MICHELANGE ET LA FORME HUMAINE : SA CONNAISSANCE ET SON UTILISATION DE L'ANATOMIE par James Elkins Les observations suivantes qui ont trait l'histoire de l'art sont extraites et abrégées d'un manuscrit récemment achevé sur l'anatomie de surface. Ce manuscrit étend deux champs de la connaissance, l'anatomie médicale de surface et l'anatomie artistique, à un niveau de détail tel qu'ils peuvent servir à comprendre la totalité des reliefs de la surface du corps qui normalement s'observent in vivo ou en art Les principaux exemples utilisés dans cet ouvrage et sur lesquels s'appuie la démonstration de ses résultats sont les œuvres de MichelAnge. Comme ce travail a été rédigé en faisant appel à la terminologie médicale et comme il se propose de servir à l'analyse des reliefs de surface en général, il a nécessairement amené à des observations sur l'usage et la connaissance de l'anatomie par MichelAnge qui ne pouvaient pas trouver une place appropriée dans le texte luimême Certains résultats préliminaires sont résumés dans cet article Tout d'abord, il est démontré que les deux idées suivantes répandues sont fausses, à savoir : 1 que MichelAnge aurait modifié ou inventé des muscles dans un objectif d'expressivité 2que les connaissances qu'il avait de la dissection expliquent les formes anatomiques complexes de ses figures A la suite de l'examen de ces deux points deux questions centrales sont traitées: 1. Quel était le niveau des connaissances anatomiques de MichelAnge? 2. Comment atil utilisé sa connaissance de la dissection? L'article défend l'idée que les formes anatomiques utilisées par l'artiste démontrent des influences croisées issues de trois sources: l'observation de modèles vivants, la dissection et l'Antiquité. En outre, il est suggéré qu'il s'est servi de ses connaissances anatomiques pour trois utilisations distinctes Plusieurs observations sur la signification de l'étude des reliefs de surface dans la compréhension de MichelAnge concluent cet article Son but principal est simplement d'établir une série de faits sur les parties de l'œuvre de MichelAnge dans lesquelles interviennent l'observation du vivant et les études de dissection Des thèmes plus vastes, comme la signification des formes anatomiques chez MichelAnge, leur utilisation comme symboles et leur développement sous forme de langage, ne sont pas abordés ici, mais apparaissent implicitement l'occasion des analyses de son œuvre La plupart des termes d'anatomie et tous les arguments requérant des connaissances médicales spécialisées, sont fournis dans les notes 1. QUE MICHELANGE AURAIT MODIFIÉ OU INVENTÉ DES MUSCLES DANS UN OBJECTIF D'EXPRESSIVITÉ Ce point est réfuté par une étude statistique des œuvres de MichelAnge qui ont subsisté Parmi cellesci, une centaine de figures environ (sculptées, peintes ou dessinées) présentent des détails anatomiques intéressants. Sélectionnées dans cette centaine, environ quatrevingt œuvres sont analysées dans le livre jusque dans les plus petits reliefs visibles. Le caractère approfondi des analyses est démontré par le fait que la nomenclature médicale d'anatomie de surface qui compte environ six cents termes a dû être augmentée jusqu'à plus de huit cents afin de couvrir certains détails du corps humain représentés par l'artiste Environ cinquante des formes reproduites sont si subtiles qu'elles ne portent pas de nom, que ce soit dans l'anatomie artistique ou médicale. En utilisant ce vocabulaire élargi, il a été possible d'identifier chaque forme présente dans les quatrevingt œuvres, à trois exceptions près, chacune faisant l'objet d'un essai d'identification Partant de cet échantillon complet, le nombre de cas dans lesquels MichelAnge a inventé ou modifié des formes anatomiques est extrêmement faible: il n'est que de quatre qui n'impliquent que neuf muscles. En termes statistiques, il s'agit donc de moins de 0,16% de l'échantillon. Dans chaque cas, les changements sont si spécifiques (trois des cas ne concernent que des parties de muscles) et uniques par rapport au reste de l'œuvre qu'ils ont pu être délibérés Dans trois des quatre cas, il est possible de suggérer une raison spécifique pour laquelle MichelAnge a voulu modifier les formes. L'un de ces exemples est montré planche 11. Ici, les quelques quinze formes autour du poignet sont toutes précises sur le plan anatomique, ainsi que le muscle marqué 1. Son extension à la zone marquée 2 est une invention. Nous savons d'après des représentations de mains beaucoup plus détaillées que MichelAnge n'était pas seulement conscient de ce manque de naturel dans l'extension, mais qu'il connaissait la forme exacte de la limite naturelle du muscle 1. L'effet de cette modification est de rendre la main plus massive, et c'est la seule contribution anatomique à la massivité générale des mains du David due par ailleurs aux proportions Ici, l'anatomie témoigne d'une stratégie créatrice alternative utilisée pour produire un résultat attendu Le quatrième cas de formes anatomiques modifiées ou inventées n'offre aucune explication apparente immédiate justifiée par l'expressivité, bien que demeure une possibilité de retouche ultérieure par une autre main qui a pu oblitérer une représentation précise à l'origine. La planche 12 illustre cet exemple. Ici, la torsion du bras est si extrême qu'elle va au delà de ce que les textes médicaux accordent à sa limite normale de rotation, bien que tous les détails de la partie supérieure du bras restent absolument précis. Sur l'avantbras, un sillon entre 1 et 2 marque la position de l'un des os, et divise l'avantbras en deux groupes de muscles. Celui de droite montre la torsion attendue, observée sur modèles vivants. A gauche (3) les torsions attendues sont absentes, remplacées par une surface lisse. Si une retouche à la suite de la mutilation du bras n'en est pas la cause (l'auteur n'est pas compétent pour en juger, mais suspecte que ce n'est pas le cas), il est difficile de comprendre pourquoi une figure présentant des contorsions aussi violentes aurait présenté dans quelque but que ce soit une surface droite, lisse et sans interruption à cet endroit En conclusion, il est surprenant de constater que le contraire de l'affirmation considộrộes'imposedanstoutesavộritộ.Defaỗonrộpộtộeaucoursdesrecherches menộes pour ce livre, des particularités curieuses se sont révélées éventuellement anatomiquement normales, même si elles étaient si peu importantes et si obscures que cinq siècles de médecine occidentale n'avaient pas éprouvé le besoin de leur donner un nom 2. QUE LES CONNAISSANCE QU'IL AVAIT DE LA DISSECTION EXPLIQUENT LES FORMES ANATOMIQUES COMPLEXES DE SES FIGURES Cette affirmation sera examinée en deux parties : d'abord que la possibilité qu'une connaissance de la dissection se soit manifestée d'ellemême dans une représentation des structures profondes, puis dans la représentation des formes de surface Si MichelAnge s'appuyait fortement sur sa connaissance de la dissection, nous pourrions nous attendre à ce que les formes des muscles et autres tissus profonds soient représentés dans ses œuvres comme les muscles superficiels visibles in vivo. Il est généralement admis par les artistes anatomistes qu'il existe bien une catégorie de "structures profondes", et qu'elle influe sur la surface de manière notable par les dessinateurs expérimentés. Mais une telle catégorie de "structures profondes" existet elle vraiment? Passer en revue l'ensemble des muscles et des formes analysées chez Michel Ange montre que cette catégorie est en fait très étroite. Les muscles ne se présentent pas toujours en couches, et lorsqu'ils le sont, les muscles profonds le sont généralement tellement qu'ils n'exercent aucun effet sur la surface.On n'observe pratiquementaucuncasdanslequellesmusclesprofondspeuvent parfois affecterla surface,defaỗonsubtile.Lesrecherchesmenộespourlelivren'ontmontrộquedeux casdanslesquelsMichelưAngeadộpeintdesstructuresuniversellementconsidộrộes commeinvisiblesinvivo.L'undecescasafaitl'objetd'unedộmonstrationsurmodốle vivantdanslescoursdel'auteur Ilestprobablequelepostulatdel'existencede"structuresprofondes"trouveson originedanslacomplexitộsouventbizarredesreliefsdesurfacedecertainesfiguresde MichelưAnge.Uneseulepartied'unedecesfigurespeutsouventprộsenterunnombre de reliefs de surface comparables à ceux du corps entier d'un modèle moyen vivant Cette complexité est néanmoins due aux types de modèles qu'utilisait MichelAnge, et non à une connaissance de "structures profondes." Il a pu, bien évidemment, utiliser sa connaissance de la dissection même si la totalité de son vocabulaire formel est observable in vivo. Les trois catégories suivantes de formes de surface suggèrent que, même dans ce cas, sa source était l'observation, et non la dissection Cas dans lesquels les œuvres de MichelAnge présentent des détails anatomiques non observables la dissection Les exemples comprennent la très importante catégorie de cas dans lesquels les reliefs de surface sont produits par des muscles en action Fréquemment, les configurations des muscles actifs semblent si différentes de l'apparence des muscles inactifs qu'il est difficile de trouver un lien entre les deux. Dans le dessin de la planche 13, les muscles sont tendus et actifs et avec un tel degré de violence qu'ils n'ont que peu de ressemblance avec leur apparence à la dissection (planche 14) Leur extrême activité fait même ressortir des faisceaux de fibres dans chaque muscle pris individuellement (1, 2, 3) normalement invisibles in vivo même lorsque les muscles sont actifs. Ces faisceaux apparaissentils à la dissection? Non, car dans ce cas, lorsque ces muscles sont au repos, ils semblent massifs et lisses, sans que l'on puisse imaginer les formes ou les faisceaux qui peuvent appartre au cours d'une action Cas dans lesquels sont reproduites des particularités difficiles disséquer même pour les anatomistes d'aujourd'hui Les exemples en sont les aponévroses (minces membranes de fibres non élastiques) qui adhèrent aux muscles et aux os et sont facilement détruites à la dissection. Planche 15, le muscle 12 est traversé par un sillon droit (3) dû à une aponévrose qui recouvre la totalité du muscle, et est bandée par l'action d'autres structures, comme le muscle en 4 Il se trouve ici qu'elle est plus fortement tendue sur ce modèle et génère un sillon unique. Une dissection de cette zonenemontreraitquelesmusclesdelajamberecouvertsparunemembranelisseet brillantesanscaractộristiquesmarquộesmaisqui,adhộrant unebonnepartiedes structuresinfộrieuresetsupộrieures,rendraitladissectiondifficile. 3.Casdanslesquelslesparticularitộsdộcritessontsiobscuresqu'ellesn'ontpas encorereỗudenomcejour.Certainessontvisiblesinvivo,maisenglobộesdansleur milieulorsquelapeauestretirộe.Danslaplanche16,leszonesmarquộes1et2sont provoquộes par de petites surfaces d'attachement des grands muscles 34 aux omoplates. Ces zones ne sont pas nommées, de même que celles sur lesquelles elles s'attachent. A la dissection elles apparaissent dans la continuité du reste du muscle 34 En résumé: La converse de chacune des deux affirmations analysées montre le caractère de l'utilisation de l'anatomie par MichelAnge: 1Il était extrêmement précis dans ses descriptions anatomiques, ne modifiant ni n'inventant pratiquement jamais de structures 2Son œuvre qui représente des reliefs complexes n'apporte aucune preuve directe de dissection Elle montre plutôt de nombreuses preuves de l'évidence de l'observation de modèles vivants. (Ce point sera modifié cidessous pour prendre en compte l'utilisation par l'artiste de la dissection.) QUELLE ÉTAIT LA CONNAISSANCE DE L'ANATOMIE PAR MICHELANGE? Il est connu que MichelAnge avait l'intention de rédiger un traité qui aurait probablement eu l'anatomie comme sujet principal. Il avait étudié l'anatomie et réalisé des dissections à plusieurs moments de sa vie, et était à l'évidence fier de sa mtrise dans ce domaine. Il ne convient pas ici de reprendre ces faits qui ont été établis plus complètement que l'auteur ne pourrait le faire. Il est possible néanmoins d'enrichir les documents relevant de l'histoire de l'art en examinant la preuve de sa connaissance de l'anatomie à partir des œuvres ellesmêmes La première source qui s'impose est celle des dessins dans lesquels MichelAnge a luimême marqué les muscles. Leur étude conduit aux observations suivantes: 1Des symboles identiques sont utilisés pour plus d'une structure 2A l'inverse, plus d'un symbole peut être utilisé pour une même structure 3Treize des symboles utilisés se réfèrent à des muscles; trois à des os; deux à des muscles ou des os; et un à une articulation Deux conclusions peuvent être tirées de ces faits 1Le plus probablement, MichelAnge ne possédait pas de système anatomique faisant appel à des symboles. Comme le prouvent les croquis existants, s'il en disposait il avait déjà cessé de l'utiliser régulièrement en 1504, date des plus anciens dessins marqués 2Il semble improbable que les symboles aient été mnémoniques, utilisés soit pour identifier les structures quand le point de vue changeait soit pour rappeler à luimême ou un étudiant quelque caractéristique importante L'observation confirme que les structures pour lesquelles nous disposons de marques sont situées dans les parties du corps les plus difficiles et le plus soumises à des variations d'aspect, celles qui ont toujours le plus gêné les artistes anatomistes: l'épaule, l'aisselle, le genou et la hanche Le fait que tous les dessins ainsi marqués parvenus jusqu'à nous,, représentent des formes grandes et simples (à la différence, par exemple de la planche 17) est un argument supplémentaire pour conclure que MichelAnge ne possédait ni les connaissances scientifiques ni la terminologie pour décrire les reliefs les plus complexes qu'il utilisait, bien qu'il soit montré dans le livre qu'il connaissait et utilisait les reliefs les plus petits La preuve de cette affirmation repose sur la découverte de l'existence d'un nombre spécifique de formes, environ 2 000, qu'il a utilisées tout au long de sa vie, et que lui comme tout autre observateur de son travail arrive rapidement à conntre et reconntre. Les implications de ce fait sortent du cadre de cet article Les tentatives de montrer le degré des connaissances anatomiques de Michel Ange en analysant chaque œuvre non marquée, renforce simplement la conclusion exprimée cidessus, à savoir que l'observation, et non la dissection, est à l'origine de la plupart des reliefs de surface. Un exemple d'analyse de ce type est fourni ici. Le croquis pour la Victoire (planche 17) a été choisi pour tenter de mettre à profit une suggestion de Leo Steinberg selon lequel on pourrait trouver trois sources identifiables aux formes anatomiques de MichelAnge: la dissection, l'observation et l'Antiquité On sait que MichelAnge avait admiré le Torse du Belvédère, retenu pour la comparaison L'exempledộmontrel'impossibilitộderộpondrelaquestion,etillustrelarichesseetla complexitộderộflexionquel'onpeuttrouverdansunseulcroquislorsqu'ilestexaminộ decettefaỗon En termes d'anatomie basique, la moitié supérieure du dessin est une étude de déformations apparentes des côtes provoquées par les muscles qui les recouvrent Deux muscles sont impliqs: l'un vient du dos de l'omoplate (1) et se fixe aux cơtes sur le cơté. Il occupe ainsi un triangle entre 1, 6, 7, 8, 9. Le second recouvre le premier ainsi que le reste du bas du dos. Son bord avant est la ligne qui figure juste à gauche de 6, 7 8 et 9. Ainsi le premier muscle ressort de dessous le second uniquement l'endroit ó il se rattache aux cơtes. L'un des objectifs de l'étude aurait pu être de voir ce qui se passe lorsqu'une côte, par exemple la huitième, ne se trouve que sous le second muscle (2), la seconde et la première (3), la première seulement (8) et aucune d'entre elles (4). Son axe habituellement droit est subtilement déformé (2, 3, 8, 4) Une comparaison avec la planche 18 révèle des similarités dans les proportions et les grandes formes Les deux œuvres partagent également plusieurs détails anatomique plus fins, statistiquement inhabituels. Dans le dessin, la grande zone autour de 2, et les formes précises de 8, 9 et 10 (cette dernière non visible sur la photographie), correspondent toutes à des caractéristiques du Torse du Belvédère. Des parallèles similaires peuvent être également trouvés entre d'autres œuvres de Michel Ange et des sculptures grecques et romaines, mais dans chaque cas connu de l'auteur, les formes peuvent aussi être identifiées sur des modèles vivants Ainsi, bien que l'existence de l'influence soit évidente, il reste impossible de décider si MichelAnge se rappelait de ces formes directement à partir du Torse, ou s'il les avait vues sur un modèle vivant et enregistrées en souvenir conscient ou inconscient de l'œuvre antique Une situation similaire s'observe par rapport aux formes qu'il a pu conntre par un processus de dissection. Les formes 11 et 12 montrent les cơtes qui apparaissent à travers les deux muscles. A l'avant, 13, le second muscle s'écarte du premier en se rapprochant du bras, et les reliefs des côtes disparaissent. Cette distinction est rare in vivo de même que les aspects exacts de formes comme 7 et 8 et 9. Sontelles des preuves de connaissances issues d'une dissection? Non, car dans chacun des cas leur aspect exact est provoqué par la graisse susjacente. Dès que l'on écarte la peau et la graisse superficielle pour voir les muscles, ces formes changent complètement d'aspect, ce qui suppose qu'elles ont été observées en dehors de toute dissection En conclusion, il semble raisonnable d'admettre que sans une connaissance des formes des côtes, MichelAnge n'aurait pu dépeindre leur déformation de manière si naturelle et cohérente, et sans avoir connu le Torse du Belvédère, il n'aurait pas abouti à de nombreuses formes de son dessin. Cependant il est apparent que la dissection et le modèle antique ont été dépassés et transformés par une observation aiguë de ce modèle particulier. Ce qui est intéressant ici est la lecture plus riche de l'œuvre rendue possible par une étude de l'interaction de l'observation, de la dissection et des souvenirs du Torse Ce mélange, qui rend le dessin intéressant ce niveau, rend également impossible l'évaluation de l'étendue de la connaissance de la dissection par MichelAnge COMMENT MICHELANGE ATIL UTILISÉ SA CONNAISSANCE DE L'ANATOMIE? MichelAnge n'aurait pas étudié l'anatomie, parlé de son importance ni fait de dissections si elle n'avait pas présenté pour lui une signification autre que symbolique ou philosophique. Elle doit avoir jo dans son œuvre un rơle évident En fait, elle appart de trois manières distinctes. La première et la seconde sont liées l'observation La planche 17 démontre la première: MichelAnge utilisait sa connaissance de l'anatomie pour comprendre et articuler des reliefs de surface délicats La seconde utilisation appart dans la planche 19 Ici, les deux omoplates du modèle ont dû présenter des formes très difficiles à saisir. L'omoplate gauche est rendue par un entremêlement apparemment chaotique de formes (1,2,3,4,5) Certaines d'entre elles semblent anatomiquement impossibles, comme la curieuse forme en barre en 2, mais elles peuvent toutes être analysées et illustrent des muscles réels. L'autre omoplate est vue en un raccourci extrême. Du fait de la pose, la partie qui normalement s'avance est rejetée dans un profond sillon (6) Celuici est en fait en forme de crayon, mais son raccourcissement le fait appartre presque rond Les muscles comprimés la base de l'omoplate (7) rendent son extrémité inférieure invisible Dans la fresque de la planche 20, MichelAnge a utilisé sa connaissance de l'aspect des omoplates en dissection pour clarifier ces formes. Il a aplati la surface de l'omoplate gauche et accentué ses deux côtés: où les muscles recouvrent l'articulation ellemême (1), et le bord arrière. Notons que la ligne blanche peinte pour marquer ce bord arrière ne correspond pas à ce qu'il avait observé et dessiné pour le croquis. Sur l'autre omoplate, il a adouci le creux inattendu et peu courant (3) et peint le bas de l'omoplate pour indiquer sa disparition sur le côté (4). Ainsi la seconde utilisation d'une connaissance acquise en dissection a permis de simplifier des formes d'une complexitộindộsirabledanslarộalitộ. Latroisiốmefaỗondontcetteconnaissanceapparaợtestenrelationavecledessin demộmoire.IlestessentielpourlabonnecomprộhensionartistiquedeMichelưAngede savoir qu'il pouvait créer des figures à partir de son imagination et à volonté. Cette capacité n'est pas abordée fréquemment et ceci pour plusieurs raisons, dont celle que ces figures inventées sont réalisées avec un tel talent qu'elles ne se distinguent souvent pas, même aux yeux d'artistes, de ses figures réalisées d'après l'observation L'anatomie des reliefs de surface fournit une aide significative dans ce domaine puisque le vocabulaire des formes mémorisées de MichelAnge est distinct et se compose en grande partie de formes mémorisées lors de dissections La planche 21 a été exécutée essentiellement d'après nature, mais la jambe est une création d'imagination. Elle présente une forme (1) excessivement rare in vivo mais évidente la dissection, et deux muscles réunis (2 et 3) qui apparaissent plus clairement que d'habitude in vivo. D'autres œuvres d'imagination décrivent ces formes et d'autres Un tel vocabulaire formel pourrait être recensé, ce qui faciliterait l'identification des dessins d'imagination Par ailleurs, on pourrait montrer que ces formes correspondent à la manière dont l'artiste luimême dessinait les cadavres. Les simplifications spécifiques et inhabituelles de ces études de dissection se retrouvent dans les dessins d'imagination A chaque fois qu'ils apparaissent dans l'œuvre de MichelAnge, ces recours divers à la dissection présentent une caractéristique commune: les formes sont simples. On n'y retrouve aucune des étonnantes complexités de ses observations d'après nature Elles sont remplacées par des clarifications égales et opposées (phrase à éclaircir?) C'est une indication supplémentaire que les reliefs de surface complexes de Michel Ange ne peuvent être attribués à la dissection. Pour résumer ces deux derniers points: hors la découverte de nouveaux documents écrits, il est impossible d'évaluer exactement le niveau des connaissances anatomiques de MichelAnge, mais il est possible de comprendre ce qu'il a tiré de ses études: un vocabulaire formel simplifié applicable à trois situations distinctes dans son œuvre CONCLUSIONS Robert Beverly Hale a remarqué que n'importe qui, aujourd'hui, peut conntre autant d'anatomie que MichelAnge après plusieurs années d'études et quelques dissections Tout manuel fournit rapidement les informations que l'artiste mit des années à réunir. Nous ferions peu de cas de la réussite de MichelAnge si nous lions les formes de ses figures à une connaissance de la dissection ou (ce qui est encore moins défendable) à des déformations et inventions libres et expressives. MichelAnge a excellé bien audelà de ce que nous pourrions imaginer dans un talent si simple qu'il échappe au crible de la recherche: la capacité d'observation. La précision anatomique de ses figures n'est pas due à la dissection mais à l'observation, et en fait l'observation est si pénétrante qu'elle bloque toute tentative d'isoler d'autres sources formelles, la dissection et l'Antiquité. Puisque les formes sont prises sur le vif, visibles sur un corps vivant, elles ne constituent pas un sujet fermé restreint aux spécialistes, leur perception est ouverte tout le monde, nouvelle faỗon d'approcher et d'apprộcier l'accomplissementdecetteuvre Lộgendesdesillustrations 11 Main droite du David, Florence, Accademia 12 Pietà, Florence, Duomo 13 Etude pour le Jugement dernier, Windsor, Royal Library 14 Albinus, Renhard Siegfried, Tabulae Sceleti et Musculorum Humani (Leyde, 1747), Tab. V 15 Etude pour la Bataille de Cascina, Haarlem, Teylersmuseum 16 Etude pour la Bataille de Cascina, Vienne, Albertina, II 44 17 Etude pour la Victoire, Londres, British Museum, H 292 18 Le Torse du Belvédère (photo: Alinari) 19 Etude pour le nu au dessus de la Sibylle perse de la chapelle Sixtine, Haarlem, Teylersmuseum, H 103 20 Nu au dessus de la Sybille perse, chapelle Sixtine (photo: Alinari) 21 Etudes pour un ange et pour le Damné dans le Jugement dernier. Londres, British Museum, H 379 ... Cettecomplexitộestnộanmoinsdueauxtypesdemodốlesqu'utilisaitMichel? ?Ange, et nonuneconnaissancede"structuresprofondes." Il a pu, bien évidemment, utiliser? ?sa? ?connaissance? ?de? ?la? ?dissection même si? ?la totalité? ?de? ?son? ?vocabulaire formel est observable in vivo. Les trois catégories suivantes... En conclusion, il semble raisonnable d'admettre que sans une? ?connaissance? ?des formes des côtes,? ?Michel? ?Ange? ?n'aurait pu dépeindre leur déformation? ?de? ?manière si naturelle? ?et? ?cohérente,? ?et? ?sans avoir connu le Torse du Belvédère, il n'aurait pas abouti... années à réunir. Nous ferions peu? ?de? ?cas? ?de? ?la? ?réussite? ?de? ?Michel? ?Ange? ?si nous lions les formes? ?de? ?ses figures à une? ?connaissance? ?de? ?la? ?dissection ou (ce qui est encore moins défendable) à des déformations? ?et? ?inventions libres? ?et? ?expressives.? ?Michel? ?Ange