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L'Enfant du crapaud
Lemonnier, Camille
Publication: 1888
Catégorie(s): Fiction, Nouvelles
Source: http://www.ebooksgratuits.com
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A Propos Lemonnier:
Camille Lemonnier, né à Ixelles, Belgique le 24 mars 1844 et mort dans
sa ville natale le 13 juin 1913, est un écrivain belge particulièrement fé-
cond. Ce Brabançon, fils d'un avocat wallon et d'une Flamande, vint à la
littérature par le détour de la critique d'art. Il effectue ses études secon-
daires à l'Athénée Royal de Bruxelles. En 1863, Lemonnier publie à
compte d'auteur le Salon de Bruxelles et commence à fréquenter le
monde artistique. Il se distingue immédiatement par son désir de dé-
fendre l'art réaliste contre l'académisme, et la liberté de l'artiste contre les
institutions d'État. En 1870, Lemonnier parcourt le champ de bataille de
Sedan avec son cousin Félicien Rops (peintre et dessinateur). Son roman-
reportage Sedan relate ses impressions : « une odeur de terre, de pourri-
ture, de chlore et d'urine mêlés ». Cet ouvrage réaliste sera repris sous le
titre Les Charniers qui précède La Débâcle d'Émile Zola. Lemonnier
commence à être reconnu dans le milieu naturaliste. Il collabore
d'ailleurs à des revues françaises où il fait connaître les peintres belges.
C'est avec son roman Un Mâle (1881) qu'il atteint la notoriété. Le scan-
dale provoqué par la parution de ce livre est tel que la jeune génération
(les poètes rassemblés autour de la revue la Jeune Belgique) organise un
banquet de « réparation » à leur aîné en 1884 pour lui témoigner son ap-
pui face aux foudres de la critique traditionnaliste des « perruques » et
de certains journalistes catholiques. On a souvent surnommé Lemonnier
le « Zola belge » bien qu'il ait affirmé que cette étiquette ne lui convenait
pas. En fait, l'auteur du Mâle est trop soucieux de son style (qu'on nom-
mait « macaque flamboyant ») et de recherche de néologismes et
d'archaïsmes pour être rangé parmi les naturalistes. La filiation avec le
naturalisme français s'arrête, en effet, à l'influence du milieu, et plus pré-
cisément de la vie animale, sur le comportement des personnages. Dans
des romans tels Le Possédé, La Fin des bourgeois ou L'homme en amour,
Lemonnier se rattache davantage au courant dit « décadent », représenté
en France par J K. Huysmans, Péladan, Lorrain ou Rachilde ; la préciosi-
té de son style, son obsession pour le thème de la femme fatale, la né-
vrose et la perversion peuvent être considérés comme une contribution
originale à l'esthétique décadente. Si, dans ces romans des années 1890,
Lemonnier se rapproche davantage de Félicien Rops, il n'en demeure pas
moins que les chapitres du Mâle qui décrivent la kermesse ou la vie à la
ferme renvoient davantage à la tradition flamande et aux tableaux de
Pieter Bruegel l'Ancien. Portrait de CamilleLemonnier par Emile Claus
Le Prix quinquennal de littérature lui est attribué en 1888 pour son ou-
vrage La Belgique, illustré de gravures dessinées, entre autres, par
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Constantin Meunier. En 1905, il publie La Vie belge et deux ans avant sa
mort, Une vie d'écrivain, son autobiographie. Dans ces trois œuvres, Le-
monnier rend hommage à sa terre natale, souhaitant présenter au lecteur
la vie et la culture de son pays. Ce « témoin au passé », selon sa propre
expression, relate, avec un talent de conteur, la naissance des lettres
belges: « La Jeune Belgique avait frappé le roc aride et à présent les eaux
ruisselaient. » Parfois lyrique, épique et excessif, Lemonnier laisse cepen-
dant un document historique très instructif. En définissant le talent du
peintre belge comme la capacité de « suggérer des correspondances spi-
rituelles par un chromatisme expressif et sensible » (La Vie belge), il
parle aussi de son propre style: il s'agit de frapper l'imagination par la
couleur et les images. En cela, il s'oppose à l'imitation du réel et rejoint
un symbolisme universel tout en restant proche de l'instinct et de la
spontanéité en même temps que de la tradition baroque de ses ancêtres
(Rubens, Jacob Jordaens, David Teniers). Paix à son âme… Sa maison
abrite actuellement le siège de l'Association Belge des Écrivains Belges
de langue française. Sources : http://fr.wikipedia.org
Disponible sur Feedbooks pour Lemonnier:
• L'Homme qui tue les femmes (1893)
• L'Homme en amour (1897)
• Une Femme (1899)
• Ceux de la glèbe (1889)
• Les Deux Consciences (1902)
Note: Ce livre vous est offert par Feedbooks.
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Il est destiné à une utilisation strictement personnelle et ne peut en au-
cun cas être vendu.
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C’était, en terre de Borinage, un coron misérable, quatre-vingts à cent fa-
milles ravagées par la grève qui s’éternisait. Depuis vingt-sept jours, le
Crapaud chômait ; on mangeait les derniers pains et les dernières pe-
totes ; et tout seul, là-haut, sur sa butte – avec sa cheminée sans fumées,
ses hautes fenêtres mornes, l’énorme silence de ses entrailles – le char-
bonnage avait l’air d’un supplicié par-dessus la tristesse du pays.
Le jour, jusqu’à midi, les hommes à croupettes sur les seuils, pares-
saient, veules et stupides. De porte à porte, quelquefois un mot volait,
bref, toujours le même, et qui s’écrasait dans des jurons : « Faudra donc
crever ! » Et on était décidé, on ne céderait pas, on irait jusqu’au bout.
Des vieux seuls, sur leurs faces de misères, avec leurs ans debout der-
rière eux, étaient pris de défaillance. Ils parlaient d’autres grèves sans
nombre, et qui toujours, après des famines, s’étaient achevées dans
l’acceptation résignée. Alors, sur leurs chefs chenus, des poings se ten-
daient : « – Bon, que vos êtes les vî ! Nô sommes d’eun aute bois. Il s’ fait
temps que la justice soit pou’ tos ! »
Ensuite, l’après-midi semblait ne devoir jamais finir. Par bandes, le co-
ron, hommes et femmes, gagnait les villages : comme des sauterelles, on
s’abattait sur les cultures ; on fouillait le sol, on extirpait la plante des
pommes de terre, déjà pourrissante sous le jet des tiges vertes. Et en-
semble, en des salles de cabaret, en des aires de grange, aux acculs des
bois, – les mères heurtant leurs ventres où, comme le germe en la terre,
fructifiait de l’humanité, les mâles aboyant leurs colères vers les sourds
horizons, caducs, fourbus, squalides, – on s’anuitait en des meetings
pour s’exhorter à la résistance. Tout le pays, à cinq lieues, tenait la grève,
mais, dans la détresse générale, chaque coron, et dans les corons chaque
logis gardait sa peine, fermé à celle des autres, tous unis seulement dans
un noir entêtement à mourir, s’il fallait mourir. Et des gens, la crampe au
ventre, avec des affres, sous les plombs solaires, s’affalaient qu’on regar-
dait tomber et qu’on ne secourait pas.
Les jours venant après les jours, il arriva qu’on ne sut bientôt plus
comment prolonger la grève. – « Cor si c’était qu’on aurait un chef pou’
nô méner et leur zy dire c’ qu’on voudrait, » déchantaient-ils.
Mais livrés à eux-mêmes, l’abattement les vidait. Dix gars, parmi les
plus résolus, avaient été cueillis dans une rafle comme ils pillaient la
maison d’un porion. La maison, ensuite, la nuit suivante, s’éventrait, fra-
cassée par la dynamite, et deux charbonniers encore, sur la dénonciation
du porion, étaient emmenés par les bonnets à poils. C’était la force vive
du coron qui disparaissait. Sans la Marcelle, une grande brune, gueu-
larde et débraillée qui, sur la chaussée, tenait un cabaret – Au Violon – et
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soufflait la révolte dans les narines de ce peuple las, excédé de misère et
d’opprobre peut-être on se fût rendu. Déchevelée, rogue, hognante, ses
mâchoires toujours choquées dans des huées à l’adresse des patrons, les
prunelles félines et dardées sous un front cruel, elle couraillait au long
des portes, ameutant les femmes, préhendant les maris, et, quand la ma-
réchaussée caracolait aux alentours, lui bavant ses outrages, les poings
dressés, son maigre torse en avant, toute secouée de vieille haine contre
ces soutiens de l’autorité. Une hérédité de plèbes opprimées, – races sur
races infiniment gueuses et misérables, en ce paquet de muscles et de
nerfs fouettés, bouillonnait et s’exaspérait. Elle incarnait la revanche des
siens martyrisés en d’obscurs supplices, toujours plus loin, jusque dans
les temps.
Jetée toute gamine à la fosse, elle y avait poussé, comme une véné-
neuse fleur de nuit, à travers le vice et la souillure, – lâchée à son instinct,
mariée à d’inconnues cohues dont elle rapportait au jour, sur ses dents
de jeune louve, les noirs baisers voraces. Et enfin, un vieil homme, un
mineur loti d’un exigu patrimoine – mordu d’un sénile prurit pour ses
perversités de gouge hilare – l’avait intronisée conjugalement dans sa
chevance. Mais l’ennui de la condition initiale ensuite la conquérait au
goût des drilles fuligineux et velus, – ses mâles de petite garce lascive, –
et pour les avoir plus près, la maison s’était changée en un débit de bière
et de schnick, avec un comptoir derrière lequel, linguarde et virulente,
elle vitupérait contre les riches, les maîtres du pays, toute la sacrée en-
geance qui leur buvait le sang et les moelles et les revomissait en bel or
sonnant d’escarcelle. D’ailleurs le vieux, en ce giron expérimenté et actif,
avait été promptement nettoyé ; un faraud copieux n’avait pas fait plus
long feu ; et ç’avait été après, en ce lit encore tiède du gigottement des
autres, un quinquagénaire d’un coron voisin, bon bouleux gagnant les
fortes journées. Celui-ci, à son tour, avait subi l’assaut démolisseur des
fornications ; ses fibres s’étaient racornies aux fringales de l’aduste com-
mère. Courbaturé, erréné, les jarrets fauchés, les méninges en bouillie,
brusquement il avait été congédié du charbonnage, perdant ses droits à
la pension et du même coup, le bénéfice des retenues râclées sur son sa-
laire de quarante ans de peines en fosse. Et une double colère, depuis,
grondait chez la femelle déçue en son désir opiniâtre d’une postérité et
leurrée dans l’espoir d’un gain légitimement assigné à leur déclin. Rien
n’avait prévalu contre la stérilité de son flanc ; elle était restée bréhaigne,
haletant en vain, en ses rages de gésine, après ce fruit qu’elle eût gorgé
d’un lait acide et révolté. Il eût grandi, elle lui eût transfusé ses
rancœurs ; les autres, ces pâtiras voués à d’immuables esclavages,
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eussent obội en lui le chef aprốs lequel se lamentait leur veule
esseulement.
Au Crapaud, on lappelait la Veuve, et ce sobriquet de deuil, mettant
autour delle comme le froid des cimetiốres, dộnonỗait linutile labeur
charnel, les carnages dhommes fondus son creuset, le mal de son
ventre aride, dộvolu dirrộmissibles veuvages.
Pendant toute la grốve, elle avait ộtộ lõme damnộe de la rộsistance, of-
frant le boire et le manger aux plus dộnuộs, bouchant les estomacs dộ-
faillants de son pain, vidant ses futailles dans les gosiers altộrộs, de ses
quatre sous amassộs en de longues lộsines faisant la charitộ aux claque-
dents misộrant dans les burons. Aprốs tant dhumiliantes dộfaites, qui
toujours ramenaient les vaincus aux genoux des vainqueurs, il fallait leur
montrer, cette fois, de quel grốs on ộtait fait. ô La fosse, hurlait-elle,
cest ceusse qui souquent dedans ; nos pốres y sont morts ; ộ nous
mange nos hommes et nos ộfants ; cest qu justice quộ soit no aprốs
avoir ộtộ eusse. Et qui crốvent tertous donc leu tour, ces jean-
foutre ! ằ
Mais les hommes maintenant haussaient les ộpaules, leurs torves re-
gards dissimulộs en leurs faces oự les mõchoires, tiraillộes par la famine,
machinalement remuaient. Et soudain la nouvelle se rộpandit que des
villages avaient repris le travail ; cinq ou six seulement sacharnaient en-
core. Ce fut, chez ces pauvres diables, comme limminent soulagement
de la dộlivrance, une joie sournoise de basse soumission enfin justifiộe
par la lõchetộ des compagnons. ô Les vợ i zavaient raison. On voudrait
quon ne pourrait pon. El bon Dieu est de leur costộ. ằ Mais la Veuve
menaỗait de tout casser dans les mộnages sils cộdaient. Tapant ses plates
mamelles de ses paumes ravinộes, elle criait quelle avait plus de cur
l-dessous que tous ceux du coron, quelle se laisserait planter des baùon-
nettes en chaque trou de sa peau plutụt que de subir la loi de ces sales
bougres. Ils hochaient la tờte. Non, ỗa ne pouvait pas durer plus long-
temps. quoi bon, dailleurs, puisquun chef leur manquait ? Toujours
cette absence dune volontộ qui pỷt supplộer la leur les ramenait la
dure nộcessitộ finale.
Ah ! le chef ! et sa main tourmentait son ventre je l sen ben l,
rộpondait-elle. Si seulement il voulait sortir ! ằ
La dộfection, qui dabord navait sộvi que chez les hommes, tout
coup sộtendit aux femmes, aux gộnitrices, plus viriles et que la jalouse
tendresse pour leurs portộes douloureuses jusque-l avait rendues intrai-
tables. Alors elle, la Veuve, sentant ộchouer toute vaillance, ne pensa
plus qu gagner des jours, des heures ; elle les suppliait, se tordait les
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bras, arrachait ses cheveux. Un entêtement héroïque et animal la figeait
en cette unique certitude que les patrons là-bas, allaient enfin se sou-
mettre. Ses imprécations contre les losses et les coïons – « tas de vendus
qu’êtes seulement bons qu’à leur lécher les bottes » – pendant deux jours
encore opérèrent le miracle de les retenir. Mais le matin du troisième
jour, comme elle invectivait sur le chemin deux charbonniers qui, résolu-
ment, leurs outils à l’épaule, partaient requérir de l’ouvrage, un cri mon-
ta. – « Tais ta gueule, garce ed’ malheur ! C’est t’ faute si on est tertous là
à crever. C’est-i’ qu’ t’as des liards pour nous amuser, dis ? »
Une flamme mauvaise étincela sous ses ombrageux et opiniâtres
sourcils.
– Des liards, rebéqua-t-elle, pour sûr que j’en ai pon ! Ousque j’ les ca-
cherais, mes liards ? Mais to d’ même j’a queuqu’ chose qui vaut ben ça.
Choutez. Vos êtes tos comme mes hommes et vos éfants sont comme mes
éfants. Quoi qu’i vô faut ? Un chef, un gars ed’ vot’ sang et qu’aurait du
poil aux dents ? C’est-y ça, voyons ? Ben, v'la. On vous l’ boutera, com-
pagnons. V'nez tos Au Violon, tos, tos, les d'jeunes et les vîs. La table sera
mise pou’ to l’ monde. On fera l’ ducasse à s’ péter les boyaux. C’est moi
qué vo l’ dis.
En cette obtuse cervelle, une soudaine et scélérate entreprise avait ger-
mé, au prix de laquelle un jour encore serait acquis à la révolte du coron
et qui peut-être, des tendresses aboutées de ces désespérés, allait faire
jaillir du même coup, avec l’humaine semence enfin féconde, le vengeur
trempé de fiel et de colère qu’ils appelaient. Il y eut une hésitation ; la
masse oscillait sans comprendre, subissant toutefois le magnétisme de
ses furieuses et énigmatiques prunelles, grisée à son rire de ribaude qui
d’une oreille à l’autre lui fendait ses joues pileuses et masculines. Puis
une curiosité, une joie de s’étourdir un moment, le besoin d’une ribote,
quelle qu’elle fût, en leur croupissement de détresse, les lança à ses ta-
lons, tandis que marchant à grands pas devant eux, les bras gesticulant
par-dessus sa tête, elle fendait la rue, tragique, forcenée, en un vent de
démence.
Debout sur son seuil, elle les fit passer, les comptait de peur qu’il en
manquât, et quand ils furent entrés, tumultueux et mornes, elle se pen-
cha encore, cria après les deux charbonniers qui, les bras mous, leurs ou-
tils reposés à terre, discutaient s’ils suivraient les compagnons ou s’ils
s’en retourneraient à la bure. À leur tour, ils arrivèrent. Elle serra le volet,
mit le verrou et, leur vidant les poivres et les lies de quelques fonds de
bouteilles restées sur la planche :
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– Vos êtes tos des vaurins, d’ la canaille, d’ la chair à engraisser l’ pa-
tron. Moi, j’ suis qu’une p… V'là ma peau. Mangez d'sus le pain du plai-
sir. J’en ai pon d’aut’ à vo donner. J’ vô l’ donne ed’ bon cœur. Et s’i
vient, el fieu qu’ont pas seulement su m’ donner mes trois maris, – c’ sera
l’éfant de la grève, on en fera l’ chef duCrapaud !
Elle attira une table et se coucha dessus, les bras pendants.
Devant l’extraordinaire offrande, une stupeur les matait, hébétés, re-
gardant toujours, dans la pénombre de la chambre close, sous le mince fi-
let de soleil poudroyant par la fissure du contrevent, ce grand corps
brun, écartelé en l’attente du stupre consenti. Puis, une à une, les faces
ardoyèrent ; du sang leur gicla la congestion aux paupières ; leurs mains
– devant l’obscène vision – étaient secouées d’un tremblement. Et tout à
coup un petit être chafouin et bancal, au front de bouc, lui bondit à la
ceinture, fouaillant cette proie chaude. Ce fut ensuite la bestiale et ano-
nyme ruée d’une foule en qui la virilité réveillée cinglait les phosphores.
Dépoitraillée sous les chocs, ses fauves tétines remuées par-dessus les os-
seuses maigreurs du torse, – son flanc de sèche cavale, et noir comme la
bure, fumant sous de bouillantes et torrentielles sèves, – elle râlait sa
peine et son espérance – l’éfant ! l’éfant ! – maternelle et cynique, victime
expiatoire qui, sur l’immonde autel combugé par le flux des races, volon-
tairement se livrait aux soifs d’amour et d’oubli des las-de-vivre.
Enfin il n’en resta plus qu’un, un pauvre invalide de la fosse, une pi-
toyable carcasse béant par les trous du haillon, et toute délabrée, pante-
lant sous le faix d’un demi-siècle de hontes bues :
– Et toi ? interpella la sinistre Veuve.
Alors, gravement, comme on accède à une communion pie :
– Ben ! si c’est pou’ l’ chef, j’ veux ben.
Le Crapaud chôma encore trois jours.
CAMILLE LEMONNIER.
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À propos de cette édition électronique
Texte libre de droits.
Corrections, édition, conversion informatique et publication par le
groupe :
Ebooks libres et gratuits
http://fr.groups.yahoo.com/group/ebooksgratuits
Adresse du site web du groupe :
http://www.ebooksgratuits.com/
–
Novembre 2005
–
– Élaboration de ce livre électronique :
Les membres de Ebooks libres et gratuits qui ont participé à l’élaboration
de ce livre, sont : Marc, Nathalie, Coolmicro et Fred
– Dispositions :
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