et s.; M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, pp 19 et s (49) Ce qui sera normalement le cas Ainsi, par exemple, l'article 1382 du Code civil belge ne fait aucune distinction selon la nationalité ou la résidence de l'auteur de la faute (50) Voy A Nuyts, op cit., Rev crit dr int priv., 1999, nos 29 et s., pp 250 et s.; M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, pp 22 et s (51) Voy., brevitatis causa, les développements de H Muir Watt, op cit., The Institutional Framework of European Private Law, pp 122 et s., et M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, pp 30 et s.; adde M Audit, op cit., J.D.I., 2006, no 35, pp 1347 et s., et nos 45 et s., pp 1352 et s (52) Sur les arrêts Centros, Überseering et Inspire Arts, cons notamment R Jafferali, « L'application du droit belge aux sociétés de droit étranger Une esquisse des contours de la lex societatis », R.D.C., 2004, pp 764 et s., nos 10 et s., pp 771 et s et réf citées; G Panopoulos, « Pour une nouvelle compréhension du droit international des sociétés la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice : du conflit de lois au conflit d'autorités », Cah dr eur., 2006, pp 697 et s.; P Wautelet, « Quelques réflexions sur la lex societatis dans le Code de droit international privé », R.P.S., 2006, pp et s., nos 17 et s., p 21 Adde C.J.C.E (gr ch.), 13 décembre 2005, Sevic Systems, C-411/03, Rec., 2005, I, p 10805, J.T., 2006, p 145, note T Delvaux, peut exclure que cette approche extensive gagne l'avenir d'autres branches des conflits de lois, et notamment la matière des obligations non contractuelles — Articulation avec le droit matériel communautaire dérivé — La question est plus délicate encore s'agissant des rapports entre les règles de droit matériel prévues par le droit communautaire dérivé et le règlement Rome II Deux situations peuvent en particulier se présenter Premièrement, certaines directives peuvent édicter des règles dites d'application immédiate ou de police, ce qui signifie qu'elles ont vocation s'appliquer indépendamment des règles de conflit de lois Bien que l'hypothèse ne soit pas fréquente en matière non contractuelle, elle est prévue par l'article 16 du règlement (voy infra , no 48) La difficulté consiste dans le fait que la nature de ces règles ne découle pas nécessairement d'une formule sacramentelle, mais doit parfois se déduire de l'économie de la directive (53) Deuxièmement, certaines directives comportent depuis la fin des années 1980 une clause dite du « marché intérieur » ou du « pays d'origine » (54) L'exemple le plus R.D.C., 2006, p 404, note J Wouters, Revue@dipr.be, 2006/1, p 7, note H De Wulf, T.R.V., 2006, p 241, note M.W Comp cependant les conclusions de M l’avocat général Poiares Maduro du 22 mai 2008 dans l’affaire Cartesio, C-210/06, non encore publiées au Recueil, points 22 et s., spéc points 29, 32 et 33 (53) Ainsi, par exemple, en matière contractuelle, la Cour de justice a considéré que l'observation des articles 17 19 de la directive 86/653/CE, relatifs la résiliation du contrat d'agence commerciale, était nécessaire sur le territoire de toute la Communauté pour réaliser les objectifs prévus par le Traité de liberté d'établissement et de concurrence non faussée dans le marché intérieur Il en résulte que, dès qu'un agent commercial exerce ses activités sur le territoire de la Communauté, il doit bénéficier de ces dispositions, indépendamment de la loi laquelle les parties ont soumis leur contrat, et ce bien que la directive ne l'indique pas expressément (C.J.C.E., novembre 2000, Ingmar, C-381/98, Rec., 2000, I, p 9305; voy déjà A Nuyts, op cit., Rev crit dr int priv., 1999, no 34, p 259) Pour une application de cette jurisprudence la matière non contractuelle, cons M Fallon, op cit., partre la R.D.C., 2008/ 6, nos 20 et s., spéc no 21 (responsabilité des transporteurs aériens), no 22 (propriété intellectuelle) et no 29 (responsabilité du fait des produits) (54) Cons ce propos M Audit, op cit., J.D.I., 2006, nos 46 et s., pp 1352 et s.; A Cruquenaire avec la collaboration de C Lazaro, « La clause de marché intérieur : clef de voûte de la directive sur le commerce électronique », Le commerce électronique européen sur les rails? - Analyse et proposition de mise Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (2008) 143864 marquant en est sans doute la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique (55) Cette directive se caractérise par l'adoption de quelques règles matérielles uniformes assez limitées, qui constituent le « domaine harmonisé » de la directive (56), et un « domaine coordonné » beaucoup plus vaste, qui recouvre l'ensemble des « exigences prévues par les systèmes juridiques des Etats membres et applicables aux prestataires des services de la société de l'information ou aux ser vices de la société de l'information, qu'elles revêtent un caractốre gộnộral ou qu'elles aient ộtộ spộcifiquement conỗues pour eux », et notamment les « exigences portant sur le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, y compris en matière de publicité et de contrat, ou sur la responsabilité du prestataire » (57) Le domaine en œuvre de la directive sur le commerce électronique, Namur, F.U.N.D.P et Bruxelles, Bruylant, 2001, pp 42 et s.; M Fallon et J Meeusen, « Le commerce électronique, la directive 2000/31/CE et le droit international privé », Rev crit dr int priv., 2002, pp 435 et s., nos 30 et s., pp 472 et s.; M Hellner, « The Country of Origin Principle in the E-commerce Directive - A Conflict with Conflicts of Laws? », Rev eur dr priv., 2004, pp 193 et s.; M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, pp 298 et s (55) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du juin 2000 relative certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), transposée en droit belge par la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information Voy dans le même sens la directive dite « télévision sans frontières » (directive 89/552/CEE du Conseil du octobre 1989 visant la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle) Sur le principe du pays d'origine dans le domaine du droit financier, cons notamment P.-A Foriers, S Hirsch, V Marquette et R Jafferali, Les offres publiques d'acquisition - Le nouveau régime, Bruxelles, Larcier, 2008, no 349 (56) Ce domaine harmonisé couvre essentiellement l'accès l'activité de prestataire de services de la société de l'information, les communications commerciales, la possibilité de conclure un contrat par la voie électronique et la responsabilité des prestataires intermédiaires (57) Article 2, h), de la directive 2000/31 Pour des pistes d'interprétation de cette disposition, cons M Hellner, op cit., Rev eur dr priv., 2004, pp 199 et s Sont cependant exclues du domaine coordonné les exigences applicables aux biens en tant que tels, la livraison de biens et aux services qui ne sont pas fournis par voie électronique, ainsi que les questions reprises l'annexe de la directive, qui vise notamment la liberté des parties de choisir le droit applicable leur contrat, les obligations contractuelles con- coordonné comprend donc, en règle, la responsabilité extracontractuelle qui pèse sur un prestataire de service recourant au commerce électronique, matière également couverte par le règlement Rome II Dans les limites du domaine coordonné, la directive pose deux principes complémentaires qui constituent la clause du marché intérieur : d'une part, la compétence de l'Etat sur le territoire duquel le prestataire est établi, savoir l'Etat d'origine, pour veiller au respect des « dispositions nationales applicable dans cet Etat membre relevant du domaine coordonné » (article 3.1) et, d'autre part, l'interdiction faite aux autres Etats membres, considérés comme Etats d'accueil, de restreindre la liberté de circulation des services de la société de l'information en provenance de l'Etat d'origine (article 3.2) Le sens exact de la clause du marché intérieur est âprement débattu A première vue, elle semble conférer compétence exclusive la loi interne de l'Etat d'origine pour régir les activités du prestataire, la manière d'une véritable règle de conflit (58) qui, dans les limites du domaine coordonné, aurait vocation se substituer entièrement aux règles classiques de conflit de lois et notamment aux règles prévues par le règlement Rome II Cette première impression est toutefois démentie par les auteurs de la directive qui ont précisé que celle-ci « n'établit pas de règles additionnelles de droit international privé » (59) La portée de la directive est dès lors malaisée déterminer Certains auteurs considèrent cet égard que, dans l'Etat d'origine, la directive confère aux règles internes relevant du domaine coordonné le statut de lois de police écartant les règles normales de conflit de lois (60) Telle semble en tout cas cernant les contrats conclus par les consommateurs et la validité formelle des contrats créant ou transférant des droits sur des biens immobiliers lorsque ces contrats sont soumis des exigences formelles impératives selon le droit de l'Etat membre dans lequel le bien immobilier est situé (58) Voy en ce sens le considérant no 22 in fine de la directive (59) Article 1.4 de la directive; adde son considérant no 23 (60) En ce sens, M Audit, op cit., J.D.I., 2006, nos 69 et s., pp 1360 et s.; A Cruquenaire et C Lazaro, op cit., Le commerce électronique européen sur les rails?, no 91, pp 49 et s.; M Fallon et J Meeusen, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, no 43, pp 486 et s.; S Francq, « Internet : un monde sans frontières? - La loi applicable aux contrats con- Droit international privé — F.268 - être l'interprétation du législateur belge (61) D'autre part, dans l'Etat d'accueil, la clause du marché intérieur jouera un rôle similaire celui du droit communautaire primaire (62) Elle ne se substituera donc pas au règlement Rome II mais écartera l'application de la loi désignée par celui-ci lorsqu'elle constitue une entrave la liberté de prestation de service (63) Toutefois, la directive va plus loin que le droit commuclus sur Internet », Rev Ubiquité, 2000/7, pp 47 et s., spéc p 65 (qui part toutefois considérer que seule la loi de transposition de la directive, et non tout le domaine coordonné par celle-ci, serait applicable au prestataire de services); M Hellner, op cit., Rev eur dr priv., 2004, pp 206 et s.; contra : H Muir Watt, op cit., The Institutional Framework of European Private Law, p 124, note no 70 et M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, pp 302 et s., pour qui les « dispositions nationales » visées par l'article 3.1 de la directive incluent les règles de conflit de lois de l'Etat d'origine Cette seconde interprétation, qui n'est pas sans rappeler la technique du renvoi (comme l'observe M Hellner, op cit., Rev eur dr priv., 2004, pp 204 et s.), aboutit en pratique priver l'article 3.1 de la directive de tout effet utile, même s'il est vrai qu'un reproche similaire pourrait être adressé la première interprétation propos de l'article 1.4 de la directive (61) Voy l'article 5, alinéa 1er, de la loi précitée du 11 mars 2003 : « La fourniture de services de la société de l'information par un prestataire établi sur le territoire belge doit être conforme aux exigences applicables en Belgique », et l'exposé des motifs, Doc parl., Ch., sess ord., 2002-2003, doc 50-2100/001, p Il est vrai, cependant, que, pour déterminer les « exigences applicables en Belgique », le texte n'exclut pas formellement de recourir aux règles du droit international privé belge (62) A Cruquenaire et C Lazaro, op cit., Le commerce électronique européen sur les rails?, no 110, p 6; voy supra, no (63) M Fallon et J Meeusen, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, no 41, p 485; M Wilderspin et X Lewis, op cit., Rev crit dr int priv., 2002, p 303; X, op cit., C.M.L.R., 2007, vol 44, p 1572 C'est en sens qu'il faudrait lire le considérant no 35, alinéa 2, du règlement Rome II : « Le présent règlement ne devrait pas affecter l'application d'autres instruments fixant des dispositions destinées favoriser le bon fonctionnement du marché intérieur, dans la mesure où ces dispositions ne peuvent s'appliquer conjointement avec la loi désignée par les règles du présent règlement L'application des dispositions de la loi applicable désignée par les règles du présent règlement ne devraient pas restreindre la libre circulation des biens et des services telle qu'elle est réglementée par les instruments communautaires, par exemple la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du juin 2000 relative certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (“directive sur le commerce électronique”) » Voy dans le même sens le considérant no 23, deuxième phrase, de la directive 2000/ 31 Comp cependant M Audit, op cit., J.D.I., 2006, nos 69 et s., pp 1360 et s., qui semble considérer que, dans l'Etat d'accueil, la clause du marché intérieur confère le caractère de lois de police aux lois de nautaire primaire puisqu'elle subordonne les dérogations la liberté de prestation de service des conditions plus strictes que celui-ci (64) Même si une intervention de la Cour de justice sera sans doute nécessaire pour clarifier ce régime, le praticien gardera toutefois dès présent l'esprit ces questions qui devraient permettre dans certains cas de faire échec l'application de la loi désignée par le règlement Rome II On notera qu'alors que la proposition de directive sur les pratiques commerciales déloyales comportait également une clause du pays d'origine — laquelle aurait largement privé de son sens l'article du règlement Rome II — cette clause ne figure plus en tant que telle dans le texte final de la directive, qui se borne rappeler les libertés de circulation garanties par le droit primaire (65) Dans le même ordre d'idées, rappelons également l'existence de la directive « services », issue de la fameuse proposition de directive « Bolkestein » (66) Dans l'Etat d'origine, et dans un sens similaire M Hellner, op cit., Rev eur dr priv., 2004, pp 208 et s (64) Voy l'article 3.4 de la directive Certains auteurs se sont néanmoins interrogés sur le point de savoir si, dans le domaine non harmonisé de la directive, des exigences impérieuses non visées par cet article 3.4 pourraient justifier une entorse la règle du pays d'origine : voy A Cruquenaire et C Lazaro, op cit., Le commerce électronique européen sur les rails?, nos 165 et s., pp 89 et s (65) Comp l'article de la proposition de directive, COM(2003) 356 final, et l'article de la directive 2005/ 29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/ 450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/ CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (pour cette observation, M Audit, op cit., J.D.I., 2006, no 59, p 1357, note no 86) Sur les réactions de certains Etats membres et de la Commission provoquées par la suppression de la clause du pays d'origine, cons l'annexe II du projet de procès-verbal de la réunion du Conseil du 15 juin 2004, doc 9586/04, pp 13 et s (66) Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, devant être transposée pour le 28 décembre 2009 Sur la clause du pays d'origine dans la proposition de directive « Bolkestein » et son impact en droit international privé, cons O De Schutter et S Francq, op cit., Cah dr eur., 2005, nos 43 et s., pp 640 et s., et sur la version définitive du texte, M Fallon et A.-C Simon, « La directive “services” : quelle contribution au marché intérieur? », J.T.D.E., 2007, pp 33 et s Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (2008) 143865 sa version initiale, la proposition de directive visait introduire une clause du pays d'origine pour l'ensemble des services du marché intérieur Le texte final adopté ne compor te pas de telle clause et répète en substance le principe de la liberté de prestation de service reconnue par le droit primaire, en codifiant droit plus ou moins constant la jurisprudence de la Cour de justice sur les conditions auxquelles une restriction cette liberté peut être apportée (67) Pour ces deux dernières directives, le raisonnement suivre sera donc similaire celui proposé pour évaluer les rapports entre le règlement Rome II et le droit primaire (68) — Articulation avec le droit extracommunautaire (69) — L'article 28 du règlement accorde la primauté aux conventions internationales qui répondent une triple exigence : (i) il doit s'agir de conventions antérieures au règlement, en ce sens qu'un ou plusieurs Etats membres y sont parties lors de l'adoption du règlement (70); (ii) elles doivent comporter des règles de conflits de lois (71); et (iii) elles doivent être conclues au moins pour partie avec des Etats tiers (72) Une liste de ces conven(67) Voy l'article 16 de la directive La directive affirme par ailleurs avec force qu'elle ne porte pas atteinte aux règles de droit international privé, lesquelles continuent déterminer la loi applicable aux obligations tant contractuelles que non contractuelles (voy le considérant no 90 et les articles 3.2 et 17, 15, de la directive) (68) Voy supra, no (69) Cons M Fallon, op cit., partre la R.D.C., 2008/6; adde C Brière, « Réflexions sur les interactions entre la proposition de règlement “Rome II” et les conventions internationales », J.D.I., 2005, pp 677 et s Cette question a également fait l'objet d'une étude du 22 mars 2006 par le service juridique du Conseil (doc 7645/06), dont le contenu est cependant partiellement confidentiel (70) Il résulte a contrario de cette disposition qu'un Etat membre ne pourra plus, l'avenir, ratifier de nouvelles conventions dans le domaine couvert par le règlement (F Guerchoun et S Piedelièvre, op cit., Gaz pal., no 16, p 12; C Nourissat et E Treppoz, op cit., J.D.I., 2003, no 19, p 20) En effet, cette matière relève désormais de la compétence externe exclusive de la Communauté (C Brière, op cit., J.D.I., 2005, no 16, p 690) Voy cependant le considérant no 37 du règlement (71) Sur les rapports entre le règlement et les conventions de droit matériel uniforme, cons M Fallon, op cit., partre la R.D.C., 2008/6, nos 16 et s (72) En revanche, le règlement prime sur les conventions conclues exclusivement entre deux ou plusieurs Etats membres (article 28.2 du règlement) tions devra être publiée par la Commission au plus tard le 11 janvier 2009 (73) L'importance pratique de cette disposition ne doit pas être sous-estimée Elle concerne en effet au premier chef deux Conventions de La Haye, l'une de 1971 sur la loi applicable aux accidents de la circulation routière (74), l'autre de 1973 sur la loi applicable la responsabilité du fait des produits (75) Si la seconde de ces conventions n'a pas été ratifiée par la Belgique, celle-ci est en revanche liée par la première En pratique, cela signifie donc qu'alors qu'une partie importante du contentieux transnational de la responsabilité est constitué par les accidents de la route, le juge belge continuera l'avenir, sauf dénonciation de la Convention de La Haye de 1971 (76), trancher ces litiges en faisant application de cette Convention plutôt que du règlement Rome II (77), et ce même dans les rapports avec les autres Etats membres (78) Par ailleurs, en matière de responsabilité du fait des produits, le juge belge appliquera certes le rốglement Rome II, mais ses voisins franỗais, hollandais ou luxembourgeois appliqueront de leur côté la Convention de La Haye de 1973, dont les solutions ne (73) Voy l'article 29 du règlement (74) Convention de La Haye du mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière, ratifiée ce jour par l'Autriche, le Bélarus, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l'Espagne, l'ex-république yougoslave de Macédoine, la France, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Monténégro, les Pays-Bas, la Pologne, la république tchèque, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suisse (pour plus de détails, cons http:// www.hcch.net/index_fr.php?act=conventions.status&cid=81) Cette Convention est notamment applicable l'action fondée sur l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs (Cass., 19 mars 2004, Pas., 2004, no 156, avec les conclusions de M l'avocat général Werquin, R.G.A.R., 2004, no 13.941, note C Barbé) (75) Convention de La Haye du octobre 1973 sur la loi applicable la responsabilité du fait des produits, ratifiée ce jour par la Croatie, l'Espagne, l'ex-république yougoslave de Macédoine, la Finlande, la France, le Luxembourg, le Monténégro, la Norvège, les Pays-Bas, la Serbie et la Slovénie (pour plus de détails, cons http://www.hcch.net/ index_fr.php?act=conventions.status&cid=84) (76) Voy l'article 20 de la Convention (77) Sous réserve des questions exclues du champ d'application de la Convention par son article 2; adde infra, note no 279 (78) Voy., de manière très claire, la communication de la Commission sur la position commune, p 5; contra, mais tort : F Guerchoun et S Piedelièvre, op cit., Gaz pal., no 16, p 12 ... Haye, l''une de 1971 sur la loi applicable aux accidents de la circulation routière (74), l''autre de 1973 sur la loi applicable la responsabilité du fait des produits (75) Si la seconde de ces conventions... Convention de La Haye du mai 1971 sur la loi applicable en matière d''accidents de la circulation routière, ratifiée ce jour par l''Autriche, le Bélarus, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie,... l''ex-république yougoslave de Macédoine, la France, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Monténégro, les Pays-Bas, la Pologne, la république tchèque, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suisse